Épilogue
Les semaines se sont succédées sans grande différence. Le monde tournait toujours avec nous.
J'avais recommencé à regarder les mêmes séries à la télé avec Dorian, je continuais mes escapades à l'étang avec Adrien et ma moyenne de physique-chimie commençait à remonter péniblement. Tout était dur, mais tout s'atténuait petit à petit, la douleur comme les souvenirs.
Aujourd'hui allait être une belle journée.
Anaïs sonna à ma porte vers 11h. Je l'avais invitée un peu avant les autres pour avoir le temps de cuisiner avec elle ses superbes muffins dont seule elle a le secret. De plus, cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas passé de temps avec elle exclusivement, en dehors du lycée.
Elle me serra dans ses bras avec gaieté, tandis que je fis un compliment sur ses magnifiques cheveux bouclés qu'elle avait aujourd'hui attaché en chignon.
Elle s'avança directement à la cuisine et commença à déballer tous les moules et ingrédients en tout genre qu'elle avait apporté.
- Bon allez on a pas que ça à faire ! Tu peux préchauffer le four à 180 s'il te plaît My Lady Mélody ?
Je lui jeta un regard assassin puis rigola quelques millisecondes après.
Ce qui m'a toujours surpris chez Anaïs c'est qu'elle est la personne la plus maladroite que la Terre n'aie jamais porté, mais dès que ça en vient à la cuisine, elle devient la personne la plus habile au monde.
Notre conversation durant ce moment culinaire se composait de tout et rien, de générique Pokémon comme du dernier devoir de maths. Au moment où le thème des amis est apparu dans la discussion, je lui demanda :
- Et du coup avec Adam, ça avance comment ?
- Ça n'avance pas forcément, on se parle, peut-être un peu plus qu'avant mais ça ne va pas plus loin qu'une relation amicale. Et puis je ne sais pas vraiment quoi faire ni ce que je veux. Je veux dire, j'adore être son amie mais parfois j'aimerais peut-être un peu plus. Mais bon, de toute façon l'amour c'est trop compliqué pour être compris.
Je hochai la tête silencieusement, puis elle enchaîna avec des questions sur Adrien. Elle était un peu excitée à l'idée de le rencontrer.
Un bruit se fit entendre des escaliers, et on découvrit Dorian émergeant enfin de son sommeil.
- Humm ça sent bon ici, on voit que t'es là Anaïs, parce que quand c'est Mélo' qui cuisine, ça sent plus le brûlé qu'autre chose.
Je lui tirai la langue et il me souffla ironiquement un baiser.
- Au fait j'ai eu une message de Maman, elle m'a dit qu'elle rentrerai vers 19h30 à cause d'une réunion de dernière minute avec le personnel je sais pas quoi...
Pour toute réponse je murmurai un « ok » indifférent.
Après avoir mis au four les muffins, et les pâtes à chauffer pour notre repas du midi, on se posa sur le canapé, devant 'Desperate Housewives' la télé avec Anaïs et Dorian.
- Faudrait que j'écrive une fanfiction où Mike Delphino ne finit pas comme il finit.
- Ne parle pas de ce moment douloureux s'il te plaît, répliquai-je à Anaïs.
- Attend, attend quoi ?? Il arrive quelque chose à Mike ?? demanda Dorian incrédule.
On échangea un regard coupable avec Anaïs, puis celle-ci lui répondit d'une voix doucereuse :
- Non, non rien de bien grave t'inquiète pas Dodo'.
Je faillis m'étrangler.
- « Dodo » ? C'est le pire surnom que j'ai jamais entendu.
- Et c'est le pire qu'on ne m'aie jamais attribué, dit Dorian en éclatant de rire.
- J'étais sûre qu'il allait te faire plaisir Dodo.
Le repas s'acheva dans un tumulte de rires.
Quelques minutes plus tard, la sonnette retentit. La voiture de la mère de Gabin avait servi de taxi et avait déposé Lisa, Adam et Gabin.
Tout souriants, on discuta quelques minutes dans le salon. Puis je partis récupérer avec eux le matériel que j'avais entreposé exceptionnellement dans le garage exceptionnellement, dû aux températures négatives du mois dernier.
J'envoyai un rapide texto à Adrien, et on partit tous ensemble en direction du fond du jardin.
Lisa rigola en voyant Gabin ridiculement galérer à porter deux pots de peinture, et elle se fit une joie de lui rappeler qu'elle avait eu une meilleure note que lui en musculation au lycée. Ce à quoi Gabin répondit par un argument irréfutable :
- Gna-gna-gna.
Enfin arrivés devant le mur, on déposa bruyamment au sol les pots de peinture, tandis qu'Adam se dirigea directement vers Anaïs qui avait en main les précieux muffins.
- Allez passe nous-en, après l'effort le réconfort non ?
- Salut ! Prononça Adrien, sa tête apparaissant de l'autre côté du mur.
Le petit cri aigu de sursaut poussé par Adam était clairement indescriptible, un mélange de chat étranglé, et de bébé à l'agonie.
- Mec, fait plus jamais ça s'il te plaît, dit Adam tandis que tout le monde rigolait.
Adrien descendit du mur en m'adressant un grand sourire et partit saluer les autres.
Juste après avoir fait la bise à Lisa, celle-ci me murmura un silencieux « j'approuve », ce qui me fis rire quelques instants.
Puis sans qu'aucun de nous ne prononça un mot, chacun commença à sortir ses pinceaux et à ouvrir les pots de peinture.
- Je vous rappelle pas de dessins obscènes, supplia Dorian en regardant Adam avec insistance.
- C'est pas mon genre, tu me connais !
Le moment fut tellement doux. J'avais l'étrange impression d'être là mais pas totalement, comme si je m'étais échappée de mon corps pour me poster au dessus de la scène.
Je voyais le plis au coin des yeux rieurs de Gabin, rigolant à une blague stupide d'Adam ; le rire léger de Lisa qui poursuivait Anaïs avec un pinceau dégoulinant de peinture bleue et Dorian qui était concentré dans son œuvre et qui, de temps en temps me regardait en souriant.
Je me plaisais à les regarder heureux de la sorte.
Adrien quant à lui ne savait plus où donner la tête, il me faisait rire. Les garçons avaient engagé avec lui une conversation spéciale jeux vidéos, tandis que les filles lui posaient des questions et insistaient parfois tellement qu'on aurait pu croire à un interrogatoire de police.
- Mélody ?
Je tournai la tête et sentis s'enfoncer dans ma joue la pointe d'un pinceau plein de peinture. Adrien était fier de sa petite blague et rigolait à n'en plus finir. Mais voyant que je trempais mon propre pinceau dans le pot, il se mit à détaler. En moins de trente secondes, je l'avais déjà rattrapé et m'amusais à badigeonner son visage de peinture violette, tandis que lui essayait de riposter en brandissant son pinceau de couleur orange.
Nos rires se mélangèrent pour ne former plus qu'un. C'est fou comme je l'aime cet imbécile au visage d'ange.
Il me vola un baiser pour m'empêcher de le couvrir de peinture à nouveau.
- Oh mon Dieu Mélo', s'écria mon frère. Denise a accouché !
Je me rapprocha de lui pour me pencher sur son téléphone qu'il tenait à la main.
Papa lui avait envoyé une photo du nouveau-né avec comme légende :
Le petit Marcus est arrivé ce matin à 12h13, il pèse 3,5 kg et est en pleine forme ainsi que Denise. Je vous appellerais ce soir, ça serait bien que tu viennes à la maison avec ta sœur la semaine prochaine. Bisous. Papa.
Ma première réaction fut :
- Marcus ? C'est quoi ce prénom ?
- Je veux pas dire, mais dans pas mal de film, le méchant s'appelle Marcus, indiqua Gabin.
- Je sais pas si c'est la paternité qui lui fait ça mais ça fait un bon bout de temps que ce n'était pas lui qui avait eu l'initiative de nous inviter, précisa Dorian.
- Au moins c'est une bonne chose.
- On peut peut-être manger les muffins en guise de toast au mini Marcus, proposa Lisa.
- Très très bonne idée, je meurs de faim, commenta Adam.
On trinqua avec nos muffins en main, en l'honneur du nouveau-né et de cette après-midi aussi probablement.
Malgré toute cette agitation, on commençait à voir de belles peintures ressortir.
Elles étaient toutes très différentes mais au final s'accordaient étrangement bien malgré leur beauté qui laissait parfois à désirer.
Le mur accueillait à présent une rose géante peinte par Lisa, un astronaute par Anaïs, un dragon bleu et vert par Gabin où Anaïs et moi ne purent nous empêcher de remarquer qu'il ressemblait plus à un rat qu'à autre chose ; un mammouth peint par Adam, que celui-ci avait justifié en disant que « peindre sur un mur comme ça, ça peut faire penser aux grottes préhistoriques ». Dorian, lui avait dessiné une armée de petits monstres verts ; Adrien avait peint des planètes à différents endroits du mur ; puis moi, j'avais peint des sortes de spirales d'où s'échappaient d'autres petits dessins en tout genre.
Mais la pièce maîtresse de ce mur était deux mains se touchant à peine du bout du doigt. C'est Lisa qui lança l'idée, et chacun y contribua. Le rendu final était vraiment magnifique. Les mains possédaient des détails magnifiques peaufinés par la main de maître d'Adrien.
Tout en mangeant les délicieux muffins je ne pouvais m'empêcher de l'admirer, et d'admirer la beauté qui se trouvait à mes côtés. Mes amis, mon frère, Adrien, et leurs sourires éclatant de joie.
Rien n'est jamais parfait, la vie n'est pas faite pour l'être.
Car la vie est belle pour ses défauts.
Et nous l'étions nous aussi en cette joyeuse après-midi.
Endommagés, imparfaits mais foncièrement beaux et vivants.
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