Chapitre Vingt-quatre.

TW : Sexualité

Je m'accrochai fermement au bras d'Eden, elle ne cessait de me tirer par la taille pour tenter de se frayer un chemin dans la marée d'amants qui investissaient les lieux. Je ne pouvais pas baisser les yeux sans y apercevoir des incubes faire l'amour brutalement à même le sol. La lumière clignotait, offrant alors de véritable seconde d'obscurité rendant les déplacements d'autant plus difficiles. Alors que la foule nous bousculait, je compris ce que les bêtes regardaient avidement : les dizaines de nymphes nues s'accrochant fermement aux musiciens sur l'estrade du sous-sol, qui tentaient tant bien que mal de ne pas perdre l'esprit devant une sexualité si débridée. Tout ce que mes yeux croisaient faisait naître chez moi une certaine nouveauté, un goût de gêne ainsi qu'un lourd sentiment de malaise. La pointe de mes talons se coinçait dangereusement dans ce qui ressemblait à des dessous sexy éparpillés sur le sol. Je jurai intérieurement et observai Eden sourire à la foule entière, fière de m'exposer tel un trophée. J'étais une biche dans une foule de loups assoiffés de chaleur et de contact charnel.

Je n'aimais pas en tout point la façon dont ces créatures aux yeux reptiliens m'observaient, excitées par ma tenue indécente. D'autres nymphes s'octroyaient des plaisirs mutuels contre l'une des voûtes du sous-terrain. Leurs peaux me paraissaient bien plus luisantes et gluantes que toutes les autres nymphes que j'avais pu croiser jusqu'à présent. Leurs doigts étaient palmés par une fine membrane bleutée qui parcourait sensuellement le corps de sa congénère.

Nous continuons à nous engouffrer plus profondément dans la foule, six pieds sous terre. La galerie sous-terraine s'ouvrait désormais devant nous sous forme de renfoncements sphériques. Ce n'est que lorsqu'Eden nous fît passer devant eux que je compris pourquoi un semblant d'intimité avait été créé. Dans chacune des alcôves -sûrement creusées par des esclaves du Roi-, s'y trouvait des couples, amants, polyamoureux, en pleins ébats mouvementé. Le cri de leurs plaisirs courait sur les minéraux qui composaient les murs. Leurs yeux s'accrochaient à ceux des passants pour les supplier silencieusement de les rejoindre dans leurs accouplements démoniaques.

Et même si je baissais les yeux, rivés sur le sol jonché de vêtements ôtés, je pouvais entendre leurs appels.

Délivre toi... Succombe à la tentation ultime... Rejoins-nous...

Je grognais d'agacement, leurs voix me crispaient et l'envie de me boucher les oreilles faisait trembler mes mains.

- Ce sont les disciples d'Eve. Résiste à ça, Elle nous a sûrement déjà repérées. expliqua Eden en chuchotant bien trop sensuellement dans le creux de mon oreille.

Son sourire pervers transperçant l'obscurité, je compris aisément que cela faisait partie de notre stratégie. Je me mis alors à rire stupidement pour feindre l'idiotie de l'amour dans laquelle je serai tombée aux côtés de la Fille du Roi.

Le bruit des multiples chuchotements sur notre chemin commençait à sérieusement m'énerver. Personne ici n'en avait que faire, de la raison qui m'animait à descendre les rejoindre. Ce qui leur importait c'était de savoir sur qui je jetterais mon dévolu après avoir fait mon tour de repérage.

Et la réponse n'était aucun d'eux, tous autant dégoutant qu'ils étaient. Leurs sourires carnassiers étaient sincères, sincèrement mauvais. La main d'Eden sur mes côtes ne les arrêtait pas, au contraire cela renforçait leur envie de me posséder. Voler l'amante d'un des enfants du Roi. Une cible d'Or dans leurs tableaux de chasse.

- Lorsque je suis venue à la taverne, la première nuit, tu m'avais demandé de rentrer chez moi car je ne méritais pas d'être observée tel un bout de viande. Dis-moi ce qui a changé entre temps. soufflais-je, dans son oreille pour qu'elle puisse m'entendre.

Elle m'observa, me sourit puis articula clairement dans la cohue :

-Ta détermination.

Une lumière tamisée nous guidait vers une version miniature de la Taverne du Royaume. Un bar en pierre brute délimitait l'espace, de simples tabourets hauts en bois étaient disposés autour de celui-ci.

Eden s'arrêta devant la créature à la peau tachetée de point jaune vif, tel un triton des Abîmes des Ames. Elle lui fit signe de la main pour qu'il s'en vienne à notre hauteur :

- Deux « Première fois » s'il-te-plaît ! demanda-t-elle.

- Tout de suite. répondit le barman d'une voix sifflante.

- On n'est pas là pour boire des verres ! réprimandais-je Eden.

Elle s'accouda au bar et me soutenait lorsque je m'assis sur uns des tabourets en attendant qu'elle descende ses verres.

- Minute papillon, elle nous observe. Si je ne bois pas elle va se douter de quelque chose. expliqua-t-elle, en attrapant les deux verres épais.

Je tournais la tête de gauche à droite afin de tenter d'apercevoir un visage féminin toiser nos faits et gestes.

Eden se mit à rire et affirma :

- Tu es si naïve... Elle n'a pas besoin d'apparaitre pour sentir notre présence. Elle doit même m'entendre te dire ça en ce moment-même. dit-elle, en trempant son doigt dans l'alcool pour le mélanger.

- Qu'est-ce que nous devrons faire après les verr...

Je n'avais pas le temps de terminer ma question, qu'un homme aux épaules larges se plaça entre Eden et moi. Me cachant complétement l'image de mon amie, je ne pouvais observer les réactions de celle-ci.

- Où est-elle ? demanda l'homme d'une voix gutturale et dure.

- De qui parles-tu ? répondit Eden.

Elle le connaissait donc.

L'homme échangeait avec elle, mais ne semblait pas tranquille, il sondait avidement du regard, la foule en fusion.

- Tu sais très bien de qui je parle. répondit-il, sèchement.

Ses sourcils épais se fronçaient tandis qu'il continuait son inspection détaillée de la pièce. Sa peau dorée se reflétait, et se mêlait parfaitement à l'obscurité charnelle du lieu. Ses vagues océanes brunes, mais surtout, les ailes orangées d'un papillon qui était resté sur son épaule, finirent de me convaincre j'avais retrouvé mon duo royal : Callum.

Je me renfrognais sur moi-même, blessée qu'il m'en veuille toujours pour l'altercation avec Sohann, et qu'il fasse mine désormais, de ne plus me reconnaître. Visiblement, j'avais eu raison de m'inquiéter sur la poursuite de ses bons et loyaux services à mon égard.

- Précise. demanda Eden à son frère.

- Angèle. siffla Callum, dos à moi, je l'imaginais les dents serrées et le visage fermé.

Eden se mit à rire si fort que cette fois-ci absolument tous les regards se tournèrent dans notre direction. Même les nymphes nues s'arrêtèrent de danser pour toiser la personne qui osait briser l'ambiance sexuelle qui régnait en ces lieux. Devant l'hilarité continue d'Eden, je me décidais à poser ma main sur l'épaule du Prince pour qu'il comprenne de lui-même l'origine du rire cristallin de sa sœur. Je savais que Callum n'était pas fragile mais le contact de ma main sur le dos si fort et athlétique de mon ex-allié, me provoqua une décharge électrique qui me décontenança. Son regard noir me scrutait si intensément que je compris qu'il avait encore des difficultés à me reconnaître.

- C'est moi, Angèle. soufflais-je doucement, pour ne pas éveiller les soupçons de la réunion entière.

Son visage se mura en pierre avant que son regard finisse par s'illuminer lorsqu'il se rendit compte qu'il s'agissait véritablement de moi, déguisée en femme bien trop mature.

- Evidemment. souffla-t-il, en continuant de me détailler, non sans rougir.

Son regard se brouilla lorsqu'il s'attarda sur mes jambes dénudées, et le tissu bien trop fin qui les mettait trop en valeur. Je tirais sur ce même tissu pour qu'il puisse cacher davantage ma nudité non désirée.

Eden continua de rire en bousculant l'épaule de son frère et en hochant la tête dans ma direction :

- N'est-elle pas sublime ? demanda-t-elle à son frère, ironiquement de surcroît.

Callum passa sa longue main dans ses cheveux épais, je remarquai alors que ses doigts avaient été vernis d'une couleur sombre.

Il plissa ses fines lèvres roses pale et lâcha dans un souffle poli :

- Vous êtes ravissante.

Je soupirai à mon tour, attrapai un des verres posés près d'Eden et en aspirai la totalité. Laissant l'alcool fort brûler ma gorge et dissiper mon embarras face à ce compliment forcé et remplit de politesse aseptisée.

- Tu l'as vu ? demanda Eden en direction de son frère.

- Pas encore, mais vu le nombre de disciples qui pullulent ce soir, elle ne doit pas être loin. affirma Callum, d'un air dur en toisant l'obscurité où se cachait bon nom d'amants.

J'essuyai mes lèvres de l'alcool collant qui s'y était accroché. Un geste furtif me fit rappeler la présence de mon arme. La fraicheur de la lame contre ma peau me rassura et calma les battements de mon cœur trop irrégulier. L'ambiance sexuelle était tendue, à deux doigts d'imploser et de terminer en boucherie criminelle. J'avais besoin d'un joker, d'une porte de sortie. Je donnerais aux loups mes deux acolytes s'il le fallait. C'était sans compter sur les deux alphas qu'ils représentaient. Au moindre débordement j'étais foutue.

- « Une nuit étoilée au Jardin d'Eden » de la part de la demoiselle. intervient l'homme aux boissons en tendant une fine coupe à Eden.

De l'autre côté de l'obscurité était assise une jeune démone, pas plus âgée que moi. Ses yeux en croissant de lune, brillaient d'une fluorescence rougeâtre inquiétante. Elle fit un signe de main à Eden, habillée d'un large sourire, ses jambes se décroisaient sensuellement. L'appel ne pouvait pas être plus clair.

Eden s'éclaircit la voix et dit :

- Accordez-moi deux minutes.

- Eden on est censés... !

Avant que je n'eus le temps de terminer ma phrase, elle s'était enfuie aux côtés du monstre assoiffé de plaisir corporel.

- Prétendre être ensemble... terminais-je, en l'observant roucouler auprès d'une autre femme.

Je soupirai et attirai la boisson intacte d'Eden près de moi, je portais le verre frais aux lèvres et en savourait la douceur et la puissance de l'alcool qui immergeait ma gorge.

- L'alcool ne vous aidera pas. affirma Callum, en s'appuyant dos contre le bar.

Il comptait me faire la discussion jusqu'au retour de sa sœur comme si rien ne s'était passé la nuit dernière ? Je riais nerveusement, passais la main sur ma longue queue-de-cheval et l'observais me fixer intensément.

Nous y retournions encore, je sentais l'agacement grandir dans le fond de mon ventre vide. Il allumait le feu qui me ferait perdre le combat contre ma peur et mon anxiété.

- Vous non plus apparemment. crachais-je, volontairement impatiente.

Je crus l'entendre rire mais le brouhaha environnant m'empêchait d'en être sûre.

- Tout ira bien. répondit-il, bien trop détendu qu'à son habitude.

Son regard paraissait assuré, ses lèvres fines étaient étendues dans ce que l'on pourrait comparer à une sorte de sourire effacé.

- J'ai dit à votre sœur que nous étions amis. avouais-je, penaude de ma dernière bourde.

Il se redressa hâtivement, humidifia ses lèvres dorées et se gratta le dos timidement :

- Oh, vraiment ?

Je hochais la tête poliment, décontenancé par la rougeur qui commençait à illuminer son visage.

- Et bien.. Je ne suis pas vraiment sûr que cela soit une bonne idée que nous soyons ami...

- Ça serait vraiment la pire des idées que nous pourrions avoir oui ! m'insurgeais-je, également face à cette idée saugrenue.

Pourtant, la musique s'abaissa soudainement. Mon esprit complètement démuni face au regard sincère que nous nous échangions durant depuis plusieurs secondes. Mes mains devenaient moites et je me souvins qu'il fallait que je respire lorsque mes poumons devinrent douloureux. Lorsque mon souffle dynamisa mon corps, Callum reporta son regard sur la foule nous entourant. Dénouant ses traits de visage symétriques, de cette étrange expression qu'ils portaient depuis quelques minutes.

- En tout cas, si Eden m'en parle, je lui répondrai positivement... Pour garder votre porte de sortie intacte.. ajouta-t-il, délicatement.

Ses épaules me touchèrent presque désormais, tous les deux accoudés à ce satané bar.

- C'est très aimable de votre part. soupirais-je, la tête éprise d'étrange tournis.

J'observai le fond trouble de mon verre, peu trop rempli à mon goût.

- Et si le plan tombe à l'eau ? Si elle ne me remarque parmi toutes ces... Femmes ? demandais-je, pour tenter de subtilement changer de sujet.

Il décida de s'installer sur l'assise de sa sœur, ses mains rangées dans son pantalon de costume saillant.

- Elle vous remarquera. affirma-t-il, en soutenant mon regard de ses intenses pupilles.

- Comment pouvez-vous en être sûr ? Regardez le nombre de femmes qui attendent d'être remarquées ici ! répondis-je, en observant les dizaines de démones et de nymphes attendre leur tour de bonheur minuté.

- Vous avez quelque chose qu'elles n'ont pas ! Du courage ! Croyez en vous et tout le monde le fera également !.. Conseil d'ami ! répondit-il amusé, m'octroyant un de ses premiers clins d'œil.

Mon cœur eut un loupé non maitrisé.

- Je blaguais ! se senti-t-il obligé d'ajouter.

Sa main retrouva sa place favorite, dans sa chevelure, il épousseta ses vagues épaisses en observant mes doigts jouer avec le pourtour du verre.

- Merci. chuchotais-je, perdue dans mes pensées et ne sachant pas réellement qui pouvait nous entendre et pourquoi je me sentais si... forte et molle en même temps.

J'avais cette terrible impression que chaque personne, chaque meuble, chaque pierre de cet endroit étaient une possible taupe. Je sentais la présence de cette Enchanteresse que je n'avais jamais rencontré, partout où je respirais.

- Je voulais m'excu... commença Callum.

- Enfin de retour ! Je vois qu'on s'est fait plaisir avec mon verre ! lâcha Eden, enjouée comme à son habitude.

Ses cheveux étaient terriblement en désordre, elle réajustait sa tenue, semblant toute guillerette.

Mais qu'avait-elle pu bien faire en si peu de temps ?

Callum et moi échangions un regard lourd de sens, je mordais mes lèvres pour ne pas éclater de rire face à sa vaine cachoterie.

Le prince n'était guère mieux qu'elle sur ce point finalement.

- Ne fais pas l'innocente, ton petit ami doit t'offrir les mêmes privilèges ! affirma-t-elle sans connaître un bout de ce qu'Aaron ne m'offrait plus.

A mes côtés, j'observai Callum se renfrogner dans son siège et faire mine d'observer les femmes qui nous entouraient. Pervers.

J'émis un rire blessé avant de répondre tristement :

- Encore faudrait-il qu'il réponde à mes lettres.

Eden perdit son vif sourire et m'attrapa par les épaules en faisant signe à Callum de ne pas nous suivre. Le prince nous observa partir en s'attardant, un peu trop à mon goût, sur ma démarche mal assurée sur ces satanées d'échasses.

- Pour ce soir, oublie-le, il ne mérite pas de faire naître ce sourire triste de sens ! Suis-moi, on va commencer à s'amuser ! affirma-t-elle, en attrapant ma main.

Sa silhouette fluette nous fit passer dans une alcôve plus étriquée et difficilement franchissable en chaussure à talon. C'était un recoin intimiste du sous-terrain, s'y trouvait des bancs taillés dans la pierre grise elle-même. L'air y était frais, des petites fenêtres en meurtrières renouvelaient l'air et laissaient transparaître la lumière de la lune. Une forte odeur de malte envahissait les rideaux que nous écartions pour se rendre dans cette pièce secrète du bar orgasmique du royaume. Les bancs créaient un cercle autour d'une estrade illuminée par de petites bougies lampions. Quelques danseuses expérimentées se déhanchaient sur la scène intimiste sous l'œil pervers des deux hommes affalés contre le pant du mur.

Tandis que je tentais de m'habituer à ce nouvel habitacle, j'observai les longues jambes d'Eden enjamber les petites flammes des bougies disposées autour de l'estrade.

- Prête ? chuchota Eden à mon égard, en m'offrant sa main pour que je la rejoigne sur la fine estrade.

Lorsque je soulevai ma robe pour ne pas la brûler en enjambant les quelques marches de l'estrade, ce n'était plus moi qui souriais abondamment au public.

Une femme plus sûre, plus mûre avait soudainement pris possession de mon corps.

Avec du courage, personne ne douterait de moi.

Conseil d'ami.

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