Chapitre quatre.


Seule en ces lieux, je ne peux m'empêcher d'attiser ma curiosité, tout en nettoyant les coupes en cristal ; Je me balade le long de la cuisine en ouvrant des tiroirs ici et là, je remarque un magnifique service à couverts en argent. Les couteaux sont tellement lourds que je ne suis pas sûre de réussir à couper quoi que ce soit avec !

 Je m'amuse à faire refléter les objets dans les flammes des chandeliers. Je remarque alors un petit "R" sur le manche du couteau.

J'ai bien l'impression que chaque propriété du château doit être marqué d'un "Rosaceae". Tel notre jouet préféré enfant, où nous marquions nos prénoms lorsque nous avions peur qu'une autre marmaille nous le vole. Je me demande si les gouvernantes se sont fait tatouer le nom du Pays pour prouver allégeance au grand Roi.

Pathétique.

Derrière la porte de la cuisine, je remarque une nouvelle ouverture, une petite porte en bois massif, démarque son entrée.

Je pose alors le dernier verre en cristal dépoussiéré et m'approche de cette porte. J'essaie de l'ouvrir mais la poignée bloque. J'insiste à nouveau en donnant un coup d'épaule, un petit cliquetis m'indique qu'être la grande sœur d'un petit monstre me vaut quelques qualités.

J'ouvre délicatement la porte, un froid m'envahi instantanément, je remarque dans la pénombre quelques marches. Je m'appui alors à la paroi du mur en pierre refroidi et descends lentement les trois marches qui m'emmènent dans la pièce.

Le froid me donne la chair de poule, la pièce est encore plus sombre que la cuisine. J'essaie d'analyser du regard l'endroit où je me trouve quand je remarque une petite auréole de lumière. C'est un bougeoir à main, la chandelle a déjà bien fondue et la cire me brûle les doigts quand j'attrape l'objet dans mes mains pour m'éclairer. J'illumine tout d'abord mes pieds pour être sûre de ne pas tomber dans un puit sans fond ou dans une mare remplie d'alligators.

Quand je suis rassurée de ne voir qu'un sol en pierre, j'illumine la pièce. Je suis dans la chambre froide de la cuisine, là où sont stocké toutes les denrées fraîches du château. Il y a des étagères en bois remplies de bocaux inconnus, des légumes, des herbes aromatiques dont je perçois leurs odeurs au loin.

Je m'impatiente quelque peu sur les étagères de la chambre froide afin de répondre à ma curiosité.

Soudain, une vision d'horreur s'offre à moi, prise de panique, je lâche un cri si strident que la flamme de ma bougie s'éteint. Je tente alors de retrouver la porte, je tâtonne les parois des murs, complétement effrayé.

Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression que mes poumons n'arrivent plus à s'alimenter en air. Quand je parviens enfin à toucher la poignée de la porte, je l'ouvre rapidement et détale les marches, non sans trébucher, pour me retrouver à nouveau dans la cuisine.

Je m'appuis alors contre le plan de travail de celle-ci, essoufflée, j'ai besoin d'être sûre de ce que j'ai vu !

Je pose une main sur mon cœur pour tenter de calmer mon rythme cardiaque. J'essui également mon front humide à l'aide du torchon que j'ai utilisé pour nettoyer les verres.

Je retrouve peu à peu une respiration calme et régulière.

J'ai besoin de m'en assurer. Les mains tremblantes, je rallume mon bougeoir en posant la flamme incandescente d'un chandelier sur la mèche éteinte. Je prends une grande inspiration afin de me donner du courage.

Je me rapproche de la chambre froide et ouvre lentement la porte, le bois grince. J'allume alors difficilement la pièce avec la petite flamme qui m'accompagne en direction de l'effroi que j'ai aperçu quelques minutes auparavant. Je reste prudente en restant en haut des marches, il me faut une sortie de secours, juste au cas où.

Mon cœur manque un rebond et mes poumons se détendent enfin quand je me rends compte que le cadavre que j'ai vu n'était pas d'origine humaine mais qu'il appartenait à un porc.

Je relâche ma main de la porte tandis qu'elle se referme dans un courant d'air.

Je me rends alors compte de la peur qui m'habite depuis que j'ai mis les pieds au château. Mes cervicales me font souffrir le martyr, je soupire et me pince l'arête du nez, tentant de faire disparaître un mal de tête naissant.

Je souffle sur la flamme du bougeoir et le pose sur le plan de travail.

 J'ai besoin de prendre l'air, je sors alors de la cuisine et respire quelques minutes à l'air frais, face au patio végétal du château.

Je ferme les yeux et prends de grandes bouffées d'air. Le bruit de la fontaine m'apaise, j'entends quelques pas dans les multiples balcons supérieurs. Je m'étonne de ne pas voir plus de vie dans ce château, je m'étais imaginée des tas de personnes en train de s'afférer tandis que la famille royale déambulerait dans les lieux en quête de quelque chose à se mettre sous la dent.

Et bon dieu où est Sohann ? J'aurai le temps d'essuyer deux-cents verres depuis qu'il est parti. S'il m'a abandonnée ici, il va m'entendre !

J'essaie de me raisonner encore une fois et observe les mouvements hypnotiques des feuilles de lierres grimpantes.

Tout est si beau, si parfait, on pourrait même croire que les rosiers ont été peints à l'encre rouge.

Oh et puis merde !

Je m'avance dans le couloir afin de rejoindre le patio et la fontaine. J'essaie de faire le moins de bruit possible, je ne sais pas quel monstre je pourrai croiser ici.

Le bruit des cailloux blancs lorsque je m'avance trahit de ma présence. Je trempe ma main dans l'eau fraîche de la fontaine, je me rafraichis le visage et cela me fait un bien fou !

 Les statues des nymphes sont encore plus belles de près, je remarque quelques feuilles d'or incrustées dans leurs chevelures en pierre.

Soudain, l'eau emprunte un mouvement étrange, fait de petits tourbillons mutliples avant de se lisser et de s'immobiliser instantanément.

J'observe alors mon reflet dans l'eau, accompagné par la lumière scintillante du soleil.

Mon visage se transforme petit à petit jusqu'à devenir un monstre plus magnifique qu'effrayant. Mes cheveux sont comme Or en fusion, ils brillent de mille feux et optent un mouvement souple, non naturel, au gré de la légère brise.

Mes joues sont devenues bien trop rebondies et rosées, comme si un pot de crève-cœur avait été renversé sur elles. Mes lèvres quant à elles, sont devenues pulpeuses, rouge sang, telle une bonne poupée que les incubes s'arrachent.

Mais c'est lorsque je remarque que mon regard n'est devenu que noirceur, mes pupilles qui se remplissent d'encre noir corbeau, que je passe la main dans l'eau pour faire cesser ce spectacle infâme.

Tout ceci n'est que tromperie !

C'est ça oui, tout est fait pour booster l'égo de la personne qui regarde dans cette fontaine. Tout ceci me dépasse, les habitants de ces lieux sont plus narcissiques que Narcisse lui-même.

Je passe la main sur les roses rouges délimitant le centre du château. Je me baisse pour humer leurs odeurs, elles sentent divinement bon, peut-être même meilleures que celles du jardin de la chaumière.

Un bruit sourd de feuillage dans mon dos me fait sursauter, je me retourne rapidement en levant les paumes de mes mains devant moi. Comme pour m'innocenter d'avoir succomber à la tentation d'humer ces merveilles.

Je remarque une masse noire au milieu du bosquet de rosiers, à l'entrée du patio.

- Bordel..

Ma tension s'apaise légèrement quand je remarque que la fameuse masse n'est pas un monstre mais une personne mal en point. Je ne sais pas si je dois aller l'aider ou tenter de m'enfuir en courant.

- Aïe...

La personne reste immobile et s'entête à se plaindre de son sort.

Ma conscience en prend un coup et je décide alors de m'avancer légèrement. Je remarque que l'inconnu est entièrement habillé de noir, il porte des bottines en cuir noir ainsi qu'un ensemble de pantalon et une chemise noire en lin.

Quand je suis assurée que l'alcool a fait bien trop de dégâts dans le foie de l'inconnu pour qu'il puisse me nuire, je m'avance davantage et m'agenouille pour croiser son regard.

Il a les cheveux très bouclés, noir corbeau, de petites boucles fines retombent sur son visage. Il ferme les yeux, la bouche entrouverte, un filet de bave coule légèrement.

- Hum hum !

Je me gratte la gorge tentant de faire réagir la flaque humaine que j'ai face à moi.

L'inconnu ouvre alors grand les yeux, ils sont aussi noir que sa chevelure. Il cligne plusieurs fois des cils tout en continuant de me regarder.

- Vous ne comptez pas me relever ? demande-t-il.

Sa voix est bien plus douce que ce à quoi je me demandais. Légèrement enrouée par l'alcool, il me sourit. Son visage à moitié caché dans les roses, il a les traits fins, il me sourit désormais franchement, dévoilant des dents parfaitement blanches et alignées.

Je m'insurge et secoue la tête en rigolant, gênée.

- Sûrement pas mon vieux, ayez un peu de pitié pour vous-même ! répondai-je un peu sèchement.

Est-ce le fait de le voir complétement abattu sur le sol, la tête dans un buisson, qui me ramène à mon propre ressenti d'être coincée dans un monde qui n'est pas le mien ?

J'en ai bien peur, j'ai le cœur lourd face à cette image.

Je me reconcentre sur mon interlocuteur pour chasser cette vision de moi-même.

L'inconnu soupire et lâche :

- Bon, très bien.

Posant ses deux paumes sur le sol, il se relève difficilement. Une fois debout, il s'appuie sur une des colonnes en pierre ornant l'entrée du patio.

Quelque chose chez cette personne attire mon attention, ses formes sont bien trop marquées pour que ce soit un homme. Me serai-je trompée sur son identité ?

Il dépoussière maladroitement ses vêtements souillés par les feuilles et les pétales de roses qui se sont accrochés sur ses tissus.

Quand son regard se pose sur moi, j'en suis sûre, l'inconnue est une femme !

Elle me sourit alors, semblant amusée par la situation. 

Elle me tend sa main :

- Moi c'est plutôt ma vieille, enchantée Boucle d'Or !

La honte m'envahit de ne pas avoir perçu l'androgynie de mon interlocutrice.

- Enchantée. chuchotai-je, mes lèvres complétement verrouillées par le malaise naissant.

Désormais, elle éclate de rire, sa voix cristalline résonne dans toute l'enceinte du château. Elle court sur chaque balcon, chaque colonne, chaque goutte d'eau qui tombe au pied de la fontaine.

Je devrais sûrement être effrayée, mais lorsque je serre sa main dans la mienne, je n'ai pas l'impression que mon inconnue soit une menace à rajouter sur ma liste.


Bonjour les ami(e)s Wattpadiens ! Merci d'avoir lu ce chapitre 4 jusqu'au bout ! J'espère qu'il vous aura plu et que cette nouvelle inconnue titillera votre curiosité ! Je vous écris sur cette fin de chapitre pour vous prévenir qu'un concours afin de gagner deux lots de sels de bains sur le thème de notre très cher Château des Enfers Eternels, est disponible sur mon Instagram  : l.meamor , jusqu'au 15 septembre !

A très vite ! xx

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