LA BÊTE

Livre troisième : les Phénomènes, ou livre du majeur ; la Bête

J'étais un chien, une catin,
Un ustensile servile de bas ouvrages,
Un inventeur, ou un meurtrier,
Artiste ou fossoyeur,
J'étais aux ordres, et aux accomplissements,
Sage serviteur, docile exécuteur,
J'étais infâme, et reconnu.
J'étais craint, et mes colères redoutables.
J'étais puissant, et misérable.
J'étais tordu, et ingénu,
Pervers naïf en sa demeure,
J'étais admiré, et respecté,
J'étais courtisé, et consulté.
Et mon avis faisait loi.

On me louait pour mon charisme.
On m'accordait autorité.
On se pressait à mon abord,
On espérait ma faveur.
J'étais un prince, et le mendiant de mon maître.

Et puis soudain, pour une crise de moralité,
Pour un accès de vertu inexpliquée,
Ou pour une frasque plus tordue,
Pour avoir méprisé la cour de mon monarque,
Et critiqué son jugement,
J'ai tout perdu.

Ainsi va le jeu de nos ouvrages ; si patiemment tissé et si vite consumés.

Je suis une loque, un vestige,
Une ruine, un vague souvenir,
Une vieille histoire,
Une archive, et puis plus rien.
Mais je suis libre.

Nu et dépouillé, je ne suis que moi-même, si proche de rien et pourtant plus beau.

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