Chapitre 7
- Installez-vous mesdemoiselles, glissa Hamid qui lui aussi était présent.
La bouche sèche, Leïna s'installa sur le fauteuil à côté de sa sœur. Ce qui la rendait si méfiante c'est qu'elle savait au fond d'elle que le cheikh pouvait être imprévisible. Cette convocation à laquelle elle venait d'être conviée ne lui inspirait rien de bon et lorsqu'elle trouva l'assurance nécessaire pour relever le regard, Leïna eut la violente sensation d'étouffer sous l'épais regard du guerrier assis derrière son grand bureau. Rien, absolument rien n'avait le pouvoir de troubler cet homme. Chaque fois qu'elle croisait son regard, Leïna avait l'impression que ses yeux racontaient une effrayante histoire...comme si le sang avait une empreinte sur cet homme. Il n'y avait aucune peur lisible, juste une profonde lueur implacable, un désir puissant de faire de sa volonté une loi presque divine. Et c'est à cause de tout ce qu'elle venait de décrire que Leïna craignait l'avenir.
- Si je vous ai fait venir toutes les deux c'est parce qu'il est temps de parler sérieusement, commença-t-il se redressant lentement.
Ni l'une ni l'autre prit la parole, le laissant ainsi poursuivre.
- Dans peu de temps, nous allons devoir exécuter des visites dans certaines villes de Khahar pour anticiper l'avis du public. Vous n'êtes pas sans savoir que les habitants de Khahar ont gardé un souvenir amer concernant mon ex-femme, expliqua-t-il en s'adressant à la femme qui bientôt deviendra sa seconde épouse.
Celle-ci acquiesça sous le regard anxieux de sa sœur.
- Il est impératif que la nature de notre relation reste secrète, surtout que la presse de Khahar cherchera par tout les moyens à découvrir qui vous êtes. Ils vont enquêter et plonger d'eux-mêmes le pays à se poser une seule et unique question.
Il marqua une pause dans laquelle Jafar regardait Erika droit dans les yeux pour être certain que chaque mot prononcé s'ancre bien dans son esprit.
- Êtes-vous oui ou non la prochaine reine de Khahar, termina-t-il en guettant sa réaction.
Un faible sourire se mit à frémir sur ses lèvres.
- J'ai compris à quel point il était nécessaire que notre relation reste pour le moment neutre, je ferais tout ce qui est nécessaire pour que rien ne vienne entacher le bon déroulement des événements votre Majesté, déclara-t-elle sur un ton très sérieux.
Jafar ne put s'empêcher de jeter un furtif regard à sa jeune sœur complètement scotchée dans le fauteuil, les mains nouées sur ses genoux.
- Bien, alors si cette partie est clair il est temps de vous remettre le contrat qui va nous unir. Il est important que vous le lisiez avec une grande attention avant de le signer.
Leïna avait l'horrible sensation que c'était elle la fiancée. Elle suivait l'échange en se demandant toujours ce qu'elle faisait là. Erika prit le contrat et se mit à le lire à voix haute comme exigé par le cheikh. Le contrat exigeait d'elle, fidélité, honneur et devoir. La partie qui suggérait les prochains héritiers de Khahar fit vaciller les lèvres de sa sœur en un sourire en coin car cela confirmait qu'elle allait tôt ou tard finir dans le lit de ce guerrier aux traits implacable. Leïna faillit rouler des yeux mais se l'interdit, trop tendue, trop nerveuse alors qu'elle poursuivait la lecture du contrat. La partie la plus glaçante fit pâlir sa sœur mais comme à son habitude et trop fière de laisser une expression déstabiliser les traits de son visage Erika se contenta de sourire nerveusement. Pourtant, cette partie effroyable menaçait de l'envoyer en prison pendant deux longues années, indiquait l'impact sur l'entreprise et sur leur famille. Leïna ne put s'empêcher de dévier son regard sur le cheikh pendant la lecture et fut déstabilisée de le découvrir en train de la regarder avec des yeux féroces...naturellement féroces. Leïna baissa précipitamment le regard et attendit patiemment la fin de cette lecture.
- Où dois-je signer ? S'enquit Erika comme s'il s'agissait d'un contrat prestigieux.
- Êtes-vous certaine d'avoir bien assimilé tout ce qu'il y a marqué dans ce contrat ?
- Oui votre Altesse, affirma-t-elle à son plus grand désarroi.
Le cheikh bascula en avant sur son fauteuil pour poser ses avant-bras sur son bureau tout en enfonçant sa paire d'yeux menaçante dans celle de sa sœur.
- Si jamais vous oser trahir un tiers de ce contrat personne, je dis bien personne ne pourra vous venir en aide, nous ne sommes pas en Amérique ici, déclara-t-il d'une sombre voix. Avez-vous bien compris ?
Leïna se décomposa comme s'il s'adressait à elle. Quant à sa sœur elle blêmit un instant mais se ressaisit et signa ce contrat glaçant sans se soucier une seconde d'elle ou de son père. Tout ce qu'elle voulait c'était la partie la plus juteuse de ce contrat peu importe si quelqu'un allait en souffrir. Le pire c'est qu'elle avait tellement l'habitude d'être sauvée de n'importe quelle situation qu'elle pensait sans doute que son père allait pouvoir lui faire échapper à la prison si jamais elle trahissait ce contrat. Hélas ni elle ni son père encore moins le président des États-Unis ne sera en mesure de la sauver car ici les lois étaient différentes.
Pendant une fraction de seconde, Leïna eut envie de se soulever pour mettre un terme à ce mariage arrangé mais lorsqu'elle déplaça son regard sur sa sœur qui arborait un sourire en coin, Leïna décida qu'il était temps de lâcher prise, du moins elle ne voulait plus se battre pour empêcher sa sœur d'épouser cet homme. Désormais il fallait qu'elle se batte contre elle, pour protéger les intérêts de son père. À présent elle le voyait Erika comme une ennemie.
Leïna s'apprêtait à se lever quand elle fut interrompue par le cheikh.
- Mademoiselle Reaser, je ne vous ai pas fait venir jusqu'ici uniquement pour regarder votre sœur signer ce contrat.
Leïna s'enfonça dans le fauteuil craignant déjà ce qu'il allait lui dire.
- Comme vous le savez vous aurez un rôle important dans les prochains jours, commença-t-il en la regardant droit dans les yeux. Il est vitale pour le bon déroulement de ce mariage que vous soyez au côté de votre sœur afin de montrer à la presse qu'il s'agit d'une famille unis. Les journalistes de Khahar sont respectueux mais très pointilleux et très intelligents, la première chose qu'ils feront c'est fouiller pour récolter la moindre information.
Erika pâlit.
- Rassurez-vous, Hamid s'est arrangé pour que vos nombreuses frasques ne soient plus visible que ce soit ici ou à l'autre bout du monde, précisa-t-il à sa sœur non sans lui cacher son agacement à ce sujet.
Leïna comprit où il voulait en venir. En fait depuis le début une partie d'elle l'avait compris mais s'était refusée de l'imaginer ou du moins le rendre réel.
Lorsqu'il reporta son attention sur elle, Leïna remarqua dans ses yeux qu'il s'efforçait de la mettre à l'aise et agissait avec une grande prudence.
- La photo du New-York Times ne sera pas suffisante c'est ça que vous essayez de me dire ? Demanda-t-elle en allant droit au but.
Le souverain acquiesça.
- J'ai déjà parlé à votre père, il a été très compréhensif, mais a été très ferme quant à la décision qui vous appartient d'accepter ou non.
- Je ne comprends pas, lança Erika en les regardant tour à tour.
Les mains moites Leïna se plongea dans ses songes. Ce mariage n'était pas seulement en train de mettre en danger sa famille, il était sur le point de faire vaciller ce que son père avait fait pour elle depuis sa naissance. La protéger à tout prix des journalistes et paparazzis. Jusqu'ici Leïna vivait dans l'ombre et aujourd'hui on lui demandait de balayer d'un revers de main vingt-quatre ans de sa vie et de mettre en lumière son identité qui n'avait pas cessé d'intriguer les plus grands journalistes.
- Votre petite sœur va devoir se révéler aux yeux du monde, avec la fusion de nos deux familles elle ne peut plus rester dans l'ombre, trop de questions seront posées.
- Leïna peut parfaitement rester dans l'ombre, il suffit d'expliquer aux journalistes de Khahar que...
- Non, je regrette mais ce n'est pas une hypothèse que j'envisage, la coupa-t-il fermement sans la quitter des yeux. Cette hypothèse de dernier recours je l'envisage seulement si votre sœur refuse.
Leïna avait déjà envisagé ce problème qui aurait pu s'imposer à elle avec ou sans ce mariage, sauf qu'elle n'avait pas prévu que cela vienne à elle aussi tôt.
Était-elle prête ?
Leïna l'ignorait mais grâce à son anticipation elle avait sous la main le meilleur élément pour que la découverte de son identité se fasse selon ses règles.
- Cela se fera à ma manière, déclara-t-elle en prenant un ton calme et ferme à la fois.
Le cheikh esquissa un léger froncement de sourcils en se redressant sur son fauteuil. Bien sûr, Leïna savait que dans cette position rude et autoritaire il entendait là faire barrage à sa décision de faire les choses à sa manière.
Poliment, Leïna inclina sa tête tout en ignorant le regard dur de son futur beau-frère et se leva.
- Si vous voulez bien m'excuser, dit-elle en se retirant.
Les regards étaient braqués sur elle, inutile de se retourner pour le savoir, mais elle poursuivit son chemin et quitta le bureau. S'ensuivit alors le parcours du combattant pour rejoindre sa chambre. Elle se perdit pendant cinq minutes avant de retrouver son chemin.
Une fois dans la chambre qui venait tout juste de lui être attribuée, Leïna posa une main sur son front tout en marchant vers les grandes fenêtres. Le balcon donnait sur un paysage merveilleux et elle pouvait même distinguer la mer qui se découpait derrière les spectaculaires dunes de sable.
- Que voulez-vous dire quand vous dites à votre manière ? Lança une voix derrière elle.
Ne l'ayant pas entendu arriver, Leïna sursauta une main sur le cœur alors qu'il venait de claquer la porte sèchement derrière lui. Il parcourut la chambre d'un pas aussi rêche que fut sa voix deux seconde plus tôt puis s'arrêta à une distance raisonnable.
- J'ai accepté, cela ne vous suffit pas ? Demanda-t-elle en lui faisant face sans ciller.
- De quelle manière parlez-vous ? Insista-t-il.
- En quoi cela vous regarde du moment que je sacrifie les vingt-quatre ans que j'ai passé dans l'ombre ? Le principal c'est que je sois exhibée aux yeux du monde entier non ?
Il fit un bond en avant puis se stoppa net, le poing serré.
- J'ai conscience que ce que je vous demande est très difficile et mon devoir c'est de m'assurer que les choses se passent au mieux et à ma manière, rétorqua-t-il froidement.
Leïna ne put s'empêcher d'étouffer un rire amer.
- Soyez sans crainte, la dernière chose que je veux c'est me créer du tort à moi-même alors ce n'est surtout pas pour vous en causer, lui dit-elle en quittant la fenêtre.
- Dans ce cas quel est votre plan ? S'enquit le cheikh sur le même ton.
Leïna n'avait l'énergie de se battre.
- Je dois me rendre à Milan, il y a qu'un seul photographe capable de faire ce que je veux et qui me connais suffisamment pour que mon portrait officiel ne soit pas ce que je ne suis pas, expliqua-t-elle en soulevant sa valise pour la poser sur le canapé.
- Il y a d'excellent photographe ici, inutile de partir à Milan pour ça.
- C'est non négociable, répliqua Leïna en lui faisant front à nouveau même si cela lui demander beaucoup d'efforts.
Les puissantes mâchoires du cheikh se contractèrent faisant ressortir leurs muscles et son regard devint aussi noir que la chemise qu'il portait.
- Je n'ai pas la moindre envie d'apparaître dans un magazine habillée et maquillée comme quelqu'un que ne suis pas, reprit-elle fermement. J'ai accepté et vous devez respecter ce que je veux, après tout il s'agit de ma vie et je n'ai rien demandé encore moins être embarquée dans cette histoire. Estony est un bon photographe, il saura faire selon ce que je veux moi et personne d'autres.
- Pourquoi Milan ? S'enquit-il en se rapprochant sans se départir de la colère qui brillait dans ses yeux.
- Parce qu'il y a la fashion-week dans quatre jours à Milan et qu'il y a que cet endroit qui me paraît le plus sécurisé pour m'y rendre sans attirer les foules. Estony y sera et il a son ancien studio là-bas, ça sera discret et à l'abris des regards.
- Dans ce cas je vous accompagne, conclut-il sans lui laisser le choix.
Il s'éloigna d'un pas mécontent jusqu'à la porte.
- Si vous continuez comme ça je vais vraiment finir par croire que je suis prisonnière et plus libre de mes mouvements.
Cette note ne mit pas longtemps à le faire réagir et il rebroussa chemin en se dirigeant droit vers elle. La distance ? Il la brisa en se plaçant devant elle, la dominant ainsi de sa hauteur seulement elle remarqua dans son regard que la colère disparaissait lentement.
- Que voulez-vous dire mademoiselle Reaser ?
- Eh bien le piège à l'aéroport pour m'empêcher de partir, vous avez carrément planté ma sœur au milieu d'un moment intime maintenant vous voulez m'escorter jusqu'à Milan, voulez-vous mon passeport ?
- Ne me tentez pas, répondit-il du tac au tac.
Leïna tenta au mieux d'ignorer le frisson qui venait de courir dans son échine.
- Je vous le répète, ce n'est pas moi que vous devriez surveiller, je ne comprends pas pourquoi vous agissez ainsi avec moi, je ne suis pas une menace c'est vous la menace ou bien finissons en et transférez-moi dans un endroit où vous êtes sûre que je ne partirai pas jusqu'a ce que ce mariage arrangé ait lieu ! S'emporta Leïna en affrontant son regard si troublant et dangereux à la fois. Dans un harem par exemple !
- Là non plus ne me tentez pas, répondit-il mais cette fois-ci entre ses dents serrées.
Leïna éprouva à nouveau cette douleur dans la nuque à force de lever sa tête et la laissa retomber jusqu'à ce que ses yeux s'abaisse au sol.
- Votre sécurité promise à votre père était l'une des conditions que je me suis engagé à respecter en échange de votre présence ici, de plus, ici ma volonté fait loi, aussi je suis navré de vous annoncer que vous n'avez pas le choix de suivre " mes " directives que cela vous plaise ou non.
- Ça ne me plait pas parce que j'ai l'impression d'être une criminelle chaque fois que vous me regardez et cela ne m'aide en rien à accepter l'idée que vous allez bientôt devenir mon beau-frère pour les dix ou vingt prochaine années ! Répliqua Leïna en affrontant à nouveau son cruel regard.
Il se redressa lentement, la respiration saccadée de colère quant à Leïna, elle réalisa qu'elle venait peut-être d'aller un peu trop loin.
Un long silence s'ensuivit puis il déclara sur un ton plus amène.
- Croyez-le où non je suis sensible à la lourde décision que vous venez de prendre, et je vous en suis très reconnaissant mais que cela vous plaise ou non vous êtes et vous allez demeurer sous ma protection jusqu'au mariage et ensuite vous serez libre d'aller où il vous plaira d'aller sans escorte. Vous irez à Milan avec moi un point c'est tout.
Sur ce il détourna les talons en traversant la chambre d'un pas menaçant, laissant derrière lui quelques notes viriles de son parfum et surtout le pressentiment que son séjour était loin, très loin d'avoir révéler tous les périples qui l'attendaient avant qu'elle retrouve enfin sa vie d'avant...
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