Chapitre 27
Jafar retourna l'avant-dernier feuille du contrat en se retenant de jurer.
- Bon sang mais qui a rédigé ça ! S'agaça-t-il au bout de sa patience.
- Vous, votre Majesté, répondit Hamid en se retenant de sourire. Vous avez rédigé ce contrat en Juin dernier. Un contrat qui a subi certains changements selon vos volontés.
Jafar se frotta la barbe en reposant le stylo brusquement sur le bureau. Hamid disait la vérité seulement il était tellement pressé d'en finir qu'il avait oublié ce détail qui avait toute son importance.
En effet, après avoir pris la décision de se remarier, Jafar avait exigé certains changements dans les textes. Seulement le déroulement extrêmement stricte de son mariage l'avait obligé à rester reclus dans son bureau pendant plus de trois jours. La tension demeurait palpable dans le palais car tant qu'il ne finissait pas de régler les derniers détails, ce mariage n'avait pratiquement aucune valeur aux yeux de ses conseillers et des siens. Jafar ne perdit pas une seconde pour acter et signer la dernière page et s'autorisa à pousser un long soupir victorieux.
- Nous en avons terminé, conclut Hamid en rassemblant les pages du contrat.
Mais à quel prix ?
Il n'avait pratiquement pas revu Leïna depuis leur petit-déjeuner de dimanche matin. Que pouvait-elle bien penser de lui à présent ?
C'était entièrement de sa faute et il en était bien conscient car Hamid l'avait tout de même informé qu'il possédait deux semaines pour finaliser ce mariage. Autrement dit, il était le seul responsable de ces jours passés seul dans son bureau, à vouloir à tout prix que cette finalisation soit terminé avant la fin de le semaine.
- Que va-t-elle penser de moi après l'avoir laissé seule si longtemps, dit-il tout haut en se levant du fauteuil pour s'avancer jusqu'à la grande fenêtre.
- Il suffit de lui expliquer les raisons qui vous on retenu.
Jafar retint un rire amer car lui expliquer les raisons de cette longue absence reviendrait à lui avouer la vérité. S'il était si pressé d'en finir c'est parce qu'il mourrait d'impatience de rendre ce mariage enfin réel. Bien sûr Jafar savait que ça serait compliqué et qu'il s'engageait sur un terrain qu'il ne maîtrisant pas du tout. Mais il était certain d'une chose. Il y avait une attirance indéniable entre eux et ce même si au départ il l'avait maudite. La jeune femme faisait couler dans ses veines un désir puissant et dangereux. Il ignorait où ce mariage allait les mener mais il était prêt à en savourer chaque esquisse. Chose qu'il n'avait pas fait avec cette femme dont il tairait désormais le nom.
Jafar était sur le point de plonger dans un monde qui lui était méconnu et bizarrement il se sentait à la fois désireux de l'explorer et méfiant parce qu'il redoutait l'échec...un échec qu'il refusait d'envisager.
- Elle est différente n'est-ce pas ? Murmura-t-il en guettant l'horizon silencieuse.
- Je l'ai senti dès le début, j'ai su que c'était elle.
À cette confidence il se retourna pour considérer Hamid avec étonnement.
- Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ?
- M'auriez-vous écouter ? Répliqua Hamid avec un léger sourire.
Jafar se tourna vers l'horizon en prenant une grande inspiration.
- Non, je ne l'aurai pas fait, admit-il d'une voix basse. Pour moi Leïna constituait un trop grand danger, une image qui n'était plus souhaitable entre les murs de mon palais. J'ai essayé de la maudire de toutes mes forces mais...
Il s'interrompit pour secouer de la tête.
- Mais elle vous a montré que vous aviez tort sur elle, termina Hamid à sa place. Désormais c'est votre femme et je suis convaincu qu'elle est celle qui vous faut. Essayez de ne pas tout gâcher.
Les derniers conseils de son bras droit furent pénibles à attendre car il savait où il voulait en venir. Il ne fallait surtout pas que son passé s'imprègne du présent avec Leïna sinon il pourrait la perdre peu importe l'évolution de leur mariage.
Chassant les tortueuses pensées qui habitaient son esprit, Jafar fit craquer sa nuque pour faire disparaître cette tension qui lui nouait les muscles puis quitta son bureau dans l'intention évidente de la revoir enfin.
Le mariage était officiellement reconnu devant les lois du pays qu'il avait lui-même rédigées. Désormais Leïna était sa femme dans tous les sens du termes évidents et possibles. À cette pensée il sentit de nouveau le désir se planter dans sa chair et dut serrer les dents pour le contenir. Une troublante colère s'empara de lui lorsqu'il ne la trouva ni dans sa chambre ni dans les autres pièces du palais. Immédiatement il pensa qu'elle aurait pu partir en ville, seule, défiant les règles par sa faute. En la délaissant si longtemps il avait pris un risque qui aurait pu paraitre minime pour un autre mais dangereux pour lui. C'est avec un élan de rage qu'il s'élança dehors, frappant énergiquement les marches avec ses bottes de cavalier et se dirigea vers sa voiture, fulminant de colère, poings serrées.
- Votre majesté ? Vous partez en balade ? Lança Latifa depuis les grandes portes du palais.
Sans vraiment le vouloir il la regarda froidement.
- C'est loin d'être une balade croyez-moi, dit-il entre ses dents serrées.
- Est-ce que je dois prévenir Leïna de votre départ ?
Jafar suspendit l'ouverture complète de la portière, troublé par cette information.
- Où est-elle ? Demanda-t-il d'une voix plus amène.
Latifa fronça des sourcils visiblement surprise par cette question.
- Elle est au dernier étage, là où elle s'est installée pour peindre. Vous n'êtes pas au courant ?
Rictus aux lèvres, il referma sèchement la portière en colère contre lui-même.
Non il ne l'était pas ! Parce qu'il l'avait tout simplement négligé.
En grimpant les étages du palais il se rendait compte que ses pas étaient aussi tranchants que le sabre qu'il portait lors de ses déplacements dans la partie du désert la plus aride.
Jafar s'efforça de ralentir ses pas pour les rendre moins menaçants et ouvrit la porte sans perdre un instant.
La réalité le frappa comme la foudre fendant les dunes sous un ciel menaçant. Et ce ciel menaçant représentait la jeune femme installée sur le tabouret dos à lui. Quelques mèches de ses cheveux relevés en chignon caressaient sa nuque gracile. Elle portait une salopette beige peu attrayante et pourtant...Jafar sentit un maelström de désirs gronder en lui, sourd et puissant.
Et lorsqu'elle se retourna ce maelström s'accentua si fort qu'il crispa sa main sur la poignée.
- Oh...un revenant ! Lâcha-t-elle avec sarcasme avant de reporter son attention sur sa toile.
Jafar referma la porte derrière lui, prenant délibérément son temps pour la rejoindre. À l'évidence elle n'avait pas apprécier sa conduite de ces derniers jours et semblait prête à lui faire payer.
- J'ai eu de nombreuses choses à régler.
- Cela méritait une absence silencieuse sans aucune explication ? Répliqua-t-elle sur un ton un peu sec en poursuivant son travail.
- Non, tu as raison sur ce fait, mais il le fallait, répondit Jafar en s'arrêta à côté du chevalet.
Elle semblait en colère, frustrée nota-t-il en guettant ses coups de pinceaux assez tendus sur la toile.
- Tu aurais pu me prévenir, fit-elle valoir sans le regarder. Voilà trois jours que je suis plongée dans une incertitude angoissante !
Le regard planté sur l'incarnat de ses lèvres, il refusa de répondre par crainte d'ouvrir davantage les hostilités. Ce qu'il voulait c'est l'embrasser et lui faire oublier son absence.
- Qu'est-ce que tu as décidé de peindre cette fois-ci ?
- Oh eh bien après avoir fait les paysages qui entourent le palais j'ai décidé de peindre le palais de l'intérieur et puis quand je serais arrivée au bout de mes cinq toiles j'envisage de commencer une fresque et je...
- Ça suffit ! Pose-moi ça ! Gronda-t-il gentiment en lui arrachant le pinceau des mains. Dis-moi plutôt ce qui me vaut un tel accueil ?
Elle le foudroya du regard.
- Tu disparais pendant trois jours, on refuse de me laisser sortir sans aucune explication valable qui pourrait justifier une telle décision et tu me demandes pour quelle raison je t'accueille si froidement ?
Jafar serra les mâchoires en la dévisageant.
- Si tu n'as pas été autorisé à sortir c'est parce qu'il fallait attendre la finalité de notre mariage. C'est moi qui en ait donné l'ordre.
- Et tu n'as pas jugé bon de me prévenir ? S'enquit-elle sèchement.
- Non, je n'ai pas jugé bon de te prévenir parce que comme je viens de te le dire, j'étais trop occupé à finaliser ce mariage, répondit-il froidement. Je tiens néanmoins à m'excuser car tu as raison j'aurai dû te donner les raisons de mon absence.
Elle sauta du tabouret pour s'éloigner vers ses toiles terminées.
- Si tu veux que ce mariage fonctionne il va falloir passer par la communication, ce qui me semble essentielle.
- Que veux-tu dire par-là ? S'enquit-il d'une voix au timbre légèrement menaçant.
Elle se retourna, bras croisés, prête à livrer bataille.
- Tu ne peux pas me laisser sans nouvelle et m'écarter de ton chemin en croyant que je vais m'y habituer sans rien dire.
Jafar retint un juron car elle avait encore une fois raison. Même si diverses raisons l'avaient conduit à la laisser dans l'ignorance il s'était comporté de la même façon qu'autrefois, lorsqu'il jugeait son ex-femme inutile à ses devoirs de roi, la sachant occupée à personnifier son image.
Leïna n'était pas comme ça.
- Tu as raison, finit-il par dire en faisant un pas vers elle.
- Le dialogue, c'est tout ce que je demande, insista-t-elle fermement. Je ne te demande pas de me déclarer ton amour ou me faires des promesses que tu ne tiendras jamais. Je veux pouvoir dialoguer avec toi et que tu ne me traites pas comme une enfant.
Il nota dans ses yeux des lueurs d'espoir, comme si cela comptait pour elle plus que s'il cherchait à lui donner un semblant d'une vie parfaite à ses côtés. Jafar l'embrassa du regard, impuissant devant la perte de son self-control qui le conduisait à se rapprocher d'avantage.
- As-tu d'autres réclamations susceptible de m'intéresser ? Demanda-t-il en s'arrêtant à mi-chemin.
- Oui, en effet, confirma-t-elle en levant le menton. Nous devrons nous rendre à New York pendant la période de noël. Je suis membre d'une association qui s'occupe de préparer des cadeaux aux enfants les plus démunis et il est hors de question que je les abandonne.
Jafar inclina sa tête en guise d'acceptation.
- Nous nous rendrons à New York à la date qu'il te plaira.
Sa réponse parut la déstabiliser.
- B...bien donc tout est en ordre j'ai l'impression, balbutia-t-elle en décroisant les bras, gênée.
- De mon côté, je dois t'annoncer que nous sommes officiellement mariés aux yeux de la loi.
Sa réaction ne perdit pas une seconde à se révéler comme il l'attendait. Elle s'empourpra joliment en glissant ses doigts derrière son oreille.
- Oh...donc ça...je veux dire ça aussi c'est en ordre.
- Oui, et nous partons dès ce soir pour nos noces.
Leïna sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine alors qu'il se rapprochait d'elle subtilement. Son corps s'embrasa d'un feu ardent qui se battait avec l'incertitude qui persistait dans son esprit.
- Si tôt ? Demanda-t-elle en peinant à lui cacher ses pensées bien trop visibles sur son visage.
- Nous avons déjà brisé une tradition, je n'ai pas l'intention de briser celle-ci. Nous aurions dû célébrer notre mariage publiquement et nous éclipser en pleine réception pour partir à la villa de Zulah.
Leïna se souvenait très bien de l'histoire du harem et celle de la maison royale de Zulah sauf que jamais elle n'aurait pensé un jour être concernée par cette vieille tradition. Une tradition qui honorait les épouses pendant sept jours dans lesquelles, elles se livraient corps et âme à leur mari, jusqu'à l'épuisement...
Leïna déglutit, la bouche asséchée par une vérité trop pénible à admettre après l'avoir cachée si longtemps. Il existait une attirance mutuelle entre eux. Depuis le premier jour une sensation dangereuse s'était discrètement mêlées à la peur, la méfiance qu'elle avait ressenti au premier regard. Tous les deux à leur façon étaient plongés dans un monde méconnu. Cet homme au cœur si froid et elle, la romancière au cœur léger étaient tous les deux liés à présent. Et s'il était trop tôt pour envisager une fin heureuse, Leïna ne pouvait plus ignorer cette attirance physique, cette fusion de désir et de timidité qui l'empêchait de respirer chaque fois que ce guerrier impitoyable posait son regard sur elle...
À cet instant précis elle avait même l'impression que le feu consumait les murs, qu'il ravageait ses toiles, les rideaux, et que le seul moyen pour qu'il s'éteigne c'est que l'un d'eux prenne la décision de quitter la pièce.
- Tu m'appartiens désormais et il est temps pour nous de célébrer notre unions comme l'exige la tradition.
Leïna roula des yeux.
- Pourquoi les hommes ont-ils toujours besoin de nous donner l'impression d'être un objet qui ne peut pas...
- Les hommes qui savent reconnaître ce qu'ils ont dans leur mains ressentent le besoin irrépressible de le manifester et de le protéger. Un homme ne peut-il pas s'exprimer sur ce qu'il ressent sans que cela passe pour du machiste ?
Déstabilisée Leïna se pinça les lèvres.
- Je ne te considère pas comme un objet mais pour ma femme, et tu n'es pas sans savoir que je possède un caractère dominant et possessif.
- Possessif ? Ça je l'ignorais, enfin jusqu'à maintenant, précisa Leïna en fronçant des sourcils, intriguée par cette révélation.
Mâchoires serrées, il compléta la distance qui les séparait avec une expression impassible qui la dérouta au point qu'elle baissa les yeux. Très vite son menton fut relevé par des doigts fermes. Elle frémit, la respiration saccadée, hypnotisée par sa paire d'yeux aux lueurs mystérieuses. Il s'inclina en avant et captura sa bouche par surprise. Ce baiser n'avait rien avoir avec la chasteté de la veille. Primitif, exigeant, le cheikh prit son visage en coupe et l'embrassa avec une avidité brûlante. Leïna répondit à son appel sans même savoir si elle en était capable. C'était la première fois qu'elle était embrassé avec une telle passion et exigence mêlées.
Une légère douceur s'accompagna à l'impatience, leurs langues s'entremêlaient avec sensualité et lorsqu'elle l'entendit pousser un son rauque, Leïna se sentit fébrile par les sensations qui la dévastaient sans pitié.
Il se redressa soudain, pressant ses pouces sur ses joues, les yeux remplis d'une noirceur méconnue. Elle pouvait entendre son cœur frapper ses tempes tandis que le cheikh respirait fortement, sans peur de lui montrer l'avidité de son désir pour elle.
Il desserra sa prise sur ses joues et répondit d'une voix puissamment rauque :
- Moi aussi, je l'ignorais, jusqu'à maintenant...
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