Chapitre 22




L'une des particularités de ce paysage désertique et que Jafar appréciait c'était la montée spectaculaire du soleil sur le dunes de sable. Reposant, Jafar assistait au spectacle seul car la jeune femme dormait encore.

Dire que cette nuit n'avait pas été compliquée pour lui serait un mensonge. Après un dîner savoureux en compagnie de Leïna où ils avaient discuté principalement des traditions du pays, la jeune femme s'était rapidement endormie sur la couche à même le sol, entourée d'épais voiles orangées. Jafar s'était alors contenté des coussins pour passer sa nuit, loin d'elle, et il n'était pas parvenu à fermer les yeux, pas même une seconde, trahi par le cours de ses pensées.

La savoir endormie à quelques mètres de lui avait aussitôt ravivé cette flamme de désir qu'il ne parvenait pas à éteindre.

Jafar prit une poignée de sable dans sa main, gardant sa colère enfouie en lui pour ses agissements déplacés quelques heures plus tôt. En effet, après une longue insomnie à fixer le plafond de la tente pour essayer d'endiguer la voracité silencieuse de ce désir bien ancrée dans sa chair, Jafar s'était alors levé pour d'abord faire les cent pas. Puis il s'était approché de la couche pour la regarder dormir, cherchant vainement à comprendre ce qui la rendait si spéciale. Pendant plusieurs minutes il avait même tenté en dernier recours de faire revenir la haine des premiers jours en l'imaginant tout aussi manipulatrice que l'avait été son ex-femme. Seulement cette haine n'existait plus, dominée par un désir puissant.

À force de la contempler Jafar avait finir par se faire une raison. Depuis le début il décrivait cette jeune femme comme un fruit défendu et c'est exactement ce qu'elle était. Elle était insaisissable, et c'est sans doute la raison principale qui avait fait naître cette attirance qu'il gardait secrète.

Ce désir puissant était stimulé par cette sensation qu'il ressentait chaque fois qu'elle était proche de lui sans qu'il puisse jamais se saisir d'elle réellement. Un fantasme, presque une obsession indescriptible dans l'esprit d'un homme blessé et qui se refusait de reproduire les mêmes erreurs du passé.

Elle était le désir interdit que beaucoup d'hommes chercheront un jour à capturer. À cette pensée, une effroyable jalousie s'empara de lui avant qu'il ne la fasse disparaître de son esprit non sans difficultés. Bientôt, cette jeune femme au visage d'ange et à la détermination farouche allait quitter son royaume et il avait énormément de mal à y renoncer. Mais Jafar était forcé de se faire une raison. Leïna Reaser représentait un danger pour lui, et plus les jours passaient plus ce danger se renfermait autour de lui au point d'envisager n'importe quel stratagème pour qu'elle reste au palais encore plusieurs jours auprès de sa sœur dans le seul but de la garder égoïstement. Seulement la jeune femme voulait retrouver sa vie paisible qui par sa faute avait été bouleversée.

Elle était jeune et méritait de profiter de cette jeunesse pour parfaire son destin et continuer ses rêves, songea cette fois-ci le guerrier et souverain au détriment des pensées égoïstes de l'homme qui brûlait de la retenir ici encore quelques jours.

Jafar s'était alors autorisé un geste qu'il garderait secret. Incapable de contenir sa soif, il avait glissé sa main sur sa joue en la caressant avec son pouce afin de garder en souvenir la douceur de sa peau puis incontrôlable, Jafar avait glissé ses doigts jusqu'à ses lèvres et avait pu savourer secrètement la douceur soyeuse de celles-ci avant de se contraindre par la force à s'écarter.

Jafar jeta la poignée de sable plus loin en mettant un terme à ses souvenirs et se leva brusquement en guettant l'horizon silencieuse.

- Bonjour !

Jafar ferma les yeux une seconde puis les rouvrit pour s'apprêter à lui faire face.

Immédiatement après s'être tourné, il sentit une sensation dangereuse rugir en lui presque capable de balayer d'un revers de main l'évidence qu'il s'était fait la veille.

Cheveux au vent elle serra son gilet contre elle et tenta maladroitement de le rejoindre au sommet de la dune.

- Ça fait longtemps que vous êtes réveillé ? Demanda-t-elle doucement.

- Je n'ai pas beaucoup dormi, lui dit-il brièvement et sur un ton peu aimable qu'il regretta aussitôt.

- Oh....

- Et vous ? S'empressa-t-il de dire sur un ton plus chaleureux.

- Très bien.

La jeune femme se tourna vers la vue spectaculaire.

- C'est magnifique, vous avez vraiment beaucoup de chance.

Jafar la dévisagea pendant qu'elle admirait le paysage ébloui par le soleil qui venait d'achever son élévation sur les dunes, et presque tout ce qu'il s'était dit dans la nuit était en train de disparaître lui laissant pour seul souvenir, la texture de ses lèvres contre ses doigts.

Les poings serrés le long de ses hanches, les mâchoires férocement crispées au point de les rendre douloureuse, Jafar fit un pas en arrière pour faire taire l'impitoyable envie de les toucher à nouveau.

- L'oasis est juste derrière vous, l'informa-t-il en se passant une main furtive sur la bouche comme si ce geste serait suffisant pour effacer ses pensées. Je vous suggère d'aller le voir maintenant nous allons devoir partir un peu plus tôt que prévu.

Elle acquiesça silencieusement et s'éloigna sans doute à cause de sa froideur soudaine.

Malheureusement c'était le seul moyen qu'il avait trouvé pour faire barrage aux sensations tenaces qui le mettaient en danger.

Le remord le submergea quand il la regarda partir l'air penaud car encore une fois il lui laissait en souvenir une certaine froideur qu'il regrettait déjà. Mais c'était la seule façon de repousser ce désir jusqu'à son départ.

Ils restèrent près de l'oasis une bonne heure dans laquelle Jafar s'était radouci et la laissa profiter de cet instant de plaisir. À son grand soulagement elle n'avait pas demandé ou même souhaité se baigner dans l'eau tiède.

- Merci pour cette escapade magnifiques, je n'oublierai jamais, lui avait-elle dit à mi-chemin du palais.

Lui non plus n'oublierait sans doute jamais, songea-t-il en lui adressant un signe de tête.

Ses cheveux détachés flottaient sous les brises de vent silencieuses, et il ne put s'empêcher d'imprimer cette image dans son esprit...

À leur retour, ils furent accueillis par Hamid qui bien évidemment attendait une conclusion rassurante sur ce voyage. Jafar l'aida à descendre du cheval en n'échappant pas à son doux parfum aux senteurs légères.

- Vous devriez monter vous détendre un peu, le voyage a été long.

- Oui vous avez raison, murmura-t-elle en remettant des mèches inexistantes derrière son oreille.

Jafar attendit qu'elle s'éloigne pour rejoindre Hamid et lui expliqua ce qu'il s'était passé à leur arrivée au campement.

- Mais...alors vous étiez seuls ? S'étonna-t-il sans lui cacher son désir d'en savoir davantage.

- Rassure-toi Hamid, je ne lui ai pas sauté dessus si c'est ça que tu cherches à savoir, lui dit-il en refermant la porte de son bureau. Tu sais que je suis un homme de principe qui ne court jamais deux femmes en même temps et je n'ai nullement besoin de te rappeler son jeune âge.

- Ce n'était pas l'objet de mes pensés, se justifia Hamid en s'installant dans le fauteuil. Néanmoins ça l'est pour certains sujets du palais.

Jafar demeura aussi impassible que possible en s'installant en face de lui.

- Que veux-tu dire ?

- Eh bien plusieurs sujets s'interrogent sur vos liens avec la jeune Leïna Reaser.

- Mes liens sont et demeureront amicaux, ni plus ni moins. Tu sais tout comme moi que grâce à elle, ce mariage va pouvoir se passer sans trop de dégâts et je n'allais pas la laisser partir sans lui témoigner ma gratitude.

Hamid acquiesça sans laisser la moindre émotion trahir ses traits.

- Quand va-t-elle partir ?

Jafar crispa ses mâchoires.

- Samedi, après l'annonce officielle, répondit-il en s'efforçant de paraître désintéressé.

- Ne serait-ce pas plus prudent de la garder au-delà de cette date ? Proposa Hamid sur un ton hésitant.

- Pour quelle raison devrions-nous la garder au-delà de cette date initiale ?

Son bras droit se racla la gorge.

- Pour montrer au pays que sa présence n'était pas seulement une utilité. Je crains que le pays nous accuse d'avoir organisé toute cette image publique pour les attendrir.

Hamid n'avait pas tort et il avait déjà anticipé cette hypothèse qui pourrait lui causer de nombreux problèmes. Hélas Jafar ne pouvait la garder plus longtemps. D'abord parce que cela signifiait devoir lutter encore contre ce désir et Jafar savait que plus son départ serait retardé plus ce désir deviendrait impossible à contrôler.

Plus qu'il ne l'était déjà...

De plus il s'agissait là d'une décision égoïste.

- Nous ne pouvons pas la garder plus longtemps, répondit Jafar sur un ton inflexible. Elle a déjà donné beaucoup. Il est temps qu'elle récupère sa vie. Maintenant qu'elle n'est plus anonyme elle va sans doute vouloir reprendre ses études ou bien élargir sa passion pour l'art. Il serait injuste de la garder uniquement pour aider Erika. Il est temps pour elle de se débrouiller seule et faire ses preuves par elle-même.

- Vous avez raison, Leïna nous a beaucoup aidé, il est temps de la laisser partir.

Jafar demeura dépourvue d'émotions jusqu'à son départ et ce fut seulement quand il quitta son bureau qu'il exhala un soupir tremblant de rage tout en ouvrant son tiroir.

Là où il cachait secrètement les photos de la jeune femme...

De l'autre côté du palais, Leïna commençait à ranger ses affaires dans sa valise avec nostalgie. Bien que ce séjour n'avait pas été toujours facile pour elle, certains souvenirs resteront gravés en elle. Notamment cette escapade avec le cheikh. Bien qu'il s'était montré un peu distant à la fin du voyage, Leïna devait reconnaître qu'elle avait passé un moment inoubliable à ses côtés.

Bientôt elle allait retrouver sa vie à New York et bien qu'elle ne serait probablement plus comme avant, Leïna était impatiente de la retrouver. Quelques projets étaient déjà en route dans son esprit notamment l'envie décrire un livre.

Soudain son cœur se mit à battre très fort et un nœud se forma au creux de son estomac car elle n'était pas tout à fait prête à abandonner ce lieu si exceptionnel et magique. Un pincement au cœur la fit grimacer légèrement avant que sa sœur s'autorise à entrer dans sa chambre sourire aux lèvres.

- Ah ! C'est l'heure de faire les valises petite sœur, nota-t-elle en se laissant tomber dans le fauteuil.

- Oui, dans deux jours c'est fini, tu n'auras plus à supporter ma présence.

- Oh mais rassure-toi Leïna nous allons très vite nous revoir, glissa-t-elle avec un sourire machiavélique aux lèvres.

Leïna interrompit son geste les sourcils froncés alors que sa sœur jouait avec une mèche de ses cheveux.

- Je ne comprends pas ? S'enquit Leïna avec méfiance.

- Ah tu n'es pas au courant ? Ou bien papa à oublier ce petit détail, il faut dire qu'il perd un peu la tête en ce moment.

- Crache Erika ! S'agaça-t-elle en jetant son vêtement plié sur le lit pour la rejoindre.

Erika croisa les jambes en faisant volontairement durer l'intrigue.

- Eh bien notre cher père a sans doute oublié que dans les papiers de l'entreprise il est stipulé que la première mariée d'entre nous possédera quarante pourcents des parts de l'entreprise ce qui veut dire que j'aurai plus de pouvoir que toi une fois mariée.

Leïna pâlit avant que la colère l'envahisse ainsi que le dégoût.

- Je le savais ! Depuis le début je savais que tu avais un plan !

- Oh mais détrompe-toi petite sœur, je l'ai su que la semaine dernière, grâce à Kellan qui n'a pas pu résister à mon charme lorsqu'il m'a téléphoné. Il m'a involontairement révélé ce petit détail qui désormais à toute mon attention.

Leïna serra le poing sous le regard amusé d'Erika qui savourait sa victoire.

- Tu ne peux pas investir dans l'entreprise et encore moins y mettre le nez ! Tu la fera couler comme tu as fait couler Sven Cosmetic. Je ne te laisserai pas faire !

Erika se leva en la toisant d'un regard dédaigneux.

- C'est trop tard Leïna, il va falloir te rendre à l'évidence. Toi tu vas devoir attendre que papa meure pour faire partie officiellement de l'entreprise et moi, très bientôt je serais en mesure d'y accéder en tant que PDG. Papa n'imaginait tout simplement pas que je serais mariée la première lorsqu'il a rédigé ce contrat. Il faut dire que tout ses espoirs ont toujours étaient sur toi.

Fièrement elle s'éloigna avec une démarche chaloupée. Leïna la rattrapa par le bras violemment.

- Tu me fais pitié ! Tu n'es qu'une folle égoïste je brûle déjà d'excitation lorsqu'il te mettra en prison ! Cracha-t-elle alors que les larmes lui montaient aux yeux.

Erika se dégagea en la regardant avec un froid sourire aux lèvres.

- Tu as perdu Leïna, accepte la défaite, tu aurais dû te marier avant moi, lança-t-elle victorieuse en refermant la porte derrière elle, la laissant démunie, humiliée et blessée par ce dernier coup de poignard qu'elle n'imaginait pas recevoir en plein cœur de la part de son propre sang, de sa propre sœur qu'elle rêvait un jour de prendre dans ses bras et l'entendre enfin lui dire qu'elle l'aime.

Aujourd'hui ce rêve venait de se transformer en cauchemar...

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