Chapitre 17



Erika qu'elle n'avait pas vu depuis bientôt deux jours pénétra dans sa chambre sans frapper. Assise sur le fauteuil du petit salon le nez plongé dans un bouquin, Leïna fit mine d'être absorbée par la page qu'elle venait déjà de lire.

- Qu'est-ce que tu as au front ? Demanda-t-elle d'une voix pourtant désintéressée.

- J'ai heurté un mur après une vision d'horreur.

- Peu importe, marmonna-t-elle en s'approchant pour lui arracher le bouquin des mains. Il faut qu'on parle toutes les deux et maintenant.

Au prix d'un immense effort, Leïna tenta de garder son sang froid.

- Que se passe-t-il encore ?

- Il se passe que cet emballement médiatique autour de toi ne me plaît pas du tout !

Pourquoi arrivait-elle encore à être surprise ? songea-t-elle en soupirant.

- Il n'y a encore aucun emballement médiatique Erika.

- Ah oui ? Tu en es certaine ? Alors pourquoi le Daily new commence déjà à supposer que tu vas faire une grande apparition dans un prestigieux magazine ?

- C'est à toi de me le dire Erika, c'est toi l'experte dans ce domaine, lui dit-elle sèchement en se levant.

Pendant trop longtemps Leïna avait dû supporter les caprices de sa sœur mais aujourd'hui, elle en avait par-dessus la tête. C'était de sa faute et non la sienne. Pourtant, Erika arrivait encore à lui faire porter le chapeau.

- J'espère pour toi que ta grande apparition ne va pas me créer plus de problèmes que j'en ai déjà ! Pesta Erika.

- Des problèmes ? Répéta Leïna ivre de colère. Qui nous a amené jusqu'ici par pure folie ? Moi peut-être ? Je ne vois pas quel problème j'aurai pu t'apporter.

- On ne parle que de toi partout dans le palais ! Leïna par-ci Leïna par-là ! Est-ce qu'elle sera à la hauteur des attentes ? Va-t-elle réussir à mettre le peuple de son côté pour que ce mariage ait lieu ? C'est mon mariage ! Pas le tien !

- Encore heureux ! Explosa Leïna en s'avançant pour l'affronter. Moi au moins je ne vend pas ma famille pour de l'argent !

Lèvres retroussées, Erika fulmina les joues écarlates puis la bouscula pour quitter la chambre hystérique.

Son cœur se serra douloureusement car l'espoir qu'un jour elle puisse entretenir une relation aimante avec sa sœur ne se produira certainement jamais. Harassée, elle porta sa main à son front puis grimaça à l'effleurement de ses doigts sur le pansement.

- Mademoiselle est-ce que tout va bien ?

Ne l'ayant pas entendu arriver, elle fut prise au dépourvue et adressa à Latifa un léger sourire.

- Oui tout va bien, je suis un peu fatiguée, mentit-elle en récupérant le bouquin que sa sœur avait jeté sur le sol.

- Ce n'est malheureusement pas le moment d'être fatiguée vous êtes attendue pour le dîner.

- Je ne pense pas...

- S'il vous plaît Leïna, la coupa-t-elle d'une voix très sérieuse. J'ai tout entendu, et votre sœur se rendra compte à quel point votre position est importante quand elle aura la bénédiction du peuple grâce à vous. Maintenant ne m'obligez pas à informer sa Majesté que vous êtes encore fatiguée il n'en croira pas un mot.

Leïna exhala un soupir tremblant en prenant note des conseils de Latifa. Elle avait sans doute raison mais l'idée de se présenter à ce dîner alors qu'elles venaient de se disputer violemment la rendait mal à l'aise. À son contraire, Erika avait la capacité de jouer la comédie.

- Allons venez...

Forcée de la suivre, Leïna sentit son estomac se nouer à la simple pensée qu'elle allait le revoir. Depuis qu'elle s'était enfuie de la pièce où il l'avait soigné, Leïna espérait ne plus jamais le croiser du moins pas tant que la honte ne l'avait pas quitté. Prendre ce mur de plein fouet devant lui avait été humiliant et la perspective de se retrouver encore dans la même pièce que lui allait sans doute faire ressurgir cette sensation inexpliquée qui avait couru sur son échine lorsque ses mains s'étaient en quelque sorte emparées de son visage.

Il fallait à tout prix qu'elle s'éloigne de cette puissance magnétique qu'il avait sur elle et qu'elle peinait à expliquer.

Lorsqu'elle entra dans le salon, elle fit d'abords en sorte de fuir son regard et canalisa toute sa concentration sur sa sœur qui malheureusement n'était pas réceptive. Au contraire, elle ne manqua pas de lui faire remarquer que sa présence n'était pas souhaitée.

Alors elle s'arrêta devant la table majestueuse et fut contrainte de le regarder lui.

Il apparaissait encore et toujours comme un spectacle de virilité et son cœur s'emballa aussitôt.

- Sincèrement je pense que je ferais mieux de vous laissez seuls, parvint-elle à dire en tortillant ses mains.

- Asseyez-vous, dit-il simplement avec son regard autoritaire.

Lutter ou abandonner ?

Leïna s'installa avec le pressentiment que ce dîner serait très long...

Elle avait l'impression d'être l'intrus à cette table et Erika prenait un plaisir non dissimulé à lui faire ressentir que c'était le cas.

- Demain marquera le début de ce que j'ai longuement planifié, commença-t-il en l'obligeant elle et sa sœur à se montrer très attentives.

Il les regarda tour à tour avec un air sérieux.

- Dans moins de quatre heures, les photos vont sortir officiellement et tout doit s'enchaîner très vite. Autrement dit, nous avons deux semaines pour vous faire aimer auprès de mon peuple.

Il s'exprimait d'un ton ferme, implacable et presque aucune chaleur ne se manifestait dans sa voix.

- Pendant cette période, aucune je dis bien aucune information ne devra fuiter, car c'est à la fin de cette période qu'un communiqué officiel sera dévoilé. Est-ce que tout est en ordre ? Avez-vous compris ?

Leïna fut soulagée qu'il s'adresse uniquement à sa sœur sur ce point qui était sans nul doute la faiblesse d'Erika. Si ça ne tenait qu'à elle, son mariage de princesse serait déjà dans la une des tabloïds.

- Que vais-je devoir faire ? Demanda-t-elle soucieuse de connaître ce qu'il attendait d'elle.

Le cheikh tourna la tête dans sa direction et lorsque son regard se plongea dans le sien, Leïna ne put s'empêcher de frémir et d'éprouver de la gêne en songeant à la blessure sur son front.

- Votre présence sera essentielle chaque fois que nous devrons sortir pour des visites associatives.

- Est-ce bien nécessaire ? Intervint Erika.

Leïna baissa les yeux en se calant contre le dossier de la chaise avec le sentiment terrible d'être de trop à cette table.

- Oui, ça l'est si vous voulez que ce mariage ait lieu, répondit-il sèchement.

Le ventre noué, elle fut contrainte de subir ce dîner qui n'avait pas du tout la même saveur que le déjeuner qu'elle avait jadis partagé avec le cheikh. Elle avait qu'une envie, se sauver dans sa chambre avant que le cheikh annonce une nouvelle qui la bouleversa de bonheur.

- Votre père fera une escale à Khahar demain après-midi, je l'ai eu au téléphone il y a une heure. J'espère que cette nouvelle vous fait plaisir.

Leïna retrouva le sourire à la simple idée de retrouver son père.

- Va-t-il rester longtemps ? Demanda Leïna.

- Non, malheureusement, il doit se rendre en Europe demain soir au plus tard.

- Est-ce qu'il vient seul ? S'enquit Erika.

Le cheikh au visage gravé dans la pierre ne répondit pas tout de suite. Il dévisagea longuement Erika comme s'il voulait s'emparer de ses pensées pour les démasquer.

- Kellan Gordon sera avec lui, finit-il par dire en guettant sa réaction.

C'était plutôt la sienne qu'il aurait dû guetter parce qu'elle se décomposa littéralement. La dernière conversation qu'elle avait eu avec lui l'avait si déstabilisé que sa rencontre avec le cheikh avait été d'une froideur absolue.

Erika fit mine d'être surprise par la nouvelle, alors qu'en réalité elle savait que Kellan Gordon était un problème qui pourrait nuire à sa réputation, une fois de plus. Néanmoins Kellan avait été très clair à ce sujet. Leur furtive partie de jambes en l'air ne devait en aucun cas se savoir.

C'est dans une atmosphère assez palpable que le dîner prit fin. Leïna regagna sa chambre et songea longuement au dénouement de cette soirée. Sa vie allait bientôt basculer. Si ce n'était pas déjà fait. Assise dehors sur le balcon elle contemplait la lune pleine depuis plus d'une heure quand elle décida de rentrer à l'intérieur. Au moment de franchir le seuil du balcon, Leïna entendit quelques coups résonner contre la porte. Elle redoutait qu'il puisse s'agir de sa sœur mais ouvrit tout de même la porte.

Son cœur s'élança presque immédiatement quand elle dut faire face au souverain.

- Il y a un problème ? Demanda-t-elle en tirant sur les pans de son peignoir en soie avec l'horrible sensation d'être nue.

Il darda son regard sur elle avec toujours cette éternelle noirceur.

- Je voulais savoir comment vous, vous sentez. Vous n'aviez pas l'air bien pendant le dîner.

Leïna déglutit en fuyant son regard appuyé sur elle.

- Je vais bien, je suis juste...un peu fatiguée.

Il s'agissait là d'un mensonge qui ne semblait pas le convaincre.

- Je sais à quel point tout ceci vous rend nerveuse et je tiens à vous dire que je ferais mon possible pour que ça se passe pour le mieux.

Leïna fut presque sûre de déceler dans son regard de la culpabilité ou peut-être qu'elle rêvait parce qu'elle espérait qu'il en éprouve un peu.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais survivre à tout cela, répondit-elle avec un léger sourire forcé. Vous devriez plutôt passer plus de temps à vous occuper de ma sœur.

- Que voulez-vous dire par-là ? S'enquit le cheikh d'une voix sans doute plus sèche qu'il l'aurait voulu.

- Eh bien elle pense que l'attention est trop centré sur moi et dans un sens je pense qu'elle a raison. Mes relations avec elle sont assez compliquées comme ça je ne voudrais pas qu'elles se compliquent parce qu'elle pense que j'accapare l'attention. Je vais m'en sortir.

Leïna inclina sans le vouloir la porte donnant malencontreusement l'image qu'elle voulait la fermer et la réaction du cheikh fut vive. Il fit un grand pas en avant et sa main agrippa violemment le rebord de la porte pour l'écarter à son bon vouloir.

Leïna réprima un sursaut en reculant choquée par la voracité du cheikh.

- Pour l'instant sans vous elle n'est rien, articula-t-il sèchement. Qu'elle s'estime heureuse d'être encore ici après sa petite démonstration à Milan.

- Je sais mais...

- Si l'attention qui est porté sur vous la dérange je l'invite à me le faire savoir en personne est-ce que c'est clair ? La coupa-t-il froidement.

- Ce n'est pas à moi qu'il faut le dire ! S'emporta Leïna alors que son pouls s'affolait.

Il relâcha le rebord de la porte les mâchoires serrées et recula d'un pas mais son regard lui...était glacial.

- Je vais m'en sortir, répéta-t-elle sans le regarder. Je sais ce que j'ai à faire pour que tout se passe au mieux. Essayez de me faire confiance ne serait-ce qu'un peu.

Leïna venait de s'exprimer avec une infinie tendresse dans l'espoir d'apaiser le cheikh mais cet espoir s'effondra quand il se pencha en avant pour happer ses yeux aux siens.

- La confiance n'a rien à voir là-dedans mademoiselle Reaser, mais le devoir qui est le mien. Ainsi, sachez que l'attention portée sur vous demeurera inchangée jusqu'à ce que j'ai donné l'ordre qu'il en soit autrement.

Leïna peinait à respirer tant ils étaient proche l'un l'autre. Seuls quelques centimètres les séparaient. Son souffle chaud traversa son visage comme une doucereuse caresse.

- Que cela vous plaise ou non, ajouta-t-il à voix basse avant de disparaître dans le couloir sombre.

Elle quitta la chambre pour l'observer s'éloigner dans les profondeurs qui menaient au corridor d'un pas féroce avec l'étrange pressentiment qu'elle venait de le contrarier sans en connaître la véritable raison.

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