Chapitre 2: une rentrée pas comme les autres
Ambroise marchait d'un pas rapide. Son sac pourtant peu rempli lui semblait peser des tonnes et constituait un fardeau. Après cinq bonnes minutes de marche, il vit l'entrée de son établissement. Une nouvelle année commençait.
Dans la rue, il remarqua qu'un bus s'était arrêté, libérant un torrent de jeunes gens entre dix et dix-huit ans. Il y avait aussi les voitures des parents qui déposaient leurs enfants. Les adolescents, écouteurs aux oreilles, échangeaient à propos de leurs playlists de l'été.
Ambroise, dévisageait une par une chaque personne présente en quête de visages familiers. Mais impossible de distinguer quoi que ce soit tant il y avait de monde. Loin de rester immobile, tous se dirigeaient vers les grilles créant ainsi un embouteillage à l'entrée de l'établissement. Ambroise était anxieux à l'approche de l'appel, espérant qu'Alexis et lui seraient dans la même classe.
Il entrait dans le hall bondé. Ambroise se sentait observé, en levant le bout de son nez, il semblait apercevoir des silhouettes sombres qui se détachaient de l'atmosphère de rentrée des classes qui régnait dans le lycée. Il captait les conversations de ces camarades. Tous parlaient de leurs vacances et de ce qu'ils y avaient fait ou de leurs impressions quand à tel ou tel événement, fait d'actualité ou nouvelles émissions. D'autres, quant à eux, faisaient connaissance. Le jeune garçon essayait de se frayer un chemin dans la foule, celle-ci l'étouffait. Son but était d'atteindre le panneau d'affichage. Il entraperçut Nathalie, une vielle connaissance de l'école élémentaire, qui discutait à grand renfort de gestes avec un garçon. Celui-ci était plutôt grand et baraqué la dépassant d'une tête. Ambroise ne l'avait jamais vu. À sa droite apparut Juliette, une autre camarade du primaire. Elle était tranquillement en train de lire dans son coin, attendant sûrement ses amis. D'un naturel timide, elle n'était pas du genre à aller vers les autres.
Après un certain temps, il atteignit enfin le panneau d'affichage et aussitôt il se mit à la recherche de son nom ainsi que de sa classe. Il ne vit nulle part celui de Steven qui, apparemment avait redoublé. À son grand soulagement il vit celui de son ami quelques lignes en dessous du sien. Tous deux étaient en première littéraire !
Il y avait beaucoup trop de monde, Ambroise regardait à sa droite puis à sa gauche essayant d'apercevoir Alexis, impatient de lui annoncer la nouvelle. Mais de grands gaillards lui cachaient la vue. Envolée, son appréhension ! Maintenant la rentrée ne lui semblait plus si terrible que ça. Après quelques secondes qui lui parurent des heures, Ambroise aperçut une silhouette plus que familière entrer dans le hall. Ce dernier finit par le remarquer et se fraya un chemin pour le rejoindre. Quand il arriva devant lui, Ambroise constata que de la sueur ruisselait sur son visage pâle. Il avait son sac marron sur le dos, encore froissé d'avoir passé deux mois au fond d'un placard.
- Salut ! Mec ! Ça va ? S'enthousiasma son ami légèrement essoufflé.
- Super, on est dans la même classe ! répondit Ambroise heureux de retrouver son ami.
- C'est cool ! s'exclama Alexis avec un grand sourire.
Alexis semblait absent, il avait sûrement mal dormi, mais c'était secondaire à la joie de savoir qu'il était dans la même classe que son ami.
Ambroise était pensif. Soudain, quelqu'un le bouscula et il lui fallut quelques secondes pour l'identifier. C'était Steven "l'emmerdeur", qui le regardait d'un air menaçant. Ambroise ne sut comment réagir quand Steven lui fit un doigt d'honneur avant de continuer son chemin. Il regardait ses pieds, la rage aux lèvres et avec honte. Alexis de son côté n'avait pas suivi ce qui s'était passé. Steven était maintenant parti sécher les cours, comme d'habitude. Ambroise était à la fois en colère contre lui-même de n'avoir rien répondu et contre Steven, incapable de le laisser tranquille. Il se jura de cacher son humiliation.
La sonnerie retentit, provoquant un moment de silence. Tous se rassemblèrent par classe, en rang, telle une armée de soldats de plomb. Le silence était pesant. Une professeur arriva, puis une autre et avec elles une classe d'une trentaine d'élèves repartait.
Le hall se vidait petit à petit. Les profs se succédaient, certains connus, d'autres inconnus, sympathiques, antipathiques, âgés ou jeunes. Les adolescents n'en pouvaient plus de cette éternelle attente.
Enfin une femme fit son entrée. Son visage brillait de sueur, ses chaussures à talons claquaient sur le sol. Elle s'arrêta, chercha quelque chose dans ses poches, mais ne le trouva pas. Elle abandonna donc ses recherches et courut vers les élèves. Elle fit signe à la classe de la suivre.
Arrivée à la salle, les tables étaient propres et les chaises toutes neuves brillaient à la lumière du jour. Le tableau était impeccablement propre, blanc comme neige.
- Asseyez-vous. Dit-elle d'un ton calme.
Elle était de taille moyenne, ses cheveux roux tiraient vers le châtain. A quoi il fallait ajouter des lunettes carrées posées sur un nez en trompette et une tenue plutôt simple : boucles d'oreilles roses en forme de cœur, jupe verte étoilée avec un t-shirt bleu azur. Après une minute de silence, la prof sortit ses affaires.
- Bonjour à tous !
- Bonjour Madame. Répondirent les élèves en chœur.
A peine commencais t elle a écrire au tableau. que la classe se tut.
- En plus d'être votre professeur principal, je vous enseignerai l'histoire-géographie et l'éducation civique. Elle reprit son souffle et rajouta : ce matin nous ferons tout ce qui est administratif. Étant donné que chaque année nous peinons à finir le programme, après manger nous commencerons le cours.
La prof prit la feuille d'appel, se racla la gorge et commença a lire. Les noms des élèves se succédèrent tels une liste de course. Arrivée au terme de cette dernière, la jeune femme aux cheveux auburn posa la feuille sur le bureau.
- Maintenant, vous allez me compléter les fiches de renseignements personnels.
La voix de leur professeur irritait Ambroise et Alexis, elle balayait constamment la classe de ses caméras oculaires.
- Tiens ! Noah, tu vas distribuer les feuilles.
Le garçon s'approcha du bureau. Cette dernière était en train de fouiller dans ses affaires essayant de trouver les feuilles. Elle sortit un dossier de son sac, l'ouvrit et feuilletait avec ses doigts longilignes. Elle donna enfin les feuilles à Noah, s'assit, croisa ses doigts et rajouta.
- Ah oui ! Juste une dernière chose. Je les ramasse dans quinze minutes, pas une de plus, alors dépêchez-vous !
La classe resta muette tout du long.
*
Ambroise était songeur, il butait quand il fallait mettre le numéro de téléphone de ses parents, il ne s'en souvenait plus.
L'enseignante était calmement assise à son bureau. Quelquefois elle tendait la main vers son portable rangé dans son sac, pour regarder l'heure. Elle semblait angoissée.
Les adolescents étaient concentrés comme lors d'un examen. Ils complétaient la feuille mécaniquement. Leurs stylos couraient sur leurs copies tells des lapins apeurés. Les mots se succédaient à l'infini, inondant les feuilles.
L'institutrice qui s'ennuyait à son bureau se leva et se mit à marcher dans la classe. Ses pas étaient lourds malgré sa maigreur, ils claquaient sur le sol,pesants mais d'un calme incroyable.
Ambroise, qui n'était pas vraiment concentré sur sa feuille, jeta des regards furtifs dans la classe, la regardant marcher d'un pas saccadé.
Elle scannait la classe du regard d'un air meurtrier. Elle analysait le moindre mouvement, l'interprétait. La prof regardait constamment sa montre comme si son portable ne lui suffisait plus. Elle jetait quelquefois un regard à la porte comme si elle se sentait observée, ou apercevait une présence.
Ambroise voulait se lever pour savoir, lui aussi, ce qu'elle regardait mais Alexis le retint par le bras.
La prof regarda sa montre et jeta un coup d'œil sur son portable dans son sac. Décidément, c'était une manie ! Elle avait l'air hébétée.
L'enseignante prit la parole.
- Bon ! Je vais ramasser !
Ambroise avait pris du retard. Il se dépêcha de terminer sa phrase et la donna à la prof.
- Je ne vais pas avoir le temps de vous donner l'emploi du temps, ça va être l'heure de la récréation. Après, vous me rejoindrez au CDI.
La sonnerie se mit à hurler, une véritable libération pour les adolescents. La femme préoccupée regarda sa montre une énième fois, elle voulait parler, mais les adolescents étaient déjà presque tous sortis
- N'oubliez pas d'aller au CDI ! Dit-elle tout en les fixant du regard.
Le flot d'élèves sortit de la salle. Ambroise était complétement las, il se dirigeait sans émotion, sans envie vers la cour de récréation. Arrivé il put observer avec indifférence ses camarades en train de s'amuser criant de joie. Le jeune garçon s'assit alors sur un banc posa tête entre ses mains et commença à méditer.
Ses pensées étaient vides de sens. Les images apocalyptiques, le sang, le feu, les cris, les hurlements, s'ils ne cessaient pas bientôt, il y perdrait la raison. Ce songe le préoccupait à tel point que cela tournait à l'obsession.
Ambroise marchait d'un pas lent, il était fatigué de faire encore et toujours le même rêve. Les feuilles mortes de l'automne craquaient sous ses pieds, l'air était encore doux. Il prêtait bien peu d'attention à ce qui se passait autour, concentré vers ses sombres rêves. Ils n'étaient pas normaux, dans les films ceux qui rêvaient ainsi devenaient fou. S'il n'était pas naïf au point d'y croire, Ambroise ne pouvait s'empêcher de penser qu'il y avait une part de vérité là-dedans.
Les ados étaient assis sur des bancs ou adossés à des arbustes. D'autres jouaient au foot, leur manière de courir frénétiquement après le ballon lui évoqua le comportement des écureuils et à cette pensée, il ne put retenir un sourire. Le jeune homme s'assit sur un banc à côté d'une des portes teintées du hall.
Il continuait d'observer ce qui se passait autour de lui avec indifférence. Sur le banc voisin se trouvait Alexis qui discutait activement à grand renfort de gestes avec Nathalie. Ambroise était préoccupé, il méditait. Encore et toujours ces étranges rêves, cette sensation qu'ils ne devraient pas être.
Brusquement, il releva la tête, son regard se porta sur la porte teintée du hall de l'établissement. Un frisson parcouru son corps, il se sentait observé. Devant le bâtiment trois silhouettes, trois hommes vêtus de costumes sombres. Ils marchaient de façon mécanique à la manière de fantômes errants en direction du hall principal. Ambroise n'arrivait pas à comprendre la raison de leur présence. Ils auraient dû se rendre à l'administration et pas rester plantés ici au milieu de la cour. Un nouveau frisson lui parcouru l'échine, il ne savait pourquoi mais ces hommes lui faisaient froid dans le dos.
Tout à coup, la sonnerie retentit. Il prit alors le chemin du CDI, il ne voulait pas se faire remarquer dès le premier jour par leur sympathique professeur. Quand il entra dans le bâtiment la sensation ne disparut pas tout de suite. Il porta son regard vers une fenêtre, dehors les trois hommes n'avaient pas bougé et l'un d'eux le fixait avec insistance.
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