Chapitre 11

4 h du matin. Deux heures s'étaient déjà écoulées et Ryan n'avait vérifié que la première rangée – soit vingt livres – sans rien trouver. Il commençait à fatiguer et il avait encore neuf rangées à faire ! Il n'avait pas imaginé, lorsqu'il avait entamé son travail de prospection, que vérifier un par un dans le détail tous les livres de sa bibliothèque serait aussi long et épuisant. Comment avait fait Tristan ? Avait-il choisi un livre au hasard ou l'avait-il sélectionné à dessein ? Cette question demeurerait sans réponse tant que Ryan n'aurait pas retrouvé l'adolescent. Tenir, il devait tenir. Ne pas abandonner maintenant.

A 6 h, il avait terminé la deuxième rangée. Sentant qu'il commençait à trembler, il abandonna pour un temps ses recherches et mit sa cafetière en route. L'odeur du café se répandit dans la pièce, lui arrachant un soupir de bien-être. Il buvait du café depuis l'âge de vingt ans, depuis que ses insomnies avaient commencé. C'était, encore aujourd'hui, la seule boisson qui lui permettait de rester éveillé la journée.

Le liquide lui brûla la langue, mais la saveur qui se répandit ensuite dans sa bouche l'empêcha de grimacer. Cette touche d'amertume que beaucoup de gens craignaient le transportait au contraire dans des pays exotiques, baignés de couleurs et de chaleur. Sur la surface, la mousse plus claire dessinait des silhouettes dans la nuit qui l'entourait. Ryan sourit : son imagination était toujours aussi fertile...

Son sourire s'effaça lorsqu'il reporta son regard sur sa bibliothèque. Il lui restait encore tellement de livres à vérifier...Cette simple pensée le décourageait. Alors qu'il baissait les yeux sur sa tasse en soupirant, une autre pensée le fit se figer. Et si aucun autre livre ne comportait de mot ? S'il vérifiait les neuf rangées en vain ? Un frisson le parcourut et son cœur s'accéléra. Il déglutit, avant de secouer la tête pour se raisonner. Non, il ne devait pas perdre espoir maintenant. Mais soudain, ses yeux se posèrent sur les papiers qui jonchaient sa table. Au-dessus de tout ce désordre, fièrement posés sur un trône de papier, se trouvaient les copies de Tristan. Ryan hésita. Soulever toutes les feuilles une à une sans savoir où les mettre ensuite – c'était pour cette raison qu'il les laissait sur sa table – le décourageait d'avance. Mais peut-être qu'un indice se trouvait parmi elles, après tout ? L'espoir se mêlait à la lassitude, il ne savait plus ce qu'il devait faire. De surcroît, la peur de l'échec le faisait trembler. S'il soulevait tous ses papiers et qu'il ne trouvait rien...Il n'osa pas achever sa pensée. Et si le contraire était pire ? S'il trouvait quelque chose, mais que ce quelque chose lui annonçait la mort de Tristan ? Horrifié, il recula d'un bond et resta immobile à quelques mètres de la table, haletant. Il ferma les yeux et avala sa salive, avant de les rouvrir. Il devait se calmer. Sa panique ne l'aiderait pas à retrouver son élève. Alors, il s'approcha de sa table. Son cœur s'emballa lorsqu'il saisit les copies de l'adolescent – il n'avait pas oublié leur contenu macabre. Il les posa sur une chaise et entama ses recherches, soulevant les feuilles une à une, les déposant sur le sol au fur et à mesure. Des papiers officiels côtoyaient des copies de français, des cours traînaient au milieu des factures, et des flyers en tout genre recouvraient les sujets de rédaction que Ryan avait préparés.

7 h. Il n'avait plus le temps : son premier cours commençait dans une heure. Il rassembla ses affaires et quitta son appartement.

Sans surprise, à cette heure, les tramways étaient remplis. Ryan dut en laisser passer trois avant de pouvoir enfin entrer dans le quatrième. A son grand soulagement, il y avait dans celui-ci un peu plus d'espace que d'ordinaire, ce qui lui permettait de respirer. Sur l'un des sièges au fond du wagon, un adolescent, les écouteurs dans les oreilles, était tourné vers la vitre en dodelinant doucement de la tête au rythme de la musique. Ses cheveux châtains étaient en désordre, comme s'il ne les avait pas démêlés.

Ryan sentit son cœur battre plus fort. Il hésita. Il était 7 h 30, il n'avait plus qu'une demi-heure avant son cours. Lorsque l'adolescent se leva, la tête toujours baissée, pour descendre à l'arrêt « Grésilles », Ryan demeura immobile, hésitant toujours. Le signal de fermeture des portes le décida : il se rua vers celles-ci et parvint à passer avant qu'elles ne se refermassent. Par chance, il n'y avait pas trop de monde, suffisamment pour le cacher de celui qu'il suivait, mais pas assez pour l'empêcher de le voir. Le jeune homme continua tout droit dans l'avenue Raymond Poincaré, puis tourna à gauche boulevard des Martyrs de la Résistance et à droite dans la rue Thimonnier. Ryan retint son souffle lorsqu'il vit le nom de la rue. Ce n'était pas possible, ça ne pouvait pas être vrai...Ses mains se mirent à trembler, son cœur s'accéléra encore, mais il continua de suivre l'adolescent à distance. Comme il le craignait, celui-ci s'arrêta au numéro 12. Ryan attendit de voir quelle fenêtre allait s'éclairer. Ce fut celle du deuxième étage. Sa gorge s'assécha.

Il n'y avait que deux hypothèses possibles à ce qu'il venait de voir. Soit un jeune homme quelconque avait acheté cet appartement sans savoir son histoire. Celle-ci était la moins alarmante.

Soit Tristan avait élu domicile dans l'appartement de son frère.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top