Chapitre 35

A peine sortie dans le couloir que je me fais happer par Erya. Adriel, un pas derrière, ne prend même pas soin de cacher son sourire amusé en me voyant si naturellement entrainée par la joie et l'impatience de ma nouvelle amie.

Rapidement nous voilà arrivés derrière la lourde porte de la salle principale où j'avais laissé un peu plus tôt ma grand-mère. Même dans ma tête, prononcer ces doux mots me fait plaisir. J'ai une famille ! Une grand-mère, un grand père et même un père qui m'a cherché pendant plus de deux décennies. J'ai encore du mal à me faire à cette situation inespérée. L'anxiété à l'idée d'avoir tous les yeux de l'Enfer sur moi est presque éclipsée par la joie de partager cet instant avec toutes ces personnes chères à mon cœur. Je dis bien presque. Car depuis que nous avons atteint le bout du couloir je sens un bourdonnement d'énergie qui fait résonner mon cœur, comme une sorte de picotement à mi-chemin entre un frisson de peur et l'exaltation du désir. J'entends le murmure des convives, je sens leurs cœurs impatients battre à l'unisson dans ma poitrine et leur pouvoir crépiter sur ma peau.

Quand Adriel me saisit la main, la peur disparait complétement et le désir prend le dessus. Je tourne la tête vers lui pour le remercier d'un signe de tête et me perds dans ses deux lagons. Avec cet échange de regard et ce contacte peau à peau, notre lien me semble plus fort que jamais. Je sens une chaleur se déplacer lentement de mes joues à mon cœur, puis la chaleur se met à irradier et atteindre des zones de mon corps qui n'ont jamais été atteintes jusqu'à maintenant. Je ne peux m'empêcher de laisser un gémissement atteindre mes lèvres quand Adriel lâche brusquement ma main. Comme un vase qui se brise ou un barrage qui se rompt, cette chaleur intrusive se déverse hors de moi me laissant une sensation de vide et de frustration.

- Désolé, je me suis laissé emporter, souffle mon ange en se raclant la gorge de gêne. J'ai promis de me comporter en gentleman et pourtant au premier contact charnel, je suis incapable de retenir mes pulsions.

- Il n'y a aucun mal quand cette pulsion est partagée, répondis-je avec un sourire espiègle avant de reprendre sa main sans hésiter.

Heureusement, mon bel homme est bien trop stupéfait pour me prêter attention, sinon il aurait vu à quel point mes joues étaient rouges d'embarras et même si j'avais du mal à y croire, de désir. Je n'ai même pas le temps de me remettre de mes émotions, que la grande porte s'ouvre seule comme par magie et que toute l'assistance se tourne silencieusement vers nous.

Après quelques secondes de lourd silence, je n'ose toujours pas relever les yeux pour faire face à l'assistance. Sans cette main chaude et rassurante accrochée fermement à la mienne, je crois que je serais reparti aussi sec vers ma chambre. Mais je ne suis pas seule. Je suis avec mon Ange, mon âme-sœur, l'homme le plus merveilleux sur Terrre ou devrais-je dire du Ciel. Je ne serais plus jamais seule. Forte de cette conviction, je redresse alors la tête et pose mes yeux sur toutes ces âmes qui brulent d'impatience de me rencontrer. Ces gens souriants prêt à m'accueillir comme l'enfant prodige enfin rentrée à la maison après une longue absence.

Comme-s'ils attendaient ce signal, le couple Royale fait alors un pas vers moi me tendant chacun une main avec un tendre sourire à mi-chemin entre la pure joie et la tristesse infinie. En croisant leur regard bouleversé je sens une larme couler le long de ma joue, cependant je ne peux me résoudre à lâcher la main de mon compagnon pour saisir la leur. Mais sans aucune critique dans leurs yeux, je vois qu'ils comprennent ma situation et sans se concerter le couple Royale se sépare. Ma grand-mère me saisie la main gauche restée libre et mon grand-père tend la sienne à mon Ange.

Pendant une seconde, je sens le temps se figer, les respirations se retenir face à ce geste si fort. Le Roi de l'Enfer qui tend la main à l'Archange du Paradis.

Imperceptiblement, la main d'Adriel se crispe sur ma main. Je comprends son hésitation, il ne s'agit pas seulement de saisir la main tendue par son ennemi ancestral, mais aussi de renoncer à sa main dominante, sa main protectrice, celle avec laquelle il peut saisir son arme et défendre sa vie ou celle de sa compagne en cas de menace. Mais au fond de moi je sens qu'ici nous n'avons rien à craindre. Je ne pourrais pas l'expliquer mais tout ces regards, ces cœurs qui m'entourent, je me sens liée à eux, comme je me sens liée à mon Ange même si c'est dans une moindre mesure. Et je ne sens pas une once d'hostilité. Seulement de la bienveillance, de l'amour, de la nostalgie et surtout de l'espoir. Alors je laisse toute ces sensations m'envahir, me remplir et je les projette vers ma moitié. D'abord Adriel se tend encore plus et essaye de lâcher ma main face à cette intrusion, mais en moins d'une microseconde, il se détend, me regarde avec curiosité et amour, puis tend sa main droite à Lucifer.

A cet instant, la foule se met à hurler de joie. Je sens comme une explosion d'émotions vives me traverser. Je suis à la maison, j'ai ma place ici, parmi ces hommes et ces femmes. Ou devrais-je dire ces Démons et ces Démones. Je comprends enfin ce que voulait dire Ariella quand elle a dit ne pas pouvoir retarder plus longtemps ma présentation. Car je sens leur soulagement, leur impatience et leur joie pure de pouvoir enfin me rencontrer.

Je réalise que j'ai oublié de couper le lien avec Adriel quand je vois des larmes douces amers couler le long de ses joues, reflets exacts des miennes.

- Je ne sais pas comment tu fais cela, mais c'est vraiment puissant. Si je ne l'avais pas ressenti comme je le ressens à l'instant, jamais je n'aurais pu savoir à quel point c'est merveilleux d'avoir une famille. Ce que cela fait d'avoir trouvé sa place, fit-il en essuyant ses larmes d'un revers de manche sans lâcher ma main ni celle du Diable. Et surtout maintenant je vous crois Majestés quand vous dites qu'Ellyah ne risque rien ici. Je m'excuse de ne pas vous avoir fait confiance.

- Il n'y pas de honte à vouloir être protecteur avec sa compagne mon garçon, répondit Lucifer avec douceur. Avec l'éducation que tu as reçue, c'est déjà un acte de foi et de tolérance, de nous avoir confier ta vie et surtout la sienne.

- Je vois que tu as le don de ta mère ma chérie, chuchote fièrement Ariella à mon oreille.

- Vous voulez dire qu'elle a le don d'empathie et de communion ? s'exclame Adriel avec surprise. J'en ai entendu parler par Paul et eu la chance de l'expérimenter à quelques reprises avec Gabrielle, mais je ne l'avais jamais ressenti de façon aussi puissante. C'est comme si je pouvais ressentir les joies, les peurs et les aspirations de toute l'assistance. C'était effrayant mais absolument enivrant. Mais pour avoir pu faire l'expérience de leur impatience, je pense que ce n'est pas le moment d'en discuter. Ma belle, tu devrais les saluer, après tout ils t'attendent depuis bien longtemps eux aussi.

- Excellente idée mon garçon. Nous allons vous laisser à présent, déclare Lucifer avant de lâcher la main de mon Ange et saisir avec délicatesse celle de son aimée. Cela fait au moins quinze ans que nous n'avons pas eu l'occasion de danser mon amour. Pas depuis la naissance de Roel...

Comme si nous avions complétement disparus, les deux tourtereaux s'éloigne main dans la main, yeux dans les yeux. Et dans un sens je pense que c'est le cas. Quand deux âmes sœurs sont ensemble l'univers s'éclipse autour d'eux. En les voyant ainsi je sens déjà une partie de mes doutes s'envoler. Finalement, Erya n'a pas tort. L'amour reste l'amour quel qu'en soit l'origine, alors quand un amour aussi pur et puissant que celui qui me lie à Adriel résonne dans toute les parcelles de mon âme, qui suis-je pour émettre des doutes ? 

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