Arrivées dans le palais, Erya nous emmène en cuisine. Nous piochons un peu dans chaque plats pour nous faire une assiette composée. J'avais été surprise qu'ils aient autant de nourriture succulente alors qu'ils n'ont ni cultures ni élevages.

Au final Ariella m'avait expliqué que les premiers millénaires, ils avaient vécu coupé de la surface et donc ils n'avaient rien à manger à part des champignons. J'avais été horrifiée en apprenant cela. Mais elle m'avait vite rassuré en me rappelant qu'ils n'ont aucun besoin de manger. Que seul le plaisir du goût les pousse à faire des repas réguliers.

Ensuite après le Pacte, ils avaient rapidement pu négocier le droit d'arpenter la Terre lors des nuits de pleines lunes. Au départ une poignée de Démons avaient été tiré au sort pour s'occuper de l'approvisionnement. J'imagine que cela n'a pas été facile en premier lieu car les tribus humaines ne se mélangeaient pas aux étrangers. Ils avaient dû se contenter de cueillette et de chasse. Puis rapidement les Hommes avaient commencé à vivre en communauté et le troc était née. Pendant des milliers d'années les Démons avaient commercés avec les Hommes, changeant de lieux à chaque fois pour ne pas susciter trop de curiosité.

Puis avec le temps, ils avaient trouvé des Hommes plus sensible au monde spirituel qui avaient vu en eux des sauveurs, des protecteurs contre le Mal. On les appelait des chamanes. Rapidement un accord fût conclu. Les chamanes et leurs descendants se sont engagés à pourvoir au besoin des Démons en échange de leur protection. Apparemment au fil des siècles, cette tradition avait perduré. Il y'en avait dans tous les pays du monde. Mais ils étaient plus nombreux en Asie et en Amérique du Sud.

Une fois nos assiettes pleines nous allons dans le jardin pour nous installer sur une petite table de pique-nique un peu à l'écart. Le jardin n'en a que le nom vu qu'il n'y as pas vraiment de végétation. Seulement des sculptures, des pièces d'eau et des bancs en granite rose. C'est beau mais froid et inanimé. Je comprends la nostalgie d'Ariella pour la nature flamboyante de la Terre.

Je suis sortie de mes pensées par Erya qui se gratte la gorge pour attirer mon attention.

- Aller, parle.

- Tu crois que je devrais l'inviter à sortir après les cours ?

- Oui c'est une bonne idée, répondis-je comprenant de qui elle veut parler. Tu voudrais faire quoi ?

- Je ne sais pas. Peut-être une balade dans les jardins pour admirer la voute étoilée. Je sais qu'elles ne sont qu'un pâle copie artificielle mais cette vue m'a toujours parue extrêmement romantique.

C'est vrai que la veille dans les bras d'Adriel j'avais été envoutée par ce doux scintillement. A moins que ce ne soit par la promiscuité avec mon Ange. Je continue à me poser des questions sur ce lien d'âme-sœur.

Est-ce que je l'aime parce qu'il est lui ou parce qu'il comble un trou dans mon âme ? Je ne suis pas à l'aise avec ce concept de destiné. Peut-être que cela vient de mon éducation humaine, mais pour moi c'est difficile de concevoir qu'il n'y a qu'un seul être fait pour nous surtout quand notre vie se compte en milliers d'années.

- Tu as l'air assez sombre depuis tout à l'heure. A quoi penses-tu ? me demande mon amie.

- Au lien d'âme-Sœur. Il y'a quelques mois je pensais finir ma vie seule et cela m'allait très bien car j'avais l'amour de mon père adoptif et de Louise ma meilleure amie. Puis j'ai rencontré Adriel et rapidement il est devenu le centre de mon univers. Chaque soir je m'endormais en pensant à lui et ma première pensée était pour lui au réveil. J'attendais avec impatience ses cours pour pouvoir l'admirer et je ne vivais que pour nos rencontres le weekend. J'ai mis du temps à admettre que j'étais amoureuse.

- Tu ne l'as pas tout de suite reconnu ?

- Non, je l'ai trouvé beau au premier regard. Mais c'est au fil de nos discussions que j'ai appris à l'aimer. Puis il y'a une semaine nous nous sommes embrassé et le lien s'est créé et mes ailes se sont déployées. Depuis je me demande si cet amour est réel ou si nous ne sommes que deux marionnettes portées par le destin.

- Des ailes ? demande la jeune femme avec surprise.

- Oui. Des ailes immenses aux plumes noires et blanches. C'est tout ce que tu as retenue ? dis-je en riant.

- Non c'est juste que je n'ai jamais vu de vrai ailes d'Ange en dehors des fresques du palais. Cela doit être magnifique.

- Je te les montrerais un jour. Mais il faut d'abord que je comprenne comment les sortir. Car pour l'instant elles ne sont sorties qu'en deux occasions. A la création du lien et en plein combat.

- Oh j'adorerais, dit-elle rêveuse.

- Mais toi qui as grandis dans un monde où il est normal d'avoir une âme-sœur qu'en penses-tu ? Est-ce que c'est un amour véritable ou comme une sorte d'enchantement qui nous pousse à aimer ?

- Je ne comprends pas trop ce que tu dis. Normalement tu aurais dû ressentir le lien dès votre première rencontre. Pour moi il n'y a qu'un seul et unique Amour. L'Amour quelque-soit sa raison reste l'Amour non ? Tu devrais demander à Ariella. Elle pourra peut-être te répondre.

- En parler à ma grand-mère ? Ça me parait un peu étrange !

- C'est peut-être ta grand-mère, mais c'est avant tout la première âme-sœur.

- Tu veux dire que Lucifer et Ariella sont le couple originel ? Ceux qui ont accompagné Dieu pendant des millions d'années ? Ceux dont le grand maître de cérémonie nous a compté le bannissement ?

- Oui bien sûre ce sont nos seigneurs, dit-elle en haussant les épaules comme-si c'était évident.

Je comprenais mieux cette nostalgie que mon ancêtre avait pour le soleil et la nature. Elle avait vécu au Paradis puis en avait été chassée. Loin à tout jamais de son foyer. Condamnée à l'obscurité, sans jamais plus ressentir la douceur du soleil caresser ses joues.

Tout devenait clair. Quand Lucifer disait connaître Dieu mieux que quiconque ce n'était pas de la fanfaronnerie puisqu'il en avait été le premier fils. C'est lui qui avait aider à la création de la vie, qui l'avait accompagné pendant des millions d'années. Fidèle compagnon, fidèle serviteur.