Chapitre 26

Nous terminons notre repas en silence détendus et je dirais même intime. Par moment je vois nos hôtes s'échanger des sourires tendres.

De son côté, Adriel semble songeur. Cela doit être étrange d'être accueilli avec autant d'attention et de gentillesse par ses ennemis héréditaires. Toute sa vie il avait appris à les haïr. Censés représenter le mal incarné, exacte opposés des Anges. Difficile d'associer cette image à ce couple plein d'amour.

De mon côté, pour la première fois depuis toujours j'ai comme l'impression d'être à la maison. Est-ce lié à ma nature à moitié démoniaque ? Ou tout simplement à l'accueil chaleureux de ces deux êtres, qui font tout pour que nous ayons la sensation d'être les bienvenus.

Je suis sorti de mes réflexions par l'arrivée du dessert. Un assortiment de petites mignardises, au chocolat, aux amandes et au caramel. Je ne peux m'empêcher de me jeter sur le mini fondant au chocolat.

A la première bouchée, je ferme les yeux de contentement.

- Je vois que tu as le même goût que ton père pour le chocolat ! s'exclama la Reine avec un sourire en coin.

- Vous avez aussi connu mon père ? dis-je surprise.

- Oh oui pour le connaître ça je le connais ! Après tout je l'ai porté pendant neuf mois ! dit-elle avec un regard tendre pour son mari.

A ce moment je risque de m'étouffer avec mon dessert. Cette femme en face de moi, aussi magnifique que pleine de bonté est ma grand-mère !

J'ai une grand-mère et un grand père !

Pour une orpheline comme-moi, découvrir que j'ai une famille est quelque chose d'énorme. Je sens que mon cœur va exploser.

- Son père... votre fils, c'est Faust ? Le grand général des Enfers ? demanda Adriel troublé.

- Oui, lui-même, répondit Lucifer.

- Mais sa réputation n'est pas du tout justifiée, s'empressa d'ajouter la femme.

- Quelle réputation ? demandais-je, ayant enfin retrouvé la parole.

A ce moment, je sens qu'ils sont tous gênés. Les deux hommes se grattent la gorge et Ariella baisse les yeux.

- Ton père est le plus grand opposant des Anges, répondit Adriel. C'est lui qui a dirigé les troupes ennemies, euh je veux dire... les démons, face aux Anges ces soixante-six derniers millions d'années. Il est réputé pour être un chef de guerre implacable et cruel.

- J'imagine bien tout ce que vous avez pu entendre sur lui, grogna Lucifer en serrant les dents.

- Mon chéri, nous ne pouvons pas leur en vouloir. Ils ne connaissent pas la vérité, dit-elle en posant une main apaisante sur le bras de son mari.

- Quelle vérité ? demandais-je curieuse d'en savoir plus sur ce père mystérieux.

- C'est trop tôt pour en parler. Vous devez d'abord apprendre à nous connaitre, alors peut-être que nous pourrons vous en parler. Mais pour l'instant je n'ai qu'une envie, c'est de profiter de ma petite fille, dit-elle avec un immense sourire. Nous pourrions aller faire une petite balade digestive entre fille ?

- Euh, oui j'adorerais Majesté.

- Appelle-moi Ariella ou grand-mère, bien que cela me donne l'impression d'être vielle, dit-elle en riant de sa remarque.

Cela me fait rire, après tout cette femme doit avoir plusieurs millions voire milliards d'années, mais son esprit et son corps renvoient une impression de jeunesse et de candeur. Elle parait complétement innocente et douce comme une jeune jouvencelle.

*****

Nous voilà toutes les deux en train de marcher dans la ville, les passants nous saluant avec dévotion et chuchotant à notre passage. Adriel avait eu du mal à me laisser partir mais Lucifer l'avait rassuré en expliquant que pour eux j'étais leur princesse bien aimée enfin revenus à la maison et que personne n'oserait s'en prendre à moi. Surtout pas en présence de la Reine.

Nous marchons côte à côte, tandis que Ariella m'interroge sur mon enfance. Elle voudrait tout savoir de moi, mes succès, mes amours, mais également mes peines et mes chagrins.

Je lui parle d'abord de Paul qui a été un véritable pilier pour moi. Sévère mais aimant. Je parle de mon enfance solitaire, puis de ma rencontre avec Louise. Des quatre cent coups que nous avons faits ensemble. Je lui parle de la fois où nous avons fait croire aux autres élèves qui se moquaient de moi que j'étais une sorcière et comment les enfants étaient partis en hurlant quand j'avais fait mine de leur jeter un sort.

Je lui parle aussi de l'exclusion que j'ai vécue. Du regard des autres, souvent apeuré parfois hostile. Je lui raconte comment ma vie avait basculée quand j'avais rencontré Adriel. Des frissons que j'avais ressentis la première fois qu'il m'avait souris, de la confusion et de la peur quand mes ailes s'étaient déployées après notre premier baiser. De l'attaque, de la fuite et de la traversé du purgatoire.

Pendant tout ce temps elle m'a écouté avec attention et bienveillance. Sans m'en rendre compte nous nous sommes arrêté. Elle me saisit les mains puis m'attire dans ses bras avec tendresse.

- Oh ma chérie, je sens que ta vie n'a pas été facile. Si courte mais déjà si tourmentée. J'aurais tellement aimé être présente pour toi. T'accompagner dans la découverte de tes pouvoirs, de l'amour. Avec ta mère nous avions projeté tellement de choses te concernant. Ta naissance aurait dû être l'événement le plus merveilleux depuis la naissance de l'univers. Ton enfance aurait été douce et pleine d'amour. Tu ne peux pas savoir comme nous t'avons chéri alors que tu n'étais qu'une crevette dans le ventre de ta mère. Puis elle est morte et nous t'avons perdu, souffle-t-elle les larmes traçant de larges sillons sur ses joues.

Sans briser le silence entre nous, je caresse ses joues et essuies ses larmes. Malgré les flammes brulant au fond de ses yeux, je ne vois que douleur et amour, rien de « démoniaque ». L'amour d'une grand-mère ayant perdue sa petite fille. Mais pas seulement. J'ai l'impression que ma mère avait une place très importante dans son cœur. Quand je m'ouvre à elle, elle me fait un petit sourire puis murmure :

- Elle était ma sœur, ma meilleure amie. Nous avons grandi ensemble.

- Mais elle était un ange ? dis-je troublée.

- Oh regarde ces fleurs magnifiques, dit-elle en se précipitant vers l'étal d'un fleuriste en sautillant de joie pour cacher son malaise. J'adore les fleurs. C'est ce qui me manque le plus. Mes rosiers. Ici nous ne pouvons qu'avoir des fleurs coupées faux semblant de vie.

- Pourquoi ?

- Sans soleil, rien ne pousse à part les champignons et la mousse... Nous sommes condamnés à vivre sous terre loin de sa douce chaleur.

A cet instant je ne vois pas la femme forte et aimante que j'ai rencontré quelques heures plus tôt. Je vois une femme brisée qui a tout perdu. Et je ne comprends pas pourquoi. Cela me pousse à m'interroger sur cette fameuse vérité.

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