Chapitre 2
Cela fait une semaine que les cours ont repris. Louise et moi sommes dans le même groupe pour les travaux dirigés et le tronc commun mais comme nous n'avons pas pris la même spécialité nous sommes parfois séparés. J'ai pris neuropsychologie et psychiatrie et elle neuro-motricité et maladies neurodégénératives.
Ce qui fait que je vais assister à mon premier cours avec Mr Morange seule.
Comme d'habitude, je rentre discrètement dans la salle et vais m'assoir au premier rang. Les étudiants font tous un détour inconscient pour m'éviter et s'assoir le plus loin possible de moi. Encore plusieurs heures de solitudes. J'ai l'habitude et puis ainsi je vais pouvoir profiter du cours. J'adore ce sujet. La conscience. C'est un sujet tellement vaste et complexe.
Je sors mon ordi pour prendre des notes et attend avec impatience l'arrivée du professeur. Il arrive pile à l'heure dans la salle et me fait un petit signe de tête en me voyant.
Encore une fois, sa tenue dénote avec le reste de ses collègues. Jean bleu foncé, troué aux genoux et t-shirt noir avec un col en V assez près du corps pour laisser entrevoir ses pectoraux bien dessinés.
Après avoir lancé le vidéo projecteur, il se tourne vers son audimat, prend une grande respiration et déclare :
- Bonjour à tous, je suis Adriel Morange, conférencier indépendant. J'ai un cursus assez atypique, alliant science, ethnopsychologie et philosophie, avec pour domaine de prédilection l'étude de la conscience. Dans ce prochain semestre, nous allons donc aborder la conscience sous différents aspects. Biologique, psychologique, philosophique et même spirituel.
La salle est entièrement silencieuse, toute l'assistance est pendue aux lèvres du professeur. Après une petite pause, il reprend :
- Qu'est-ce que la conscience ? Vaste sujet. En psychologie, la conscience est la capacité de se percevoir, s'identifier, de penser et de se comporter de manière adaptée. Elle est ce que l'on sent et ce que l'on sait de soi, d'autrui et du monde. Mais ce terme englobe bien des aspects. Phénomène mentale, conscience morale, substrat de l'existence, la conscience a en tout temps fasciné les plus grands penseurs de ce monde...
Je suis directement absorbée par son discours passionné. Il a l'air assez nerveux, comme s'il n'avait pas l'habitude d'enseigner, mais d'un autre côté avec sa gestuelle, sa voix assurée et son charisme écrasant, je sens qu'il a l'habitude de s'exprimer en public. Comme-si j'étais seule dans la salle, son regard ne cesse d'aller vers moi. Gênée je fais comme-si je ne l'avais pas remarqué et garde les yeux fixés sur mon ordinateur pour tout le restant du cours.
Une fois l'heure terminée, je me dépêche de ranger mes affaires pour rejoindre Louise à la cafétéria. Mais au moment de quitter la salle, je l'entends dire mon prénom.
Je me tourne doucement vers lui, les yeux baissés, intimidée par sa présence.
- Bonjour Lyah, comment-vas-tu aujourd'hui ? J'espère que mon cours n'était pas trop barbant. J'avoue que c'est la première fois que j'enseigne, dit-il en rougissant légèrement.
- Non c'était passionnant. Vous avez captivé toute la classe, dis-je en lui faisant un petit sourire.
- Tu peux me tutoyer. Après tout on a presque le même âge et puis j'aimerais te demander une petite faveur.
- Pas de problème, dis-je intriguée.
- Pourrais-tu me faire visiter la ville ? Je suis nouveau dans la région et je ne connais personne.
- Euh, je ne sais pas si je peux accepter, soufflais-je précipitamment. Est-ce que ce n'est pas déplacé pour un professeur de côtoyer une élève en dehors des cours ? Je ne voudrais pas que cela te porte préjudice.
- Je ne suis que conférencier et ma matière n'est même pas notée, donc aucun conflit d'intérêt, déclare-t-il en riant. Plus sérieusement, si tu as peur que cela puisse poser un problème pour tes études ou que tout simplement tu n'en as pas envie, je comprendrais.
- Non, aucun problème pour moi, s'il n'y en pas pour toi. Samedi ça irait ?
- Oui parfait. Je viens te chercher en voiture à 10h. Tu habites où ?
- Sur le campus. Bâtiment 45.
- Ah c'est le même bâtiment que moi ! Du coup c'est plus simple. On se retrouve dans le hall ?
- Ca marche ! m'exclamais-je, une peu trop emballée à mon goût. Par contre, je dois vite y aller. Louise m'attend pour manger et nous n'avons pas beaucoup de temps avant le prochain cours.
- Oui désolé, je ne te retiens pas plus, fit-il en s'écartant pour me laisser passer.
Sans perdre plus de temps, je pars rapidement rejoindre mon amie, les joues en feu et le souffle court.
*****
- Alors non seulement il te remarque et soutient ton regard mais en plus il te drague ! s'écrie mon amie, faisant tourner toutes les têtes vers nous.
- N'importe quoi, répondis-je en lui faisant signe de baisser d'un ton. Il ne me drague pas. Il a juste besoin de quelqu'un pour lui faire visiter le coin.
- Mon radar me dit que tu lui plais, fit-elle en me faisant un clin d'œil.
- Cela ne risque pas d'arriver. On parle de moi, là ! La fille associable qui fait peur aux gens, dis-je en riant.
- Ils ont peur à cause de ton aura et de tes yeux étranges, et surtout parce qu'ils sont trop débiles pour aller au-delà de la première impression. Mais lui, il est différent. Alors ma fille, fonce ! Tu as intérêt à sortir le grand jeu samedi. Pas de sweat à capuche pour une fois et évite le noir s'il te plait. Avec tes cheveux noirs ca te donne un look de famille Adams.
- Oui maman, dis-je en levant les yeux au ciel.
Après notre repas finis, nous nous dépêchons d'aller au prochain cours en tronc commun.
Assise au fond de l'amphi, j'ai du mal à me concentrer. Je pense à ses grands yeux bleus dans lesquels j'ai envie de me perdre.
Attends, mais je déraille complétement ! Qu'est-ce qui m'arrive à penser aux yeux de cet inconnu ? En même temps il est particulièrement beau et ce n'est pas souvent que j'ai l'occasion de parler avec quelqu'un.
Je devrais peut-être en profiter comme dit Louise. Au moins on deviendra peut-être amis. Ce serait déjà un miracle pour moi.
En dehors de Louise je n'ai jamais eu d'amis. Depuis toutes petites les gens m'ignorent au mieux ou au pire me persécutent. Enfin ils essayent.
Dès le jardin d'enfants j'ai commencé à avoir des problèmes de socialisation. Les enfants avaient peur de moi. Soit ils m'évitaient soit ils s'en prenaient à moi. Les adultes n'avaient pas un meilleur comportement.
Il faut dire que mes crises de colère n'arrangeaient pas les choses. Je ne supportais pas l'injustice ce qui n'a pas changé d'ailleurs. Quand j'en voyais une, je ne pouvais pas m'empêcher de me mettre en colère et de m'interposer. Par contre quand ces mêmes personnes s'en prenaient à moi, je ne me défendais pas, me contentant des rester impassible en attendant que les choses se passent. Très vite j'avais appris à éviter le regard des autres, à me faire toute petite. Presqu'invisible.
Puis un jour les nouveaux voisins avaient emménagé et leur petite fille n'ayant pas d'amis ils avaient demandé à mon père si je pouvais jouer avec elle.
Quand Louise m'avait vu la première fois, elle avait eu peur comme tous les autres, mais après un premier mouvement de recul, elle m'avait souri et m'avait pris par la main pour m'emmener dans sa chambre. Après cela, nous étions devenues les meilleures amies du monde. A l'école, elle restait toujours avec moi et me protégeait des autres.
Depuis la fac les choses n'avaient pas beaucoup changé niveau intégration, sauf que j'avais réussi à développer mon invisibilité au rang d'art. Les gens n'avaient même pas conscience de ma présence. Même au premier rang, les professeurs ne me remarquent pas. C'est pourquoi aujourd'hui j'ai vraiment été surprise que Adriel me regarde.
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