Chapitre 6
Hello! Que de surprises en ce moment, n'est-ce pas? Comme quoi il ne faut jamais désespérer x)
Voilà donc la suite des mésaventures de cette pauvre Mika.
Ce chapitre contient des scènes, propos ou actions qui peuvent heurter la sensibilité des lecteurs.
Bonne lecture!
Soane était allongé sur le toit en terrasse de la maison. Il essayait de percer les nuages qui recouvraient la voûte céleste, mais comprit avec une certaine déception qu'il ne verrait pas les étoiles, ce soir-là. Il faisait un froid terrible, même il le sentait à peine. Faute d'étoile, il lui tardait de voir la neige tomber.
Le monde paraissait toujours plus propre, lorsqu'il était recouvert d'un manteau blanc.
Filia et lui avaient passé une soirée agréable et en bonus ils n'avaient plus aussi bien mangé depuis des semaines. Mais le frère et la sœur, s'ils n'avaient plus abordé le sujet, pensaient tout de même à la mystérieuse princesse. Les deux s'inquiétaient de son bien-être et les deux en éprouvaient de la honte. Pourquoi se faire du souci pour une tête couronnée qui avait dû être pourrie gâtée dès sa naissance ?
En tout cas, c'était ce que Soane pensait. Il lui était infiniment reconnaissant de l'avoir fait affranchir, mais ça le dérangeait de penser à elle. Surtout quand on songeait qu'elle avait dû l'oublier à l'instant même où il avait quitté la pièce.
Néanmoins, il était persuadé qu'elle l'avait reconnu. Il n'avait pas pu voir ses yeux, forcément, mais son attitude rigide témoignait de sa surprise. Peut-être était-ce juste l'étonnement de voir un humble forgeron rentrer dans la salle du banquet. Mais peut-être était-ce aussi parce qu'elle l'avait déjà vu et qu'elle se souvenait de lui.
Un flocon virevolta dans les airs et vint se poser sur la joue de Soane. Il était temps de rentrer. Bientôt, la neige tomberait à gros flocons et il ne serait plus raisonnable de rester dehors à philosopher.
Il se leva et s'étira. Une bonne nuit de repos l'attendait et il comptait en profiter. Il se tourna une dernière fois vers le palais, dont il pouvait apercevoir la pointe de la plus haute tour.
— Faites attention à vous, princesse, murmura-t-il comme une prière.
***
Mika avait l'impression de vivre un cauchemar. Elle était debout devant un autel, dans une robe simple. À sa gauche, Miralor se tenait droit, attendant patiemment que le prêtre ait terminé sa litanie. La brûlure dans ses mains avait disparu et elle s'en sentait soulagée.
Le Général Fou ouvrit soudainement la bouche et prononça un « oui » clair et sonore, qui fit sursauter Mika et qui la sortit de sa transe.
Elle allait se marier. Elle allait vraiment se marier au pire personnage du Royaume. Il allait la briser. Elle le sentait au plus profond d'elle-même. Elle devait s'enfuir. Elle devait...
— Princesse Mikaïla ? l'interrogea gentiment le prêtre. Votre réponse ?
Elle envisagea sérieusement de dire non. Mais elle savait que le roi n'hésiterait pas une seconde à faire assassiner Tiana. Et il le ferait de la manière la plus abjecte qui soit. Elle n'avait pas d'autre solution.
Elle jeta un coup d'œil à Miralor. À son air prétentieux, elle devina qu'il n'avait pas le moindre doute sur sa réponse. Et ça la rendait malade de lui donner raison.
Elle baissa la tête, vaincue.
— Oui.
— Je vous déclare donc unis par les liens du mariage. Pour que cette union soit officielle, l'époux devra présenter une preuve que le mariage a été consommé. Sans cela, l'engagement sera caduc.
Mika se raidit. Elle n'avait pas pensé à cette facette du mariage. Le Général Fou allait s'en donner à cœur joie...
Alors qu'elle essayait d'affermir ses jambes et que le prêtre rassemblait ses affaires, elle surprit le roi qui se penchait à l'oreille de son nouveau conseiller. Elle entendit chaque mot de l'échange.
— Tu as carte blanche, tant qu'elle n'est pas trop abîmée. N'essaie pas de la faire transformer avant d'avoir consommé le mariage. C'est ta priorité numéro un, dans l'immédiat. On verra par la suite ce qu'on peut faire pour la faire sortir de ses gonds.
Miralor sourit avec délice.
— À votre service, Majesté.
Mika frémit, autant de peur que de désespoir. Quelque chose lui disait qu'elle allait passer une très mauvaise nuit.
Le roi se tourna vers elle et lui tapota l'épaule. Il lui fit même un clin d'œil complice.
Un clin d'œil !
— Amusez-vous bien.
Et il s'éloigna, flanqué du cortège qui ne le quittait jamais. Miralor et Mika se retrouvèrent bientôt seuls devant l'autel. Mais le général ne resta pas inactif longtemps. Sans un mot et sans cesser de sourire, il traîna sa toute nouvelle épouse jusqu'aux appartements de cette dernière. Quand ils y parvinrent, Mika n'était plus que gélatine. Elle avait si peur qu'elle n'arrivait plus à penser correctement.
Le général ordonna d'une voix basse que tous les domestiques sortent. Mika fut soulagée de constater que Tiana n'était pas parmi eux. Elle n'aurait pas supporté de voir sa maîtresse dans cet état.
Une fois qu'ils furent seuls, Miralor lâcha le bras de la princesse et verrouilla la porte. La jeune femme en profita pour reculer précipitamment, mais elle se cogna rapidement au mur, acculée. Elle ne pouvait aller nulle part.
Le général s'adossa à la porte et l'observa longuement de son air impénétrable.
Quand il ouvrit la bouche, elle sentit son âme se déchirer en deux.
— Enlève ton voile.
Elle serra les mâchoires et secoua la tête frénétiquement.
Mais résister au Général Fou n'était pas une bonne idée. Cela l'excitait d'autant plus. Il se redressa et s'approcha lentement de la princesse. Une fois qu'il fut à quelques centimètres d'elle, il se pencha à son oreille :
— Enlève-le ou c'est moi qui le fais. Crois-moi, tu n'as pas envie que ça se produise.
Mika laissa échapper un sanglot. Elle savait que le général se nourrissait de sa faiblesse et de sa peur, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Pourtant, elle réussit à redresser le menton.
— Je vous déteste, siffla-t-elle. Vous n'êtes qu'un lâche.
Pendant une minuscule seconde, Miralor sembla surpris qu'elle osât l'insulter. Mais l'instant d'après, il riait aux éclats. Il la saisit par les cheveux, vif comme un serpent, et lui susurra des mots glaçants :
— Tu vas enlever ce voile toi-même, je t'en fais la promesse.
Et il la jeta violemment au sol. Mika se réceptionna en criant. Elle avait peur. Elle avait mal. Elle savait qu'elle était fichue. Mais elle ne pouvait pas obéir. C'était au-dessus de ses forces.
Un picotement reconnaissable parcourut ses mains et remonta dans ses bras.
Pitié...
Miralor tournait autour d'elle.
— Tu sais, il y a des dizaines de façons de faire mal sans que ça laisse des traces sur le corps. Je vais en expérimenter quelques-unes sur toi. À moins que tu acceptes de m'obéir.
La princesse envisagea de le faire. Vraiment. Ses mains devenaient de plus en plus chaudes. Elle savait que, si elle leur jetait un regard, elle verrait des étincelles crépiter autour de la peau. Elle se devait d'obtempérer, sinon son secret le plus intime serait dévoilé.
Mais elle n'en eut pas le temps. Elle sentit au plus profond d'elle-même quelque chose s'éveiller, une partie de son cerveau qu'elle n'avait jamais exploité se mettre en route.
Elle perdit tout contrôle de la situation.
Son instinct animal prit le dessus.
La princesse se contorsionna et commença à convulser. Au-dessus d'elle, Miralor jubilait.
Les vêtements de Mika se déchirèrent, son corps s'allongea, ses mains se transformèrent en pattes griffues et un pelage tacheté apparut sur son corps. Quelques secondes plus tard, il n'y avait plus de jeune fille de dix-huit ans, prostrée sur le sol, mais une femelle jaguar, feulant et grondant à l'encontre de l'homme qui lui faisait face. Elle était énorme, un magnifique spécimen tout en muscles et en dents.
Miralor dégaina son arme en souriant. Il attendait ce moment depuis un bout de temps. Il allait mater cette fille, sous sa forme animale ou humaine.
Les deux époux tournèrent lentement l'un autour de l'autre, l'humain calme et mortel, le jaguar grondant et les babines retroussées, tout aussi létal. Mais la bête fit quelque chose qui déstabilisa son adversaire.
Une fois dos à la fenêtre, la femelle jaguar fit volte-face et se jeta littéralement sur la vitre qui explosa en des centaines de morceaux de verre.
Miralor jura entre ses dents et, passant la tête par l'ouverture, eut tout juste le temps de voir la bête disparaître dans la nuit.
Il neigeait.
***
Soane venait à peine de rentrer quand il comprit que la neige s'était mise à tomber dru. Il ranima le feu dans la cheminée, vérifia qu'il y avait assez de bois pour tenir la nuit et monta quatre à quatre les marches qui menaient à l'étage, pressé de se mettre au lit.
Il se déshabilla complètement et se glissa sous les couvertures en frémissant de plaisir. Il adorait ce moment de la journée, quand il avait enfin gagné le droit d'aller se coucher.
Il ferma les yeux et se laissa aller dans les bras de Morphée... jusqu'à ce qu'un gros boum le fasse sursauter.
Il sursauta et se redressa sur un coude, perplexe. D'où venait cet étrange bruit ?
Filia fit irruption dans sa chambre, échevelée.
— Soane ? Tu as entendu ?
— Oui. Ça avait l'air de venir d'en bas. Reste ici, je vais aller vérifier.
Il fit les gros yeux à sa sœur, qui ne comprenait manifestement pas ce qu'il tentait de lui faire comprendre.
— Tu veux bien te retourner ? Il faut que je m'habille, je ne vais pas descendre à poil.
Filia expira bruyamment et regagna sa chambre, sur ordre de son frère.
Soane s'habilla à la va-vite et se sentit de plus en plus inquiet alors qu'il percevait un véritable branle-bas de combat, au rez-de-chaussée.
Il prit son poignard préféré et descendit lentement les escaliers. La première chose qu'il constata fut que la porte d'entrée était grande ouverte et que la neige rentrait par rafale par l'ouverture.
Toujours sur ses gardes, il referma doucement la porte et se dirigea vers la cuisine. Elle était vide. Il alla dans le séjour. Il n'y avait personne non plus. Il allait fouiller les lieux quand il entendit quelqu'un, ou plutôt quelque chose, monter les escaliers au triple galop.
Il écarquilla les yeux de terreur.
— Filia ! Enferme-toi dans la chambre !
Il entendit une porte claquer et la voix de sa sœur retentit, étouffée par les cloisons qui les séparaient.
— C'est fait !
Soane ne laissa pas le soulagement le déconcentrer. Il remonta lentement les marches et se dirigea vers sa propre chambre. Celle-ci était tellement petite et contenait si peu de meubles qu'il était impossible de s'y cacher. À moins qu'on ne se glisse sous le lit...
Il ferma la porte de sa chambre et, tout en restant à une distance raisonnable, se baissa pour regarder sous le meuble.
Deux yeux dorés le fixaient. Un grondement terrifiant s'éleva et deux canines de la taille d'un doigt apparurent dans le noir. Soane eut tout juste le temps de se pousser avant que le fauve ne bondisse hors de sa cachette, glissant sur le parquet en bois.
Le jeune homme se plaqua contre le mur pour éviter l'attaque et écarquilla les yeux quand il détermina l'espèce de l'animal qui s'était introduit chez eux. C'était un jaguar immense, de ceux qu'on ne trouve que dans la jungle des plateaux du Néliah. Sa robe tachetée était sanguinolente et des éclats de verre étaient enfoncés dans sa peau.
La bête grondait, feulait, haletait. Elle était blessée et acculée, ce qui faisait d'elle un prédateur mortel.
Soane regretta d'avoir fermé la porte de sa chambre. Il savait qu'en se sentant enfermé et prisonnier, le jaguar était cent fois plus dangereux.
Pourtant, il ne semblait pas vouloir attaquer. Il s'était collé dans un coin, la respiration saccadée, la gueule ouverte. De temps en temps, ses babines se soulevaient et, même s'il n'y mettait pas du sien pour être vraiment menaçant, il n'en restait pas moins terrifiant.
Soane se prépara à se défendre, se mit en garde et le jaguar gronda, sans pour autant bouger de son emplacement. Il haletait tellement fort que le jeune homme se demanda si son cœur n'allait pas lâcher.
La bête se coucha tout à coup et essaya de reprendre sa respiration, la langue dehors. Elle ne regardait même plus Soane et avait l'air de souffrir.
Le jeune homme n'avait pas envie de tuer ce magnifique animal, mais il n'avait pas vraiment le choix non plus. Il s'approcha lentement en prononçant des paroles apaisantes.
Soudain, avant qu'il ne soit assez près pour lui asséner le coup de grâce, la bête se crispa et se mit à convulser. Sa silhouette se brouilla et l'instant d'après une jeune femme complètement nue était roulée en boule, son corps blanc recouvert de sang et entaillé à plusieurs endroits.
Soane resta interdit. Il connaissait ce phénomène, même s'il pensait que la race avait disparu.
Une Nyss féline. Il avait failli tuer une Nyss féline.
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