Scène IX
Cela les fit sourire puis elle caressa la joue de Jean Valjean, sa barbe si soyeuse, couleur poivre et sel.
« Aime-moi Jean, murmura-t-elle d'une toute petite voix.
- Tu es sûre ?
- Que dois-je faire pour te convaincre ? »
Elle enveloppa la taille de Jean Valjean de ses cuisses nerveuses, le collant à elle. Il haleta.
« Rien de plus, » admit-il.
Et il se décida enfin à la prendre. Lentement, il fit glisser son sexe dans celui de la femme.
La douleur remplaça le plaisir. Les mains griffèrent les épaules marquées de l'ancien forçat, les cuisses serrèrent les hanches à lui faire mal.
Elle ne gémissait plus.
Valjean posa sa bouche dans son cou, sa gorge, embrassant et léchant l'oreille, murmurant tendrement son prénom. « Émilie »...
Intraitable, il la pénétra profondément puis il cessa de bouger lorsqu'il fut enfoncé entièrement dans le corps de la femme.
Patient, attentionné, désolé. Il essayait de dompter l'envie brûlante de bouger pour ramener le plaisir.
Elle serrait les dents. Il lui embrassa la bouche.
« Je suis désolé... La douleur partira. Je ne te ferais plus jamais mal. »
Il se mit enfin à onduler son bassin, en de longs et lents va-et-vient. Elle serra ses doigts sur les épaules de son amant, laissant des ecchymoses mais ne disait toujours rien.
Dieu !
Valjean essayait de se contrôler. Il essayait de ne pas aller trop durement, trop profondément. Il avait senti la résistance. Il avait senti la crispation. Mais il se perdait à son tour dans le plaisir.
Cela faisait si longtemps et Javert se soumettait si bien.
Ses mouvements devenaient plus saccadés et il ne put se retenir de gémir contre le cou de Javert. Et enfin, il vint. Le monde se perdit dans la blancheur.
Il n'avait pas duré longtemps. Il en était un peu honteux mais cela faisait si longtemps. Et c'était plutôt une bonne chose sachant que c'était la première fois. Leur première fois.
Doucement, il se retira et cette fois, elle ne put s'empêcher de pousser un petit gémissement. De douleur.
Valjean l'embrassa avec tendresse, tellement désolé de l'avoir blessée. Il murmura en lui caressant les cheveux :
« Te voilà une femme maintenant.
- Dieu, » souffla-t-elle, ouvrant enfin les yeux.
Il fut saisi par son regard angoissé.
« Je ne te ferais plus jamais mal. La prochaine fois...
- Parce qu'il y aura une prochaine fois ? »
Un peu venimeuse, elle darda un regard étincelant sur Jean Valjean, elle se reprenait. La douleur avait été forte, l'impression qu'un fer rougi avait déchiré ses entrailles était encore présente. Mais elle avait diminué, devenant supportable.
Alors recommencer ?
Rien n'était moins sûr !
Valjean la serra contre lui, embrassant son épaule, son cou, la faisant frissonner sous ses baisers, ses caresses.
« Crois-tu que j'accepterais que tu t'éloignes de moi après cette nuit ? Après ce qui vient de se passer ?
- Tu as eu ce que tu voulais !
- Non !, » fit-il catégorique.
Elle le regardait intensément, dans l'expectative.
« Que veux-tu de plus ?
- Je veux ton plaisir ! Je veux que tu gémisses mon nom !
- Je l'ai fait !, asséna-t-elle sèchement.
- Pas assez !, la contra-t-il sur le même ton. Si je ne cherchais que mon plaisir, il y a des femmes prêtes à cela sur les quais. C'est toi que je veux !
- Jean Valjean ! Que vais-je faire de toi ?
- Dors ! »
Ils rirent. Valjean se coucha sur le dos, la forçant à se décaler puis, naturellement, elle posa sa tête sur l'épaule large du forçat. Il la serra dans ses bras.
Naturellement.
Et bientôt, elle s'endormit, perdue dans la chaleur de Jean Valjean, de son amant, essayant d'ignorer la douleur encore présente dans son ventre. Essayant d'ignorer les heures qui tournaient en dehors de la chambre...
Quelques heures passèrent en effet. Lorsqu'ils s'éveillèrent, le jour se levait.
« Merde !, cria Javert en se dressant d'un bond.
- Bonjour, ma douce, » sourit Valjean, amusé.
Et il se tut, perdant son sourire, la regardant se lever, nue, la regardant évoluer devant lui. Il admira le dos, mince et d'une peau sombre, les cheveux, si noirs, cascadaient sur ses épaules, ses jambes, longues et fines, musclées par la marche.
Elle était plutôt large d'épaules pour une femme et sa posture trop raide. Ses mouvements étaient nerveux et brutaux.
Puis, il vit le sang qui maculait ses cuisses et il pâlit.
Elle n'était plus vierge.
Il avait été son premier amant. Celui dont elle se souviendrait toute sa vie, quoi qu'il se passe.
« Viens, murmura-t-il en lui tendant une main.
- Jean ! Sois raisonnable !
- Viens, s'il te plaît ! »
Elle grogna mais s'approcha quand même de lui. Elle prit sa main et il la plaqua contre lui. La faisant tomber dans ses bras. Elle était en colère, furieusement inquiète.
« Je t'aime, » souffla Valjean dans son oreille.
Ces mots eurent l'effet escompté, elle redevint douce et elle sourit, un peu ironique.
« Vraiment ?
- Quand reviendras-tu ? Ce soir ?
- Jean, ce n'est pas possible ! Qu'est-ce qu'il va se passer aujourd'hui maintenant que toute la ville se doute que l'inspecteur Javert a passé la nuit chez M. Madeleine ?
- Au diable l'inspecteur Javert ! Au diable M. Madeleine ! Je te veux dans mon lit ! »
Elle se pencha et l'embrassa sur la bouche, profondément. Un goût un peu aigre.
« Pas ce soir ! On se reverra plus tard !
- Quand ?, fit-il, pressant, glissant ses mains dans le dos de la femme, effleurant les fesses.
- Plus tard !, » asséna-t-elle.
Et elle s'écarta pour s'habiller rapidement.
Soudain, elle vit aussi et devint livide. Le sang sur ses cuisses ! Elle ne dit rien mais enfila prestement ses vêtements. Enfin, sans se retourner, elle quitta la chambre. Redevenue l'inspecteur Javert.
L'uniforme, les favoris, la canne, le chapeau, les bottes.
Javert fut discret, il ne croisa personne dans la demeure de monsieur le maire, puis il ouvrit la porte, observant avec attention la rue. Enfin, rassuré et prudent, l'inspecteur disparut.
Javert avait un plan simple. Il retourna aussitôt à son poste, dans ses habits froissés et fit semblant d'avoir passé la nuit debout.
La première chose qu'il dit en entrant fut un cri de colère.
« WALLE !
- Oui, monsieur ?
- Dorénavant, vous gérerez toutes les rencontres avec le maire ou je vais faire un malheur ! »
On remarqua ses vêtements froissés, son aspect négligé, ses cheveux emmêlés, sa fatigue intense. On se méprit.
« Dure nuit ?, fit l'inspecteur Walle, compatissant.
- Vous n'avez pas idée..., avoua Javert. Madeleine est un... »
Puis Javert se tut, comme s'il était tout à coup conscient qu'il dépassait les bornes. On vint lui offrir un café.
« Que s'est-il passé, inspecteur ?, demanda un des sergents.
- Une nuit à argumenter contre un homme obstiné. Dieu ! Le maire veut qu'on soit plus indulgent et qu'on trouve une solution pour éviter d'emprisonner les pères de famille nombreuses.
- Toute la nuit ? »
Javert eut un mauvais sourire en entendant cette question posée sur un ton bien trop innocent pour l'être réellement.
« Une majeure partie ! Ensuite, dès qu'il m'a lâché enfin, je suis parti me promener. J'avais besoin de changer d'air !
- C'est à cause d'Arras ? »
Une autre question toute simple qui fit grincer des dents à Javert...mais entra dans son jeu...
« C'est à cause d'Arras et de Fantine, reconnut amèrement l'inspecteur. Le maire veut surveiller de plus près notre...NON !...mon travail.
- Vous devriez demander votre mutation, monsieur !, lança Walle, désolé pour son supérieur.
- Pas avant deux ans au moins ! Surtout avec l'affaire d'Arras. »
On se tut. On avait compris. Javert avait vraiment beaucoup perdu avec cette malencontreuse affaire Champmathieu.
La journée se passa lentement.
Javert rêvait de se laver, de se peigner, de se changer, mais il tint bon. Walle fut envoyé auprès du maire...au grand déplaisir de Jean Valjean...pour le rapport habituel.
Les rapports étaient devenus quotidiens maintenant.
Le soir fut enfin le moment de récupérer et de se reposer. Valjean espéra l'arrivée de l'inspecteur Javert. En vain !
Le lendemain, le maire fit ensuite tout ce qu'il put pour croiser Javert dans les rues de la ville, pour le saluer. Et il y réussit.
Sur la place du marché, devant l'église principale, Javert se tenait droit, à surveiller le bon déroulement des affaires. Guetter les tire-laines qui seraient assez stupides pour agir en la présence du redoutable inspecteur.
Le maire s'approcha de son chef de la police et les deux hommes se saluèrent.
Valjean nota la coloration des hématomes sur le visage de Javert. C'était en bonne voie de guérison.
« En patrouille, inspecteur ?
- En surveillance, monsieur. On nous a parlé d'une bande de voleurs à la tire sévissant sur le marché.
- Vous serez prudent ? »
Javert dut lutter de toutes ses forces pour ne pas lever les yeux au ciel.
« Oui, monsieur ! »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top