Chapitre 43

Les vautours ne mirent pas plus d'une dizaines d'heures avant de revenir avec toutes les informations dont nous avions besoin. Ils étaient certains de ne pas avoir été repérés donc, selon eux, l'armée de Brycen devrait continuer son chemin sans broncher.

Tout fut organisé en quelques heures. Les capitaines, Nahl et moi préparâmes un plan d'attaque. J'avais envoyé un messager à Wringden pour demander l'aide des Démons. Nous n'obtiendrions pas de réponse avant de faire face à BarrenLand. Nous ne pouvions qu'espérer qu'ils répondraient et surprendraient l'armée par derrière. Je comptais plus sur leur instinct revanchard que sur l'accord avec l'Ancienne pour qu'ils interviennent.

Le plus gros soucis que nous rencontrâmes ne fut pas l'union des deux Cours rivales pour la mise d'un plan. Non, ce fut notre implication, à Nahl et moi. Visiblement, dans la Faerie, les rois et reines ne partaient pas au front. Ils étaient censés rester bien au chaud dans leur Cour à attendre le retour victorieux de leurs capitaines.

Sauf que ni Nahl ni moi ne fonctionnions ainsi. Qu'ils veuillent nous protéger était une chose. Nous empêcher de lutter aux côtés de nos armées en était une autre. Surtout que nous avions tous deux le combat dans le sang.

Malgré tout, ce fut un combat de les convaincre de nous laisser participer. Je comprenais leur logique. Nous étions leur famille royale. Ils devaient nous protéger, nous garder en vie. Si nous mourrions sans descendance, il faudrait trouver quelqu'un d'autre. Ça ferait un grand bazar dans toute la Faerie parce qu'il faudrait combler le vide jusqu'à ce qu'on trouve quelle branche de la famille avait été choisie pour nous remplacer. Si tant était que ça soit quelqu'un de la famille qui soit choisi par les trônes. Ils semblaient avoir décidé de changer de voie, ces derniers temps.

Après avoir réussi à convaincre les capitaines de nous laisser participer, il fallut les persuader que nous nous en sortirions parfaitement sans armure. Tous les soldats en possédaient une mais, évidemment, il n'y en avait jamais eu une fait pour les rois et reines. Le temps nous manquant, il fallait faire sans. Personnellement, ça ne me dérangeait pas. Au contraire, j'étais habituée à me battre sans.

Il fallait aussi compter sur Roscoe. Je savais qu'il serait toujours dans les environs pour me protéger. J'avais pris l'habitude de sentir sa magie dans l'air même si je ne le voyais pas. En connaissant sa puissance et sa force, il m'apparaissait comme plus efficace qu'une armure.

Enfin, dès le lever du jour, nous prîmes la route. C'était étrange de voyager avec toute une armée derrière moi. Ce qui me soulageait était le fait qu'il y avait de nombreuses femmes dans les rangs. En général, elles étaient moins nombreuses que les hommes, surtout du côté des Unseelies. Toutefois, elles étaient là et ça me rendait la vie plus facile. Je n'étais pas la seule femme au milieu de centaines et de centaines d'hommes. J'avais beau être la reine, je ne me serais pas sentie à l'aise s'il n'y avait eu aucune femme.

Le voyage fut calme et plutôt silencieux. Nous étions tous centrés sur la protection de notre magie. Mon capitaine m'avait suggéré d'en accumuler un maximum durant le trajet pour pouvoir tenir aussi longtemps que possible dans le combat. J'avais suivi ses conseils au mieux de mes capacités. Il savait de quoi il parlait. Et puis, si je savais combattre, c'était avec une épée. Pas avec la magie.

Je passais tout mon temps avec les capitaines et mon frère. Les Faes ne possédaient pas de cartes puisqu'ils étaient connectés à leur territoire. Ils savaient d'instinct à quel terrain ils allaient faire face. Je devais admettre que c'était étrange de pouvoir voir dans mon esprit un endroit où je n'étais jamais allée. Ça n'en demeurait pas moins un avantage d'être capable de voir les lieux dans leurs moindres détails.

- La première chose que je fais une fois cette guerre terminée, c'est de refaire un peu le paysage, pestai-je. Tout se ressemble. Et le manque de diversité n'aide pas à remettre la Faerie sur pied.

Nahl roula des yeux.

- Le paysage est très bien comme il est. L'ancienne Faerie était un labyrinthe. Au moins, dans celle-ci, tout est simplifié.

- Ce qui rend la tâche facile à nos ennemis aussi. Sans compter que la nature a besoin d'éléments essentiels pour se régénérer correctement. Et elle en manque certains dans cette répétition infinie du même schéma. Et si la nature survit, la magie aussi.

- Tu fais comme tu veux. Pour moi, c'est du jardinage.

Je secouai la tête, désespérée. Il était un Unseelie pur et dur, pas de doute là-dessus.

En accord avec notre stratégie, nous campâmes quelques kilomètres avant le dernier endroit où avaient été vus l'armée de BarrenLand. Si nous avancions encore, le terrain ne serait plus propice à la bataille. Le sol serait incliné et rocailleux, pris entre deux canyons profonds et qui ne laisseraient aucune chance à quiconque tomberait dedans.

Le lieu que nous avions choisi n'était pas très éloigné de là. Nous avions installé le campement dans un champ aux fleurs plus hautes que moi de plusieurs mètres. Leurs tiges étaient aussi épaisses que des arbustes et parfaites pour se dissimuler en attendant l'ennemi. Pour nous protéger un peu plus, certains Faes tissèrent un glamour, un paravent invisible qui nous rendait moins facilement repérable à moins d'être tout près.

Les heures qui passèrent me parurent interminables. La tension était palpable. Tout le monde guettait le moindre bruit, la magie à fleur de peau, prête à exploser dès que BarrenLand. Nous allions pouvoir surprendre les premiers rangs, dès qu'ils apparaîtraient en bas de la colline, longeant le canyon est.

J'ignorais si le gros de l'affrontement serait physique, deux armées se heurtant de plein fouet. J'avais plutôt l'impression que tout se passerait à distance. Qu'il n'y aurait aucun contact, aucun corps à corps. Je n'étais pas certaine d'aimer la manière Fae.

Et puis, le héraut annonça leur arrivée. Ils étaient là. Juste en bas de la colline. C'était à nous d'agir. Je saisis la main de Nahl et nous avançâmes jusqu'au chemin. Je retins mon souffle en voyant les centaines d'alliés de Brycen se figer en nous remarquant. Ils étaient bien plus nombreux que ce que j'avais imaginé. Mon estomac s'alourdit d'une chape de plomb qui me donna la nausée.

Ce fut Nahl qui prit la parole.

- Rendez-vous tout de suite et il ne vous sera fait aucun mal. Nous détenons votre chef et il sera épargné si vous déposez vos armes tout de suite.

- MORT A LA ROYAUTE ! se contentèrent-ils de hurler. MORT A VOUS !

- Sympa, sifflai-je.

D'un signe de la main, Nahl ordonna le premier tir. Une pierre vola depuis les pieds d'un soldat et alla percuter le crâne d'un rebelle qui s'effondra. Mort. Je n'aurais jamais cru qu'un modeste caillou puisse faire autant de dégâts. De là où j'étais, je pouvais discerner le crâne enfoncé, la cervelle jaillissant du trou.

- C'était votre seul avertissement ! reprit mon frère. Rendez-vous maintenant ou vous mourrez !

Ils répliquèrent sans attendre, envoyant leurs magies droit sur nous. Je sentis le bouclier de Roscoe pulser autour de nous. Il était quelque part dans la foule mais toujours aussi réactif lorsqu'il s'agissait de ma protection.

Il n'en fallut pas moins pour que la bataille s'enclenche. Je perdis toute notion de temps et d'espace. Je me concentrai pour éliminer le plus d'adversaires possibles. Me battre uniquement avec ma magie demandait encore plus de concentration que de me battre à l'épée. Lors d'un combat armé, je pouvais laisser mon corps agir seul, habitué qu'il était à cette pratique. Avec la magie, il fallait que je sois entièrement concentrée sur ce que je faisais et sur la façon dont je voulais le faire. La moindre faille et je ratais mon tir et je gaspillais ma magie. C'était épuisant mentalement bien plus que physiquement.

Toutefois, arriva le moment où les magies s'épuisèrent. Ce fut ce moment précis que BarrenLand choisit pour attaquer. Leur tactique fut directe : envoyer les plus faibles en guise de premier front pour permettre aux autres de pouvoir escalader la colline. C'était barbare et cruel mais ils le firent tous sans hésitation et brandir mon épée me demanda plus de réflexion que prévu.

Heureusement pour moi, mes vieux mécanismes se mirent en branle. La peur et le doute m'abandonnèrent pour laisser place à une danse mortelle que je ne connaissais que trop. Ennemis et amis étaient faciles à différencier. BarrenLand ne portait aucune couleur particulière. Leurs vêtements étaient rapiécés et c'était là leur seule bannière tandis que les Unseelies étaient tous habillés de noir et les Seelies se réunissaient en rouge. Je m'étais attendue à du blanc. Au lieu de ça, ils avaient choisi une couleur « moins salissante et sur laquelle le sang ne se voit pas ». Comme quoi les Seelies n'étaient pas que des marionnettistes et savaient aussi se salir quand il le fallait.

Tout en me battant, je gardai peu de conscience pour ce qui m'entourait. La seule chose sur laquelle je veillais, ce fut la pente et les canyons. Le reste n'était qu'ennemis à abattre.

Je tranchais, poussais, frappais. Je ne pris pas le temps d'essuyer le sang sur mon visage. Je me mordis la langue pour ne pas crier à chaque coup de lame que je subis. J'exilai ma douleur au fond de mon esprit et enfonçai ma lame dans l'estomac d'un rebelle qui émit un borborygme humide. Je le repoussais d'un coup de pied. Je passai au suivant.

Je retrouvai Nahl au milieu de la mêlée. Dos à dos, nous luttâmes. Nous n'échangeâmes pas un mot avant de nous perdre à nouveau.

Mes muscles commencèrent à protester. Chaque coup était nécessaire et m'arrachais des cris. J'étais à bout de forces. Je n'étais pas la seule. Autour de moi, ennemis et amis beuglaient en s'affrontant, piochant dans leurs dernières forces.

Et puis, je le vis.

Naseok.

Je vis la lame pénétrer son estomac et ressortir dans une gerbe sanglante.

Je vis le corps s'effondrer au sol.

Je hurlai.

Et tout prit feu.

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NdlA : MOUHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !!!

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