Chapitre 33
Les deux Cours s'étaient enfin mises d'accord. Elles avaient accepté d'élever les murs autour de la Faerie. Lorsque le peuple l'avait appris, personne n'avait réellement désapprouvé. Je ne savais pas si c'était parce qu'ils étaient plus occupés par leurs travaux, si c'était parce qu'ils étaient d'accord avec notre idée ou si c'était encore autre chose. Toujours était-il qu'il n'y avait plus aucune opposition.
Ce qui voulait dire que nous allions pouvoir établir ces murs. Je ne pouvais que me remémorer du mur de glace que le Roi Noir avait érigé avec mon pouvoir durant mon séjour sous son joug. Ce souvenir avait ravivé mes cauchemars. J'avais dû aller voir le soigneur de la Cour dans l'espoir d'obtenir une teinture qui m'aiderait à dormir. Il m'en avait donnée une qui fonctionnait plutôt bien pour l'instant. Je redoutais le moment où elle n'aurait plus d'effet.
Aucune cérémonie n'avait été prévue pour l'édification. Il n'y aurait que les Rois Jumeaux, nos conseils, Nahl et moi. C'était plus restreint que je ne l'aurais prévu. Je m'étais attendue à une grande réunion des deux Cours, comme pour chaque événement qui s'était passé jusque là. Le manque de comité m'étonnait assez.
Toutefois, je n'allais pas m'en plaindre. Bien au contraire. Je devais déjà subir la présence de tous les Seelies à la Cour, si je pouvais éviter les gros rassemblements, c'était d'autant mieux.
- Comment on s'y prend ? me demanda mon frère.
- Je n'en ai pas la moindre idée. Lorsque le Roi Noir a utilisé ma magie pour construire le mur de glace à la frontière, il l'a fait sans que je sache comment.
- Je suppose que ça fonctionne comme le reste. On se concentre, on connecte nos magies et on monte les murs.
Je considérai son idée sans répondre. Je ne voyais pas d'autre façon de faire. Nous allions devoir y aller à l'instinct. Je n'avais aucune envie d'attendre la cérémonie du savoir pour créer ces murs. Surtout pas maintenant que Ryker était retourné chez lui. Je ne pouvais pas affirmer ce qu'il allait faire. Je ne pouvais pas affirmer qu'il allait vouloir se venger. Je me doutais qu'il était furieux. Et que je le renvoie droit dans son royaume où sa mère cherchait à se débarrasser de lui... Non, il n'allait pas rester sans réagir.
- Il faut qu'ils soient infranchissables, dis-je. Totalement infranchissables.
- Tu attends une attaque ?
- Ryker ne va pas rester sans se venger. Il va sûrement rejoindre le camp de sa mère, ne serait-ce que pour récupérer son trône. Dès qu'il aura la main sur l'armée, il va l'envoyer à nos portes pour faire un maximum de dégâts. Ces murs doivent être épais et très, très hauts pour que rien ni personne ne puisse les franchir.
Il hocha la tête. Même lui devait se douter que Ryker allait chercher les représailles. Ce n'était pas une menace qu'il pouvait survoler.
- Il faut aussi penser à BarrenLand, ajouta Naseok. Si Brycen se décide à attaquer, mieux vaut éviter toute possibilité pour Ryker d'en faire autant au même moment. Nous ne pourrons pas survivre à deux attaques en même temps.
- C'est certain, approuva Vixsin. Aucune des deux armées n'est prête pour une bataille. Nous nous ferions écraser en quelques jours. Et nous nous sommes accordés pour garder les humains loin de notre territoire.
Je fus honnêtement surprise du soutien du conseiller. Je n'aurais pas pensé qu'il interviendrait en ma faveur. Jusque là, aucun d'entre eux ne s'était particulièrement montré d'un quelconque soutien depuis l'ouverture des discussions. S'étaient-ils enfin réveillés ?
- Comment on s'y prend, alors ?
Je haussai les épaules. Je n'en savais pas plus que lui. Le Roi Noir avait utilisé mon pouvoir pour bâtir le mur de glace mais je n'avais aucune idée de la façon dont il s'y était pris. Se concentrer sur ce que nous voulions faire suffirait probablement mais nous devrions avoir exactement la même idée.
- Il faut que vous connectiez vos magies, nous révéla le Roi Blanc. Ensuite, une forte concentration sur vos objectifs devrait suffire à obtenir ce dont nous avons besoin.
J'étais dubitative. Cependant,je gardai mes doutes pour moi et m'éloignai avec Nahl. Nous avionsbesoin de concentration et ce n'était pas sous les yeux de tout lemonde que nous parviendrons à en avoir.
Nous nous assîmes à même le sol. L'herbe était humide et glacée mais nous n'avions pas d'autre option. De plus, le froid m'avait toujours aidée à m'ancrer.
- Tu as déjà connecté ta magie à quelqu'un d'autre ? l'interrogeai-je.
- Non. Je n'en ai jamais eu besoin. Être le Chasseur donne certains avantages. Je suppose que tu l'as déjà fait.
- Plusieurs fois, admis-je.
- Je te laisse faire, alors.
Je pris ses mains.
- Commence à travailler sur les murs, lui ordonnai-je.
Il eut l'air inquiet mais il ferma les yeux et une chanson commença à quitter ses lèvres, lente et cadencée. Sa voix était descendue de quelques octaves. Je pressai ses mains plus fort, commençant à sentir le bourdonnement de sa magie. Je centrai toute mon attention sur sa chanson pour venir m'y greffer et joindre ma magie à la sienne.
Au moment de la connexion, sa concentration glissa et je dus le forcer à continuer. Je laissai mes paupières se clore, laissant la magie me donner l'image de ce que nous étions en train de construire.
De la pierre s'élevait vers le ciel, coupant toute vue et toute communication vers le monde extérieur. C'était épuisant et difficile. Nous persévérâmes au maximum de nos capacités. La sueur coulait le long de ma colonne vertébrale, sur mon front. C'était désagréable. Toutefois, je me forçai à l'ignorer pour continuer à pousser, à forcer ma magie.
Plus nous montions les murs et les renforcions, plus je luttais. Ma peau brûlait, j'avais la nausée, des fourmillements dans les jambes. Mes yeux aussi me faisaient souffrir. J'étais certaine de saigner du nez. Je n'avais jamais autant poussé sur ma magie et ça devenait difficile à maintenir. Nous avions encore du travail mais je n'arriverais pas à tenir. Je le sentais au plus profond de moi. Mes os me faisaient mal.
Ce fut Nahl qui rompit le lien. Il s'effondra sur le côté. Le haut de sa chemise était plein de sang et la mienne n'était pas mieux. Je crachai celui que j'avais dans la bouche. Je faillis vomir en même temps.
- Vous avez réussi, s'exclama Drenna.
Naseok s'agenouilla à côté de moi et pressa un tissu contre mon visage. Je le pressai contre mon nez pour endiguer le saignement. Il aida Nahl à se redresser. Mon frère était en moins bon état que moi. Il vomit, incapable de se retenir. Il était à deux doigts de s'évanouir. Il devait avoir forcé encore plus que moi. À moins que je n'aie une meilleure tenue sous l'épuisement de ma magie.
- Ça va, Nahl ? demandai-je.
Ma voix portait à peine. Ma gorge brûlait. Mes poumons étaient emplis de flammes. Mon frère secoua la tête. Il s'appuya sur Naseok qui ne parut pas perturbé par l'état de son roi. Le vomi, le sang... Rien ne sembla l'affecter. Il demeura assis à côté de lui, l'empêchant de s'effondrer à terre. Se pouvait-il qu'il soit déjà attaché à Nahl ? En dépit de ce qu'il s'était passé ?
Je fermai les yeux et pressai mes paumes dessus. J'avais un mal de tête terrible. Réfléchir ne m'aidait pas. Je me laissai tomber sur le flanc et inspirai profondément. Mon nez était à vif. Plus rien n'allait.
- Vous avez tous les deux bien trop insisté, pesta le Roi Noir. Regardez dans quel état vous êtes !
- Au moins, le travail est entièrement fait, répliqua Naseok, effronté. Les murs sont si hauts que rien ne pourra les passer et ils ont l'air solide.
- Nous sommes à des centaines de kilomètres de ces murs, on ne peut en juger la solidité d'ici !
- Ils le sont, assura le Roi Blanc. Ma connexion au territoire n'est pas encore totalement effacée et je peux sentir qu'ils ne bougeront pas.
Le Roi Noir se ferma. Il ne semblait pas ravi. Je ne comprenais pas trop pourquoi. Il avait accepté cette idée. Il avait donné son accord. Pourquoi revenir dessus maintenant que c'était fait ? Se pouvait-il qu'il soit inquiet pour son fils ? J'avais beaucoup de mal à y croire. Il n'avait aucun instinct paternel.
Le jugeais-je trop sévèrement ? Après tout, il n'était pas mon père. Il ne pouvait pas m'avoir reconnue puisque je n'étais pas sa fille. Ça expliquait un peu plus sa facilité à me torturer et à m'utiliser comme donneuse de magie. Aussi, il était possible qu'il s'inquiète pour son fils.
À côté de lui, le Roi Blanc ne paraissait pas inquiet. Il ne m'avait pas approchée, ne m'avait pas demandé comment j'allais. J'aurais pu m'effondrer, vomir, me vider de mon sang qu'il n'aurait pas bronché. Il s'en moquait totalement.
- On va vous ramener dans vos quartiers, décida le Roi Blanc. Vous avez besoin de repos. Surtout toi, Sixtine. Tu dois être en forme pour la cérémonie. Il ne te reste que peu de jours pour te rétablir. J'espère pour toi que tu seras remise d'ici là.
Il claqua des doigts et des gardes vinrent m'aider à me mettre debout. Je serrai les dents. Non, il ne s'inquiétait définitivement pas pour moi. Tout ce qui le préoccupait était de savoir si je serais en état de subir sa maudite cérémonie du savoir.
Je m'appuyai de tout mon poids sur mes gardes et les laissai me ramener dans ma chambre. Naseok partit avec Nahl et je restai avec des inconnus.
- Dormez, Majesté.
La voix de Roscoe fut la dernière chose que j'entendis avant de m'enfoncer dans un sommeil lourd et sans rêve.
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NdlA : Et voilà ! Les murs sont enfin montés ! C'était un petit chapitre sans prétention mais dites-moi ce que vous en avez pensé !
NdlA2 : J'aurais besoin de vous, les amis ! J'ai inscrit La Couleur de nos Mensonges aux Chantilly Awards 2019 alors si vous pouviez prendre 30 secondes pour aller voter pour elle, je vous en serais infiniment reconnaissante ! Voici le lien : https://www.wattpad.com/686237725-chantilly-awards-2019-participants-romance-la ! Merci à tous ceux qui iront mettre un petit vote !
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