13 | Sang lavé à l'orage.

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Cela faisait deux jours et une nuit que André et Daryl étaient partis en ravitaillement. Tout le monde s'inquiétaient pour eux. Carol était encore en convalescence, Rick sortait lentement de son deuil, Merle foutait le bordel et Andréa était revenue. Enfin, elle était venu proposer une discussion à l'amiable avec le Gouverneur. Tout leur tombait dessus comme une avalanche et ce fut Madeleine la première à vriller.

Elle avait commencé à négocier dès la fin du premier jour, mais tous avaient été impartiaux quant à la marche à suivre. C'était trop dangereux de partir à leur recherche, André était avec Daryl, ils allaient revenir.
Puis le matin du deuxième jour, elle n'y tint plus. Mad avait insisté toute la nuit mais personne ne voulait céder. Alors dès qu'elle vit un orage arriver de loin du haut du mirador, elle balança ses jumelles, descendit en quatrième vitesse pour trouver Merle et lui ordonner de la remplacer.

Merle avait refusé et avait refilé le rôle à Maggie qui passait par là. Elle ne comprit pas quand les deux amis détalèrent en direction d'une voiture.
Kanye les vit faire, planqué sous des escaliers détruits, à l'ombre, il observait le groupe autour de lui. Mad et Merle n'avaient pas été les plus invisibles. Il comprit immédiatement ce qu'il se tramait. Kanye s'était levé comme s'il attendait ça depuis des lustres, il les rejoignit en quelques pas et la minute d'après il leur ouvrait les grilles pour que leur voiture s'élance sur la route. Tout était allé si vite que personne ne pu les en empêcher.

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C'est la douleur qui réveilla André. Une douleur brûlante comme des millions d'aiguilles chauffées à blanc perforant son corps à l'infini, et sa jambe en particulier. Sa tête lourde, endolorie pendait à quelques centimètres du sol, il était agenouillé, les deux bras tirés en arrière par des cordes accrochées à ses poignets. Ces satanés liens qui lui brûlaient la peau et qui faisaient couler son sang. Il le sentait tant la douleur était virulente.

André ne tenta pas de suite d'ouvrir les yeux, ses autres sens saturaient déjà suffisamment pour qu'il n'en rajoute une couche. Alors il utilisa son cerveau, rassembla ses pensées et calma ses angoisses - il s'étonna lui-même de la force de sa persuasion -. Il entendait des crépitements, quelques craquements espacés, un feu sans aucun doute. Et vu l'odeur boisée et la chaleur qui s'en dégageait, il ne devait s'en trouver très loin, trois mètres tout au plus. L'information que son cerveau traita en suivant fut les voix. Des discussions inintelligibles pour l'instant à cause de son esprit secoué, mais des discussions tout de même.
André se trouvait enchaîné à un arbre, en pleine nuit si l'on prenait en compte la faible luminosité contre ses paupières ou le froid encore piquant des nuits de cette mi-avril et il était entouré d'hommes inconnus visiblement mal intentionnés. Il trouva le comique de situation particulièrement pitoyable.

Alors prudemment, il voulut ouvrir les yeux. La lumière orangée du feu lui avait à peine dévoilée le sol terreux à quelques centimètres de son nez qu'il fut pris de vertiges faramineux. Sa tête le lança plus fort encore et il sentit son cœur battre au bord de ses lèvres. Les liens tirèrent un peu plus sur ses poignets quand il trembla en avant, ils lui arrachèrent un gémissement étouffé qui fire dangereusement relever l'oreille de ses kidnappeurs.

Les discussions avaient cessé et des pas s'étaient approchés. André sentit son sang se glacer, provoquant un affreux mélange de froid et de peur dans tout les membres de son corps. Des doigts agrippèrent ses cheveux et lui relevèrent la tête sans douceur.

Ce qu'il vit quand son visage se retrouva à quelques millimètres de l'homme fut et restera sans doute la chose la plus affreuse qu'il n'avait jamais eut à regarder.
Ce n'était plus un homme qu'il avait face à lui, c'était un revenant.

L'intégralité du bas de son visage était profondément calciné, une vieille brûlure mais si mal cicatrisée que sa peau en restait fragilisée. La brûlure commençait juste en dessous de ses yeux brillants de démence, elle coulait comme des larmes sur ses joues pour venir dévorer sa bouche - où autrefois des lèvres couvraient ces rangées de dents noires et cassées -, son menton, son cou et venait disparaître sous un t-shirt sale et poisseux.
Le sourire qui étirait monstrueusement son visage aux lèvres absentes fit hoqueter André de peur. Quand l'homme ouvrit la bouche pour parler, il rendit son prisonnier nauséeux, l'odeur du feu de bois avait été totalement remplacée par celle des charognes.

- J'crois qu'il s'est réveillé, caqueta l'homme défiguré.

Derrière lui, un autre homme ricana tandis qu'un autre encore se leva. Quelqu'un s'approcha d'André et quand il posa les yeux sur son visage souriant, quelque chose frappa André de plein fouet.
Qu'est-ce que Elon Musk foutait dans The Walking Dead ?
Ce type était littéralement Elon Musk.
C'était lui, André en aurait - presque - mit sa main à couper si l'homme ne s'était pas mit à parler avec une voix tout à fait différente de celle du milliardaire. La voix de l'homme était cassée, comme si quelqu'un avait frappé dessus de toutes ses forces avec une masse. Elle semblait traîner par terre à l'image d'un corps que l'on tire.

- Ça faisait un petit moment que personne n'était venu nous rendre visite, n'est-ce pas ?

Même si ses yeux étaient tournés vers un point dans la forêt, André savait que la voix s'adressait à lui. Devait-il répondre ? André décida que non, moins il en disait mieux il se porterait.

- Comme tu peux le voir, Merin a très faim.

Elon Musk continua sa litanie, terrifiant un peu plus André à chaque mots. La peur l'étouffait, rendu foudroyante par les caresses électriques de Merin sur son dos.

- Et il s'est déjà occupé de ton petit-copain.

André écarquilla les yeux à travers ses larmes. Un gémissement lui échappa. C'était un cri de désespoir, de panique, un cri qui hurlait à l'aide. Implorant un Dieu bien moqueur pour que ça soit faux. Mais il savait que la vérité était que Daryl était sûrement mort. Sans aucun doute même.

- Mais le pauvre a encore faim, décidément, il ne se rassasie jamais.

Elon Musk se détourna, André se retrouvait à la mercie de Merin. Et cet infâme rire qui roulait autour d'eux.
Les yeux noyés de larmes, perdus dans le vagues il vit le monde tourner, la couleur d'un corps étendu dans l'herbe comme dernier contact avant la chute.

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André ne se réveilla pas au matin. Le soleil grimpant, les oiseaux chantants, les hurlements déchirants. Rien ne parvint à le tirer de l'état dans lequel il était.
Quand midi fut sonné par le roulement du tonnerre à quelques lieux de là, raisonnant sur eux comme un gla, il était toujours absent. Et à quelques mètres de lui, Daryl aussi. Autour d'eux Elon Musk, Merin et Le Rire s'engueulaient. Enfin, Le Rire s'engueulait avec Elon Musk. Seuls les gémissements torturés de Merin témoignaient de sa présence.

Les deux hommes se criaient dessus avec une virulence telle qu'ils n'entendirent pas le premier coup de tonnerre qui emplit l'air. Merin l'avait entendu lui, mais il avait trop peur pour bouger. La dispute fût telle qu'ils ne l'entendirent pas non plus se rapprocher. Accompagné d'un requiem des plus macabres marchant dans son sillage.

L'après-midi vint et avec lui la fin de la dispute après une violente baston qui les laissa tous les deux K.O jusqu'à la fin de l'après-midi. Le ciel s'était déjà considérablement assombri.
Merin continuait à pleurer et à geindre dans son coin, occultant le danger et tout ce qui l'entourait pour rester dans les méandres de son esprit disloqué.

Les premières pluies s'abattirent au soir, apportant avec elles la lame de leur guillotine. Quelques gouttes s'écrasèrent seulement avant que Elon Musk ne reprenne conscience. Il ouvrit ses yeux vers le ciel gris si lumineux qu'il l'eblouie. Un grognement de sa part ramena Le Rire à la vie. Mais il ne riait plus.
Les deux hommes se relevèrent sans un mot, ignorant complètement Merin. Ils se regardèrent, leur visage identiquement tuméfié avait l'air grave. L'air de la proie.

- On doit partir.

L'ordre fut donné par Elon Musk. À l'intention du Rire. Pas à celle de Merin.
Le Rire acquiesça et ils se mirent à ranger leurs affaires rapidement. Ils avait encore un peu de temps avant que le gros de l'orage ne soit sur eux. S'ils se dépêchaient, ils auraient le temps de rejoindre l'entrepôt qu'ils avaient vu l'avant veille.
Pendant qu'ils rangeaient, Elon Musk pensa que cette petite horde tournait en rond. Il fallait quitter la zone au plus vite.

Il rejoignit Le Rire quelques secondes après, sans un mots, il se mirent à courir vers l'entrepôt. Abandonnants les trois autres à leur faiblesse sans se retourner et sans même y penser une seule fois.

André et Daryl ne se réveillèrent pas non plus quand la nuit tomba. La mort marchant vers eux et se rapprochant tant et tant est que bientôt, l'un des rôdeurs vint s'abattre sur Merin, arrachant la peau de son crâne comme du petit papier crépon. Les hurlements macabres ne réveillèrent toujours pas Daryl et André.

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- Putain ça fait trois heures qu'on tourne ! explosa Merle en frappant violemment contre la boîte à gant.

Ils voyaient pour la quatrième fois en trois heures le même putain d'entrepôt.

- Je sais bien Merle ! répliqua Mad sur le même ton. T'as qu'à conduire si t'es pas content mais on a vu ce que ça donnait vu que toi-même tu t'es perdu ! Alors ferme la !

Merle poussa brusquement Mad avec son épaule et lui prit le volant des mains. La voiture pétarada sous le cri de Mad. Elle tenta de le repousser en vain puis le supplia de lâcher le volant pour qu'ils échangent de place.

Quand Merle fut enfin au volant, il lui lança un regard moqueur et Mad - qui allait lui expliquer comment ils devaient procéder ensuite - leva un sourcil.

- Qu'est-ce que t'as encore Dixon ? siffla-t-elle. T'en a déjà marre de conduire ?

- Oh non, ricana celui-ci, maintenant tu sais que si on joue, c'est moi qui gagne.

Mad eut l'air vraiment amusée et Merle n'apprécia pas trop.

- Eh bien Merle, je ne te savais pas si fragile. T'as besoin de mettre les gens autour de toi en danger inutilement pour revigorer ton petit égo visiblement très délicat ? Je suis désolé de te le dire mon pauvre vieux, mais ça fait vraiment de la...

Sa voix s'éteignît avant de finir sa phrase quand elle vit deux hommes quitter en trombe la forêt.

- Merle regarde ! s'écria-t-elle en les pointant du doigt.

Merle les avaient déjà vu et fonçait sur eux, pleins phares. Les deux hommes furent presques tétanisés quand le monstre de métal arriva à toute vitesse. Et ils le restèrent quand elle les percuta de plein fouets, envoyant leurs corps brisés voler des mètres plus loins. Merle arrêta immédiatement le moteur sous le regard choqué de Mad.

- Pourquoi t'as fais ça putain ?! s'époumona-t-elle en suivant Merle qui sortait de la voiture. Ils- ils étaient vivants !

- C'étaient des crevures de la pire espèce, retorqua l'accusé en rentrant dans la forêt par là où les deux dangers vivants venaient de la quitter.

- Qu'est-ce que t'en sais ?!

- J'le sais c'est tout, siffla-t-il, vraiment de plus en plus agacé. Maintenant tu fermes ta gueule et tu me suis, j'ai une piste.

Mad mit quelques secondes à se reconnecter, puis elle fronça les sourcils.

- Hein ? Mais il pleut.

- Pas encore suffisamment pour tout détruire, si on se dépêche, on peut peut-être les retrouver.

- Qu'est-ce que t'en sais qu'ils seront là ?

Merle lui tendit un manteau en cuir.

- C'est à André, s'écria-t-elle en lui arrachant le vêtement.

- C'était par terre, ils ont dû passer par-là, suis-moi et aucun bruit.

Mad hocha sérieusement la tête et tous deux se mirent en route. La piste était à peine marquée et Merle avait de plus en plus de mal à la suivre. La pluie et le tonnerre était de plus en plus fort, une odeur de mort n'apportant rien de bon se mélangeait à l'air mouillé.

Puis Merle perdit définitivement leur trace. Les voilà en plein milieu de la forêt, sous la pluie et avec une horde qui rôdait sûrement dans les environs.

- Putain j'en peux plus de cette pluie de merde ! s'énerva Mad en tapant le sol boueux avec la semelle de ses chaussures. On va crever là, Merle.

Mais Merle avait entendu quelques chose à travers les bruits de la pluie. Quelque chose d'autre.

- Attend, ferme la, ferme la, invectiva-t-il en posant sa main sur la bouche de son amie. J'ai entendu un truc.

Aussitôt Mad se tu et tendit l'oreille. Et elle l'entendît elle aussi. Ce cri déchirant la nuit.
Les deux survivants s'élancèrent, la peur au ventre mais il n'eurent pas fait plus de quinze mètres que les premiers rôdeurs se jetaient sur eux. Heureusement ils n'étaient pas nombreux de ce côté-ci et ils réussirent facilement à s'en débarrasser.
Dans le chaos, il ne virent pas de suite l'homme défiguré qui était en train de servir de casse-croûte à quelques morts. Mais ce que Mad vit lui fit l'effet d'une douche froide.
Elle tira légèrement la manche de Merle pour qu'il regarde et quand il se tourna, un frisson le parcourut.

À seulement quelques mètres, deux corps quasiment nus étaient étendues de chaque côtés du petit camp, la pluie martelait leur peau bizarrement pâle et colorée de nuances de rouge, bleu et violet. Autour d'eux, les morts marchaient. Ils les contournaient ou trébuchaient dessus sans y prêter la moindre attention, ils continuaient leur route vers les profondeurs de la forêt.
Mad et Merle attendirent, terrifiés, paralysés. Leurs seules attaches venaient de mourir. Leurs yeux horriblement fixés sur les corps inertes.

Les gouttes tombèrent ainsi, les minutes avec elles, longues, interminables, abrutissantes. La mort chantant dans ce sinistre tableau qui semblait s'étendre jusqu'à l'éternité.

Mais comme toute choses, l'horreur avait une fin. Bientôt les morts s'espacèrent, laissant l'annihilation dans leur sillage. La pluie s'affina, découvrant un paysage mouillé et froid, comme si toute vie avait fuit les lieux depuis des lustres.
Le corps de Merin avait disparu, seule une épaisse tâche pourpre que la pluie n'avait pas réussie à laver hantait le sol boisé.
Mad et Merle restaient aussi figés, on pouvait les confondre avec des éléments de cette pittoresque peinture.

Il fallut compter de longues, immensément longues minutes pour que Mad esquisse le premier geste. Merle la regarda marcher vers les corps, hébété.

- Qu'est-ce que tu fais ? croassa-t-il d'une voix terriblement cassée.

- Je ramène André.

Merle digéra l'information et quand Mad s'accroupît au-dessus de son meilleur ami, Merle alla s'occuper de son petit frère.

Sans surprises, leurs corps étaient froids, glacés même. Ils étaient couverts de saletés. De terre, de boue, de sang, des bleues et des substances que Mad et Merle n'identifiaient que trop bien. Sans hésiter une seconde, ils se découvrirent en même temps pour envelopper un minimum leurs morts.
Ils grimacèrent de dégoût lorsqu'ils virent l'ampleur des dégâts physiques, de profondes entailles recouvraient le corps de Daryl. Et les os de la jambes d'André avaient déchiré sa chair pour venir goûter à l'air libre.

Puis une brusque exclamation fit sursauter Merle. Il fit volte-face pour fixer Mad, le flingue déjà braqué vers elle.
Mais quand il la vit sourire, il baissa son arme.
Mad se mordit la lèvre alors que les larmes coulaient jusque dans son cou.
Elle hoqueta :

- Il- Il a un pouls.

Merle écarquilla les yeux, il se maudit pour s'être autant laissé aller. Ses émotions avaient reprit le dessus et ça n'était pas bon du tout. Il se jeta presque sur le corps martyrisé de son frère, cherchant frénétiquement un quelconque battement, même infime. Il en fallait juste un.
Pitié.
Et il y en avait un.

Il mit de trop longues secondes à le trouver mais il était bien là, il frappait faiblement contre la peau.

Merle laissa échapper un exclamation mélangeant joie et soulagement.

- Ils sont très faibles, la voix de Mad claqua impérieusement dans l'air de la nuit. On doit les ramener immédiatement. Le choc thermique, physique et psychologique les a considérablement épuisé. Si on ne les prend pas en charge immédiatement, ils ne passeront pas la nuit.

Merle hocha fermement la tête. Il imita Mad qui ramassait André et prit le corps de Daryl dans ses bras. Tout deux se hâtèrent de rejoindre la route où ils récupérèrent leur voiture dans un état proche de celui dans laquel il l'avait laissé. Les deux mourants furent installés à l'arrière et dès la portière claquée, Merle accéléra en trombe.
Il fila à travers la nuit, déchirant le rideau opaque du silence avec les cris du moteur mit à mal. C'était dangereux de conduire aussi vite mais à présent, chaques secondes comptaient.

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