10 | Bourgeons aux épines.
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- Non mais t'es sûr que t'as pas de casque ?
Daryl souffla pour la énième fois, visiblement très irrité par la petite crise de flippe d'André qui n'aimait pas du tout monter à moto.
- André, ferme-la et monte sur cette putain de moto.
- Désolé Daryl mais imagine si on a un accident, vraiment ce n'est pas prudent.
- On n'aura pas d'accident.
- T'en sais rien.
- J'sais conduire, aller monte, tu nous fais perdre du temps.
André soupira et après quelques - trop - longues secondes, finit par grimper sur cet engin de l'Enfer à contrecœur. Il posa ses mains sur la taille de Daryl, incertain.
- Passe tes bras autour de moi, tu vas t'casser la gueule sinon.
Il se retint de faire tout commentaire et s'exécuta, terrifié à l'idée de monter sur ce danger roulant sans casque.
Daryl démarra en trombe et André se cramponna un peu plus au chasseur. Avec la peur, il ne savourait malheureusement pas du tout cette proximité et la sensation des muscles sous ses doigts.
- Ralenti Daryl ! hurla André par dessus le bruit. On va finir dans l'décor !
- Arrête de m'étouffer alors !
- Non ! J'vais mourir si j'te lâche !
Finalement il ralentit un peu et André tenta d'ouvrir un œil, puis l'autre. Il sentit son angoisse descendre d'un cran sans pour autant être rassuré.
Dans le rétroviseur, il vit Daryl sourire.
Au bout d'un certain temps, ils s'arrêtèrent au bord d'une station service. André posa pied à terre en soufflant de soulagement, il tituba un peu et avec l'infime aide du chasseur, réussit à reprendre son équilibre.
Daryl leva son arbalète devant lui et tous deux partirent explorer les lieux.
À leur grand soulagement, ils ne croisèrent ni vivants, ni morts-vivants. André baissa un peu trop facilement sa garde et parti s'aventurer parmi les rayons, sa petite liste bien serrée dans sa main.
- Ça va ? demanda-t-il à Daryl qui se trouvait dans le rayon d'en face.
- Ouais, et toi ? Tu t'en sors ?
- Oui, mais je ne sais pas ce que je dois prendre, j'ai une petite liste pour Mad mais c'est tout.
- Tiens, ma liste.
Daryl lui donna un papier froissé où tout était soigneusement écrit dessus. André reconnu l'écriture bouclée et propre de Beth.
- Merci, je pars de ce côté.
Daryl hocha la tête et se dirigea vers le côté nourriture tandis que lui marchait vers le rayon pharmaceutique.
André n'eut pas à chercher longtemps pour trouver ce qu'il voulait, il fut d'ailleurs bien étonné d'en trouver dans une station service. Avec un immense sourire, il sortit suffisamment de boîte d'androtardyl pour le faire tenir facilement un an. Comme il s'en doutait, ça n'était pas la priorité des survivants de se procurer des ampoules d'hormones masculinisantes. Il fouilla encore un peu plus et dénicha avec joie tout un stock de seringues, d'aiguilles vertes et d'aiguilles roses, pile celles dont il avait besoin.
Il laissa échapper une exclamation satisfaite et rafla ensuite le plus de médicaments possibles, même si la quasi-totalité du rayon était vide.
André revint sur ses pas pour chercher le reste de ses courses, il trouva tout en un temps record et adressa une prière silencieuse à Dieu pour lui avoir permit de faire ses emplettes sans être emmerdé par des rôdeurs.
Quand il eut finalement terminé et que son sac fut plein, il revint vers leur point de départ et s'écria tout guilleret :
- Daryl ! J'ai finis !
Daryl s'approcha en trombe et son visage agacé apparu à quelques mètres de lui.
- Arrête de crier putain, tu veux t'faire bouffer ou quoi ?
- Désolé, j'ai pas fais attention.
- M'en fous d'tes excuses, arrête de gueuler comme un âne.
- Oui, je vais faire a-, un mouvement un peu trop suspect derrière Daryl coupa André dans sa phrase. Il écarquilla les yeux et d'une voix chevrotante, il articula : « Derrière toi, derrière toi. »
Le chasseur réagit si vite qu'on aurait cru qu'il avait fait ça toute sa vie. Il fit volte-face et analysa la situation en un éclair, la seconde qui suivit, sa main attrapait celle d'André et ils courraient tous deux vers la moto.
- Ils sont partout ! cria-t-il en voyant avec horreur que la meute encerclait également leur seul moyen de transport.
André paniqua encore plus. Il serra si fort la main de Daryl dans la sienne qu'il lui arracha une grimace.
- On fait quoi !? J'veux pas crever maintenant !
- On n'a pas le temps, viens !
Il le tira vers lui et les précipitèrent dans la forêt, à l'opposé de la quinzaine de rôdeurs qui les avaient prit pour cible. Les deux hommes détalèrent dans les bois, slalomant du mieux qu'ils purent au milieu des arbres et par-dessus les obstacles. André, qui avait pourtant l'habitude de réfléchir et de faire fonctionner ses neurones pour démêler les casse-têtes, eut la désagréable surprise de se faire abandonner par celui-ci. Incapable de réfléchir convenablement, trop submergé par la peur affluant dans ses veines, il ne pu anticiper la racine qui surgit de nul part et se prit pitoyablement les pieds dedans. Il s'étala dans les branchages en criant de panique.
- André putain ! s'énerva Daryl alors qu'il faisait promptement demi tour pour l'aider à se relever.
André releva la tête vers lui alors qu'il se redressait difficilement. Des larmes et de la sueur maculaient son visage déformé par la peur.
- O-on va crever Daryl ?! hurla-t-il presque malgré ses poumons enflammés. J'veux pas mourir putain, pas c-comme ça ! On- On n'est même pas encore sortit ensemble !
La peur court-circuitait son cerveau mais il ne s'en rendit pas compte. Alors Daryl ignora tout simplement la dernière partie et se concentra sur les mots à dire pour rassurer quelqu'un en état de choc. La forêt bruissait autour d'eux, mais les morts étaient encore loin.
- Calmes-toi André, on va pas crever, on les a semé pour l'instant.
André tenta de reprendre sa respiration, il regarda derrière lui pour constater qu'il avait raison. Les grognements se faisaient lointains et ils ne voyaient plus les dangereuses silhouette déambuler entre les arbres. Il se laissa alors glisser contre l'un d'eux, ramena ses genoux entre ses bras et vint enfouir son visage dedans, là, il éclata en sanglots.
Daryl s'accroupît face à lui et lui prit doucement le bras, l'incitant à se lever. De la voix la plus rassurante dont il fût capable, il murmura.
- Ça va aller André, je te promets que tu en es capable. Ais un peu plus confiance en toi.
Le blond renifla, ses yeux larmoyants plongés dans des océans abyssaux. Daryl avait un regard si intense, si hypnotisant. André voulait s'y noyer. Échapper au stress de la situation, échapper au monde.
- On va f-faire quoi ? On n'a plus de moto.
- On va marcher un peu, on est dans la direction de la prison et à l'allée j'ai vu un entrepôt qui avait l'air abandonné, on y passera la nuit.
- On ne va pas rentrer avant demain !? Mais- mais il n'est même pas midi !
Daryl fronça les sourcils et agita sa main pour l'inviter plutôt fermement à baisser d'un ton. André avait tendance à parler toujours un peu trop fort quand il était bouleversé.
- D-désolé, j'suis angoissé.
- J'avais remarqué. L'entrepôt est à quelques kilomètres, le temps qu'on y arrive, on sera en début d'après-midi et on n'aura pas le temps de rejoindre la prison avant la nuit. On part demain matin si c'est possible.
André hocha la tête. Il se releva et suivit Daryl qui s'était remit à marcher.
- J'suis désolé, j'te ralenti, marmonna-t-il après quelques minutes à essayer de ne pas se laisser distancer.
- Arrête de crier, essaye de garder la tête froide et ça devrait aller, tu me gêneras moins.
André marmonna un vague ok et Daryl ralenti un peu son pas. André n'était pas habitué à marcher et à courir autant, il avait les nerfs à fleur de peau et tremblait comme une feuille. Il repensa à ce qu'il avait dit sous le coup de la peur et se maudit intérieurement pour avoir autant dévoilé ses intentions. Au moins Daryl était fixé maintenant.
Sauf si, bien-sûr, il faisait partie de ces gens un peu bouchés ou trop enfoncés dans leur bêtise pour voir ce qui était devant leur nez et accepter qu'ils étaient désirés. André ne préféra pas se fixer maintenant, ce n'était pas vraiment le moment et ils venaient de se rencontrer alors c'était un peu précipité de réaborder le sujet aussi tôt. Il effraierait plus Daryl qu'autre chose, en parler maintenant aurait sûrement l'effet inverse que celui escompté.
Alors, il se contenta de le suivre à travers la forêt. Daryl semblait savoir parfaitement par où ils allaient, à l'inverse, André était perdu et avançait à l'aveuglette, s'il perdait Daryl de vue, il se perdrait par la même occasion. Et ça, c'était hors de question. S'il se perdait dans cette forêt, il en mourait avant même la tombée de la nuit, il en était certain.
Il marchèrent ainsi de longues heures, tous deux murés dans un silence de plus en plus pesant pour André dont l'ennuie avait rapidement finit par prendre le pas sur sa peur.
- J'ai faim, marmonna André en pressant le pas pour s'approcher de son guide de fortune.
- On n'a pas beaucoup de réserves, les rayons étaient quasiment vides. Prends sur toi.
André soupira mais n'insista pas. Il ne vivait plus dans son petit confort du Queens où il lui aurait suffit de descendre en bas de son immeuble pour aller à l'épicerie d'à côté ou juste pour récupérer son uber-eat.
- On est bientôt arrivé ? continua-t-il.
Il en avait vraiment marre de ce silence, son cerveau recommençait à faire des siennes alors il disait tout ce qui lui passait par la tête pour combler le vide.
- Oui.
- Dans combien de temps ?
Il entendit Daryl souffler devant lui.
Excellente idée d'agacer le type que l'on voulait mettre dans ses bras, grinça André dans sa tête.
- Dans une heure si t'arrêtes de marcher comme une limace.
- Une limace ça ne marche même pas, bougonna André.
- Tu m'as compris, accélère un peu.
André s'exécuta et rattrapa Daryl pour marcher à ses côtés, ou au moins juste derrière lui et pas à cinq mètres derrière.
- Tu marches très vite, fit-il remarquer. J'ai pas l'habitude de cavaler autant moi.
Daryl lui coula un regard dubitatif.
- Y a même pas une semaine, je prenais tout le temps les transports en commun et ma caisse pour me rendre au garage où je bossais, expliqua André, ravi d'avoir l'occasion de combler un peu le silence.
- Ça a l'air compliqué ton métier, répondit Daryl plus pour le faire parler que par réel intérêt.
André le regarda avec un étonnement non feint.
- Comment ça ? Je suis juste mécanicien, c'est pas un truc que tu connais bien ?
Daryl secoua la tête.
- Pas spécialement non.
- Mais t'es un motard ? Je pensais que tu te débrouillais en mécano.
Daryl le regarda avec un sourire.
- Eh non, j'ai quelques bases mais rien de très développé, j'y ai jamais rien compris pour être honnête. Ça a toujours été Merle qui réparait mes motos.
- Ah ouaais ?? J'aurais jamais cru, bon Dieu !
- Ah bon ? J'ai la tête d'un mécano ?
- J'sais pas si on peut dire ça mais oui, j't'imaginais bien les mains dans le cambouis.
- Et non, c'est raté. J'évite le cambouis.
- Tu faisais quoi avant que les rôdeurs n'arrivent, du coup ?
Daryl se renfrogna.
- Rien d'aussi utile que toi, marmonna-t-il dans sa barbe.
André se fustigea, voilà qu'il lui créer des complexes cérébraux.
- C'est pas parce que c'est pas aussi utile ou j'sais pas quoi, que c'est moins bien, insista-t-il. Y'a pas de métiers meilleurs que les autres, moi je suis mécanicien parce que ça demandait pas d'études et que c'était pas si mal payé, je ne suis pas plus utile qu'un autre, je faisais juste un taff simple parce que j'suis pas du genre à me prendre la tête, alors franchement, j'ai pas plus de mérite qu'un autre.
Daryl le regarda quelques instants, hésitant, alors André lui envoya son plus beau sourire d'encouragement.
- Tu l'répète pas à Merle, hein ? finit-il par dire, les sourcils froncés.
André écarquilla les yeux.
- Il n'est pas au courant ?
- Non, j'lui faisais croire que j'foutais rien d'ma vie, il m'aurait cassé les couilles sinon.
André eut un sourire encore plus intéressé et mima de fermer sa bouche à clef et de jeter la dite clef par terre dans la forêt. Daryl eut une moue amusée à ce geste.
- Bon, commença-t-il visiblement toujours peu sur de lui et d'une toute petite voix, il marmonna : J'étais chanteur dans un groupe.
André laissa échapper une exclamation incrédule.
- Chanteur ? répéta-t-il. T'étais chanteur ?
- Ouais c'est c'que j'ai dis ! s'énerva Daryl. Quoi, tu vas t'foutre de moi maintenant ?
- Oh non non non ! Pas du tout ! C'est trop bien !
- C'est ça, fous toi d'ma gueule.
- Mais j'me moque pas de toi ! C'est incroyable de pouvoir vivre de la musique !
- J'en vivais pas vraiment mais ça marchait plutôt bien. On venait de signer avec une maison de disque quand tout ça est arrivé.
André ouvrit de grand yeux rond, tout à fait stupéfait.
- C'est vrai ?! s'écria-t-il, avant de baisser d'un ton après le regard noir de Daryl. C'est hyper bien Daryl, j'suis désolé pour toi.
- Y'a pas à être désolé, j'suis content de pas l'avoir fait finalement. Ça m'aurait mit dans la galère.
- Pourquoi ? C'est une super opportunité pourtant.
André ne comprenait pas vraiment pourquoi Daryl était soulagé. Lui, avait toujours saisi toutes les opportunités se présentant à lui.
- À cause de mon frère, éclairci-t-il. S'il l'avait apprit il se serait foutu d'moi.
- Je suis sûr que non ! Merle t'aime vraiment.
Imperceptiblement, Daryl se figea. Une vague pensée se demandant de quel droit ce type se permettait de parler sur sa vie. Mais il ne dit rien, il serra les dents et prit sur lui. Daryl ne voulait quand même pas faire fuir la seule personne qui s'intéressait à lui, alors il ne dit rien.
Néanmoins, ce qu'il ne savait pas encore, c'est qu'André n'était pas stupide et encore moins aveugle. Il avait très clairement vu que quelques chose n'allait pas avec ce qu'il avait dit, et il n'eut aucun mal à comprendre.
- Je ne dit pas ça parce que je l'ai soi-disant vu, reprit André d'un ton calme. Je te le dis parce que c'est lui qui m'en a parlé. Je n'ai aucune idée de pourquoi il m'a parlé de toi, à moi, mais ce qu'il m'a dit était très clair. Il a toujours tout fait pour être à la hauteur selon ses dires.
Daryl resta silencieux. Peut-être qu'il digérait l'information, ou juste qu'il se disait que ce n'était qu'un tissu de mensonge.
- Essayez d'en parler. C'est la meilleure chose à faire, je pense.
- Et qu'est-ce que t'en sais toi ? T'es psy des relations ou quoi ? cracha vertement Daryl qui appréciait de moins en moins la tournure que prenait la discussion.
- Non, t'as raison, ça ne me regarde pas. Excuse-moi Daryl.
Et André se tu, Daryl en resta là. Aucun d'eux ne rajouta quelques mots, le silence revint simplement.
Puis, comme à son habitude, André le défit.
- Tu me fera une démonstration ?
Daryl leva à peine les yeux vers lui.
- Non.
- Hein ? Mais pourquoi ?
- Parce que.
- T'es pas sérieux ? soupira le mécanicien. Bon et si j'te paye ? C'est une prestation après tout, normal que tu sois payé.
Daryl fronça les sourcils lui lança un regard à la lisière du condescendant.
- Me payer ? Et avec quoi ? Y'a plus d'monnaie maint'nant.
- Ah oui, c'est vrai. J'ai encore tous mes sous en plus. Mon porte-feuille était dans mon manteau quand on est arrivé.
Il fit mine de réfléchir un peu, puis s'approcha de Daryl et lui lança un sourire narquois.
- J'peux peut-être te payer en nature ? minauda André à moitié sérieux.
Il vit Daryl s'empourprer aussitôt et ça le fit encore plus rire.
- Arrête un peu tes conneries ! gronda le chasseur. C'est bon, j'te la ferait cette démonstration !
- En échange de quelque chose ?
- Non ! Lâche moi !
André ne put réprimer un éclat de rire qui fit encore plus fulminer Daryl. Il accéléra le pas et le distança rapidement. Quelques mètres en arrière, il entendit André s'excuser en riant et courir pour le rattraper.
Ce type était vraiment insupportable, pensa-t-il.
- On arrive, annonça Daryl en remarquant que la forêt se faisait moins dense.
- Ah enfin ! J'espère qu'on va pouvoir manger un peu, je meurs de faim.
- Ni compte pas trop.
- Mais pourquoi ?
- On n'a pas beaucoup de provisions, j'te l'ai déjà dit.
- Oh, mais on va les manger à la prison de toutes manières. Donc si on en mange un peu avant, c'est pas très grave.
- Commence pas André.
André leva les yeux au ciel mais n'insista pas. Ils quittèrent la forêt pour s'avancer vers l'entrepôt qui semblait désert.
Daryl ouvrit la marche et les mena vers une échelle qui se trouvait être le seul accès à l'étage.
- On sera protégé de la horde si elle repasse par ici, informa-t-il.
- Sans blagues, grinça André qui n'aimait vraiment pas qu'on lui répète des choses qu'il savait déjà comme s'il avait quatre ans et demi.
Daryl l'ignora et ils grimpèrent. Tous deux s'installèrent dans un coin assez reculé où ils pouvaient avoir une bonne visibilité de l'étage en-dessous. L'entrepôt se composait de deux niveaux, le rez-de-chaussée au sol bitumé et poussiéreux, et le premier étage auquel on accédait par une échelle rouillée et dont le sol en métal bordait les murs, laissant un grand espace vide au milieu pour laisser des engins assez hauts y passer sans problème.
Quand ils furent assit, le ventre d'André poussa un gémissement qui déchira le silence. Daryl en soupira.
- C'est bon, fit le blond en sortant une blague de tabac neuve de la poche de sa veste en cuire. J'vais fumer pour me couper la faim, j't'en roule une ?
Daryl accepta et il se mit à rouler les cigarettes. Quand il tendit l'une à Daryl, ce-dernier la regarda, puis regarda André avec des yeux moqueurs.
- Quoi ?
- Tu sais pas roulé, en fait, ricana Daryl.
- Quoi ?! Bien sûr que si ! C'est roulé ça !
Daryl prit la cigarette roulée n'importe comment, complètement inégale dans ses mains et la tint devant lui.
- C'est pas roulé ça, c'est collé à l'arrache.
André se vexa.
- Oh mais t'avais cas te la rouler ! Elle est fumable, c'est tout ce qui compte.
- T'as mis trois tonnes de tabac.
- Ouais bah ok, j'ai un peu du mal, mais c'est bon ça va venir avec l'entraînement.
Il alluma sa cigarette en tirant la gueule, Daryl fit de même en ricanant.
- Ça fait combien de temps que tu fumes des roulées ? demanda-t-il.
- J'en fume pas, j'tourne aux indus, moi. Mais ça fait un an que j'en roule.
- Mouais, moi je savais déjà rouler correctement à quinze ans.
- Ok Monsieur Je-Sais-Tout, pas la peine de s'la péter.
- J'me la pète pas.
- Bien-sûr que si ! Regarde comment tes chevilles enflent !
- T'es juste dégoûté qu'il y ait un truc que je saches mieux faire que toi.
André faillit s'étouffer avec la fumée de sa cigarette en entendant ça.
- Mais t'es zinzin ou quoi !? s'étrangla-t-il en se tournant vivement vers lui. Tu sais tout faire mieux que moi ! Déjà tu sais rouler des clopes, ensuite tu sais te servir des armes, te débrouiller tout seul avec plein de morts à ton cul, chanter, chasser, courir, prendre des décisions primordiales sur le tas, te défendre, et cetera ! La seule chose que je fais mieux que toi, c'est connaître le ciel et réparer des bagnoles, alors franchement, rien de bien utile ici.
Daryl resta silencieux quelques secondes. Puis il répliqua :
- Tu dragues mieux que moi.
André le regarda avec des yeux ronds ensuite il éclata de rire.
- Ça m'étonnerait, j'ai dragué personne dans ma vie quand ce n'était pas pour obtenir quelque chose en échange.
- Parce que tu draguais uniquement pour avoir des choses en échange ?
- En général oui, j'suis très bon à ça d'ailleurs. Comment tu crois que j'ai pu me payer un appart à New-york ?
- Avec ta famille.
André ria.
- Oh non ! Eux ils m'ont renié quand j'ai fais mon coming out. Je ne leur ai pas adressé la parole depuis facilement quinze ans. Non, non. J'ai bossé mais comme ça ne couvrait pas tout mes frais, j'ai dû trouver d'autres choses pour pouvoir tout payer. J'ai eut une multitude de sugar daddy differents quand j'étais jeune.
- Des sugar daddy ? s'étonna Daryl. Mais c'est quoi ça ?
- Tu ne connaît pas ? C'est, genre, des vieux plein aux as qui donnent de l'argent à un petit jeune sans argent pour qu'il soit leur partenaire sexuel ou simplement pour partager un peu leur vie.
- Attend, attend, tempéra le chasseur. T'es en train d'me dire que t'as été une pute ?
André s'exclaffa.
- Non, non ! Enfin pas à proprement parler. Mais oui j'ai déjà couché avec des vieux riches pour qu'ils me payent mes courses ou mon loyer.
- Ouais donc t'as déjà été une pute. Vu comment t'en parle, ça a pas l'air de trop te déranger.
- Ce n'était pas la meilleure période de ma vie, répondit André en haussant les épaules. Je dirais même que c'était la pire. J'étais plongé bien trop profond dans la dépression et la drogue à ce moment-là pour me soucier d'une merde de plus. Je suis passé par là parce que je n'avais pas le choix, mais si je l'avais eut, crois-moi que j'aurais évité à tout prix ces satanés sugar daddy.
- J'comprends.
- Vraiment ? Tu ne me juge pas, là ?
Daryl secoua pensivement la tête.
- Non, on a tous des trucs qu'on a fait dont on est pas fier. Et j'en sais un rayon là-dessus.
André hocha la tête en silence. Il avait raisons, ça ne servait à rien de juger les autres car personne n'était mieux. Les vies faciles sont un mythe et l'ont toujours été à ses yeux, et ça il s'en rendait compte un peu plus à chaque rencontre. Alors peut-être que c'était lui qui attirait les gens brisés, détruits, aux passés sinistres et aux allures de fantôme. Mais en y regardant de plus près, sa vie non plus n'était pas un exemple même de facilité et de bonheur. André avait eut une enfance joyeuse et une adolescence pas trop mal et ça, il savait que c'était précieux, mais le reste n'avait pas été aussi rose, alors il avait su prendre du recule sur le monde. Maintenant, à l'instant T, il était là, dans un entrepôt abandonné avec un personnage de fiction qui était plus réel pour lui que la majorité de ses relations passées. Et André se rendait parfaitement compte que s'il voulait chercher une solution à son problème quantique c'était uniquement pour avoir des réponses à ses questions, et certainement pas pour rentrer chez lui.
André tourna la tête vers Daryl.
- On s'fait un peu chier, non ?
- T'as cas t'occuper.
- Et en faisant quoi ?
- J'sais pas moi, t'as pas des trucs de mécano à faire ?
- De mécano ? répéta André en souriant bêtement.
- Ouais, t'es un mécano alors fait des trucs de mécano.
- Ah bah d'accord j'y veillerai, la rockstar.
Daryl le foudroya du regard et André ne put s'empêcher de pouffer.
- M'appelle plus jamais comme ça.
- Sinon quoi ?
- La prochaine fois qu'on s'fait attaquer, j'te laisse crever.
André savait très bien que Daryl n'était pas sérieux, mais il se prêta tout de même au jeu.
- Okay grand seigneur Daryl Dixon le roi d'la chasse, d'la pèche et d'la cueillette, ricana-t-il en mimant une révérence.
- Arrête un peu tes conneries et tiens toi tranquille, tu vas attirer tous les rôdeurs avec ton foutoire.
- On est en sécurité ici.
- On n'est en sécurité nul part. Maintenant, tu te calmes.
- Tu m'traite comme un gamin ou je rêve ?
- Arrête de te comporter comme un gamin si tu veux pas que j'te traite comme ça.
- T'as que cinq ans de plus que moi, alors prends pas tes grands airs de darons. Des sugar daddy j'en ai eut suffisamment pour toute une vie, pas besoin que tu deviennes le miens.
Daryl ignora son sous-entendu à peine masqué.
- T'as cas dormir si tu t'ennuies, ça me fera des vacances.
- T'as raison, une petite sieste après toutes ces émotions ne me fera pas de mal.
- C'est ça, allez bonne nuit.
André s'allongea le plus confortablement qu'il pu - c'est-à-dire pas beaucoup - et s'assoupit étonnamment vite sous le regard indescriptible de Daryl.
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