Chapitre 3 (2/2)
— Par contre... poursuivit Fanny, soudain hésitante, on peut savoir ce qui te vaut une telle attention ?
Nathanaël supposait que ses camarades étaient également au fait de cette information. Apparemment, ce n'était pas le cas. Il baissa les yeux sur le mouchoir rougi qui dissimulait ses doigts. Jusqu'où pouvait-il leur parler de sa situation ?
— J'ai une technique ancestrale assez rare... Tu sais ce qu'est une technique ancestrale, pas vrai ?
Fanny acquiesça. Elle resta silencieuse, en attente de la suite. L'adolescent, qui avait espéré qu'elle se contente de cette brève explication, se retrouva bien embêté. Il jeta un coup d'œil à Lucas : il avait cessé de jouer avec sa boîte et tendait visiblement l'oreille, lui aussi.
— Je peux contrôler les mauvais esprits avec mon sang, ça s'appelle le marionnettisme.
Sa camarade ouvrit grand les yeux.
— Comme ce soir ! comprit-elle. Je me disais bien que je n'avais jamais entendu parler d'un tel sort... Mais ce n'est pas dangereux ? Tu t'es quand même évanoui...
— Normalement non...
Son inquiétude, reléguée au second plan par la présence de Jacques et Fanny, refit surface. En trois semaines, il s'était servi de sa technique sur des anomalies à deux reprises. Et à deux reprises, il avait perdu connaissance. La fatigue, peut-être... Ou le stress, le manque d'exercice physique... Il ne voyait pas d'autre explication.
— Tu devrais te faire examiner... Ils doivent avoir des médecins spécialisés à l'OSI, fit remarquer Fanny.
Nathanaël retint un rire jaune.
— Ils ont refusé de me donner des coagulants pour traiter mon hémophilie ! Tant que je peux encore me servir de mon sort, je ne pense pas qu'ils s'inquiéteront de me voir par terre à chaque fois que je l'utilise...
L'adolescente grimaça quand elle prit pleinement conscience de la situation. Son regard glissa imperceptiblement vers Lucas à la recherche de soutien ou d'une idée. Cette réaction n'échappa pas à Nathanaël qui sentit une pointe de jalousie éclore en lui. Depuis quand était-elle devenue proche de l'autre apprenti au point de l'appeler à l'aide lorsqu'elle ne savait plus quoi ajouter ?
— Ce n'est pas super agréable, mais je ferai avec pour le moment, conclut-il pour ramener l'attention de sa camarade à lui. J'ai vécu pire !
Fanny sembla moyennement rassurée. Cependant, elle accepta sa réponse et changea de sujet. Ou presque.
— Tout cela n'explique pas pourquoi l'Institut est sens dessus dessous à cause de toi...
Au fond de la pièce, Lucas ne cherchait même plus à cacher son intérêt. Il les fixait tous les deux l'un après l'autre, désireux d'entendre lui aussi la réponse. Nathanaël contempla un bref instant la possibilité d'apprendre à ce vantard que si quelqu'un d'assez puissant libérait son énergie spirituelle, il serait peut-être en mesure de le contrôler avec autant d'aise qu'un mauvais esprit. Ce genre d'explication lui vaudrait sans doute une tête assez intéressante à contempler... Cependant, la réaction de Fanny l'inquiétait : il lui faisait confiance, mais la simple idée de voir apparaître la frayeur et le dégoût sur son visage l'incita au silence.
— Aucune idée... mentit-il en haussant les épaules. Peut-être que l'OSI trouve ma technique bizarre... Ou alors ils n'aiment pas les gens qui peuvent manipuler les anomalies à leur guise.
— C'est vrai que ça fait un peu froid dans le dos, avoua Fanny. Imagine ce que quelqu'un de malintentionné pourrait faire avec ton pouvoir ? Même si je ne cautionne pas, ils ont sans doute juste pris peur. Dès qu'ils te connaîtront un peu mieux, ils te laisseront tranquille, ne t'en fais pas !
Nathanaël lui répondit d'un sourire. Il appréciait son optimisme, même si cette perspective lui paraissait bien illusoire.
Sa curiosité satisfaite, Fanny se tut. L'adolescent chercha frénétiquement un nouveau sujet de conversation. Il songea à Aina, aux séances de soutien dont elle avait elle aussi bénéficier... Non, elle serait peut-être embarrassée d'évoquer le sujet devant Lucas. Pourtant, s'il ne disait rien, si Fanny gardait elle aussi le silence, tous deux n'avaient plus de raison de rester dans sa chambre. Ils partiraient manger et le laisseraient seul.
— Donc... Tu es apprentie, maintenant ?
Elle acquiesça avec un enthousiasme certain, mais Nathanaël ne put s'empêcher de remarquer son regard légèrement fuyant.
— J'ai commencé avant-hier ! On a exorcisé deux anomalies de niveau trois et un poltergeist de niveau quatre !
Ah, un poltergeist... Elle qui avait peur des fantômes, cette première journée sur le terrain avait dû être éprouvante. Fanny s'efforça néanmoins de ne pas le montrer, alors Nathanaël garda ses réflexions pour lui.
— Ça te plaît ?
Regard fuyant, une fois de plus.
— Oh oui ! Je me dis que ces trois mauvais esprits ne peuvent plus faire de mal à qui que ce soit...
Une réponse un peu trop altruiste pour être parfaitement honnête... Nathanaël ravala la déception qui montait en lui. Elle ne semblait pas apprécier le métier de médium autant que lui.
Conscient que la conversation la rendait mal à l'aise, l'adolescent se lança dans une nouvelle recherche de sujets.
— Et Sam ?
L'embarras de Fanny disparu presque aussitôt. Elle éclata de rire.
— Il a regardé un peu trop de films d'espionnage et s'est imaginé qu'en y mettant du sien, il réussirait bien à passer la frontière gratuitement. Il a séché une journée de cours pour mettre son plan à exécution, s'est fait ramener chez sa mère par la police et est privé de sorties jusqu'à nouvel ordre...
Nathanaël ne savait pas quel genre de manigances avait prévues Sam pour se faire prendre par les forces de l'ordre, mais imaginer l'escapade de son ami promptement interrompue par des hommes en uniforme avant même qu'elle n'ait commencé lui tira un immense sourire. C'était l'intention qui comptait !
— Depuis qu'il a appris que j'allais faire ce voyage à Londres, il n'arrête pas de m'envoyer des messages pour me demander des nouvelles et...
Trois coups secs résonnèrent contre la porte. Fanny se tut au moment où Osborne apparaissait dans l'entrebâillement.
— Sortez, ordonna-t-il simplement.
Sa camarade voulut protester, mais le regard noir de l'agent l'en dissuada. Elle s'exécuta à regret, suivie de Lucas. L'adolescent regarda donc la porte se refermer sur les apprentis avec déception.
Il lui fallut quelques minutes pour remarquer que Lucas avait laissé sa boîte sur la table. Nathanaël sautilla jusqu'à elle pour la récupérer.
D'une longueur de quinze centimètres, d'une largeur et d'une profondeur de dix, il s'agissait d'une simple boîte métallique à battant décorée de spirales bleues et vertes. L'adolescent allait appeler le garde posté à sa porte quand il fut saisi d'un doute. Hésitant, il l'ouvrit.
Une petite feuille de papier attendait patiemment à l'intérieur, tâchée par les biscuits aux contours irréguliers disposés en dessous.
« Voici quelques petits gâteaux pour toi. Tu m'en diras des nouvelles la prochaine fois qu'on se verra ! Garde espoir, je suis certaine que tu seras très bientôt de retour à la maison !
Béatrice »
Nathanaël essuya d'un revet de manche les larmes qui s'étaient accumulées dans ses yeux. Il prit l'un des biscuits, un sablé décoré de sucre perlé. Les circonstances influençaient peut-être son évaluation, mais il décréta qu'il n'avait jamais rien mangé d'aussi bon de sa vie. Lorsqu'il eut terminé un deuxième gâteau, il referma la boîte et la rangea dans le tiroir de la table, hors de sa portée immédiate. Il comptait bien en profiter plusieurs jours.
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