Chapitre 12 (1/2)

L'ordre du président fut suivi d'un intense brouhaha à mesure que les médiums rassemblaient leurs affaires pour quitter les lieux. Nathanaël ignora les regards qui l'observaient un peu trop attentivement à son goût. Il se rendit pourtant compte qu'il ne disposait pas d'un grand nombre de choix en termes de distractions. L'hostilité franche d'Osborne lui interdisait de tourner la tête de l'autre côté, il entreprit donc de jouer avec les protubérances métalliques qui réglaient la taille de sa béquille.

— Tu vas regretter cet affront... grommela l'agent.

L'adolescent ne répondit pas. Il suivit le tube du doigt jusqu'à la poignée en caoutchouc, donc il traça les courbes avec son pouce.

Deux petits coups sur son épaule le firent sursauter.

Salut ! murmura Sasha.

Accroupi derrière le dossier du siège, il fixait le marionnettiste de son immense sourire.

Ah non ! Pas vous ! s'exclama Osborne.

Le jeune Anglais lui répondit d'un petit salut de la main. Le front dégagé de l'homme se teinta de rouge.

Viens, on va se balader !

Hors de question ! protesta l'agent.

Nathanaël se leva, esquiva la poigne d'Osborne et remonta quelques marches aussi vite qu'il le pouvait. Son ami le suivit de près.

Ne vous en faites pas, monsieur Osborne, je vous le ramène dans une heure ! Peut-être...

Du coin de l'œil, l'adolescent aperçut l'homme en furie qui grimpait les escaliers en quatrième vitesse. Puis en troisième. Puis en deuxième. Il s'arrêta six rangées plus haut, plié en deux, à bout de souffle. Judith, elle, n'avait pas bougé de son siège, absorbée par l'écran de son téléphone.

Il a fait son sport de la décennie ! pouffa Sasha.

Nathanaël éclata de rire. Malgré les regards réprobateurs qui suivaient sa progression claudicante, personne ne tenta de l'arrêter. Il savait qu'il aurait dû s'en réjouir, mais ce rejet silencieux lui pinça le cœur. Ces gens ne voulaient pas l'approcher. Ils ne voulaient pas le toucher.

On va où ? s'enquit l'adolescent au moment où ils franchissaient les portes supérieures.

Que dis-tu d'une petite mission en réel ? Rien de bien dangereux, une anomalie de catégorie deux pour que les autres s'entraînent. Nous n'aurons pas grand-chose à faire, mais cela nous permettra de prendre l'air.

Pendant qu'il parlait, il glissa une main dans sa poche et en sortit un objet qui fit bondir le cœur de Nathanaël.

Comment tu as... Où ? bégaya l'adolescent.

Il attrapa délicatement son portable, comme si une manipulation trop brusque risquait de de détruire ce qui ne pouvait être qu'une illusion. Après toutes ces semaines, il ne pensait jamais revoir l'appareil. Fébrile, il appuya sur le bouton pour l'allumer. Sa page d'accueil apparut, remplie de notifications. Il les parcourut rapidement. Fanny, Philippine, Sam... Deux autres numéros inconnus avaient également tenté de le joindre. Sans doute de la publicité.

Sasha se dirigea vers le groupe d'adolescents qui les attendaient dans le hall de l'OSI. Brûlant de curiosité, Nathanaël lutta de toutes ses forces pour repousser la lecture de tous ses messages en retard.

Medhi agita la main en les voyant arriver. Le petit médium arborait son sourire habituel, mais le marionnettiste remarqua rapidement son aspect forcé. Aoife pianotait sur son téléphone, un chewing-gum à la bouche. À côté d'elle, Lucas discutait avec un jeune que Nathanaël n'avait jamais vu. Il aurait eu du mal à l'oublier, étant donnée son impressionnante chevelure verte ébouriffée.

Avec un mélange de déception et de soulagement, Nathanaël constata que Fanny ne se trouvait pas parmi le groupe. À l'instar d'Agatha.

Bon, on est au complet ! annonça Sasha. Prêts ?

Les têtes se hochèrent et le groupe prit la direction de la sortie. Le marionnettiste se pencha sur Medhi. Ce dernier n'attendit pas la question pour lui répondre :

Fanny a rejoint Agatha au service médical, tout à l'heure. Elle ne voulait pas la laisser seule...

Sa lèvre trembla, mais il poursuivit, les larmes aux yeux :

Il y a eu un accident, la nuit dernière. Sa maman est dans le coma, ils ne savent pas si elle se réveillera... Et son papa...

Cette fois-ci, le garçon n'eut pas la force de terminer sa phrase.

Nathanaël ouvrit la bouche, mais aucun mot n'en sortit. La détresse de Medhi lui serra le cœur. Sa main libre se posa sur l'épaule du petit médium et la lui serra dans un geste qu'il espérait réconfortant.

Ils franchirent les baies vitrées de l'OSI et traversèrent la place pavée jusqu'à la route, quelques mètres plus loin. Un minibus les y attendait, garé le long du trottoir. Une femme se tenait à côté de la portière. Elle jeta un coup d'œil à sa montre quand Sasha se planta devant elle.

Tu m'avais dit cinq minutes !

Tu les connais, Gwyneth, il faut toujours qu'ils traînent en longueur...

Les yeux verts de la médium jaugèrent Nathanaël. Elle grimaça.

Et je ne savais pas que cet ami à aller chercher était... lui.

Sasha haussa les épaules et grimpa dans le véhicule. Le regard de la femme ne quitta pas le marionnettiste tandis qu'il s'y hissait à son tour, mais il se contenta de l'ignorer. Il se laissa tomber sur la première place libre, à côté du jeune Anglais, et étendit son genou au maximum.

En parlant de traîner en longueur... murmura Sasha. Les membres de l'Assemblée n'ont pas été trop... énervants ?

« Énervants » ? C'est bien gentil, comme mot...

Son voisin se mordit la lèvre.

Désolé... Je voulais te sortir de là-bas plus vite, mais j'ai eu quelques difficultés à retrouver ton téléphone. Philippine devait m'aider à l'identifier, mais avec les événements de la nuit dernière, elle n'a eu que quelques secondes à m'accorder.

Jordan contempla l'écran noir de son portable. Il aurait aimé l'appeler immédiatement pour la remercier, mais les paroles de Medhi, puis celles de Sasha, retinrent son geste.

Les parents d'Agatha ne sont pas les seules victimes, c'est ça ?

Sasha secoua la tête. Son habituel air espiègle disparut brusquement de son visage.

Il y a eu dix morts et seize blessés graves. Une anomalie de catégorie huit. Mon grand-père menait l'assaut, il s'en est sorti avec une entorse à un doigt. Je parie qu'il s'est éclipsé dès que la situation a commencé à sentir le roussi...

Son amertume se lisait jusque sur son nez retroussé. Nathanaël n'osa pas insister. Par respect, il mit son téléphone en mode silencieux et le rangea dans sa poche.

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