Chapitre 8 (1/4)

Le lendemain, peu après manger, Nathanaël prit le chemin de l'Institut. L'équipe de Jacques était de repos ce samedi, et il savait qu'il ne serait pas appelé à participer aux missions ce jour-là. Monsieur Beaulieu en avait donc profité pour l'inviter à récupérer du matériel et à visiter les locaux avec un instructeur.

Lorsqu'il sortit de la bouche de métro et s'approcha de l'Institut, il constata avec soulagement que son malaise des premiers jours s'était quelque peu dissipé. Un arrière-goût amer subsistait toujours quand l'odeur particulière du bâtiment lui prenait le nez, mais il espérait qu'avec le temps, celui-ci disparaîtrait également.

Arrivé dans le hall, l'adolescent chercha machinalement Ghislaine du regard. L'accueil était cependant fermé cet après-midi-là. Il se dirigea donc sans plus attendre vers les ascenseurs et pressa le bouton du troisième étage pour rejoindre les bureaux de l'instruction.

Le couloir était aussi calme que la veille. Nathanaël étudia un instant les chaises de la salle d'attente. Il n'eut pas le temps de décider s'il devait ou non s'y asseoir qu'une voix lui parvint un peu plus loin. Baptiste apparut alors, salua l'occupant du bureau qu'il quittait et afficha un sourire ravi quand il aperçut Nathanaël.

— Te voilà ! s'exclama-t-il. J'ai appris que ça s'était super bien passé hier soir, félicitations !

L'adolescent ne sut trop s'il devait le remercier ou grimacer. Ils n'avaient vraisemblablement pas la même définition de « super bien ».

Le médium lui fit signe de le rejoindre et Nathanaël s'exécuta. Ils s'enfoncèrent plus profondément dans l'étage de l'instruction, bien peuplé pour un samedi après-midi. À chaque porte ouverte, Baptiste s'arrêtait, glissait un mot aux personnes qui y travaillaient et leur présentait le lycéen. Il finit par inviter l'adolescent à entrer dans une pièce et à s'asseoir face au bureau.

— J'imagine que Quentin t'a déjà un peu parlé de ce en quoi consistera ton boulot ?

— Un peu, répondit Nathanaël en haussant les épaules. Il m'a dit que j'en saurais plus aujourd'hui.

Baptiste acquiesça, se pencha et sortit un petit fascicule d'un tiroir. Il l'ouvrit et le tendit à l'adolescent.

— On remet cette plaquette à nos élèves quand ils deviennent apprentis, expliqua-t-il. Tu y retrouveras toutes les informations que je te donnerai aujourd'hui.

Nathanaël jeta un rapide coup d'œil au jeune homme qui lui souriait, pouce levé, sur le papier plastifié. Au-dessus de la photo, des lettres capitales annonçaient : « Apprenti(e), premier pas vers la titularisation ».

— Je me doute que tu n'as pas véritablement besoin d'un instructeur, mais tant que tu n'as pas seize ans, tu ne peux pas encore prétendre au statut d'assistant. Tu seras donc placé sous la responsabilité de Jacques. Tu le suivras lors de ses vacations le week-end et pendant les vacances, ainsi que le soir jusqu'à vingt-et-une heures. Bien entendu, si tu as un empêchement ou que tu es malade, n'hésite pas à nous prévenir pour qu'on aménage tes horaires ! Pareil si tu as beaucoup de travail à l'école.

Pendant qu'il parlait, Baptiste manipula sa souris d'ordinateur et son clavier pour imprimer une feuille qu'il confia à Nathanaël. La grille présentait un emploi du temps qui, bien que chargé, demeurait un peu plus léger que ce à quoi l'adolescent s'attendait.

— Voici à tu peux t'attendre pour la fin du mois de décembre. Je ne te cache pas que selon la tournure que prennent les événements, tu pourrais être amené à travailler un peu plus, quitte à être placé sous la responsabilité d'un autre instructeur... Mais ne partons pas pessimistes !

Il conclut son monologue d'un clin d'œil rassurant. Nathanaël aurait bien aimé partager ses espoirs, mais quelque chose lui soufflait que son emploi du temps de janvier serait autrement plus rempli que celui qu'il tenait entre ses mains.

L'adolescent déchiffra rapidement ce qui l'attendait au cours des deux dernières semaines de l'année quand ses yeux furent attirés par le nom qui figurait en haut de la feuille : « Jacques Glanet ». Il faisait certainement partie de la famille de Sandra Glanet, la directrice des opérations. Cela n'étonna pas vraiment Nathanaël : le don du spiritisme pouvait apparaître sporadiquement dans la population, mais il se transmettait le plus souvent génétiquement. Des familles entières de médiums devaient donc arpenter les couloirs de l'Institut. L'adolescent ne s'était jamais intéressé aux manuels sur l'Histoire de l'IFSS ou les techniques ancestrales, dont ne pouvaient user que certaines lignées ; Rien de tout cela n'aurait pu l'aider à ramener son père. Il n'aurait su dire si les Glanet étaient célèbres ou puissants. Peut-être pas tant que cela, puisque Jacques n'occupait qu'une position de simple agent de terrain malgré son âge.

— Tu as des questions, pour le moment ?

Nathanaël secoua la tête. Baptiste se leva donc et se dirigea vers la porte.

— Super ! Alors suis-moi, je vais te faire visiter.

Tous deux firent le chemin inverse jusqu'aux ascenseurs. Le médium appuya sur le bouton supérieur.

— On fonctionne d'ordinaire à effectif réduit le week-end, mais vu la situation actuelle, l'Institut est assez animé aujourd'hui. Par contre, on ne pourra pas trop s'éterniser dans les différents départements. Tout le monde est un peu sur le pied de guerre, je ne pense pas qu'ils auront beaucoup de temps à nous accorder.

Nathanaël acquiesça. Il avait beau connaître le rôle de l'Institut, il ignorait quel genre d'activités nécessitaient un bâtiment aussi grand.

Enfin, la porte métallique s'ouvrit et Baptiste l'entraîna gentiment à l'intérieur. Il appuya sur le chiffre cinq, l'étage de l'administration. L'adolescent fut tenté de lui expliquer qu'il y était déjà monté la veille, mais il garda sa réflexion pour lui : peut-être se cachait-il autre chose au dernier étage que des bureaux...

Malheureusement, il déchanta rapidement. Comme la veille, la plupart des portes étaient fermées. Cette fois-ci, il y accorda un peu plus d'attention, mais rien de bien passionnant ne semblait se dissimuler derrière : ce qu'indiquaient les plaques pouvait se retrouver dans n'importe quel département administratif. « Ressources humaines », « comptabilité », « service juridique »... Le cœur de Nathanaël se serra quand il aperçut les mots « services sociaux » sur un battant peint en blanc, identique à tous les autres. Il s'était déjà trouvé derrière cette porte, cinq, puis quatre ans auparavant.

L'adolescent se rendit compte qu'il s'était arrêté quand Baptiste fit de même. Le médium observa quelques secondes de silence, puis il posa une main en haut de son dos pour l'inciter à avancer.

— Tu ne dois pas garder de bons souvenirs de cet endroit, désolé... Pourtant, n'hésite pas à monter si tu rencontres le moindre problème. L'administration est plutôt déserte le week-end, mais les gens qui y travaillent seront ravis de t'aider dans la semaine. Si c'est trop dur, tu peux toujours leur téléphoner, les numéros sont dans la plaquette que je t'ai donnée.

Nathanaël décrocha son regard de la porte et reprit son chemin en acquiesçant. Au fond du couloir, l'adolescent repéra le bureau de monsieur Beaulieu. La porte était fermée, mais une voix à l'intérieur indiquait que le secrétaire parlait au téléphone. Une raie de lumière émanait en revanche de la pièce suivante, grande ouverte.

Baptiste sembla retenir un petit saut de joie et trottina jusqu'à l'ouverture.

— Bonjour, madame Glanet ! Je ne vous dérange pas ?

Nathanaël hésita à avancer. Il n'avait pas spécialement envie de se retrouver une nouvelle fois face à cette femme inexpressive. Le geste enthousiaste de son guide ne lui laissa pourtant pas d'autre choix : refuser la rencontre alors même que le médium annonçait sa présence serait mal poli. Après tous les efforts qu'avait fournis Philippine pour l'élever correctement, il ne pouvait pas passer pour un sale gosse auprès des gens qui avaient tant rechigné à confier sa garde à l'infirmière. Il s'avança donc avec réticence jusqu'à la porte.

La directrice des opérations était assise derrière son bureau, les yeux rivés sur son ordinateur. Elle leva finalement le nez quand l'adolescent la salua d'un rictus embarrassé. Son intérêt ne dura pas ; après une seconde de silence, elle réajusta la fine monture de ses lunettes dorées derrière ses oreilles avant de se replonger dans son travail.

Baptiste laissa échapper un petit rire embarrassé.

— Donc voilà... Euh... Nathanaël rejoint officiellement notre programme d'apprentissage... Voilà voilà !

— J'en ai été informée, oui, répondit-elle.

Le silence retomba, uniquement perturbé par le son de son clavier. Baptiste finit par toussoter d'un air gêné :

— Bon... On vous laisse, alors, bonne journée !

La femme hocha subrepticement la tête pour accuser réception. Nathanaël et son guide rebroussèrent chemin sans un mot. Le médium sembla oublier rapidement l'entrevue avortée et retrouva son sourire habituel. Lorsqu'un dernier tour de l'étage lui fit comprendre qu'il n'avait personne d'autre à présenter à l'adolescent dans ce couloir, il conduisit ce dernier jusqu'aux escaliers.

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