Chapitre 1 (2/3)

Les problèmes majeurs de cette course-poursuite apparurent rapidement à l'adolescent. D'une, son genou droit l'empêchait d'avancer aussi rapidement qu'il l'aurait souhaité. De deux...

Après avoir rejoint le trottoir devant le lycée, il chercha à droite. À gauche. À droite.

Fanny n'était nulle part en vue. Et il ignorait dans quelle direction elle était partie.

Un juron lui échappa. Il fit glisser une lanière de son sac à dos de son épaule. Sa main plongea à l'intérieur. Quand ses doigts se posèrent sur la petite sacoche qui reposait tout au fond, bien à l'abri des regards indiscrets et des blagues de mauvais goût de Sam, l'espoir gonfla dans sa poitrine. Tout n'était pas encore perdu.

Il contempla un moment l'idée de s'asseoir là, à même le trottoir, pour façonner son petit tour de magie. Non. Il n'était pas désespéré à ce point. Du moins, pas encore. Il referma donc son sac et fit volte-face pour retourner à l'intérieur du lycée.

À présent que tous les élèves avaient rejoint leur classe, les couloirs étaient relativement vides et calmes. Nathanaël avisa les toilettes les plus proches et s'enferma dans l'un d'eux.

Il sortit rapidement de sa sacoche en tissu les quelques plantes et le rubis qui l'intéressaient et les posa pêle-mêle devant lui. La subtilité n'était pas sa priorité dans l'immédiat. La précision non plus, d'ailleurs : il ne possédait pas l'ADN de Fanny, il ne pourrait donc pas se contenter de la localiser, elle. Son sort serait plus général, appliqué à toutes les énergies spirituelles du quartier.

Nathanaël arrangea en vitesse la verveine, le jasmin, le bois de santal et deux feuilles de chêne en cercle autour du rubis. Il expira profondément pour se mettre en condition avant de poser un doigt sur le cristal. Sans attendre, il ferma les yeux et se concentra.

Il avait rarement utilisé cette technique, mise au point par ses soins trois ans plus tôt. Pour cause : il n'avait jamais réussi à en contrôler les effets. Lorsque son aura pénétra dans la pierre rouge, puis dans les plantes qui l'entouraient. L'effet fut presque immédiat : l'adolescent sentit son esprit s'étirer brusquement, comme s'il explosait hors des confins de sa tête. Les traces d'énergie volatile alentours s'illuminèrent une à une, de toutes les couleurs, de toutes les formes dans l'obscurité de ses paupières closes. Il repéra deux anomalies de catégorie une, deux de catégorie deux, nuages gris qui s'étiraient et se contractaient à la recherche de leur prochain repas. D'après les auras dorées qui l'entourait, l'une d'elles avait été repérée par des médiums et serait bientôt éliminée.

Enfin, il le vit : le fantôme aux contours instables qui enveloppait Fanny. Elle n'était pas encore très loin, à quatre ou cinq cents mètres, vers le sud.

Il rouvrit les yeux. Le sort se brisa aussitôt. Son esprit réintégra brusquement les confins de son crâne qui pulsa de protestation. Sa perception était de nouveau cantonnée à la frontière du lycée.

Nathanaël rangea prestement son matériel et s'élança dans la direction où il avait perçu Fanny. Tandis que sa tête se remettait petit à petit de l'expérience, elle se mit à analyser pleinement les images qu'il avait captées alors. C'est alors que son cœur manqua un battement : sa camarade se dirigeait droit sur une anomalie de catégorie deux.

L’adolescent abandonna sa marche rapide pour un pas de course claudiquant. D’ordinaire, un mauvais esprit aussi faible ne l’aurait pas inquiété outre mesure : tout ce que risquaient les passants qui auraient la malchance de le croiser, c'était une légère déprime. Il faudrait compter plusieurs jours avant qu'il ne progresse au troisième niveau. D'ici-là, d'autres médiums l'auraient repéré et éliminé.

Cependant, dans l’état incontrôlé où se trouvait Fanny, sa camarade faisait office d’aimant autour duquel aspiraient à graviter tous les mauvais esprits du coin. Ils se nourriraient de son aura éparse, se fortifieraient, grandiraient…

Si la jeune fille poursuivait son chemin, l'anomalie croîtrait rapidement. Peut-être même s'arrimerait-elle à son aura... Fanny serait d’abord seule à en pâtir. Tristesse inexpliquée, fatigue, maladresse, malchance... Des symptômes sans gravité... Mais à mesure que le mauvais esprit gagnerait en force, ceux-ci empireraient. À terme, même sa famille finirait par être touchée.

Nathanaël recréa le plan du quartier dans sa tête. Il tourna à droite. C’était là qu’il l’avait repérée. Elle ne devait plus être très loin.

Il s’arrêta, haletant, et se concentra. Une menace de catégorie deux émettait un rayonnement si faible qu’elle était difficilement détectable, même pour lui. Fanny, en revanche, luisait comme une planète illuminée par le soleil.

L’adolescent retint un cri de soulagement : sa camarade se trouvait dans son champ de perception, à quelques dizaines de mètres à peine.

Il se remit en route, plus lentement, attentif. Son regard se porta enfin sur une rue perpendiculaire à celle qu’il arpentait, plus étroite. Tout affolement finit alors de le déserter : Fanny était là, son nouveau sac à dos sur les épaules. Elle avançait d’un pas calme, tranquille.

Les sens affutés de Nathanaël repérèrent presque aussitôt l’amoncellement de meubles et d’objets anciens devant un immeuble. Il s’en dégageait une légère aura sombre, à peine perceptible. Fanny ne se rendait compte de rien. Elle poursuivait son chemin, à dix pas du mauvais esprit. Neuf. Huit.

L’adolescent porta par réflexe la main à sa poitrine. La bosse si familière que formait son propre talisman sous ses vêtements lui fournit le regain d’énergie et de confiance dont il avait besoin. Il s’élança.

L’aura grise tendit un tentacule vers la jeune fille, effleura la brume dorée qui l’enveloppait, tenta de s’immiscer dans le halo lumineux…

— Attends !

Fanny tourna la tête, surprise. Nathanaël comprit que c’était lui qui avait crié.

Le pale dégradé qui composait le mauvais esprit se renforçait à vue d’œil. Les mots « catégorie trois » s’imposèrent à l’esprit de l’adolescent. Il devait agir vite. La croissance de l'anomalie était plus rapide qu’il ne l’avait imaginé.

L’étonnement qui s’était peint sur les traits de sa camarade se mua en affolement quand elle le vit foncer sur elle sans ralentir. Il la heurta de plein fouet. Tous deux basculèrent sur les pavés.

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