7. Connaissance de cause
Levi s'en tint exactement à ses dires, avec ce professionnalisme et ce sérieux qui lui était propre. Le jour se levait seulement et pourtant, les esprits ne souffraient plus du sommeil. Son manque demeurait mais le lieutenant le chassait sans cesse, d'un revers de main.
Il arriva au commissariat alors que la ville commençait à peine à se remplir de ses passagers journaliers. Il ne leur accorda pas le moindre regard, à eux ou à ses collègues rassemblés dans la pièce commune. L'effervescence qui y régnait démontrait clairement une situation anormale, un événement particulier capable de susciter l'attention de ces êtres curieux. Cette atmosphère peu commune le frappa de plein fouet alors qu'il pénétrait dans l'antre.
Petra s'y trouvait elle aussi, attirant une quelconque once d'intérêt de la part de Levi. Il s'enquit, froidement et avec dédain :
—Il se passe quoi, là ?
La jeune femme se retourna vers son homologue masculin, sourit avant de renoncer à le saluer, sachant que ce genre d'initiative n'était pas de bon augure avec cet homme. Elle répondit, sobrement :
—Erwin a convoqué tout le monde après avoir su pour l'incendie.
Le lieutenant serra les dents, ayant manifestant loupé l'un ou l'autre événement. Il avait été coincé dans les embouteillages et sa subalterne était arrivée avant lui. Il haïssait le trafic encombré, encore davantage le matin.
Il réprima la remarque acide qui s'imposa à lui. Pourquoi le commissaire avait-il besoin de convoquer tout l'effectif à ce moment de l'enquête ? Pourquoi ne pas se contenter d'un rapport comme il était ordinaire d'usage ? Levi maugréa bien malgré lui :
—Ouais et la prochaine fois on se tapera les médias en prime.
Petra haussa les épaules sans prêter par à la remarque de son vis-à-vis. Erwin fit son entrée et le calme revint, respectueusement. Les policiers de tout grade se tenaient face à lui, portés par l'ignorance et de futiles espoirs. Il prit la parole, comme s'il s'adressait à une foule de journalistes :
—Merci à tous d'être venus aussi tôt. Vous n'êtes pas sans savoir ce qu'il s'est passé dans un hangar de la zone ouest.
Un instant de pose maîtrisé qui laissa le temps à son auditoire d'acquiescer d'un seul mouvement. Levi fronça les sourcils, essayant de suivre le raisonnement de son supérieur.
—Un adolescent a été retrouvé dans l'enceinte du bâtiment. On en sait peu sur lui dans l'état actuel des choses puisqu'il reste encore inconscient. Il doit âgé de dix-huit ans environ et comporte des traces de violence, notamment des mutilations au poignet ainsi que des traces d'injections. On attend donc son réveil pour l'interroger, il reste la seule piste sérieuse à ce jour. L'incendie de cette nuit à entièrement détruit entièrement l'hangar.
Un murmure étonné parcourut la pièce de fond en comble et le lieutenant leva les yeux au ciel, profondément ennuyé. Quelle était la raison de cette réunion improvisée ? Elle brillait par son inutilité et par la bêtise qui la caractérisait.
—Je vais mettre une équipe sur le lieu de l'incendie pour éviter d'autres dégâts. Il est fort probable qu'il s'agisse d'un acte criminel visant à éliminer des indices.
Levi hocha la tête, fixé sur les pensées l'ayant traversées à tout hasard. Une minuscule fierté traversa son regard acier, comme la manifestation de son état.
—Je demanderai aux hommes chargés de l'enquête de ne pas la négliger ou encore moins de la sous-estimée. Il n'y a aucune preuve pour le moment mais le fait que la pièce où se trouvait l'adolescent était entièrement stérile en est une en soi.
Erwin n'était pas le genre d'homme à se baser sur des suppositions ou des théories bien que sa profession laisse sa place à l'instinct. Ce fut pourquoi son subalterne se trouva aussi étonné par les propos précédents. Une incertitude qui avait si rarement défini le commissaire. Le lieutenant avait toujours pensé que cette enquête relevait d'une importance supérieure mais les dires de son supérieur le lui confirmaient.
—Je veux faire de cette affaire notre priorité et je vous recommande la plus grande prudence. Merci de votre attention, vous pouvez disposer !
La réponse ne se fit pas attendre, les conversations couvrirent les autres sons parasites alors que les policiers se remettaient à leur tâche journalière. Levi ne put retenir un commentaire désobligeant qui se matérialisa sans plus attendre :
—Aish !
Petra eut un petit sourire de circonstance, comprenant mieux que personne cet être particulier. Elle n'en demandait pas davantage, amusée pars on comportement détaché et méprisant.
Le lieutenant passa son chemin, sans un regard pour ses collègues qui s'écartèrent sur son passage. Erwin s'était déjà enfermé dans son bureau où son subalterne vint le rejoindre, un instant plus tard. La petite pièce était plongée dans la pénombre mais les dossiers par dizaines restaient visibles. Il lança, sans plus de cérémonie :
—A quoi ça rime cette réunion ?
Le commissaire esquissa un sourire, comme s'il avait prévu cette entrée en matière peu commune. Il répondit, calmement et sans rencontrer le regard de son homologue :
—Je me devais de les prévenir après ce qu'il s'est passé cette nuit.
Levi eut un mouvement purement dédaigneux, démontrant son désaccord. Son supérieur ne semblait pas prompt à s'étendre sur le sujet qui, dé toute évidence, ne les rassemblait pas. Le plus jeune reprit, moins méchamment et avec sérieux :
—L'incendie est certainement criminel.
—Il l'est, ça ne fait aucun doute. Le gosse est lié à tout ça et c'est notre seule chance de tirer au clair cette affaire.
Le lieutenant opina, partageant l'opinion de son vis-à-vis. Un sourire fatigué étira les lèvres de son ainé alors qu'une interrogation ébranlait l'autre : et si l'adolescent ne se réveillait pas ? Cette affaire demeurait sans suite, comme tant d'autres. Quelque chose lui soufflait que cela n'en resterait pas ainsi, une évidence à peine escomptée.
—Il y avait un produit dans la pièce sur le matelas. La police scientifique n'a pas pu l'identifier avec le peu d'échantillons dont elle disposait.
Le mépris de Levi demeurait audible, bien qu'il tente de le masquer. C'était en partie de leur faute s'il ne trouvait sans la moindre piste à exploiter à ce stade de l'enquête. Voilà qui vaudrait de nouvelles remarques cinglantes à leurs égards.
—C'est donc ça qu'il voulait faire disparaître ...
Le pronom judicieusement employé attira l'attention du plus jeune. Qui pouvait être le commanditaire de ces actes ? Pouvait-on parler de crime avec les informations qu'ils avaient en leur connaissance ? Les interrogations se multipliaient sans la moindre réponse réelle.
—Je ne pense pas que l'auteur de tout ça se rendra à nouveau sur le lieu de l'incendie. Le fait qu'il ait pris la peine de revenir montre l'importance de faire disparaître les traces. Il risque gros à mon avis et ça va certainement bien plus loin que de la détention de mineurs.
Erwin pensait sérieusement à des actes criminels et son brillant esprit poussait la théorie encore plus loin. Là où personne n'irait chercher sans la moindre preuve. Il n'en disait rien, son subalterne le sentait, inopinément :
—Qu'est-ce que tu me caches ?
Levi était bien le seul qui était en droit de lui parler de la sorte. Une sorte de privilège offert au plus talentueux des policiers. Le meilleur que le commissaire avait connu de sa longue carrière.
—Rien que tu as besoin de savoir maintenant. Tu seras le premier à savoir le moment venu.
Le lieutenant retint une moue dubitative. Son supérieur était persuasif et son regard planté dans le sien démontrait une grande sincérité. Il n'en avait jamais douté, appréciant cette qualité comme l'intelligence impressionnante du commissaire. Le calme tomba sur les deux êtres avant que le plus âgé reprenne :
—Je sais que cette affaire t'intéresse, tu sais comme moi que cette mise en scène cache quelque chose de plus grand. Je pense même que l'on est loin de la vérité et que c'est bien plus grave que tout ce que je peux imaginer. Il n'y a rien de naturel derrière tout ça, tu l'as su à l'instant où tu as découvert cette salle blanche.
Levi déglutit, fuyant sans même s'en rendre compte le regard pénétrant de son ainé. Ses impression se révélaient être justes, mais il n'en tirait pas la moindre fierté. La fatigue n'aidait pas, engourdissant son sens de l'analyse et ses capacités physiques.
—Tu n'as jamais pu voir cette pièce ...
—Des photos m'ont été transmises et je crois ton rapport ainsi que les dires de tous ceux qui t'ont accompagné. Vous êtes unanimes, énonça Erwin, clairement et sans quitter son cadet des yeux.
Ce dernier s'en trouva étonné. Ce genre de phénomène demeurait rare et le confortait sur ses hypothèses, quelque chose ne tournait pas rond et le hangar le démontrait largement.
Une sonnerie retentit dans la pièce, stridente et proche de l'insupportable pour les tympans du trentenaire. Le téléphone se manifestait et, après un échange visuel des deux policiers, le commissaire décrocha. Comme il lui était coutume, il laissa son interlocuteur entamé la conversation, par simple mesure de précaution.
Des bribes incompréhensibles parvenaient à l'oreille de Levi qui observait la scène sans sourciller. Il vit clairement le visage de son supérieur se décomposer jusqu'à en perdre toutes ses couleurs.
—Bien, merci de m'avoir prévenu aussi rapidement.
Il hocha la tête à plusieurs reprises, un pli de concentration barrant son visage. Ses yeux azurs brillaient de cette même lueur d'intelligence que son homologue lui connaissait.
—Je t'envoie quelqu'un immédiatement, nous ne serons pas longs.
De nouvelles formules de politesse articulées à la hâte avant qu'Erwin raccroche enfin. Un silence s'éternisait légèrement trop longtemps au goût de Levi qui s'enquit :
—Qu'est-ce qu'il y a ?
—Le môme ...
La phrase laissée en suspens offrit tout le loisir au lieutenant d'imaginer mille scénarios. Du plus pessimiste au plus fou, l'esprit humain pouvait bien devenir une source d'inspiration incroyable dans ces instants. L'exaltation se fraya un chemin dans son organisme alors que l'autre s'exclamait :
—Il vient de se réveiller.
Le cœur du plus jeune rata un battement alors qu'un sourire manquait de dessiner sur ses lèvres fines. Il voyait en cet adolescent une chance de mener cette enquête à bien et mettre ainsi fin à ses interrogations proches du tourment. Erwin ajouta encore, devinant malgré lui ce qui secouait son vis-à-vis :
—Tu pars immédiatement pour l'hôpital.
Long chapitre cette fois !
Une sorte de mise au point de la part d'Erwin qui supervise les actions de Levi et des policiers en général. C'est un peu lui qui a les cartes en mains :3
Comme le laisse supposer la fin de chapitre, le prochain sera réservé au premier vrai contact entre Levi et Eren. La partie s'intitulera d'ailleurs "Premier contact" !
A jeudi prochain (je ne pourrai pas publier dimanche :p) !
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