5. Recul
Levi aurait pu hurler en cet instant. Avoir un mouvement de recul immense, porter sa main à sa bouche en symbolisant son choc. Mais il ne fit rien de tout cela, défiant encore une fois l'imagination par son comportement.
Non, il resta complètement impassible malgré le trouble qui le secouait déjà. Une figure de marbre masquant à la perfection les émotions humaines qui l'assaillaient. Ses lèvres se pincèrent entre elles après qu'il les eut humectés. Que pouvait y faire ? Comment réagir ?
Les paroles de son supérieur faisaient écho à des pensées qu'il s'efforçait jusqu'alors de taire. Rien n'était alors plus déstabilisant pour le lieutenant, comme un coup de couteau porté lâchement dans le dos. Une infamie imprévisible et pourtant douloureuse.
—Tu y étais, Levi. Tu y as forcément pensé.
Le dénommé déglutit avec difficulté, masquant péniblement le trouve qui l'habitait. Le mensonge n'était pas concevable face à Erwin, mais cette possibilité l'effleura. Il opta néanmoins pour la vérité, aussi pitoyable soit-elle :
—Oui, j'y avais pensé.
—Ca ne m'étonne autant que toi.
Le plus petit opina sèchement, furieux de s'être fait avoir si facilement. Il s'enquit, la bouche soudainement sèche :
—Ca change quelque chose à l'enquête ?
—Non.
La réponse avait fusé, franche et sans appel. Le commissaire reprit alors, avec davantage de tact :
—On attend les résultats que ce soit pour l'hôpital ou l'unité scientifique. On peut aussi compter le réveil du môme, il peut avoir des informations capitales pour l'avancement de l'enquête. Je veux que tu t'occupes de ça le moment venu.
—Comptez sur moi, grogna Levi, pas franchement ravi par la perceptive de s'occuper d'un gosse très certainement traumatisé.
—Tu peux y aller, j'ai pas mal de travail et cette affaire va sûrement nous prendre plus de temps que prévu.
Le lieutenant obéit, quittant la pièce sans un regard pour son supérieur. La journée avait été longue et le commissariat se vidait déjà de ses habitants. Il n'aurait aucun remord à s'échapper de ces lieux plus tôt que d'ordinaire. Le Soleil poursuivait sa route mais le crépuscule était encore loin, un rêve irréaliste pour les folies nocturnes.
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L'appartement était situé dans une partie plus calme du centre-ville. Un petit endroit de quiétude pollué par les bruits environnants. La modernité du bâtiment le rendait accueillant et l'entretient y était impeccable. Levi y vivait depuis plusieurs années et coexistait au milieu de ses semblables, sans jamais interférer dans leur vie. Il n'échangeait avec eux ni conversation matinale ni repas de politesse.
Pour ces individus, le trentenaire n'était qu'une ombre passagère dont il gardait un souvenir aussi confus qu'incompréhensible. Celui d'avoir rencontré un être à part.
Ce dernier logeait au deuxième étage où quelques pièces toujours parfaitement rangés l'avaient jadis accueillies. Rien n'avait changé, tout était d'un ordre presque irréaliste, à l'image de celui qui investissait les lieux. Un ensemble simpliste mais de bon goût, que la lumière du jour baignait rarement.
Levi rentra en toute fin d'après-midi, et la concierge ne nota même pas l'avance qu'il manifestait. L'homme atteignit son appartement avec une envie tenace de rejoindre son lit sans attendre. Il ne céda pas à ce caprice puéril, avalant un maigre repas dans la pénombre. Ses pensées dérivaient inexorablement vers un point fixe : l'enquête en cours. Il mangeait sans relever le goût acre de la nourriture, le visage totalement fermé.
Il n'accorda aucun regard pour la pièce principale. Bien peu de choses en réalité, le strict minimum pour un homme tel que lui. Une table usée par le temps, une cuisinière neuve, une télévision et un unique fauteuil. Les pièces adjacentes étaient tout aussi peu fournies. La chambre comportait un lit double, une armoire et une table de nuit où siégeait un radioréveil d'une grande importance. La salle de bain ne comprenait qu'une douche et des toilettes, typiquement ce que l'on pouvait attendre de ce genre d'endroit.
Visiblement, le lieutenant était la normalité incarnée. La façade d'un être bien plus complexe que l'on pouvait l'imaginer au premier abord. Un masque identique à celui que le trentenaire portait sans faiblir.
Il se leva, et résista encore un peu à l'envie de se jeter sans plus de cérémonie dans l'accueillant matelas. Bien décidé à se laver, il fit son entrée dans la salle de bain, prêt à s'octroyer une douche chaude. Bientôt, les gouttes se rassemblèrent et frappèrent son corps dénudé alors qu'il jurait :
—Merde !
L'eau était brûlante. Levi baissa fébrilement la température, se dégageant de ces centaines de piqûres. Il soupira finalement d'aise, acceptant dans cet instant de rare intimité de baisser le masque. Il n'y avait plus aucune raison de se cacher, de faire disparaître les émotions.
Le lieutenant était à présent dépourvu de toute couverture, souffrant de cela sans même s'en rendre compte. Il tremblait sous l'assaut du liquide transparent, enfin vulnérable. Personne ne l'avait jamais vu ainsi, presque faible. Combien d'individu l'aurait rêvé ? Mais l'homme ne leur donnerait jamais cette joie, trop fier pour cela !
Un coup de point partit droit dans le mur alors qu'un bruit sourd retentit dans toute la pièce. Oui, il était en colère. Une rage sourde dévorait ses entrailles sans qu'il ne parvienne à mettre un nom sur sa cause. C'était incroyablement frustrant pour un être tel que lui. Une farce imbuvable du destin qui semblait bien se foutre de sa gueule.
Les injures volaient, s'écoulaient de la bouche du trentenaire sans souffrir la moindre limite. La solitude lui était d'ordinaire appréciable mais le faisait soudainement souffrir. Comme quelque chose qu'on lui avait pris. Levi avait besoin d'extérioriser ce surplus d'émotions, de s'arracher ce qu'il haïssait le plus : son humanité.
Finalement, il s'extirpa de cette bulle devenue malfaisante. Son épuisement le rattrapait à nouveau, alors qu'il enroulait une serviette autour de son corps encore humide. La chambre était plongée dans la pénombre et Levi n'eut aucun mal à trouver le chemin de son lit. Il s'y laissa tomber de tout son poids et dans un bruit mou. Il rabattit la couverture sur lui, appréciant à sa juste valeur ce cocon de douceur bienfaitrice. Il renonça à vêtir autre chose, se retournant sur le dos dans un léger soupir.
Les récents événements lui parvenaient comme par écho, éveillant un début de migraine. Il passa sa main sur son visage encore humide, las en plus d'être lessivé. La capacité de raisonner lui avait été retiré, il s'enfonçait dans un néant semblable à un épais brouillard. Ce n'était que passager et le lieutenant en était conscient, malgré son état peu productif. Le lendemain serait chargé et il savait que l'enquête allait lui prendre tout son temps. Une perceptive aussi alléchante que fastidieuse. Il s'endormit sur cette dernière pensée, décousue et inutile.
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Un son strident s'éleva dans le silence presque opaque de la chambre. Il fallut quelques secondes à son locataire pour prendre conscience de ce bruit aussi étranger qu'inattendu. Encore embourbé dans les eaux sombres du sommeil, Levi réussit néanmoins à réaliser qu'il ne s'agissait pas de son réveil. Un regard pour l'objet à sa gauche le lui confirma : il était seulement cinq heures du matin.
C'était bel et bien le téléphone qui annonçait d'une manière si peu discrète un appel. Le lieutenant porta sa main à l'appareil, se redressant péniblement dans le lit. Il mourait d'envie d'ignorer cette requête indésirable, mais sa fonction et ses obligations le lui empêchaient. Il était plutôt rare que l'on le demande au beau milieu de la nuit, personne n'était assez fou pour cela !
Une urgence ... Cela devait-être une urgence pour que l'on le contacte à une heure aussi matinale. Fort de cette pensée, Levi empoigna l'appareil et décrocha sans grande conviction. Il aboya :
—Ouais ?
Chapitre court à rôle plus transitif !
On rentre dans l'intimité d'un Levi que je veux le plus réaliste que possible. J'essaie de rester fidèle à son caractère malgré le changement de cadre.
Un événement dans le prochain chapitre va mettre des bâtons les roues de ces chers policiers. Une petite idée de ce que ça peut être ? Une théorie sur ce qu'il peut bien se passer ? Indice : ça n'a rien à voir, cette fois-ci, avec Eren (je lui laisse un petit répit, ce n'est que partie remise) ;3
Bye !
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