39. Remontrances
Levi rejoignit le commissariat en un temps record, dépassant sans vergogne les limitations de vitesse du centre-ville. Le crissement désagréable des pneus sur le bitume du parking n'arrêta pas la course du lieutenant qui sauta presque de son siège. Il traversa la pièce principale, ignorant les regards qui convergèrent immédiatement sur sa personne. L'effervescence de l'endroit le frappa malgré son impassibilité et les événements de la veille n'y étaient pas pour rien. Personne ne pouvait se montrer indifférent.
—Levi !
La tête de l'interpellé pivota vers le visage de Petra, cerné d'inquiétude et d'une tension véritable. L'homme sourcilla, ravalant de son mieux l'élan de froideur qui le heurta :
—Je n'ai pas le temps de discuter Petra, je dois rejoindre Erwin dans son bureau.
—Je sais, je sais.
La brigadière arbora une mine gênée, légèrement attristée aussi. Elle semblait moins pimpante qu'à l'ordinaire, ses traits paraissaient également plus tirés. Comme si l'harmonie presque parfaite de son visage pouvait se trouver entacher par les tracas de son existence.
—Il m'a dit d'y aller moi aussi avec tout ce qu'il s'est passé hier ... Vous n'avez pas répondu à mes messages et à mes appels alors je pensais que vous ne viendriez pas, dit-elle, d'une voix pressée.
Il se trouvait à quelques pas à peine du bureau du commissaire et Levi avisa un regard pour la porte close. La tension de son corps demeurait visible et ce, malgré tous ses efforts pour la masquer. Petra s'en aperçut et elle gagna encore en compassion.
—Lieutenant Levi, vous savez je ...
—On n'a pas le temps de discuter, Petra, d'accord. On est déjà en retard et vu la situation, on ne peut pas de permettre de l'être encore plus. Tu es prête ?
—O-Oui, balbutia-t-elle, incapable de contredire son supérieur en toute honnêteté.
Ensemble, ils pénétrèrent dans la pièce qui, contrairement à d'habitude, se trouvait baignée de soleil. Dos à la fenêtre, Erwin se tenait parfaitement droit et immobile. Le visage sévère et fermé, il toisa les deux arrivants avant de les saluer :
—Brigadière Petra, lieutenant Levi.
Là où la jeune femme répondit poliment, son homologue se contenta d'un vague acquiescement. La distance entre les trois adultes semblait grandir à chaque instant et le trentenaire en capta chaque nuance.
—Je n'ai reçu aucun rapport, oral ou écrit, jusqu'ici des événements d'hier, énonça Erwin, d'une voix empreinte de professionnalisme.
—Je suis allée interroger le médecin Hanji dans l'après-midi et elle m'a confirmée n'avoir été témoin de rien. Elle est apparemment arrivée trop tard pour sauver l'infirmier Dortig et Eren avait déjà disparu.
—Et Christa Reiss ?
—Elle est vivante, mais elle était encore inconsciente hier.
Le commissaire accorda un bref regard à son subalterne, Levi, qui ne décrocha pas une seule parole. N'y étant pas invité, il se contentait d'écouter religieusement les paroles échangées. Le visage neutre mais l'esprit débridé, il réfléchissait sans relâche avant que l'on ne requiert sa participation.
— Bien, il faudra l'interroger dès son réveil, elle pourrait posséder des informations importantes pour la suite de l'enquête. Tu peux disposer !
Obéissante, Petra quitta la pièce après avoir échangée une œillade avec le lieutenant, lui offrant par la même occasion l'un de ses sourires compatissants. Le silence s'éternisa de longues secondes alors que personne ne prit la peine de le détruire. Malgré l'urgence et les risques, la fierté demeurait vivace aux yeux de Levi qui, finalement, accepta de demander :
—Tu voulais mon rapport, Erwin.
—Ton rapport oral me suffira pour le moment.
Le policier ravala un rictus méprisant. Ses réflexions effleurèrent le sujet d'Eren, la précarité de sa situation et le danger que le garçon représentait. Cet être qui semblait mériter tous les sacrifices et pour qui l'adulte accepterait de mentir à son supérieur.
—Je suis arrivé après Hanji et Eren n'était déjà plus là. Il y avait le corps des infirmiers et d'une femme, elle correspond aux descriptions d'Eren la dernière fois, dans la rue.
—Cette femme s'appelle Annie Leonhart et elle est connue de nos fichiers depuis plusieurs années. Elle n'a apparemment aucun lien avec Rhodes Reiss mais il faudra vérifier cette information. Tu penses réellement qu'Eren s'est enfui seul dans l'état où il devait être ?
Levi sourcilla, sentant le piège se refermer autour de lui. Comment Erwin avait-il pu deviner cela ? Le lieutenant comprit directement où son supérieur souhaiter le mener. Ce dernier l'amenait vers l'erreur et aspirer à des aveux dans les formes et le trentenaire connaissait le commissaire depuis trop longtemps pour ne pas en être conscient. Les deux hommes se jaugèrent à nouveau, avec hauteur et une tension grandissante.
—Pourquoi es-tu parti directement après ce qu'il s'est passé ? Tu n'as pas répondu à mes messages pendant près de quinze heures.
Le plus petit resta muet, les lèvres hermétiquement closes. Quelles excuses pouvait-il bien inventer ? Aucune de plausible ne lui venait à l'esprit en cet instant et il arborait le silence du coupable. Devant ce mutisme, Erwin cessa d'attendre une quelconque forme de réponse :
—On cherche Rhodes Reiss depuis hier soir et aucune trace de lui. Le traceur d'Eren a été retrouvé dans la salle de son enlèvement, dans la poche d'Annie. La seule manière de retrouver sa trace serait de retrouver celle du suspect.
Levi opina calmement, son regard gris se perdant un court instant sans but. L'atmosphère de la pièce demeurait étrange, inexplicable et il se savait viser de toutes les remarques de son ainé.
—Ou que l'on cesse de nous cacher la vérité.
Le policier ignora superbement cette provocation, l'attitude fière et le visage entièrement fermé. Ainsi, rien ne semblait pouvoir l'atteindre.
—Qu'est-ce que tu veux que je fasse, Erwin ?
—Que tu regagnes ton bureau et que tu t'occupes des recherches concernant Grisha Jaeger.
Encore une fois, le trentenaire ravala toute trace de protestations. Ce genre de travail qu'il considérait comme ingrat ne le concernait d'aucune manière d'ordinaire. Le commissaire souhaitait certainement le punir en le laissant au milieu de ses collègues, de cette agitation qualifiable de malsaine.
—Tu iras rejoindre Petra dans l'après-midi. C'est clair ?
—Très clair, Erwin.
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Levi s'affairait devant son bureau depuis une bonne demi-heure déjà. Les recherches se multipliaient sans résultat apparent. L'homme détestait cela : se démener inutilement sur un terrain qui n'était le sien.
Les discussions de ses collègues perturbaient affreusement la qualité de son travail et il manqua de leur hurler de se taire, ou tout simplement leur faire ravaler leurs inutiles paroles. Les dents serrées, il encaissa cet affront, se répétant qu'il agissait pour la bonne cause. Il se trouvait encore étonné qu'Erwin n'ait pas insisté plus que de raison vu les circonstances.
Grisha avait donc été médecin durant de longues années et jusqu'à sa mort. Un brillant spécialiste follement amoureux d'une jeune femme, Carla avec qui il avait rapidement formé une famille. Eren était donc né de cette union quelques années plus tard. L'histoire de cette famille semblait des plus banales si l'on excluait le décès des deux parents. Un véritable mystère que Levi s'employait à défaire, plus ou moins patiemment.
Seuls les articles concernant les prouesses de l'homme restaient trouvables, rien qui ne soit utile à la progression de l'enquête. L'urgence se profilait partout et, malgré cela, tous étaient incapables de découvrir la moindre forme de réponse. Les poings serrés, le lieutenant se confondait avec l'ignorance, le fléau de tous les hommes et lui parmi tous.
Aux alentours de midi, son téléphone sonna à plusieurs reprises dans la poche du trentenaire. Manquant de sursauter, ce dernier tira l'appareil de son logis avant de consulter frénétiquement l'écran. Les explications lui indiquèrent qu'il venait de manquer un appel d'Eren. Levi se leva brutalement, sa chaise grinçant sur le sol avant qu'il ne quitte la pièce bondée pour de bon. Frénétiquement, il tenta de joindre son amant à plusieurs reprises sans jamais y parvenir.
A bout de patience, l'homme avisa sa montre. Lui qui n'avait pas pour habitude de prendre une pause à l'heure du repas s'y risquerait au moment le moins approprié. Son cadet se trouvait peut-être en danger et le laisser seul à l'appartement restait bien trop risqué à son goût. Il devait vérifier, dans le temps dont il disposait, si tout allait bien.
Levi traversa une bonne partie du centre ville en voiture, le ventre serré par une angoisse sourde et incompréhensible. Son portable sonna à nouveau au moment où il se gara devant l'appartement. Le nom d'Erwin d'un de ses subalternes s'inscrit sur l'écran et il ignora superbement ce nouvel appel. Il franchit le seuil du bâtiment, montant la dizaine de marches avant de déverrouiller la porte de l'habitacle dans un son de clés distinctif. Franchissant le pas, sa voix s'éleva dans le silence glaçant de la pièce principale :
—Eren ?
Il semblerait que, malgré les apparences, Levi s'inquiète pour ce cher Eren !
Un Erwin qui a de bonnes raisons de se méfier pour cette fois. Levi lui cache bien certaines choses, des informations qui pourraient être capitales.
Des idées pour le prochain chapitre ? Un indice : le chapitre se nomme "Encore une fois". A partir de là, nous entrerons dans le compte à rebours : dix chapitres avant la fin de cette longue fanfiction. Hé oui, déjà !
J'vous embrasse <3
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