36. Symbole d'horreur

 La balle atteint la poitrine de la femme blonde que le regard averti de Levi avait identifiée comme celle qui s'en était déjà pris à Eren. Ce dernier semblait hors de lui, au-delà de ce que le lieutenant avait pu connaître. Ses yeux fous roulaient dans leurs orbites et la posture de son corps s'apparentait gravement à celle d'un animal. Christa gisait au sol, visiblement inconsciente, ses cheveux cachant une grande part de son visage. Le plus choquant dans tout cela restait le second infirmier qui s'était certainement invité dans la pièce à l'entente du vacarme. Son corps inerte reposait conte le mur où s'élargissait une tâche de sang.

Le policier n'avait pas tremblé lorsque le l'arme accusa un mouvement de recul dans sa main ou lorsque le bruit sourd retentit dans toute la pièce. L'inconnue qui semblait vouloir contraindre Eren à quitter la pièce dans l'optique certaine de l'enlever, s'affaissa sur le sol dans un cri inaudible. Une couleur vermeille envahit le devant de son pull bleu foncé au niveau de son cœur. Son agonie fut courte, mais assez longue pour permettre à Levi de s'approcher, évitant soigneusement son amant :

—Dis-moi qui est l'homme que tu sers ! Dis-moi qui est derrière ça !

Les apostrophes de l'homme n'eurent aucun effet et il remarqua à peine le mouvement derrière lui. Hanji venait de pénétrer dans la pièce afin de vérifier les constantes de Christa, appuyant deux doigts contre sa carotide. Elle opina très lentement lorsqu'elle sentit un faible battement sous son emprise. L'autre s'était penché sur l'autre femme dont les traits étaient contractés par la souffrance. Elle ne tarderait pas à mourir en vu de la précision du tir.

—Réponds-moi ! Donne-moi un nom, je veux un nom ! Tu vas mourir mais je peux encore te faire mal !

Un gémissement franchit ses lèvres lorsque Levi appuya sa chaussure contre l'impact de balle. Une gerbe de sang s'échappa de sa bouche ainsi que de la blessure malmenée par la pression. Elle se laissa mourir sans rien prononcer, comme si la rage du policier était une satisfaction suffisante. Comme un symbole, son visage se tourna vers l'endroit où reposait Christa, son regard éteint braqué sur l'infirmière inanimée.

—Putain de merde, tonna-t-il.

La seule personne capable de lui prodiguer des réponses venait de décéder par sa faute. Sans savoir s'il s'agissait réellement d'une erreur ou non, le lieutenant se redressa, reprenant conscience du danger omniprésent dans la salle.

Eren semblait perdu, tremblant proche du mur à l'opposé de son ainé. Son état de crise s'imposait comme une évidence à chacun et l'autre découvrit avec horreur le sang qui coulait de sa main. Le garçon s'était mordu, une marque d'automutilation qui ravivait ses pulsions meurtrières, les rendant incontrôlables. Pourtant, lorsqu'il croisa le regard du son homologue, une expression étrange se perdit sur son visage. Comme l'éclat de conscience bien vite rattrapé par la démence.

Percevant ce changement, Levi recula d'un pas à peine, prit le temps de se retourner pour tonner :

—Hanji, cherche un calmant, n'importe quoi, quelque chose de puissant ! Grouille-toi !

—O-Ouais.

Elle sortit de la pièce, laissant pour seuls êtres conscients deux individus bien trop intiment liés pour rester parfaitement impartial. Cela influençait surtout le plus âgé qui réfléchissait à la meilleure solution. Douloureusement, il se réalisa incapable d'abattre Eren comme il aurait pu le faire avec n'importe qui.

—Eren ... souffla-t-il, dans l'espoir d'éveiller un semblant d'humanité et d'échapper à ce qui s'imposait.

Une sorte de grognement lui répondit. L'œil attentif, le susnommé semblait jauger son adversaire tel un prédateur face à sa proie. Les rôles s'inversaient et cela n'avait jamais été aussi dangereux. Levi, après avoir ôté la vie à une parfaite inconnue sans même sourciller, se sentit faiblir.

—Ecoute-moi, Eren. C'est fini, elle est morte, elle ne te fera plus aucun mal, tu as ma promesse. On va arrêter celui qui t'a fait ça et il va le regretter. Calme-toi gam ... Eren.

Jamais il n'avait prononcé de telles paroles et sur un tel ton. Sa volonté d'apaiser son cadet résidait en un profond instinct de survie ainsi qu'une volonté de ne pas faire usage de la violence cette fois-ci. Vu l'état dans lequel le blessé se trouvait, s'ils en venaient aux mains, le policier devrait user de toute sa force au risque de le tuer.

Lorsque le garçon s'élança en direction de Levi, ce dernier maintint sa position, enfonçant ses pieds dans le sol et solidifiant ses appuis. Il esquiva souplement l'offensive d'Eren, lui faisant perdre de l'élan et de sa force. L'homme évitait les contacts de son mieux, participant bien malgré lui au jeu du chat et de la souri. Les mains du patient brassaient de l'air, cherchant à accrocher un morceau de chair afin de la détruire entre ses doigts. Mené par une envie dévastatrice et meurtrière, il ne reconnaissait plus l'être qui lui avait fait l'amour la veille. Ainsi, le bout de relation qu'ils avaient réussi à créer s'écroulait.

Enfin, le brun atteignit le corps tendu de son ainé. Son poing heurta violemment le torse de son adversaire. L'impact éveilla une douleur vive dans le corps de ce dernier qui balança son bras en crochet dans la figure de l'autre. Ils ne cessèrent dans les minutes qui suivirent de s'atteler à ce ridicule combat. Encaissant tous deux, la technique et la connaissance des arts martiaux rivalisait avec la force acharnée et incontrôlable.

Finalement, Levi recula d'un pas. Les côtes endoloris, plusieurs pôles de souffrance se distinguaient à son grand étonnement.

—Eren ! beugla-t-il, dans une dernière tentative de raisonnement.

Respirant trop lourdement, le regard dément du garçon accrocha comme par pur hasard celui de son prétendu agresseur.

—Eren, je sais que tu peux m'entendre. Ca, ce n'est pas toi. Merde gamin, c'est ce que ces enfoirés ont voulu faire de toi alors ne les laisse pas gagner. Tu veux pas être une menace, c'est ce que tu m'as sorti ce matin, non ? Putain, rappelle-toi de ça !

A l'instant où le lieutenant espéra un retour au calme de la part de son amant, la porte s'ouvrit en fracas, laissant pénétrer Hanji, une seringue à la main. Immédiatement, les orbes verts du plus jeune se recentrèrent sur le médecin. Le sang qui perlait encore de sa main soulignait l'aspect inhumain de l'instant.

—L-Levi ?

—La binoclarde ... Ne bouge surtout pas !

Mais il était déjà bien trop tard. Eren courut en direction de la femme dans le but évident de la mettre en pièce avant qu'elle ne fasse usage de ce précieux calmant. Cet antidote qui ne serait plus d'aucune utilité si le jeune homme détruisait une seconde vie. Levi comprit cela sans mal, s'interposant par simple réflexe entre sa vieille amie et son partenaire. Il balança son pied dans le ventre à parfaite hauteur de son cadet. Le coup fut d'une telle puissance que le corps du brun heurta le mur d'en face dans un bruit sourd.

Soudain, tout se termina. Le lieutenant s'attendait à voir l'autre se relever mais celui-ci demeura au sol, immobile et visiblement inanimé. Le cœur de l'homme manqua un battement à cette vision, succombant à la douleur physique et aux troubles de son esprit bouleversé.

—H-Hanji il est ...

—Attends !

Les mots ne vinrent pas, enfouis au fond de lui et entravés par la peur de la réalité. Jamais il n'avait fait preuve d'une telle force et il était conscient de la violence supposé de l'impact. Il ne connaissait personne capable de le surpasser en quelques disciplines que cela soit. Seul Eren lors de ses crises parvenait à le mettre en danger, à menacer son intégrité. C'était sans doute pour cela que le policier avait fait usage de toute sa puissance, quitte à regretter son geste.

Personne ne prêtait attention aux autres corps aux alentours. L'adrénaline empêchait l'homme de réfléchir de manière rationnelle aux problèmes les plus importants qui se présentaient à lui. D'autres interrogations ne tarderaient pas à s'inviter puisque ce qui venait de se passer allait de lourds impacts sur leurs avenirs. Ils l'ignoraient encore et la silhouette presque paisible d'Eren illustrait parfaitement cette inconscience. La menace venait tout juste de prendre une forme inédite et l'ignorer se révélait désormais impossible.

—La binoclarde, t'es censée être médecin alors utilise le peu de professionnalisme qu'il te reste !

Cette réplique sonna creusement aux oreilles de celui qui les prononça. Etait-il bien placé pour parler en termes de professionnalisme, vraiment ? Pourtant, la femme ne serait peut-être jamais parvenue à ses fins si Hanji était arrivée à temps. Pour cela, son ami le lui en voulait autant qu'il pouvait s'en vouloir à lui. Au fond, ils figuraient parmi les autres coupables, quoi qu'ils en disent.

La dénommée s'avança après un moment, aussi déstabilisée que son collègue. Elle répéta la même opération que précédemment et les secondes parurent s'allonger, le temps s'arrêter pour Levi. Elle répondit enfin, faisant mourir une grande part de la tension :

—Il est en vie. 

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