31. Soigner les blessures
Levi déverrouilla la porte d'un tour de main et sans même jeter un coup d'œil derrière son épaule. Il pouvait sentir la présence masculine à quelques pas de lui, la respiration irrégulière dans son dos et même, l'odeur de son homologue.
Ils pénétrèrent dans la pièce à tour de rôle, Eren s'émerveillant encore une fois face au vaste appartement. Lui qui pensait ne jamais avoir l'occasion d'y remettre les pieds. Une belle surprise après les pénibles événements des dernières heures. Il en gardait un souvenir indistinct, peu net et surtout, désagréable.
L'ordre des lieux demeurait tout aussi impeccable, bien trop pour rester naturel. Un exemple qui illustrait à merveille le perfectionnisme du lieutenant, poussé jusqu'à l'extrême. Le résultat de cette volonté s'offrait à nouveau au regard de son cadet.
—Monsieur Ackerman ?
—Arrête de m'appeler comme ça, gamin.
Le susnommé releva plutôt le contenu des paroles plutôt que le qualificatif pourtant dégradant. Une habitude, certainement, mais qui ne l'empêchait pas de s'étonner face aux propos du trentenaire.
Ce dernier était tourné vers la fenêtre couverte par le volet qu'il se décida finalement à ouvrir, comme pour se donner un semblant de contenance. Lui d'ordinaire si sûr de lui perdait ce en quoi il avait toujours cru. Il ne parvenait plus à faire abstraction des images d'Eren en pleine crise et des coups qu'il avait dû porter contre son gré.
—C'est trop long, ajouta-t-il, comme pour se justifier.
—Je peux vous appeler Levi ? hasarda le brun, les sourcils froncés.
Le blessé gardait une distance raisonnable entre lui et son ainé. Il se souvenait sans peine de la violence du policier envers lui et si l'obligation justifiait l'usage, le choc n'en restait pas pour le moins douloureux. Cette même douleur que le garçon ressentait, naissant à l'endroit exact de ses cotes. Sa pommette irradiait d'une morsure semblable à une brûlure. Il s'empêcha même de porter sa main à l'endroit, il en était certain, un hématome siégeait.
—Ouais, mais uniquement aux endroits adéquats.
Levi ne put passer outre la grimace de son homologue avant même qu'il ne parle. Il reconnut l'expression qui déforma ses traits entre mille et il rejeta aussi loin de lui que possible la culpabilité. Ce sentiment dont il ne s'autorisait pas l'existence et qui le dévorait implacablement.
—Vous n'y êtes pas allé de main morte, avança Eren, sentant le regard de son ainé sur lui.
—Non, mais j'avais pas le choix.
Avec un peu de recul, l'on pourrait presque penser à des excuses sous-jacentes. Mais ce n'était pas le cas ! Le lieutenant Ackerman ne s'excusait pas, il ne s'excusait d'ailleurs jamais, pas même pour cet attachant garçon.
—Je sais. Quelques bleus ne sont pas chers payés, vous avez bien agis.
Levi pinça à peine les lèvres, ultime preuve de son étonnement face aux propos de son vis-à-vis. Il s'attendait à tout sauf à cela, n'importe qui lui aurait tourné le dos, lui en aurait voulu pour une telle violence. Il avait mis toute sa force dans ses coups et cela se traduisait à présent par la peau marquée de ce déchaînement.
—Il y a de quoi te soigner dans la salle de bain.
Eren opina, hésitant à s'y enfermer immédiatement afin de soulager la douleur. Le lieutenant faillit l'y accompagner, peut-être même pourrait-il l'aider à désinfecter les plaies ? N'importe qui l'aurait fait à sa place et sans même hésiter. Mais un tel acte ne lui semblait pas naturel, trop lointaine de l'image du soldat qui ne souffrait aucune émotion. Trop loin de l'image qu'il voulait que l'on se fasse de lui.
—Y'a aussi des dolipranes, j'imagine que t'en auras besoin, ajouta Levi, sa brusquerie et son manque de tact démontrant son malaise inexplicable.
L'autre acquiesça presque par automatisme, désormais habitué au comportement détaché et froid de son ainé. Il le regrettait, évidemment, mais était conscient que son influence égalait son importance aux yeux de cet homme.
Il referma la porte de la salle de bain derrière lui ignorant de son mieux le regard du lieutenant brûlant sa nuque. La blancheur de la pièce le frappa ainsi que l'ordre de chaque produit destiné aux divers soins. Seulement des produits à usage basique, le strict nécessaire. Plusieurs armoires s'alignaient pourtant juste sous son nez et il en ouvrit plusieurs, cherchant à trouver de quoi désinfecter ses plaies. Une quête vaine puisque, au bout de quelques instants, il se résolut à demander, assez fort pour être entendu :
—Levi, je ne trouve pas le ...
Avant de lui laisser la chance de s'exprimer plus longuement, la silhouette de l'intéressé se matérialisa alors que la porte s'ouvrait en grand. Il ne semblait pas agacé ou, du moins, pas plus qu'à l'ordinaire. Il toisait son homologue avec neutralité alors que les mots mouraient au fond de la gorge de ce dernier.
—Tu ne trouves pas le nécessaire à pharmacie ? interpréta de lui-même le policier, ne pouvait pas compter sur l'aide de son cadet.
—Oui, c'est ça. Il y a pleins d'armoires et je ...
Levi pénétra dans la pièce, ne lui laissant encore une fois pas l'occasion de venir au bout de son idée. Il ouvrit une armoire alignée à prêt d'une dizaine d'autres avant d'en montrer le contenu au brun.
—Il y a tout là-dedans, les dolipranes compris.
Eren observa l'intérieur, vérifiant par automatisme que son interlocuteur disait vrai.
—Tu t'en occupes seul.
Ce n'était pas une interrogation et pourtant, l'homme insista un peu trop sur la fin de sa phrase si bien qu'elle faillit s'y apparenter. Le plus jeune sourcilla et son regard accrocha celui voisin, l'acier se moulant à l'étendue verdoyante.
—T'arrives à t'en sortir avec des compresses tout seul, non ? Me dit pas que je vais devoir te soigner ?
Une petite voix atteignit Levi : c'est toi qui l'as blessé en même temps, tu ne peux pas vraiment lui refuser de l'aider s'il te le demande. Il déglutit péniblement alors qu'Eren manifestait un certain malaise. N'ayant aucun souvenir de sa vie post-enlèvement, il n'était pas certain de s'y prendre correctement.
—Gamin, tu penses pouvoir y arriver ou non ?
Le cliché de la situation frappa le policier et il se rendit compte que soigner son homologue semblait presque symbolique. Comme prouver que cet être comptait bien plus qu'il ne saurait l'admettre. Une humiliation pour un homme qui s'était promis de demeurer sans attache.
—Je veux bien, murmura le garçon.
—Tch !
Levi leva les yeux au ciel, manifestant ouvertement son agacement et ce qu'il pouvait bien penser de l'inaptitude de son cadet. De quoi faire culpabiliser ce dernier qui, pourtant, n'avait rien à se reprocher. C'était bel et bien le trentenaire qui devait se faire pardonner.
Il sortit les compresses de leur étui avant de verser la lotion dessus, un désinfectant qu'il avait mainte fois eut l'occasion d'utiliser. Il se plaça en face d'Eren et évita soigneusement le contact visuel. Il tapota lentement les légères coupures, là où la peau avait subi un choc trop violent. Le blessé ravala une grimace devant la désagréable sensation de brûlure. Il ferma toutefois les yeux, facilitant la tâche au lieutenant qui opéra de manière bien plus libre. Les hématomes se formaient sur la peau et le coton caressait la plaie avec plus de douceur que nécessaire.
Finalement, il jeta à la poubelle l'ustensile usagé et le brun s'autorisa à observer bien en face Levi. Ce fut à cet instant qu'il remarque la petite plaie qui barrait la joue de son ainé. Le résultat de sa folie et de sa violence incontrôlée, la honte et la culpabilité heurtaient son être de plein fouet.
—Je ... Je vous ai blessé aussi, avança-t-il, de manière bien moins assuré qu'il ne l'aurait souhaité.
Il eut envie de disparaître de la surface de la terre, de ne plus jamais à avoir à affronter le regard de son homologue. Celui-ci dardait ses orbes gris sur celle, où les émotions existaient sans souffrir la moindre limite, d'Eren.
—Oui, répondit l'autre, la voix à peine plus rauque que précédemment.
Le garçon n'osa pas lui demander la permission, s'attendant bien trop sûrement à un refus catégorique. Il s'empara donc maladroitement d'une compresse neuve, l'enduisant de produit avant de l'approcher lentement de la pommette du policier. Les yeux de ce dernier se troublèrent légèrement sans qu'y lire un sentiment précis. Il le laissa pourtant faire sans même protester, malgré l'intimité qu'apportait ce geste, la légère douleur et la tension qui s'affaissa sur eux. Une atmosphère devenue bien trop lourde.
—Gamin, gronda Levi.
Le susnommé releva un regard débordant d'innocence, de trop de pureté pour que cela en soit parfaitement sincère. Son ainé faillit, en toute sincérité, lui ordonner de s'éloigner, de rétablir suffisamment de distance entre eux. Mais il n'y parvint pas et les prunelles émeraude qui s'accordèrent aux siennes firent mourir toutes ses défenses.
—Mons- ... Levi ?
Son nom ainsi prononcé l'acheva littéralement et il oublia toute notion de devoir, de professionnalisme. Une nouvelle fois et sans penser aux conséquences, il fondit sur les lèvres tentatrices d'Eren avec la certitude de ne pas s'arrêter à un simple baiser.
Un peu de calme propice à l'évolution de la relation des deux protagonistes. J'espère que vous aura plu !
Dans le prochain chapitre, la température augmente de quelques degrés. Tenez-vous prêts !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top