28. Sombres ruelles
Levi rentra directement à son appartement, bien que l'envie de faire un détour le taraudait. Il n'avait pas la moindre envie de faire face aux potentiels reproches de son cadet.
Il déverrouilla la porte d'entrée après avoir inspiré profondément. Le courage ne lui faisait pas défaut et il refusait de faire preuve de faiblesse dans ce genre de situation. Il pénétra dans la pièce et découvrit Eren assit face à la fenêtre, le regard perdu dans sa contemplation.
—Gamin.
Le concerné se retourna immédiatement et son regard percuta celui de son ainé. Cette étendue verte engloutit la surface plane et métallique. Une émotion bouleversait les yeux du plus jeune.
—Le- ... Monsieur Ackerman.
Le garçon semblait hésiter à engager la conversation, comme s'il s'imaginait d'avance son issue. Il était triste sans parvenir à masquer ce sentiment de détresse. L'indifférence feinte de son homologue éveillait en lui une douleur qu'il ne comprenait pas encore.
—Vous ...
—On a pas le temps pour taper la discute, gamin. Faudra remettre ça à plus tard, on doit aller au commissariat.
Eren pâlit très légèrement. Bêtement, il craignait de devoir réinvestir une cellule là-bas. Ses souvenirs ne le trompaient pas et il avait haï les heures passées dans la petite pièce grisâtre.
—Tu dois donner ton rapport et Erwin le veut tout de suite.
Le brun se leva et Levi l'encouragea à l'accompagner. Avait-il réellement le choix. Une fois que le lieutenant eut fermé soigneusement la porte, son cadet ne put se taire plus longtemps. Maladroitement, il tenta de mettre des mots sur ses pensées :
—Pour ce qu'il s'est passé hier, je voulais que vous sachiez que je ne regrette rien. Et si vous ...
—Gamin, j'ai dit plus tard ! répliqua le policier, bien plus sèchement que nécessaire.
Malgré son besoin inopiné, Eren se tut. Il savait qu'il n'obtiendrait rien de son ainé et qu'insister ne lui attirerait que des ennuis supplémentaires. Il suivit donc les pas de son vis-à-vis en silence et sans montrer plus d'objection.
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Eren sortit du bureau d'Erwin, légèrement déboussolé, il se sentait néanmoins soulagé : tout s'était passé à merveille. Pas de crise en vue ou même de minuscule accrochage. A peine eut-il passé le pas de la porte qu'il rencontra le regard intransigeant et impassible.
—C'est bon ?
—Oui, ça s'est bien passé, répondit le jeune garçon.
—Parfait.
Le commissaire n'avait pas parlé à Levi et ce dernier gardait en tête ses informations. Le professionnalisme ne l'avait pas quitté et il rejetait loin de lui tous les souvenirs s'apparentant à la veille.
—On rentre ? tenta hasardeusement le plus jeune.
—Non, pas maintenant.
L'expression d'Eren ne masqua rien de sa déception, elle marqua fermement chacun de ses traits. Le lieutenant l'ignora superbement avant de reprendre, mettant fin au supplice de son cadet :
—On a un petit détour à faire avant de rentrer.
Ils se mirent en route, le regard de Levi s'attardant à peine sur la silhouette de Petra. Cette dernière accorda une œillade rassurante au plus jeune tandis qu'il quittait ensemble les lieux. Ils marchèrent longuement sans que le garçon ne sache où ils se rendaient. Il se contentait d'observer la stature de son ainé qui marchait à vive allure. Les souvenirs de la nuit dernière s'imposèrent à lui et un sourire hérissa ses lèvres avant de disparaître.
—Où est-ce que vous m'emmenez ?
Levi garda ses lèvres hermétiquement closes, ne songeant même pas à apporter une réponse à son homologue. Ce dernier ne se découragea pas pour autant, attaquant à nouveau d'une autre manière :
—Je rentre avec vous après ?
—Ouais.
Les yeux d'Eren s'écarquillèrent sous l'effet de la surprise. Cela signifiait-il que l'homme acceptait de l'héberger une nuit de plus ? Un nouveau rictus prit place sur ses lèvres et il s'empressa de reprendre une expression plus neutre. Seul son regard restait anormalement brillant.
—C'est provisoire, gamin. C'est le temps que l'on remonte la piste de celui qui t'a fait ça et que l'on trouve un antidote. Ca nous permet de garder un œil sur toi et éviter que tu attires l'attention sur toi ou que tu fasses des morts.
L'euphorie du brun retomba immédiatement. Qu'avait-il espérer au juste ? Que son ainé tienne à lui au point de le garder auprès de lui ? Avait-il réellement été aussi stupide ? En cet instant, le garçon se sentait naïf, affreusement naïf.
—Ca sera aussi plus simple pour toi, ajouta Levi, de façon moins virulente.
Eren inspira profondément et parvint à faire abstraction de ce qu'il pouvait bien ressentir. Ils s'engouffrèrent bientôt dans des ruelles sombres et bien trop familières. Il comprit alors où son ainé souhaitait le conduire et une terreur sourde s'éminça en lui.
—Monsieur, je ...
—Du calme gamin, l'endroit est sécurisé. T'as rien à craindre.
Ledit gamin ne réussit pas à éradiquer complètement la source de son stress. Ils s'enfonçaient ensemble dans ce labyrinthe caractéristique et étouffant. Des ombres se formèrent devant eux, au sein de l'ombre elle-même. Les formes humaines étaient parfaitement reconnaissables mais impossible pour le blessé de les reconnaître. Les silhouettes se découpaient à présent dans ces couleurs trop sombres pour être aperçues. Le garçon ralentit considérablement l'allure, à peine rassuré par la présence de son ainé.
Levi s'arrêta au beau milieu d'une allée, sa vision s'acclimatant péniblement à cette noirceur constante. Il savait qui se trouvait face à lui au terme d'un suspens insoutenable. Son instinct ne l'avait jamais trahi et il pouvait même sentir les émotions débridées de son cadet à deux pas de lui.
—Levi, Eren est avec toi ?
Le plus jeune reconnut la voix de son médecin et ne cacha pas son étonnement. La silhouette du lieutenant le masquait à la vue de la jeune femme, ce qui expliquait sans mal son interrogation.
—Ouais.
—Tu es passé au commissariat avant.
—La binoclarde, pose pas de questions débiles. Je sais ce que j'ai à faire et on en revient.
La susnommée ne releva même pas l'insulte à son égard. Un sourire éclatant illuminait déjà ses traits et l'on pouvait apercevoir ses yeux briller derrière ses lunettes. Derrière elle, deux policiers patientaient ainsi qu'une infirmière du nom de Christa Reiss. Ce nom resta gravé dans la mémoire d'Eren tout comme la beauté de la jeune femme. Elle souriait gentiment à son homologue et semblait aussi perdue que lui.
—Parfait, on peut commencer directement ?
—Minute, Hanji, coupa Levi.
Il se tourna vers son cadet qui se défit de sa contemplation avant de faire face au regard acier.
—C'est ici que ça s'est passé ?
Eren regarda attentivement autour de lui, détaillant chaque bâtiments qui s'offraient à sa vue. Le sol était jonché de déchets en tout genre et cette vue donnait la nausée à son ainé.
—C'était un peu plus loin, je crois.
Le policier tiqua sur les derniers mots et les autres se détournaient déjà, les invitant en silence à les suivre. Les cheveux dorés de Christa semblaient briller dans la pénombre et effleuraient ses frêles épaules à chaque mouvement.
—C'est ici ! z'exclama finalement le garçon, devant l'endroit qui sembla comme une évidence.
Hanji planta ses pieds dans le sol et se retourna vers son ami de longue date et son ancien patient. Elle souriait toujours et Eren s'en sentit étrangement mal à l'aise. Les deux policiers se tenaient en retrait tandis que l'autre femme observait son homologue du coin de l'œil. Une pensée le saisit : et si c'était elle ? Après tout, il n'avait pas vu son visage alors l'hypothèse était des plus probables. Il rejeta pourtant loin de lui cette supposition. Il refusait d'y croire et les cheveux blonds ne semblaient pas les mêmes, cette brillance singulière ne pouvait être confondue.
Levi s'immobilisa à son tour et son interlocuteur fit de même. Les souvenirs ressurgissaient petit à petit sans que leur possesseur ne les laisse le submerger entièrement. La luminosité était légèrement meilleure et il distinguait chaque caractéristique de cet endroit. Sa respiration se suspendit tandis que le médecin lançait, à la cantonade :
—On va pouvoir commencer alors !
Sur ces fières paroles, ce chapitre s'achève.
Eren n'est pas au bout de ses surprises. J'ai essayé de conserver le côté "savant fou" et un peu dérangé d'Hanji. J'espère rester la plus fidèle possible à la réalité.
Le prochain chapitre, "Ombre portée", est dans la continuité de celui-ci et montre les quelques folies de cette chère Hanji.
Des bisous ~
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