27. Devoir et professionnalisme

 Levi s'extirpa du sommeil dès les premiers rayons de soleil. Ceux-ci jouèrent de leur luminosité sur son visage et réchauffèrent sa peau. Il grogna et papillonna rapidement des paupières avant de remarquer la position dans laquelle il se trouvait.

Eren, toujours profondément endormi, avait le visage sur torse de son ainé et un bras solide raffermissait cette prise des plus étonnantes. Ses traits, en partie masqués, semblaient paisibles, encore plus enfantins. Comme si la jeunesse de ce garçon se traduisait à présent, alors qu'il n'en était pas conscient.

Le lieutenant jeta un regard à son radio réveil qui indiquait six heures trente-cinq. Il n'était pas en retard mais il devait absolument se préparer. Il avisa la situation dans laquelle il se trouvait avant de prendre une décision. Il réfléchit un court instant avant de renoncer à réveiller son cadet. A quoi cela lui servirait-il ? Il perdrait du temps et ne pourrait éviter une scène des plus ennuyantes. Et puis, perturber le calme octroyé par le sommeil ne l'enchantait guère.

L'homme se défit précautionneusement de la prise inconsciente de son homologue. Rapidement et sans perdre une seconde, il se doucha et s'habilla de manière parfaitement mécanique. Devait-il prévenir Erwin de la présence d'Eren dans son appartement ? La réponse positive s'imposa immédiatement à lui. Il avait besoin de l'intelligence et des ordres de son supérieur dans ce genre de cas de figure.

Levi songea à la veille, à ce qu'il s'était produit. Il ne s'en voulait pas. Il s'était promis de ne pas s'en vouloir et aucune once de culpabilité ne l'atteignait. Il avait passé un moment extraordinaire, et il était déjà certain qu'il n'oublierait rien de tout cela. Un sourire furtif éclaira son visage, bientôt chassé par le ridicule de la situation. Il n'avait rien à voir avec l'un de ces niais qui souriait bêtement après l'amour, qui gardait leur tête d'idiot heureux pendant toute la semaine. Il rejeta ces précieux souvenirs et reforma son sens du devoir qui lui avait fait défaut.

Avant de quitter les lieux, il prit le temps d'écrire une brève note à l'intention de son cadet. Il était inconcevable que ce dernier fasse une crise de panique alors qu'il se trouvait seul dans son appartement. Par ailleurs, il prit la décision de l'enfermer à l'intérieur, dans l'objectif d'éviter les risques inutiles.

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Levi arriva à l'heure au commissariat et des dizaines de policiers s'activaient déjà à l'intérieur. Il les dépassa sans un regard ou une salutation. Seule la porte close du bureau d'Erwin se dressa sur son passage, comme le seul rempart à sa volonté. Il jura :

—Putain de merde !

Il se retint de donner un coup de pied dans cette foutue porte fermée. Pourquoi fallait-il que son supérieur ne soit pas là pile ce jour-là ?

—Lieutenant Levi ? s'enquit une voix féminine bien reconnaissable.

Le susnommé se retourna pour découvrir la silhouette gracile de Petra, toute sourire malgré l'heure matinale.

—Petra, la salua-t-il, moins enjoué qu'il n'aurait dû l'être.

Pimpante et décidément bien réveillée, elle dévisagea son ainé un court moment. Ses yeux noisette cherchaient à déceler une faiblesse, la preuve que son supérieur ne se portait pas bien.

—Erwin n'est pas encore arrivé ?

—Il devrait arriver. Il y a peut-être des embouteillages ou un imprévu de dernière minute. J'imagine qu'il ne va pas tarder, avança la brigadière.

Levi opina, les sourcils froncés. Le commissaire était toujours le premier à arriver et son absence avait tout d'étrange.

—Vous ne semblez pas bien. Est-ce que quelque chose ne va pas ?

Le lieutenant se tendit face à ces interrogations pourtant légitimes. La femme avait pour habitude de s'inquiéter pour ses collègues, principalement pour son supérieur. Elle était au petit soin pour ses semblables, toujours prête à rendre service ou à proposer son épaule en cas de problème. Un vrai amour aux yeux de tout son entourage.

—Ca va, Petra ? Je devais juste parler à Erwin.

—Vous avez l'air ... fatigué. Vous ne devriez pas vous surmener.

—Je vais bien Petra, répliqua simplement Levi, dont l'envie de poursuivre la conversation avoisinait les zéro.

La dénommée sourit légèrement et retourna à son bureau sans demander son reste. Ce fut à cet instant qu'Erwin entra dans le commissariat, le peu rapide et le visage entièrement fermé. Il rejeta d'un signe de main ses subalternes qui se précipitaient sur lui pour des informations visiblement trop peu importantes. Il n'accorda aucun regard au lieutenant, se contenta de déverrouiller la porte de son bureau et de s'y engouffrer. Au moment où il passa le seuil, il ordonna :

— Levi, dans mon bureau. Immédiatement.

L'homme ressentit alors ce qui aurait pu le plus se rapprocher de la peur. Une sorte d'angoisse passagère qu'il repoussa d'un revers de main. Il pénétra à son tour dans l'antre, le visage impassible et la tête haute. Sans attendre la moindre autorisation, il s'assit sur le siège réservé à cet effet, toisant en silence son homologue.

—Tu voulais me parler ?

—J'imagine que c'est ton cas aussi, riposta habilement l'ainé.

—C'est bien pensé.

Un blanc s'installa juste le temps que les deux êtres en prennent pleinement conscience. Conscience des non-dits et de leur froideur réciproque. Comme si un écart considérable s'était creusé entre eux, sans qu'ils n'en connaissent les conséquences.

—Le baby-sitting s'est bien passé ? s'enquit finalement Erwin, un léger sourire flottant aux lèvres.

—Enfoiré ! Tu le savais ?!

Levi hésitait entre se sentir trahi, complètement hors de lui, ou parfaitement décontenancer par la prévoyance de son supérieur.

—Je n'ai pas eu à vérifier le capteur pour savoir où il était allé.

—Tu sais ce qu'il sait exactement ce qu'il s'est passé.

—Non, seulement qu'il s'est retrouvé chez toi comme prévu. Mais je compte sur toi pour palier à mon ignorance, Levi.

Le susnommé haussa les épaules et s'assit plus confortablement dans son siège. Il était énervé, vraiment énervé, mais rejeta cette émotion parasite avant que son ainé puisse s'en servir. Il devait à tout prix user de son self-control, de ce calme légendaire qui lui saillait si bien.

—Il est arrivé aux alentours de vingt heures à mon appart'. Il m'a dit que quelqu'un avait essayé de ... l'enlever. Enfin, c'est certainement ce qu'il se serait passé. Elle savait qui il était et l'appelait pour son prénom. Il a réussi à s'enfuir avant qu'elle ne l'amoche plus.

Erwin opina très lentement, le visage tiré par la concentration et par la fatigue. Il demandit, très sérieux :

—Il ne s'est rien passé d'autre ?

Levi se tendit immédiatement et sa respiration se suspendit à l'écoute des propos de son supérieur. Devant ce manque de réaction, ce dernier dévisagea plus longuement son cadet avant de renchérir :

—Avec cette fille ou une fois qu'il est arrivé chez toi. Il ne s'est rien passé ?

—Il a frôlé la crise mais c'est tout, lâcha le trentenaire sur un ton parfaitement détaché.

L'homme acquiesça à nouveau, et le plus jeune se demandit s'il savait ce qu'il s'était réellement passé. Cette seule pensée lui arracha un frisson d'horreur.

—Je suis allé voir Hanji avant de venir.

—C'est pour ça que tu étais en retard, en déduisit immédiatement le lieutenant.

La tournure que prenait la conversation le soulageait énormément et il soupira de manière presque imperceptible. La tension venait de disparaître et Levi abordait désormais avec professionnalisme les dires de son ainé.

—Elle accepte d'examiner régulièrement Eren et j'aimerais que tu l'héberges en attendant une solution stable.

—Qu'il vive chez moi ? Je t'avais bien fait comprendre que je ne voulais pas faire du baby-sitting.

Erwin maintint sa position avec une grande fermeté. Son regard azur reflétait une solide détermination et le policier sut qu'il ne parviendrait pas à le faire changer d'avis. Il abdiqua alors, agacé par ce qui l'attendait. Lui qui aurait aimé se débarrasser le plus vite possible d'Eren ... Il n'éviterait pas la discussion qui l'attendait en rentrant à l'appartement !

—Bien, ça nous permettra de garder un œil sur lui et Hanji pourra poursuivre ses recherches.

—Ca t'arrange, évidemment, siffla Levi, acerbe.

Un sourire hérissa les lèvres du commissaire, comme pour donner du poids aux paroles de son subalterne.

—Va chercher Eren chez toi, je veux son rapport dans les détails. On va dresser un profil robot et chercher cette femme.

—Elle est la seule piste qu'on a, ajouta Levi.

—On doit absolument remonter sa piste. Après ça, tu amèneras Eren a l'endroit où cette femme l'a abordé. Je mobilise mes hommes en attendant.

L'organisation de l'homme ne laissait aucun doute sur sa motivation et sur ses intentions. Les ordres fusaient et le lieutenant comptait bien obéir dans l'instant. Il s'enquit, déjà prêt à repousser sa chaise afin de quitter la pièce au plus vite :

—Maintenant ?

—Maintenant. 


Un chapitre au rôle plus transitif que le dernier (évidemment x3) mais qui sert aussi de passerelle aux prochains chapitres. 

La trame de ces derniers est très largement sous-entendue, le chapitre qui suit s'appelle "Sombres ruelles" :3

Petit hors-sujet mais je ne publierai rien la semaine prochaine étant en voyage scolaire en Angleterre ~

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