25. Présence nocturne

 La nuit était sur le point de tomber et Levi avait déjà pris soin d'abaisser les volets dans tout l'appartement. Il avait rapidement mangé après être rentré de sa journée de travail et avait pratiqué ses exercices quotidiens.

Il s'était installé devant la télé, un verre d'alcool à la main. Le programme sans intérêt des multiples chaines ne l'intéressait guère et il se contentait de zapper à intervalle régulier. Sirotant la boisson aux forts arômes, il ignorait la brûlure occasionnée dans sa gorge. Il buvait assez rarement et sans prétexte, seulement lorsqu'il en ressentait le besoin ou l'envie.

Il réfléchissait sans imposer la moindre limite au cheminement de ses pensées. Le regard perdu dans le vide, il trempait ses lèvres de temps à autre dans le liquide alcoolisé. Sa soirée allait ressembler à cela, une étendue morose et sans la moindre broutille. Cette perspective l'ennuya tandis qu'il songeait déjà à la raccourcir de manière drastique. Aller se glisser sous les draps et supplier la clémence de Morphée, puisqu'elle seule était capable de mettre un terme à ce solide ennui.

La sonnerie de la porte d'entrée retentit, stridente et absolument insupportable. Les coups répétés alertèrent la méfiance de Levi qui se leva, sur ses gardes. Il darda son regard sur la porte close, puis sur l'arme à feu qu'il gardait précieusement sous son oreiller.

Avançant prudemment vers l'issue, il évalua les chances pour que ce visiteur indésirable lui veule du mal. Il n'aurait, dans ce cas, aucun mal à le maîtriser. Ce fut cette pensée qui convainquit le lieutenant à déverrouiller la porte. Il obéit aux prémices de son cerveau non sans prendre quelques précautions. La silhouette tremblante et trempée d'Eren se tenait sur le seuil, visiblement terrorisé.

—Gamin ?

La respiration saccadée du plus jeune alerta Levi, tout comme la fatigue présumé de ce premier.

—J-Je suis ... désolé.

—Merde, tu fous quoi ici !

—S-S'il-vous-plaît, elle va bientôt ... arriver, prononça le garçon entre deux inspiration chaotique.

Le lieutenant avisa la requête masquée de son cadet, retissant à l'idée de le faire entrer dans son appartement. Il l'aurait bien laissé dehors mais sa voisine, une octogénaire peu sympathique, venait de passer sa tête à travers sa porte d'entrée. Elle observait les deux hommes d'un air suspect, les yeux plissés et la mine grave.

-S'il-vous plait ... monsieur Ackerman, réitéra à nouveau Eren, inconscient de supplier ouvertement son ainé.

Le susnommé tira sans délicatesse le brun à l'intérieur de l'appartement, refermant la porte à sa suite dans un claquement sourd. Il se tourna immédiatement vers son homologue, inexpressif malgré son agacement naissant.

—Qu'est-ce que tu fous là, gamin ? Explique-toi avant que je te dégage de mon appart' !

Le blessé tremblait, l'adrénaline disparaissant progressivement de son organisme. Sa respiration revenait aussi à la normale bien qu'elle restait bien trop rapide, tout comme les battements désordonnés de son cœur.

—Je ... Je crois que quelqu'un a essayé de m'enlever, murmura-t-il.

Levi haussa un sourcil. Son homologue était visiblement en état de choc et s'il n'avait pas forcément de compétence en la matière, il savait que le brusquer serait contre-productif.

—Explique en détail ce qu'il s'est passé.

—J'ai remarqué que quelqu'un me suivait. Une femme encapuchonnée, elle me suivait dans la foule. Enfin, au début je n'en étais pas sûr mais j'ai tourné dans une ruelle et ...

Il déglutit péniblement, se remémorer ces souvenirs lui étaient douloureux. Les larmes accrochaient ses cils mais il refusait de les laisser couler.

—Continue, ordonna le lieutenant après avoir bu une gorgée d'alcool.

—Elle m'a appelé par mon prénom et elle a dit que je ne lui échapperais pas. Elle m'a frappé et j'ai réussi à m'échapper. J'ai couru longtemps, très longtemps et elle était juste derrière moi.

—Elle t'a suivi jusqu'ici ? s'enquit froidement Levi.

—Non, je ne crois pas.

Telle une figure glaciale et trop peu compréhensive, le trentenaire opina gravement. Il réfléchissait en réalité à toute allure, son regard hésitait entre Levi, la porte et son verre sur la table.

—Qui t'a dit où j'habite ?

Eren déglutit péniblement, fuyant inexorablement le contact visuel. Il était gêné, mal à l'aise, conscient que sa présence n'était pas souhaitable pour son ainé.

—Erwin, souffla-t-il, incapable de mentir.

Le lieutenant pinça fortement les lèvres avant de lâcher, sans pouvoir s'en empêcher :

—Enfoiré !

Il savait pourquoi le commissaire avait donné son adresse personnelle à Eren. Celui-ci voulait que l'homme devienne un point de repère pour le jeune garçon. L'intelligence parfois proche de l'esprit manipulateur de son ainé lui semblait presque effrayante.

Levi réorienta son attention sur le plus jeune qui se balançait d'un pied à l'autre sans parvenir à réinvestir un semblant de contenance. L'ainé réfléchissait activement à une solution. Il était évident que le jeune garçon n'avait nulle part où aller et le laisser sortir relevait du suicide. Il risquait de croiser la route de cette femme ou celle d'un dégénéré de la ville. Le mettre à la porte en cette heure tardive n'était simplement pas concevable !

—Garde-bien ça en tête, tu devras faire un rapport détaillé à la police. Il faut que l'on cherche cette personne, c'est peut-être le seul moyen de retrouver le coupable.

Le ton professionnel du trentenaire ne laisse s'échapper aucune traître émotion. Eren opina lentement sans rien ajouter de plus. Le silence qui suivit le gêna profondément et incita son ainé à parler, quoi qu'il en coûte. Il lâcha, sèchement et sans autre forme de cérémonie :

—Tu restes ici pour cette nuit.

Un sourire difficilement répressible ourla les lèvres pleines du blessé. Le soulagement se distingua sans mal sur ses traits tant il était heureux de ne pas passer la nuit dehors.

—Merci, Levi !

—Monsieur Ackerman, gamin, corrigea immédiatement le susnommé.

—Monsieur Ackerman, accorda le plus jeune, sans que la réprimande du lieutenant ne vienne entacher sa joie.

Levi attrapa son verre et s'installa sur le fauteuil sans un regard pour son homologue. Il sirota sa boisson durant quelques secondes, conscient du malaise de son cadet. Ce dernier restait stoïque et bien trop raide pour paraître naturel.

—Tch ! Assieds-toi gamin, tu me donnes la migraine.

Eren obtempéra sans même discuter, optant pour le matelas puisque le siège était déjà occupé. Il s'assit tout en détaillant la pièce qui l'entourait avec un intérêt non feint. L'antre de son ainé se dévoilait devant lui, impeccable de propreté.

—Raconte-moi ce qu'il s'est passé. Je veux tous les détails.

Une manière bien à lui de meubler un semblant de conversation tout en abordant un sujet qui le tiendrait éveillé. Le jeune garçon réfléchit un court instant avant de se plonger sans égard dans les tourments des heures précédentes :

—Elle m'a suivie jusque dans les ruelles.

Levi sourcilla devant ce manque net de bon sens. Dans ce genre de cas de figure, il fallait à tout prix rester en compagnie d'autres personnes. Il s'agissait d'un garanti de survie pur et simple !

—Je lui ai demandé pourquoi elle me suivait. Je le lui ai demandé plusieurs fois mais elle ne m'a jamais répondu.

—Physiquement, à quoi elle ressemblait ?

—Je n'ai pas vu son visage, elle avait une capuche. Elle est blonde, c'est tout ce que je sais.

Eren marqua un temps d'arrêt. Il semblait perdu dans ses souvenirs, revivant ces instants de terreur avec un réalisme bouleversant. Il poursuivit, sans attendre les invitations présumées de son ainé :

—Elle me tenait à la gorge et elle serrait toujours plus. Je n'arrivais plus à respirer.

Comme pour marquer son propos, la main du blessé se porta à son cou où des marques violacées apparaissaient déjà. Des hématomes commençaient à marquer la peau hâlée visible. Le regard émeraude n'observait rien en particulier, ou distinguait ce que personne n'était en mesure de voir.

—Elle me serre encore et je me débats. Je me débats mais ça ne sert à rien, elle serre encore plus. J'essaie de respirer mais je n'y arrive pas non plus. J'ai mal !

Le changement de temps alerta Levi avant qu'il ne se rende compte de l'emportement de son cadet. Les mots avalaient les pensées et il réalisa qu'Eren perdait petit à petit le contrôle. Le trentenaire se leva prestement, s'approchant à petit pas du jeune garçon qui délirait toujours.

—Elle répète mon nom et c'est le seul qui résonne à mes oreilles au milieu de la douleur.

—Gamin ! tonna le lieutenant.

—Eren Jaeger. Elle le répète et je n'entends plus que ça. Eren Jaeger. Eren Jaeger.

Ledit Eren répétait le nom sans discontinuer et sa main s'ancre à son cou et serre, de la même manière que ses souvenirs. Elle serrait et l'étouffait alors que les quelques syllabes s'échappaient d'entre ses lèvres comme une litanie.

Levi se décida enfin à agir, incapable de ne pas mettre un terme aux jérémiades du plus jeune et aux doigts qui remplaçaient les hématomes à sa gorge. Il cria franchement cette fois, craignant que la situation ne vienne à dégénérer réellement :

—GAMIN ! EREN !

La main du plus âgé s'abattit sur l'épaule en même temps que l'autre tentait de dégager la tentative d'étranglement d'Eren. La voix forte le sortit de son état inquiétant, il sursauta avant de papillonner des yeux. Il semblait se rêver d'un cauchemar, se reconnectant lentement avec la réalité. Sa respiration mourut à ses lèvres alors qu'il observait sans comprendre le lieutenant toujours agrippé à lui.

—Monsieur ?

Il tremblait de tous ses membres, incapable de contenir les déboires de son corps. Il retenait ses larmes, encore une fois. La rage avait disparu, laissant derrière elle un sentiment de vide atroce.

—C'est rien, gamin, c'est l'après-choc. Ca va passer.

La voix de Levi était moins froide qu'à l'ordinaire, comme si une volonté incompréhensible de rassurer la saturait. Le regard de son cadet accrocha alors celui, empli d'orages, du trentenaire. Le premier corrigea, à mi-voix :

—Eren. Pas gamin, juste Eren.

Il était bien trop conscient de la main qui n'avait pas quitté son épaule. Conscient des yeux qui couvaient les siens. Alors ce fut tout naturellement que susnommé se redressa afin de combler le vide qui les séparait. Sans se briser le contact visuel établi, il souffla un baiser sur les lèvres de son ainé. 


*tousse*

Vous pouvez tous remercier Erwin pour cet énorme coup de pouce au destin XD Levi risque de lui en vouloir pendant un petit bout de temps (ou pas, qui sait) !

Je ne vous en dis pas trop sur le prochain chapitre, c'est une petite surprise pour vous, lecteurs. Merci infiniment de suivre cette histoire, ça me touche énormément :3

Bisouuus ~

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