23. Question de contrôle

 L'entretien entre Eren et Erwin se prolongea de longues minutes tandis que les deux autres patientaient à l'extérieur dans le silence le plus pesant.

Le commissaire commençait à s'agiter tandis que des policiers s'activaient dans les couloirs et à leurs bureaux. Levi les observait du coin de l'œil sans cacher son dégoût face à ce spectacle.

—Tch.

Petra ne releva pas l'exclamation de son supérieur, souriant légèrement en coin. Elle était habituée aux sautes d'humeur du lieutenant depuis des années.

Son ainé réfléchissait en silence, une légère angoisse ne quittait pas ses entrailles. Et si cette saleté de gamin caftait et racontait tout au commissaire ? Ce genre de comportement était interdit et il pouvait perdre son poste sans autre forme d'avertissement. Erwin se montrait intransigeant et Levi le savait mieux que personne. Il s'adressa alors à la brigadière, dissimulant aisément le malaise ressenti :

—Je vais m'occuper d'Eren pour sa sortie.

La jeune femme fronça les sourcils, intriguée. Il n'était pas dans ses habitudes de le contredire mais elle protesta pourtant, assez faiblement :

—Mais, lieutenant Levi, je devais ...

—Ordre du commissaire, répliqua le susnommé, fermement.

Ce n'était pas parfaitement exact mais l'homme y voyait l'occasion de parler à Eren. Son instinct le poussait à l'éviter mais les requêtes d'Erwin ne pouvaient être ignorées.

—Ah, d'accord.

L'espace d'un instant, Levi songea à s'excuser face à la mine déconfite et blessée de Petra. Il se ravisa et abandonna un peu de sa froideur.

Finalement, le commissaire et le jeune garçon sortirent ensembles. Le plus âgé épingla un regard scrutateur sur celui glacial de son subalterne. Ce dernier regarda alors son cadet qui semblait encore légèrement tendu. Les yeux émeraude fuyaient le contact alors que la brigadière tournait les talons après un léger sourire encourageant. Erwin suivit le mouvement en refermant la porte de son bureau. Ils furent seuls.

—Viens, gamin.

—Ca devait pas être Petra qui ...

—T'occupes, ça change rien.

Refroidi, Eren entama le mouvement alors qu'ils quittèrent ensembles le commissariat. Dehors, le soleil brillait fortement et la luminosité agressa ses prunelles sensibles. Levi réfléchissait rapidement et la conscience accompagnait chacun de ses pas.

—Erwin t'a expliqué les clauses de ta libération ?

—Oui, rapidement, répondit brièvement le plus jeune.

Le lieutenant sourcilla rapidement avant de reprendre sa concentration et le fil de ses pensées :

—Tu reviens tous les soirs sans exception.

—Oui, il me l'a dit ça.

Le ton d'Eren cachait une amertume perceptible et naturelle. Il devait se rendre au commissariat une fois par jour mais ils se fichaient pas mal de sa survie. Il n'existait pas de solutions pour lui et il s'était résolu à n'avoir aucun endroit où dormir.

—J'dois te dire un truc gamin.

La formulation était maladroite et Levi en avait parfaitement conscience, tendu malgré lui. Il se détestait de devoir remplir ce rôle qui ne lui ressemblait en rien. La mine grave du plus âgé alerta son cadet qui, sans jamais s'arrêter de marcher, s'enquit :

—Quoi, monsieur Ackerman ?

L'utilisation d'une telle politesse reflétait son trouble. Ils s'éloignaient progressivement du centre de la ville et l'agitation s'atténuait également. Le blessé pouvait réfléchir et respirer plus tranquillement.

—Les recherches ont révélé certaines informations et je pense qu'il faut que tu sois mis au courant.

Le mensonge brûla les lèvres du lieutenant qui fit taire le sentiment de culpabilité. Il ne faisait que suivre l'ordre de son supérieur et n'avait pas s'en vouloir outre mesure. Le regard étonné d'Eren accrocha la silhouette de son ainé dans son incompréhension.

—J-Je ne suis pas sûr de vouloir le savoir ... balbutia le jeune garçon, sentant tout clairement l'angoisse poindre.

Levi ne prit pas en compte cette exclamation, n'ayant en tête que son objectif. Il devait communiquer une certaine information à son cadet et ne manquerait pas à son devoir. Il s'arrêta lorsqu'ils furent seuls dans une ruelle large mais déserte. Le trentenaire prenait ses précautions, imaginant le pire quand à la réaction du brun.

—Tes blessures ne sont pas ordinaires. Tu as des traces d'injections sur les bras, de morsures et de mutilations. Ces blessures alliées à tes crises ... Même un idiot ferait le rapprochement !

Le visage animé du plus âgé ne tarda pas à s'éteindre à nouveau, comme s'il remarquait lui-même cet emportement inopportun.

—J-Je dois être un idiot dans ce cas.

La réalité était loin. Eren refusait simplement de voir la réalité en face, de la concevoir. Son esprit lui refusait une telle perspective et il craignait de comprendre.

—Utilise ta matière grise deux minutes dans ta vie, gamin.

Ledit gamin recula de plusieurs pas avant de regarder Levi bien en face. Son dos rencontra la surface froide et irrégulière du mur.

—Des expériences ! Quelqu'un a dû faire des expériences sur toi pour obtenir ce résultat.

Le plus jeune pâlit considérablement tandis que l'information se frayait un chemin dans son esprit anéanti. La surprise et le choc maquèrent chacun de ses traits alors que ses mains accusèrent un net tremblement. Heureusement, Levi remarqua ce changement trop brutal d'attitude et saisit la peur dans les prunelles vertes vifs de son cadet.

—Gamin, garde ton calme. Je voulais que tu le saches et que tu y réfléchisses, ok ?

La respiration d'Eren se fit plus saccadée et son homologue plaqua sa main fermement contre sa poitrine afin de maintenir le plus jeune. Le contrôle lui échappait alors que le plus petit renchérissait :

—Du calme gamin !

Le ton menaçant du policier fit prendre conscience au brun du contrôle qui lui échappait. Il inspira profondément, les pupilles écarquillées et le corps secoué de spasmes. Il dit, au moment même où cette pensée l'effleura :

—J-J'ai envie de me mordre.

Un besoin funeste d'automutilation qui le saisissait brutalement. D'un geste vif, Levi épingla les mains d'Eren contre le mur. Ce mur aux briques irrégulières qui entamaient son dos.

—Non, gamin !

Le jeune garçon respira plus calmement et parvient à faire refluer la peur et la rage qui s'éveillaient en lui. Il y mit un terme au prix de longs efforts, le regard acier du lieutenant plongé dans le sien. La poigne forte de ce dernier était presque douloureuse et l'autre glapit :

—C'est bon, je suis calme.

Son ainé défit sa prise et s'éloigna, légèrement déstabilisé par la tournure des événements.

—Vous pensez vraiment à ce que vous avez dit ? s'enquit le blessé, hasardeusement.

—Ouais. Quelqu'un t'a fait ça.

Eren déglutit péniblement, le cœur battant. Il opina exagérément devant le lieutenant qui l'observait du coin de l'œil. Il tremblait toujours mais la haine avait entièrement quitté son organisme.

—Je vais réfléchir.

—Si ça fait remonter des souvenirs, tu en parleras au commissariat le soir, ajouta Levi, avec raideur.

La peur se lisait toujours dans les yeux du plus jeune qui faisait tout pour la maîtriser. L'indifférence de son ainé était poussée à l'extrême alors qu'il portait son regard sur la silhouette maladroite à proximité. Son départ imminent alerta les sens du blessé qui se tendit imperceptiblement. La fraicheur de la ruelle le força à se raccrocher à la réalité alors qu'ils se dévisageaient en silence.

—Contrôle-toi, gamin.

Il tourna les talons, abandonnant sans regret le jeune garçon qui ravivait des souvenirs qu'il aurait préféré oublier.  


Eren reste, encore à ce stade, tout aussi instable. Cela fait de lui en véritable danger pour les civils. A côté de ça, l'ambiance entre Levi et lui n'est pas au meilleure !

Le prochain chapitre "Altercation musclée" sera principalement constitué d'action, alors attachez vos ceintures !

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