19. Etouffante liberté
L'aube se levait à peine et Eren franchissait les portes de l'hôpital. Si cette perspective de liberté aurait dû l'enchanter, le résultat consistait en l'exact contraire.
Le jeune garçon évoluait pas à pas dans cette ville qui lui semblait en tout point inconnue. Son regard émeraude accrochait chaque bâtiment, chaque personne qu'il croisait. Ces parfaits inconnus qui le dévisageaient l'espace d'un instant. Il sentait leurs regards impudiques se poser sur lui et détailler les derniers hématomes de son visage.
Un vent de panique soufflait en son for-intérieur, une terreur profonde là où ses connaissances s'arrêtaient. La respiration du blessé devint plus pénible, plus laborieuse et il finit par s'arrêter. Il finit par s'arrêter et laisser la foule envahir son espace vital. Certains de ces corps le heurtaient sans ménagement et sans même songer à s'excuser. Le bruit des conversations, de la circulation toute proche et les citadins omniprésents autour de lui ... Tout cela allait lui faire perdre pied !
Eren serra les poings, tentant de se défaire de cette prise inventée. Il sentait sur lui des poignes puissantes, des coups même, alors que l'on continuait de le bousculer. Il voulut crier, hurler à ces idiots d'arrêter, céder à la rage qui montait en lui.
Une main s'abattit véritablement sur son épaule et le tira brusquement hors de la foule. Le jeune garçon n'eut pas le temps de réagir et l'état dans lequel il se trouvait ne lui laissa pas l'occasion de découvrir l'identité de son agresseur. Il se retrouva dans une ruelle plus étroite, loin des tumultes de l'immense allée. Il se débattit quelques instants alors que l'on le plaquait durement au mur.
—Détends-toi gamin !
Il reconnut immédiatement le timbre particulier de la voix et cessa le moindre mouvement. Levi !
Ce dernier relâcha sa prise sur l'épaule d'Eren et se dégagea de derrière son dos. Il paraissait parfaitement calme, presque ennuyé par la banalité de cette situation. La réalité s'apparentait à cette idée, le lieutenant avait imaginé plus de résistance. Il était intervenu juste à temps et surveillait le plus jeune depuis sa sortie de l'hôpital.
—Pourquoi vous m'avez emmené ici ? Qu'est-ce que vous me voulez ?
L'agressivité feinte du brun s'expliquait sans mal par la peur qui résidait encore en lui. Levi retroussa le nez face à ce surprenant assaut, il répliqua, tout aussi rapidement :
—Je t'ai dit de te détendre, j'ai pas spécialement envie de jouer les sauveurs en pleine ville. T'es plus à l'hôpital gamin, tu peux faire des morts ici au moindre écart. Alors tu te calmes, c'est clair ?
—Vous ne pouviez pas me demander de vous suivre tout simplement ?
Le lieutenant pinça les lèvres, cette manière de procéder aurait été sans doute moins risquée mais elle ne lui correspondait pas. Il esquiva donc l'interrogation pour répondre à l'autre, d'un registre plus professionnel :
—Je t'emmène au commissariat.
Eren marqua un mouvement de recul et la surprise se dessina sur ses traits juvéniles. L'effroi la remplaça bien vite alors que le jeune garçon se trouvait sur la défensive :
—Quoi ? Mais pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait ?
—Je t'ais dit qu'il fallait que tu restes sous notre surveillance. On n'a pas de mandat contre toi alors on ne peut te garder que vingt-quatre heures.
—Le mandat, vous pourriez l'avoir sans problème, hasarda le plus jeune, dans un haussement d'épaule.
Et il n'avait pas particulièrement tord. La police pourrait sans problème arrêter le jeune Jaeger à l'aide des informations qu'elle détenait à ce jour. Pourtant, aucun n'acceptait de s'y résoudre, surtout pas Erwin qui imaginait déjà le pire après cette véritable arrestation.
—On aurait pu l'avoir ton mandat, j'avais qu'un mot à dire gamin.
—Et pourquoi vous ne l'avez pas déjà fait ?
L'arrogance d'Eren froissa cruellement Levi qui se retint de la lui faire ravaler. Il s'humecta sensiblement les lèvres, avant d'asséner, plus sèchement qu'il ne l'aurait dû :
—Parce que tu deviendrais une bête de foire, que le contrôle échapperait certainement aux autorités si l'on révèle officiellement ce dont tu es capable. Tu peux le comprendre, ça ?
—Oui, marmonna le plus jeune. J'ai compris, c'est bon.
Le trentenaire opina tel un automate, sans faire preuve de la moindre empathie. Son cadet était secoué et sa mine déconfite le démontrait clairement. Il ressemblait, en cet instant plus que jamais, à un adolescent perdu. La peur se lisait sur son visage. La peur, élément moteur de la haine ... La peur, celle qui alimentait la plupart des êtres humains. Levi la répugnait, il se devait d'en débarrasser Eren, pour le propre bien de ses semblables.
—Vous allez me faire quoi ? s'enquit le plus jeune, à mi-voix.
Ce dernier aurait pu s'étonner de la timidité dont il faisait preuve. Sa situation et la prestance impressionnante de son ainé l'expliquait, sans le moindre doute.
—T'interroger, certainement. On doit en savoir le plus possible sur tes crises pour pouvoir les identifier et les prévenir.
—Et après les vingt-quatre heures ?
Levi fronça les sourcils subitement, tenté d'envoyer balader son homologue de la plus efficace des façons. Cela aurait été d'une incroyable facilité mais l'homme rejeta cette envie loin de lui. Il avoua, sincèrement et en toute simplicité :
—On ne sait pas encore, on avisera.
Eren hocha la tête, contrarié par cette optique inquiétante envers son avenir proche. Le lieutenant reprit, avec plus de vigueur :
—Erwin veut te rencontrer en personne.
—C'est qui, Erwin ?
—Mon supérieur, c'est lui qui organise chacune de mes interventions.
—Vous lui obéissez toujours ?
Cette interrogation, des plus enfantines, essuya un regard glacial de la part du trentenaire. Il n'apprécia guère ce qu'il jugeait être un manque cruel de politesse.
—Tu ferais mieux de t'occuper de tes fesses, gamin ! Ce qu'il se passe entre mon supérieur et moi, ça me concerne. Tu ferais mieux de le remercier, c'est grâce à lui si t'es encore en un seul morceau !
Eren déglutit péniblement, la précarité de sa situation le frappa durement une nouvelle fois. Il demandit, la bouche soudainement sèche :
—Cet interrogatoire, est-ce que ça pourrait me sauver ?
—Te sauver ?
—Faire en sorte que je ne me retrouve pas en prison.
Levi haussa les épaules. Encore une question dans la réponse restait un mystère. En réalité, un brouillard épais semblait entourer ce garçon et son ainé choisit de garder le silence. Un silence suffisamment parlant et explicite.
—Je comprends, vous n'en savez rien.
—On essaie de comprendre, gamin ! C'est plus compliqué que ce que tu sembles le penser. Cet interrogatoire et ces quelques vingt-quatre heures, c'est peut-être le début d'une réponse.
Eren secoua la tête, incrédule avant de s'énerver pour de bon, cette fois :
—Et alors ? Vous en savez rien ! Le gars qui m'a fait ça court toujours et je suis un danger public pour les gens qui m'entourent. Je suis une bombe et je pourrais exploser sans que personne ne puisse réagir !
Le lieutenant pinça les lèvres, sentant une tension irrépressible monter en lui. Il choisit pourtant de ne pas y succomber, sachant pertinemment que les événements pouvaient lui échapper. Le jeune garçon n'avait pas tord, il représentait une bombe à retardement. L'homme reprit, pesant soigneusement ses mots dans un calme caractéristique :
—Je suis chargé de ta surveillance, gamin. Tu ne vas pas exploser ou rien d'autre, je ferai en sorte que ça n'arrive pas. On n'en sait peut-être peu mais on fait notre maximum ! Tu peux compter là-dessus.
Eren recula d'un pas et la fraicheur de la ruelle le heurta férocement. Sans repère, il semblait sur le point de s'écrouler, de sombrer. Levi reprit, persuasif malgré lui :
—Hanji sera là à tout moment. Erwin aussi avec toute mon équipe.
—Toi aussi ?
—Oui, avoua-t-il, moi aussi.
Il ne mentait pas et cette déclaration n'avait pas pour simple but de satisfaire le plus jeune. Elle était sincère, réellement. Cette affaire et ce garçon intriguaient le lieutenant bien davantage qu'il l'aurait souhaité.
Le blessé se détendit clairement, la peur n'avait pas disparu mais il n'imaginait pas quel garanti supplémentaire son ainé pouvait lui donner. Un silence s'installa entre eux, épais et lourd de sens. Levi choisit d'y mettre fin, rattrapé par un devoir primordial :
—Suis-moi maintenant, Petra t'attend.
—C'est qui Petra ? demanda Eren, les sourcils froncés et les pieds fermement ancrés dans le sol.
—Celle qui va t'interroger, tu l'as déjà vue.
Devant le regard de son cadet, l'homme se sentit presque forcé d'ajouter :
—C'est mieux qu'elle s'en occupe, crois-moi. C'est pas mon truc, les interrogatoires, c'est pas censé faire parti de mes compétences.
Inconsciemment, Levi venait de révéler une de ses plus grandes faiblesses. Le contact humain consistait en une véritable difficulté pour le policier, un défi de taille et sa plus honteuse défaite. Eren l'interrogea muettement du regard, sentant son homologue à fleur de peau.
Le lieutenant darda ses yeux aciers dans ceux du plus jeune. Il l'invita à quitter ces ruelles sombres pour rejoindre les locaux du commissariat. Il ajouta, finalement :
—Mais je serai là, ça évitera les dérapages et que tu la mettes en morceaux.
Finalement, la liberté ne va pas tellement à Eren et son avenir est toujours autant incertain. Il ne faut pas oublier qu'il reste un danger pour son entourage et même pour des civils, pour la population.
Le prochain chapitre "Questions et réponses" est l'interrogatoire d'Eren. Petra s'en occupe mais Levi ne peut s'empêcher d'intervenir au bout d'un certain laps de temps. Je ne vous en dis pas plus :3
Je m'excuse pour le retard de publication (je n'étais pas disponible jeudi) et espère que ce chapitre vous aura plu quand même !
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