Erwin avait assigné Levi à bon nombre d'autres dossiers d'importance secondaire. L'objectif étant de lui permettre de se détacher de l'enquête portant sur Eren. Le lieutenant comprit rapidement et se vit fortement agacé par la perspective d'être mit sur le banc de touche. Pendant de longues journées, il n'avait pourtant pas protesté et avait obéit comme il en avait l'habitude.

Des interventions tout à fait banales occupaient désormais l'emploi du temps du trentenaire. Des perquisitions tôt le matin, l'une ou l'autre arrestation et des recherches quelconques. L'homme avait prit son mal en patience, faisant preuve d'un grand professionnalisme.

Il avait eu l'occasion de rendre visite à Eren sans que l'enquête ne puisse souffrir la moindre évolution. C'en devenait presque des prises de nouvelles quotidiennes, ce qu'Erwin surveillait attentivement. Le jeune garçon ne traderait plus à sortir de l'hôpital et le danger se faisait de plus en plus inexorable. Une perspective qui affolait tout le corps policier ainsi que le jeune patient. Hanji savait se faire persuasive mais elle manquait d'imagination à ce stade de la guérison du blessé.

Finalement, Levi tira un trait sur toutes ses bonnes résolutions. Il arriva tôt le matin au commissariat complètement désert. Il était certain que son supérieur se trouvait déjà dans son bureau et s'y rendit sans perdre une seule seconde. Une détermination farouche brillant dans ses iris et accompagnait chacun de ses pas. Il était prêt à contredire les propos et les ordres d'Erwin. Il prit la peine de toquer avant d'entrer et une voix lui répondit, de l'autre côté de l'issue :

—Entre, Levi.

Le susnommé sourcilla. Comme avait-il pu prévoir sa venue ? Il obéit pourtant, sans prêter plus d'attention à cette interrogation.

—Bonjour, Levi.

—Bonjour, Erwin.

Le commissaire se rassit à ces mots, faisant de l'ordre dans une nouvelle pile de dossiers. Il s'employait à ranger ce joyeux bazar, une initiative qui s'imposait depuis longtemps pour Levi.

—Tu es bien matinal. Un problème avec les frères Jinghot ?

—Evidemment que non, asséna le lieutenant, sèchement. Mes hommes les arrêteront d'ici une heure.

—Tu n'y vas pas ? s'enquit Erwin, interloqué.

—Non, j'avais à te parler.

Le plus âgé sembla gêné par cette perspective, comme si cette conversation venait contredire ses intentions ou ses projets pour la matinée. Il darda son regard bleuté sur celui de son cadet avant de demander, encore :

—C'est urgent au point de laisser tes hommes sans supervisassions ?

—Mes hommes se débrouilleront très bien avec une situation aussi simple.

Levi ne cilla à aucun moment, défiant ouvertement son supérieur. Ce dernier finit par soupirer, abandonnant le combat. Il encouragea de manière plus ou moins convaincante :

—Je t'écoute.

Ce fut à son tour de soupirer, de prendre un court moment de pause pour rassembler quelques idées. Pendant ce laps de temps, il resta parfaitement impassible, d'apparence totalement sûr de lui. Il s'assit sur le siège mis à sa disposition avant de reprendre alors, fermement :

—Tu as encore beaucoup de vieux dossiers à me ressortir avant de me laisser pouvoir faire mon boulot correctement.

Erwin fronça violemment les sourcils, soufflé par le langage de son subalterne. Sa langue claqua contre son palet alors qu'il retint une remarque sur la notion de respect.

—Tu as toujours eu affaire à ce genre de cas lorsqu'il n'y a pas de grosses affaires.

—Et c'est le cas aujourd'hui, vous pensez ?

Le plus âgé passa sa main dans ses cheveux blonds, las. Il semblait fatigué encore une fois et une barbe de trois jours se formait déjà sur ses joues. Son homologue remarquait tout juste ce genre de détails qui lui échappait toujours. Un silence les marqua tous deux avant que le premier ne réponde :

—Non, ce n'est pas réellement le cas.

—Tu pensais que je ne m'en rendrais pas compte ?

Erwin garda le silence et referma devant lui un lourd classeur. Cette négligence de sa part permit à Levi de poursuivre, de plus en plus glacial :

—Tu pensais que je me contenterais de deux-trois vols et une ou deux arrestations ? On a une affaire plus importante et elle m'est toujours confiée à ce que je sache.

—Tu veux que je la propose à quelqu'un d'autre ?

La respiration du lieutenant se suspendit entre ses lèvres et son cœur manqua un battement. Son supérieur et par cette simple phrase, venait de déstabiliser le trentenaire. Ce dernier resta totalement interdit, abattu sur son siège.

—Levi, écoute-moi. On a tous besoin de pose concernant cette affaire. Je sais comment tu es et je te comprends, tu veux tout donner tout de suite. Ce n'est pas ce genre d'affaire là, celle-ci va prendre du temps.

—On n'a pas de temps, justement, siffla le dénommé, relevant à peine son comportement des plus puériles.

—Je le sais. Les choses vont certainement se précipiter maintenant et je vais charger quelqu'un d'autres des affaires dont tu t'occupes en ce moment.

Levi se sentit bêtement soulagé, heureux de cette perspective pourtant inquiétante. Il n'imaginait pas encore ce qui les attendait et l'engagement total que l'on exigerait de lui. Il ne voyait libéré d'un poids inutile et il pensait qu'Erwin serait bien plus dur à convaincre.

—Eren n'aura aucun endroit où aller à sa sortie.

—L'hôpital ne s'en préoccupe pas, j'imagine.

—Ils lui ont proposé une sorte de centre de réinsertion pour jeunes.

—Un truc pour SDF, quoi ! railla le trentenaire, sans cacher son mécontentement.

Pour le centre de soin, le patient n'était rien de plus qu'un gosse paumé, un de ces futurs SDF comme l'avait si bien prédit Levi. Pour la police, le garçon représentait un danger immense et incontrôlable. Un être doté sans le savoir d'une force titanesque !

—Hanji a pu éviter qu'il voie un psy. Il sera relâché dans la nature sans réel suivit. Il doit seulement retourner en visite à l'hôpital.

Erwin soupira lourdement. Il avait fait en sorte de limiter les dégâts jusqu'ici mais que pouvait-il faire de plus ?

-Il n'y a pas de solution pour lui, à moins de révéler ce que l'on sait à mes supérieurs hiérarchiques, dit-il, presque pensif.

Levi se tendit brusquement. Cela impliquerait une enquête plus poussée, un jugement et peut-être même l'enfermement pour Eren. Ils avaient refusé de l'envisager jusqu'à présent mais le plus jeune lança, à tout hasard :

—Vous pensez à l'enfermer ?

—Nous n'en avons pas le droit. Je ne peux pas enfermer quelqu'un sans preuve. On me tombera dessus trop vite et on risquerait tous gros.

—Pour vingt-quatre heures, tu as le droit, non ? C'est toujours ça de gagné, on supervisera ensuite.

Erwin songea à cette proposition, se pinçant pensivement l'arrête du nez. Il n'avait jamais vu son subalterne aussi coopératif et impliqué dans une affaire. Celle d'Eren le valait bien de par sa complexité et le danger qu'elle représentait.

—Je peux faire ça, oui. Ca ne règlerait pas tout et je devrai le relâcher après le délai légal.

Levi opina longuement, satisfait par cette décision hâtive aux potentielles répercutions.

—Je te charge de sa surveillance, Levi. Je vais réfléchir à une solution sur le long terme.

—Autre que la détention illégale ? La fin justifie les moyens, après tout.

—Oui, autre que la détention illégale, répéta Erwin, un léger sourire naissant à la commissure de ses lèvres.

L'atmosphère se détendit momentanément et la tension disparut comme de juste. Le lieutenant parut, lui aussi, moins froid et plus ouvert à la discussion.

—Je dois aller le prévenir directement à l'hôpital, le gamin ?

Le commissaire secoua négativement la tête, d'un geste d'une lenteur étudiée. Il planta son regard dans celui de son homologue, lui imposa un suspens insupportable. Il répondit alors, articulant exagérément chaque traître mot :

—Tu n'en auras pas l'occasion. Eren sort demain.

Et le chapitre 18 s'achève sur ces belles paroles x)-

Comme vous l'aurez sans doute compris, le compte à rebours vient de se mettre en route pour Eren et ce n'est plus qu'une question d'heures. 

Le prochain chapitre, "Etouffante liberté" dépeint la sortie d'Eren de l'hôpital et son retour au monde, en quelques sortes. Levi, quant à lui, n'est jamais bien loin :3

Enjoy !