17. Curiosité maladive
L'expression de surprise qui marqua lourdement les traits fatigués d'Eren aurait pu en être drôle dans d'autres circonstances. Levi ne trouva aucune matière à rire, complètement fermé à cette perspective ridicule. Son regard coula sur le visage de son homologue, sans que la moindre trace de compassion ne soit ressentie.
—N-Non ... Vous rigolez ?
—Tu penses que j'ai l'air de rigoler ? rétorqua, implacablement, le lieutenant.
Le jeune garçon déglutit péniblement alors que ses yeux se portèrent à ses mains entrelacées.
—Je ne comprends pas ...
Levi fronça les sourcils, ravalant une nouvelle remarque acerbe. Nous non plus, songea-t-il, en son fort intérieur. L'incompréhension régnait des deux parts, et de cela, le policier était certain.
—Vous pouvez me raconter ce qu'il s'est vraiment passé ?
—Dans les détails ?
—Oui, s'il-vous-plait.
Eren demeurait parfaitement calme malgré la surprise et la peur. Son homologue écarta la théorie d'une nouvelle crise, il s'autorisa à approfondir les explications. Il énonça, d'un ton presque détaché :
—Je n'étais pas là la première fois, Hanji m'a appelé lorsque tu étais en pleine crise. Je t'ai plaqué sur le matelas le temps qu'elle t'injecte un tranquillisant.
—Comment j'étais ?
—Pendant ta crise ?
Le blessé opina positivement et son ainé réfléchit un court instant. Comment décrire de la bonne manière ce dont il avait été témoin ? Les mots semblaient alors bien insuffisants pour représenter cette scène de folie absolue. Il devait pourtant être le plus juste possible dans ses termes et cela relevait du défi. Il reprit, plus fortement :
—Tu ressemblais à un animal. A un animal fou et prêt à tuer n'importe qui se dresserait sur sa route. Une bestiole sanguinaire avide de sang.
Eren resta interdit, les yeux écarquillés face à ces comparaisons peu appréciables. Il peinait à s'imaginer cette vision d'horreur absolue. Il ne se laissa pas le loisir d'absorber le choc et s'enquit immédiatement, avide des réponses :
—Et la deuxième fois ?
Levi soupira, acceptant à contre cœur de se replonger dans ces pénibles souvenirs. Il se força pourtant, pour le bien de l'enquête et se lança à nouveau, avec professionnalisme :
—Je t'ai montré les documents et tu as pété les plombs. C'est réellement peu de le dire, crois-moi, gamin ! J'ai bien failli ne pas réussir à t'arrêter et j'ose pas imaginer ce qu'il se serait passé si tu avais échappé à mon contrôle ... J'ai appelé Hanji au dernier moment et elle t'a endormi de nouveau. C'est la seule manière de te neutraliser apparemment.
Eren écouta sagement le discours de son ainé, trop choqué pour l'interrompre. Etait-il vraiment capable de telles atrocités ? Il refusait même de l'envisager. Sa respiration s'accéléra imperceptiblement alors qu'une sorte de panique le heurtait. Il dit, bien trop rapidement :
—Désolé pour ton visage.
Levi se tendit, décelant le changement brutal d'attitude de son vis-à-vis, il ne saisit pas directement la nature exacte du trouble. Il l'analysa lentement, comme d'un cas particulièrement complexe. Il craignait bêtement de comprendre ce qu'il se produisait.
—Gamin ?
Pas de réponse à proprement parlée, rien qu'un silence troublant. Ce fait attira l'attention vive du lieutenant qui y vit un potentiel danger.
—Gamin, regarde-moi !
Toujours pas de parole mais une obéissance instinctive de la part d'Eren qui plongea ses orbes dans celles de son ainé. Les pupilles se dilatèrent comme lors de la précédente crise et le sang de Levi ne fit qu'un tour. Il ordonna, avec fermeté :
—Respire calmement, gamin. Calme-toi et respire !
Le plus jeune tentait de suivre les conseils de son ainé. Il inspirait et expirait plus lentement, avec soin. L'exercice dura de longues secondes avant que sa respiration ne revienne à la normale. Levi soupira de soulagement, ils avaient frôlé la catastrophe. Le regard du blessé rencontra celui de son homologue et il déglutit péniblement.
—Qu'est-ce qu'il va se passer après ?
—Après ?
—Quand je sortirai de l'hôpital.
Le lieutenant pinça les lèvres avant de passer sa main dans ses cheveux courts. Il détestait ne pas avoir réponse à une question, que ce soit pour lui ou pour un autre. La curiosité d'Eren ne pouvait être blâmable bien que le trentenaire mourait d'envie de lui en faire la remarque. Il se contenta de répondre, sombrement :
—On ne sait pas, justement.
Le jeune garçon accusa le coup, durement. C'était comme si son existence reposait sur une échéance, sur un stupide délai. Il railla, presque sans le vouloir :
—Bonne nouvelle pour moi !
Levi grinça des dents face à ce nouvel affront. Il asséna, aussi violemment que son cadet :
—C'est une bonne nouvelle pour personne.
—Vous êtes de la police et le danger, c'est moi. Vous allez tout faire pour me mettre derrière les barreaux, non ?
Le trentenaire vit clair en lui. Le garçon avait peur, il était tout bonnement terrifié ! Son air soudainement provoquant résultait simplement de l'incertitude de sa position.
—On n'a pas l'intention de t'enfermer, si c'est ce qui te pose problème, gamin. On veut surtout éviter les mouvements de foule ou que tu blesses quelqu'un.
—Et vous comptez faire ça comment ? D'après ce que tu viens de dire, je suis un danger public.
Levi siffla avec mépris :
—Tch.
Eren se tenait bien droit en position assise, la mâchoire serrée pour éviter le moindre tremblement. La peur s'insinuait toujours en lui et la tension de son corps en était la démonstration.
—Je t'ai dit qu'on ne savait pas encore. Il faudrait que tu restes sous la surveillance de la police mais ce n'est pas possible.
—Pourquoi ?
—Parce que je n'ai relevé à personne d'autres qu'à mon supérieur tes crises !
Le blessé se tut et hocha la tête. Etrangement, il se sentait reconnaissance envers cet homme. Il imaginait bien que le choix ne lui appartenait pas entièrement mais appréciait malgré tout le geste. Il se redressa un peu plus, grimaçant de ses blessures qui demeuraient douloureuses.
—Je dois y aller ! amorça directement Levi.
—Vous allez essayer de trouver une solution ?
—Ouais, assura le plus âgé, une détermination brillant dans ses yeux aciers.
Eren se vit soulagé par cette perspective. Un espoir un peu fou le toucha mais il se refusa à y croire réellement. Il restait en lui cette rage dévastatrice et contre laquelle il ne pouvait rien. Tant qu'il n'en serait pas débarrassé, il ne pouvait s'octroyer aucun répit.
—Merci, souffla-t-il, doucement.
Levi demeura de marbre avant de se lever. Il assura encore, avec conviction :
—J'arrêterai aussi le connard qui est derrière tout ça.
Un léger sourire ombra les lèvres du plus jeune alors que son regard s'ombrait. Quelqu'un se cachait vraisemblablement derrière ses crises. Quelqu'un qui l'avait complètement changé, qui avait fait de lui un animal. Quelqu'un dont l'identité restait un secret et qui s'était lié à l'existence d'Eren. La théorie des expériences se révélait fondée et le lieutenant n'osait imaginer ce qu'il se cachait derrière le corps meurtri du blessé.
Eren accusa un regard pour son ainé, remerciements silencieux et sincères. Il préféra garder le silence, presque pathétique alité et faible. Personne ne pourrait deviner le Mal qui le rongeait, prêt à survenir à tout moment, à l'envahir à nouveau.
Avant de quitter la pièce, il se retourna vers son homologue et plongea ses prunelles dans celles, ravagées par l'émotion, de son cadet. Il lança, de manière presque hasardeuse :
—Je reviendrai bientôt !
Petit chapitre ce soir (j'ai failli oublié de poster mais chut XD)
Le prochain, "Mise au point" réunira Erwin et Levi, supérieur et subalterne pour une discussion très sérieuse. D'ici là, je vous souhaite une belle semaine !
Bises ~
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