16. Nouvelles priorités
Les jours qui suivirent ne furent pas faciles pour Levi et toute l'unité chargée de l'enquête. Un doute planait sur eux, de la même manière que le danger. La peur s'invitait dans les cœurs, et ce n'était que le début !
Le lieutenant avait fait son travail, il avait mis au courant son supérieur des moindres détails. Ce dernier avait maintenu ses positions, personne ne devait être au courant de ce qu'il se tramait. Il devait absolument éviter un mouvement de foule !
L'enquête n'avançait pas malgré les précieuses informations relevées par le policier. Eren avait disparu selon les yeux des forces de l'ordre après le décès de sa mère. Comme si, quelque part, il était mort avec elle. Cette perspective agaçait prodigieusement Levi qui ne pouvait concevoir comment un être humain pouvait être invisible à ce point. Un garçon mineur, qui plus est !
Le trentenaire se partageait entre l'hôpital et le commissariat. Il n'avait aucune envie de recroiser le regard du jeune patient et pourtant, avait-il le choix ? Il évitait de s'y rendre au fil des jours, prétextant l'inutilité de sa venue. Petra le remplaçait, la plupart du temps et ne posait aucune question.
Un autre problème majeur se profilait déjà : la sortie prévue du suspect. Ses blessures n'étant plus aussi graves, les médecins prévoyaient déjà de le relâcher. Si Hanji faisait son possible pour retarder l'échéance, elle ne pouvait lutter contre l'irréfutable. Un jour ou l'autre, Eren Jaeger sortirait de l'hôpital et, à ce moment là, que se passera-t-il ?
La question torturait littéralement Levi qui y voyait un de ces autres scénarios atroces de conséquences. Qui à part lui pourrait arrêter ce garçon lorsqu'une de ses crises démarraient ? Qui pourrait bien le mettre en déroute ? Il pouvait déjà aisément imaginer la panique des civils, tous ces gens faibles et trouillards aveuglés par la peur. Contre cela, même lui ne pouvait rien.
Et l'enquête stagnait toujours, au grand désespoir du lieutenant. Des heures et des heures à plancher sur cette affaire. Des nuits et des nuits blanches à rechercher un nom, un lieu ou une organisation. Que cherchaient-ils au fond, tous ces idiots ? Personne n'était en mesure de répondre. L'intelligence d'Erwin flanchait face à cela, face à cette question restée sans réponse.
Ils travaillaient désormais contre la montre, contre le temps qui s'écoulait inexorablement. Les souvenirs d'une conversation avec son supérieur ne manquaient jamais de mettre Levi en déroute.
—Que t'a-t-elle dit ?
—Ils vont certainement bientôt le sortir de l'hôpital.
Le commissaire pâlit sans pouvoir contrôler son expression. Le regard insondable de Levi le lui laissait aucun répit. Il répliqua, vainement :
—Et Hanji, elle ne peut rien faire ? C'est notre dernier atout.
—Elle fait ce qu'elle peut apparemment. Elle ne peut pas retarder plus même si la date officielle n'a pas encore été donnée.
Erwin serra les dents tandis que sa mâchoire se contractait imperceptiblement. Il réfléchissait à toute allure, faisant appel à toutes ses capacités intellectuelles. Lui-même ne parvenait pas à faire lumière sur cette enquête et une autre priorité se présentait déjà.
—Il n'y aura ni suivi, ni rien j'imagine.
—Pas de suivi, confirma Levi.
Le bureau en devenait vite étouffant et le lieutenant peinait à masquer ses ressentiments.
—C'est une bonne nouvelle il me semble. On peut en faire ce que l'on veut.
—Ce n'est pas un animal et un suivi n'aurait pas été mal. Là, ils le lâchent dans la nature sans même savoir de quoi il est capable.
—Il n'a pas eu de nouvelles crises.
—Tu sais aussi bien que moi que ça pourrait lui reprendre à n'importe quel moment et on ne sera pas là pour l'arrêter. Tu l'as vu de tes propres yeux et tu m'as dit à quel point sa force est titanesque.
—Titanesque, oui, murmura Levi, penché sur ses souvenirs. C'est le mot juste.
Erwin soupira lourdement, lui aussi fatigué de tout cela. Il se pinça longuement l'arrête du nez sans prononcer un seul mot. Les stratégies s'entremêlaient dans son esprit, sans queues ni têtes. Il recherchait encore la solution à cette affaire, il s'en voulait d'avoir décidé de cacher la vérité au personnel médical. Il asséna, comme pour abattre sa dernière carte :
—Les dégâts que ce garçon pourraient commettre ... on ne peut pas le permettre !
Oui, les choses n'avaient pas grandement changé depuis. La date de sortie pour Eren n'était toujours pas tombée, ce qui représentait une bonne chose en soi. Personne ne pouvait se vanter d'être naïf, la nouvelle arriverait bien assez tôt !
Ce jour-là, Levi avait été chargé de se rendre à l'hôpital. Une conversation avec Hanji s'imposait et Erwin lui avait demandé de discuter avec Eren. Ils n'avaient pas osé, depuis les derniers événements, parler de ses crises. Comment réagirait-il exactement ? Les dangers demeuraient trop grands et le commissaire misait sur la sécurité. Mais les choses avaient changé et ils ne disposaient plus de suffisamment de temps.
Le lieutenant devait à présent faire part de la vérité au jeune patient. Il s'était préparé au préalable à un accès soudain de rage et la peur ne le contrôlait plus. Il se rendit seule à l'hôpital, bien que Petra se soit proposée pour l'accompagnée. Cette dernière semblait inquiète à son sujet, comme si cet homme de marbre pouvait flancher, se laisser tomber à la moindre impasse. Levi mimait l'ignorance, se contentant de refuser chaque invitation de la part de la jeune femme. Il avait d'autres préoccupations !
L'ombre de l'hôpital se profilait face au trentenaire, immense et menaçante. Cet endroit, il le détestait réellement à présent et pour tout ce qu'il représentait. L'air qu'il y respirait lui brûlait les poumons alors que la tension grandissait encore.
Il arriva devant la chambre d'Eren et toujours aucune trace d'Hanji. Il pénétra donc la pièce après avoir inspirer profondément. Son expression demeurait neutre, envers et contre tout. En vérité, il n'avait pas revu le patient depuis et ses allées-et-venues ne correspondaient qu'à de brèves discussions avec le médecin. Petra s'était chargée, pendant tout ce temps, de surveiller le garçon. Le visage de ce dernier se fendit de surprise alors que son homologue pénétrait dans la pièce. Il balbutia :
—V-Vous ?
—Gamin.
Levi s'avança avant de s'installer sur la chaise restée à la même place. Le plus jeune semblait déstabilisé, étonné de revoir cet homme. Celui—ci énonça, calmement :
—J'ai à te parler de quelques points.
—Vous avez trouvé d'autres choses sur moi ?
—Non, rien.
Eren ne sut s'il se sentait plutôt soulagé ou déçu mais son expression marqua un léger changement. Il sourcilla sans rien ajouter.
—Tu te souviens de ce qu'il s'est passé la dernière fois ?
Il réfléchit un instant, un pli de concentration barrant son front. Il semblait fournir un effort pour se souvenir d'un élément tout particulier. Finalement, il répondit, presque à regret :
—Non, je me souviens que l'on avait parlé. Que vous m'aviez posé des questions aussi.
—Je t'avais montré un document, tu souviens de ça aussi ?
—Vaguement.
Levi faisait son possible pour garder son calme, pour conserver ce sang-froid redoutable. Sa froideur non plus, ne faiblissait pas et demeurait fidèle à sa personne. Son professionnalisme rendait la conversation impersonnelle et il mettait volontaire une distance immense entre Eren et lui.
—Et après ? s'enquit-il, brusquement.
—Je ne me souviens de rien. Juste un grand noir et je me suis réveillé plus tard. Hanji n'a pas voulu me dire ce qu'il s'est passé.
Le lieutenant opina sèchement. Il ne prenait pas de note, certain qu'aucun détail ne lui échapperait. Il sondait littéralement son homologue du regard, sans jamais ne lui accorder de répit.
Eren avait menti sans trop en avoir conscience. Il y avait bien quelque chose ... Un souvenir précédent son réveil, au milieu du néant. Un regard acier un peu moins froid qu'à l'ordinaire. Son esprit peinait à faire le rapprochement entre les orbes de son songe et celles qui lui faisaient face.
—Tu veux savoir ce qu'il s'est vraiment passé ? Tu dois être curieux, j'imagine, comme tout le monde, répliqua Levi, acide dans ces traîtres mots.
—Oui, j'aimerais savoir.
La détermination dans la voix du patient étonna momentanément son ainé. Il lut dans ses yeux une volonté farouche de connaissance, une innocence presque intolérable. Le lieutenant aurait pu sourire en cet instant, de ce rictus amer et railleur, mais il le ravala aussi rapidement que cette folle idée lui était venue.
—Avant que je ne te le dise, sache que ce n'est pas la première fois que ça arrive. Nous avons décidé de te mettre au courant parce que tu vas certainement sortir bientôt de l'hôpital. Tu dois savoir le danger que tu représentes et pourquoi tu ne dois absolument pas être laissé sans surveillance.
—Le danger que je représente ? répéta Eren, sans comprendre les mots qui s'écoulaient d'entre ses lèvres.
Levi avait visiblement bien choisi ses mots. C'était le cas et il ne s'accorda aucune chance d'échec. Il tapait là où les paroles touchaient le plus, là où elles pouvaient sans mal détruire un être.
-Oui, affirma-t-il, appuyant sur le silence qui se forma entre eux.
Le blessé fronça les sourcils et son regard oscilla sur la silhouette de son ainé. Il le dévisagea avec hésitation jusqu'à s'arrêter sur une marque bien visible sur le visage du lieutenant. Un hématome qui s'étalait sur toute la joue de ce dernier, le fruit d'un choc d'une rare violence.
Le trentenaire capta le regard de son cadet sur lui. Une impudeur due à son jeune âge qu'il saisit alors qu'il assénait :
—Tu ne t'en souviens pas, mais c'est toi qui as fait ça. C'est toi qui a réussi à me porter un coup et tu n'as idée des dégâts que tu aurais pu faire si personne n'avait été là pour t'arrêter !
Un chapitre plutôt long et assez chargé aussi, il sert également de transition pour le chapitre suivant sans n'avoir que ce rôle.
Le 17ème chapitre se nomme "Curiosité maladive" et réunie, comme le laisse penser la fin de cette partie, Eren et Levi. Ce cher lieutenant a à coeur de régler certains points et à tenir Eren au courant, qu'il soit en état de l'entendre ou non ^^
Belle semaine à vous <3
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