Chapitre 7 - Sauvetage chaotique [1/2]

Torrie se mit immédiatement sur ses gardes, prête à retirer ses gants, mais, avisant son amorce de mouvement, un garde appuya la lame de son épée contre son poignet, la dissuadant de continuer. Le regard étincelant de fureur sous son aversion viscérale d'être contrainte, la jeune femme s'immobilisa mais son regard continua à s'agiter alors qu'elle observait ce qui l'entourait.
En plus des trois hommes qui la menaçaient de leurs épées, vêtus aux couleurs de la famille du régent de Sémoth, il y en avait un quatrième qui se tenait légèrement en retrait, également en uniforme mais pas celui des gardes.
Il sortit un papier de la poche de son pantalon. Alors qu'il le dépliait, Torrie aperçut quelques traits noirs qui lui évoquèrent un avis de recherche, logiquement celui des Déchus. L'étudiant, l'homme fit voyager ses yeux de l'affiche à Torrie, les comparant en recherchant des similitudes entre les deux.
La précision des portraits manquait toujours autant mais la mention des traits physiques non humains avaient suffi à identifier les autres comme les Déchus et les étranges reflets bleutés qui animaient la chevelure de Torrie confirmaient également son appartenance au groupe de célèbres mercenaires.
Le constatant, l'homme examina encore un peu l'avis de recherche et commenta :

« Le seigneur De Rosamire avait raison en pensant que les Déchus n'étaient pas au complet et que la dernière allait arriver.

Torrie riva le regard sur le garde qui venait de parler alors que son visage se fendait d'un sourire en coin. Il ne lui avait même pas fallu interroger ces hommes pour obtenir la confirmation de la présence de ses compagnons et pour apprendre où ils se trouvaient dans le palais. Les gens qui s'écoutaient parler étaient vraiment pratiques !
D'un geste du menton, le garde ordonna aux trois autres de neutraliser Torrie en rangeant à nouveau l'avis de recherche dans la poche de son uniforme, peu inquiété puisqu'il y avait trois hommes face à une petite jeune femme peu impressionnante.
Rengainant son épée, l'un des gardes s'approcha de Torrie pendant que ses deux camarades continuaient à la menacer, leurs armes pointées sur sa gorge, pour passer les fers pendant à sa ceinture à ses poignets. Pour ce faire, il retira les gants de cuir de la jeune femme, qui risquaient de se coincer et d'entraver les fers, se tenant dans son dos.
Dès qu'elle sentit ses gants libérer ses mains, Torrie repoussa l'homme derrière elle d'un violent coup de coude à l'abdomen, le déséquilibrant de quelques pas.
Avant que les deux autres gardes ne réagissent et ne la transpercent, elle saisit chacune des deux lames qui s'appuyaient contre sa chair.
Sa main gauche devint incandescente alors que la droite dégageait un froid intense.
La première épée chauffa violemment, à tel point que le métal rougit jusqu'à la poignée. Dans un réflexe, le garde lâcha son épée dans un cri de douleur, la paume couverte de cloques.
Une couche de glace émanant de la main de Torrie recouvrit la seconde arme en remontant bien trop rapidement jusqu'à la main du garde pour qu'il puisse la lâcher avant que la glace ne l'emprisonne jusqu'au poignet, lui brûlant la peau par la froid.
Complètement choqué et déstabilisé, l'homme recula en fixant la glace qui lui donnait la sensation que de longues aiguilles s'enfonçaient dans ses chairs.
Tant qu'il était encore à sa portée, Torrie abattit brutalement son coude sur la lame gelée qui vola en éclats glacés, qui la cérèrentla peau du garde et de son camarade, qui se trouvait toujours derrière Torrie et qui commençait à se reprendre avant de bondir en arrière, les bras contre son visage pour tenter de s'en protéger, titubant.
Jouissant encore de son effet de surprise qui laissait les gardes totalement démunis, la jeune femme bondit sur le dernier homme, celui à l'avis de recherche, dont le regard allait alternativement de l'un à l'autre de ses collègues, se demandant ce qu'il venait de se produire.
Torrie le faucha sous son poids, aidée par la stupeur de l'homme.
Le maintenant au sol, elle plaqua sa paume droite, exsudant toujours cet intense froid glacial, contre sa poitrine. Le givre durcit le tissu de l'uniforme de l'homme en le blanchissant puis il s'attaqua à son épiderme qu'il pénétra peu à peu de plus en plus profondément,s'instillant dans son corps. Il sentit ses membres s'engourdir à cause du froid, sa peau se raidit et ses organes ralentir, peinant à fonctionner à cause du froid. La douleur causée par cette glace qui le rongeait le faisait hurler mais ses cris se turent après quelques secondes, peinant à vocaliser à cause du froid. Celui-ci l'empêchait même de bouger ses bras ou ses jambes, paralysés tant ils étaient engourdis et lourds, immobilisé plus sûrement qu'avec de quelconque lien.
En quelques secondes, toute la zone du thorax de l'homme se glaça intégralement en devenant aussi fragile que du verre.
D'un simple coup de poing incandescent de sa main gauche, Torrie brisa la cage thoracique du garde, qui, malgré ses cordes vocales gelées,hurla de douleur sous le regard terrifié de ses trois compagnons,paralysé par l'effroi. La chair et même les os volèrent en éclats qui roulèrent sur le sol de marbre ou rebondirent sur les bras de Torrie.
Les chairs blanchâtres semblaient déchiquetées et des marbrures de glace les zébraient. Les quelques veines visibles pulsaient aussi frénétiquement que possible pour tenter de faire circuler le sang et apporter un peu de chaleur mais aussi sous l'effet du rythme cardiaque affolé de l'homme.
Les côtes, partiellement réduites en morceaux, pointaient leurs extrémités irrégulières hors du torse du garde.
Sans hésiter, assise en travers du corps de l'homme, Torrie plongea la main dans l'ouverture béant dans sa poitrine. Les bords gelés de la chair lui entaillèrent légèrement la peau puis, plus elle enfonça la main dans la cavité laissée par le thorax brisé, moins l'intérieur du corps était pris dans la glace, seule une épaisse couche de givre recouvrait les chairs et Torrie percevait une maigre chaleur en émaner. Le cœur était libre de toute glace et il battait follement sous l'effet de la terreur. Le son de ses battements résonnait dans la pièce.
Ils augmentèrent dans la panique et la peur lorsque les doigts de Torrie se refermèrent autour en le serrant. L'homme poussa un glapissement étranglé alors que ses yeux roulaient dans leurs orbites. La jeune femme le sentait pulser avec panique contre sa paume.
Prenant soin de ne pas trop resserrer sa poigne pour ne pas écraser l'organe mais à la garder ferme pour que le garde ait conscience de l'emprise qu'elle avait sur sa vie, la tenant littéralement dans le creux de sa main, elle se pencha vers l'homme, qui émettait des gargouillements affolés, et lui ordonna :

- Tu vas me dire où sont mes amis, t'en as parlé à l'instant. Répond ou sa risque de mal tourner.

- En...en ce...cellule dans...dans les sous...les sous-sols... »

Torrie hocha le menton à l'information, qu'elle aurait probablement pu deviner seule, puis elle relâcha légèrement sa prise autour du cœur du pauvre garde.
Certainement aurait-il été opportun de demander davantage d'indications, sur comment trouver l'accès aux sous-sols notamment, mais elle jugea peu prudent de s'attarder.
Les trois autres gardes derrière elle commençaient à se reprendre malgré l'horreur. De toute manière, l'homme qu'elle torturait n'aurait probablement pas réussi à lui fournir de telles précisions alors qu'il avait déjà tant peiné à articuler quelques mots. Il lui faudrait se débrouiller seule pour localiser plus précisément les sous-sols.
Resserrant soudainement sa poigne autour du cœur du garde, elle l'écrasa dans son poing en exerçant une violente torsion. L'homme se raidit subitement alors que ses yeux s'écarquillaient et qu'il poussait un soupir étranglé avec lequel il sembla s'étouffer avant de s'immobiliser.
Extirpant sa main de la poitrine du garde, Torrie posa sa paume gauche sur son torse, juste à côté de la large blessure. La glace qui recouvrait l'uniforme fondit rapidement, remplacée par de petites flammes qui commencèrent à courir sur la peau du garde.
Ne craignant pas la brûlure éventuelle, la jeune femme releva l'homme, les muscles bandés et une grimace d'effort sur le visage, puisqu'il n'était plus qu'un poids mort, et elle jeta le corps enflammé sur les trois autres gardes, qui ne se tenaient plus qu'à quelques pas derrière elle, comptant bien les neutraliser.
Entre la surprise, la peur et les flammes qui se propagèrent sur leurs propres vêtements, tous trois reculèrent dans un mouvement de panique, offrant involontairement quelques secondes à Torrie.
Cette dernière se détourna vivement et se précipita vers la porte qu'elle claqua dans son dos. Elle usa à nouveau de sa glace pour bloquer le mécanisme de la serrure de la porte. Les gardes pourraient certainement défoncer le battant mais elle gagnait néanmoins quelques minutes.
N'en gaspillant pas une seule, elle s'élança dans le couloir pour s'éloigner de la salle du passage mais elle avait conscience qu'elle ne pouvait pas tout simplement errer dans le palais, cela ne l'aurait pas conduite vers les sous-sols et on l'aurait vite intercepter. Le garde n'ayant pu la renseigner, il lui fallait trouver quelqu'un à interroger.
Sa paume gauche redevint incandescente, légèrement rougeâtre, et elle l'apposa sur l'une des tapisseries finement ouvragées qui ornaient les murs du couloir. Le tissage se consuma rapidement, noircissant et dégageant une fumée odorante piquant les narines.
Quelques secondes suffirent pour qu'un domestique arrive en courant, attiré et alerté par l'odeur de combustion, venant vérifier ce qu'il se passait.
Le guettant, Torrie lui bondit dessus dès qu'il se profila dans le couloir, le prenant par surprise.
Effectuant une prise pour le maîtriser, elle referma sa main encore incandescente autour du poignet du jeune homme. L'odeur de chair brûlée s'éleva en chassant celle des tapisseries brûlée dans le hurlement de douleur du domestique.
Le libérant brièvement, elle remplaça sa main gauche par la droite dégageant un léger nuage glacé. Le froid apaisa un instant la brûlure du domestique avant que son membre ne s'engourdisse et ne devienne à son tour douloureux.

« Juste pour ton information : ce froid peut nécroser ta chair, tu risques de perdre ton bras, déclara Torrie en déclenchant la panique du domestique. Je veux juste savoir où sont les sous-sols. »

Le jeune homme désigna un point à plusieurs mètres, de l'autre côté du couloir, d'une main tremblante.
Satisfaite de sa réponse, Torrie lâcha son bras mais elle ne le libéra pas pour autant et le tint par le col de son uniforme par lequel elle le tira à sa suite. Il aurait encore pu lui être utile, surtout si elle avait besoin de davantage d'indications sur les sous-sols.
A grandes enjambées, la jeune femme remonta le couloir en traînant le domestique derrière elle. Rapidement, elle repéra deux silhouettes qui se tenaient aux côtés de la porte menant aux sous-sols. Torrie n'en fut guère surprise, s'attendant à ce que le début d'incendie alerte davantage de monde qu'un seul domestique.
Sur ses gardes, prête à dégainer ses dagues entrecroisées dans son dos,auxquelles elle n'avait pas eu l'occasion d'avoir recours précédemment, elle avança, les muscles bandés, s'attendant à devoir se battre, mais elle se relâcha soudainement en reconnaissant l'une de ses deux personnes face à elle.
Appuyée contre le mur et la main plaquée sur sa blessure, Lysange écarquilla les yeux en découvrant Torrie devant elle mais elle se reprit rapidement pour afficher son habituelle expression impassible légèrement lassée cependant troublée par des spasmes de douleur qu'elle s'efforçait de ravaler et elle lança :

« Torrie ? Qu'est-ce que tu fous là ?

- Je suis venue vous chercher, répondit Torrie. Visiblement, vous vous en sortez pas sans moi. Ça va, toi ? On m'a dit que t'avais été blessée.

- Ça va aller. Décréta Lysange avec détermination.

- Non, ça va pas aller du tout ! La contredit le guérisseur. Vous devriez rester calme !

- Oh je vous ai déjà dit de la fermer, vous ! Le rabroua Lysange. On verra ça plus tard, les autres ont besoin de nous.

En prononçant ces mots, Lysange posa un regard entendu sur Torrie, qui acquiesça, assurant à sa camarade qu'elle pouvait compter sur elle. Soulagée, Sang de Guerrier lui retourna un léger sourire accompagné d'un hochement du menton avant de redevenir grave en se tournant vers la porte conduisant aux sous-sols.
Lorsqu'elle tenta de l'ouvrir, elle se retrouva bloquée par la serrure verrouillée. Les dents serrées, la jeune femme se prépara à tenter d'enfoncer le battant malgré sa blessure pulsant et le fait qu'elle ne s'en sentait pas réellement capable, s'en moquant, sous le regard désapprobateur et affolé du guérisseur, mais Torrie la retint d'une main sur l'épaule.
Ecartant Lysange, Sang de Djinn s'empara de l'une de ses deux dagues de la main droite pour enfoncer la pointe dans la serrure à la manière d'une clé de fortune en déployant ses pouvoirs. En général, elle utilisait ses dagues comme un médium entre sa magie, propre aux djinn, pour la garder plus contrôlable mais certaines situations ne lui permettaient pas toujours de prendre le temps de s'armer.
La glace envahit le mécanisme de la serrure, le fragilisant. D'un violent coup de poing doté de la force d'elfe guerrier, Lysange le brisa, ignorant la douleur qui vibra dans son abdomen, et la porte s'ouvrit.
Sans laisser au guérisseur le temps de vérifier l'état de sa blessure après son violent mouvement, elle s'engagea dans les escaliers que dévoila le battant, suivie du guérisseur qui se tenait prêt à la rattraper dans les marches, et de Torrie, qui tirait toujours le pauvre domestique derrière elle.
Ils débouchèrent dans un couloir obscure, que Torrie éclaira faiblement de sa paume rougeoyante. Quelques portes s'y ouvraient de part et d'autres.
Il ne leur fallut que quelques secondes pour repérer celle derrière laquelle leurs compagnons étaient enfermés. Le battant tremblait sous les coups sans céder et la voix de Nigel, qui ordonnait à des personnes qui ne se trouvaient probablement plus là depuis un moment de les laisser sortir, s'élevait de l'autre côté. Torrie et Lysange échangèrent un regard légèrement affligé et lassé. Leur compagnon ne se fatiguait-il pas à s'époumoner de la sorte pour rien ?
Tout en gelant la serrure comme à l'étage supérieur, Torrie lui lança à travers la lourde porte :

- Arrête de crier comme ça, tu vas filer la migraine à tout le monde.

- Surtout qu'il braille pour rien. Ajouta Lysange en envoyant à nouveau son poing dans la serrure gelée pour la briser, son autre main crispée sur sa blessure dont elle se moquait de la douleur.

- Torrie ? Lysange ? Reconnut Nigel avec étonnement. Comment est-ce que...

Le jeune homme ne put terminer sa question. La porte, contre laquelle il s'appuyait, s'ouvrit, plus retenue par le mécanisme brisé de la serrure, et Nigel s'étala dans le couloir. Se relevant d'un bond, il vint étreindre Torrie, heureux de la voir, en répétant qu'il savait qu'elle ne pouvait pas les abandonner, puis il lâcha pour venir fébrilement s'enquérir de l'état de Lysange mais cette dernière le repoussa.

- On verra tout ça plus tard, décréta la jeune femme. Là, on doit sortir d'ici.

- Nous devons retrouver Abélianne avant, signala Gaëlan en quittant la cellule. Ses parents l'ont emmenée quelque part. Et Ysandre ne semble pas se porter très bien.

- Ses parents ? Releva Torrie avec stupeur.

- Pour Ysandre, on a un guérisseur. Rendez-vous utile, vous !

Ordonna Lysange en poussant le guérisseur dans la cellule, dont Ysandre n'était pas sorti, tirant sur ses points de suture, en remettant à plus tard ses interrogations au sujet des parents d'Abélianne.
S'assurant de ce que faisait le guérisseur et de l'état d'Ysandre, que Gaëlan qualifiait de préoccupant, la jeune femme suivit le guérisseur dans la cellule avec Torrie, qui n'avait toujours pas lâché le domestique.
Ysandre se trouvait dans le fond de la modeste pièce, assis au sol contre le mur, recroquevillé avec les genoux remontés contre sa poitrine. Ses ailes étaient resserrées autour de lui, comme pour former une coquille réconfortante pour le protéger. Ses yeux écarquillés luisaient de larmes contenues alors qu'il se balançait légèrement d'avant en arrière, les mains sur le crâne à travers ses larges boucles chocolat. Il paraissait presque en état de choc.
S'agenouillant à sa hauteur, le guérisseur tenta de l'appeler et de le faire réagir, sans grand succès, Ysandre se contentant de se replier davantage sur lui-même.
Sachant que le temps leur était compté avant qu'on ne découvre le début d'incendie et la porte des sous-sols béante et que des renforts éventuels n'arrivent, Lysange passa à la manière forte suite à l'échec de la douce.

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