Chapitre 26 - En quête des Déchus

Gaëlan peina à s'extirper du sommeil, légèrement perdu car il ne reconnaissait pas les lieux dans lesquels il se réveillait et car Nigel ne se trouvait pas à ses côtés alors qu'il s'attendait à le découvrir allongé dans le lit, certainement car il avait rêvé de leur rencontre, probablement un signe du point auquel son amant lui manquait.
Après quelques minutes, le temps que les dernières brumes s'estompent et libèrent son esprit, le jeune homme se souvint des derniers événements et il reconnut les appartements d'invités dans lesquels on l'avait installé à son arrivé à Tikkr'eth la veille.
Après avoir été séparé des Déchus et renvoyé à Eluville, il ne pensait pas qu'il aurait été de retour si rapidement dans la capitale de Névinda. L'avantage était que cette invitation lui permettait de fuir l'enfermement de sa demeure, même si il s'inquiétait pour la santé de sa mère, et,surtout, lui donnait l'occasion de fouiller un peu dans le palais pour tenter de se renseigner sur le sort des Déchus et sur le but que poursuivaient Léhodore et Dimitri.
Pour l'instant, il avait seulement eu le temps de poser ses bagages dans sa chambre.
Léhodore l'avait accueilli avec un ton mielleux et une sympathie de façade beaucoup trop exagérée pour être sincère. Gaëlan savait que le souverain se réjouissait grandement d'avoir enfin obtenu une alliance avec Thamyre et de pouvoir, de ce fait, prouver sa supériorité à Taïfyne et à Trystan De Lauvel, mais il l'avait trouvé beaucoup trop enthousiaste face à lui pour qu'il n'ait pas la sensation qu'il se moquait de lui. Après tout, le jeune noble était allé à l'encontre de ses lois.
N'ayant pour l'instant rien de prévu dans la journée, Gaëlan se prépara en effectuant ses ablutions matinales puis en revêtant une tenue élégante adaptée aux couloirs d'un palais royal. Après des semaines à porter des vêtements qui avaient fini par devenir usés et défraîchis, arborer des toilettes taillées dans de belles étoffes resplendissantes lui paraissait étrange, même si il appréciait d'avoir retrouvé une hygiène corporelle plus régulière, comme si il était déguisé. Le fait était qu'il n'était plus le même Gaëlan que celui qui avait quitté Eluville en compagnie de Nigel, même si il ignorait si ce changement avait été en bien ou en mal.
Dans un soupir lourd, il termina rapidement de se préparer en nouant ses boucles sur sa nuque avec un fin ruban de velours noir puis il sortit de ses appartements.
Feignant de visiter les lieux sans sembler de rien,il déambula dans le palais, dans les secteurs où personne ne se serait étonné de sa présence, s'efforçant de ne pas paraître suspect dans un premier temps, en espérant glaner des informations qui l'intéressaient cependant, rien ne laissait soupçonner la présence des Déchus au sein de ces murs. Le sujet principal des conversations et des préoccupations des habitants du palais semblait être les noces princières à venir, dont les préparatifs occupaient la majorité des domestiques.
Certaines personnes qu'il croisa dans les couloirs échangèrent des messes basses sur son passage en l'observant du coin de l'œil, bien que les serviteurs s'attachèrent à respecter l'étiquette en le saluant de révérences polies. Visiblement, on savait qui il était, qu'il était le noble qui avait collaboré avec les Déchus. Etrangement, personne ne soupçonnait que les célèbres mercenaires se trouvaient détenus au sein même du palais mais tous savaient que Gaëlan s'était compromis avec eux.
Il ignorait ce que Léhodore avait pu raconter et de quelle manière il avait transformé la vérité mais on paraissait accepter qu'il reste libre malgré son crime et sa seule condamnation se faisait à travers les rumeurs.
Tentant d'ignorer ces échanges, luttant pour ne pas exploser en hurlant à tous à travers ses larmes que les Déchus avaient certainement été ce qui se rapprochait le plus de véritables amis ces deniers mois,loin de l'hypocrisie bienséante de l'aristocratie, et que tous ces gens extérieurs qui jugeaient sans connaître ne comprendraient jamais l'intensité du lien qui l'unissait à Nigel, il accéléra le pas jusqu'à arriver à une aile du palais isolée et moins fréquentée.
De toute évidence, il ne trouverait guère de conversations à épier pour se renseigner dans ces couloirs.
Ne gaspillant pas de temps, il s'apprêta à rebrousser chemin pour aller explorer un autre secteur du palais, peut-être les jardins,mais quelques éclats de voix le retinrent, s'élevant à quelques mètres de lui. Une voix féminine réclamait avec grande insistance à en savoir davantage sur l'utilité exacte du travail qu'elle fournissait, voulant savoir à quoi servait exactement ce qu'elle accomplissait, mais un second timbre, masculin celui-ci, refusait catégoriquement de l'éclairer.
Ce qui interpella Gaëlan ne fut pas réellement leurs propos, assez peu compréhensibles hors du contexte, mais l'accent de la voix féminine aussi que le juron,typique de Reynelsky, qu'elle cracha. Exactement le genre d'expressions plutôt vulgaires que Nigel employait.
Intrigué par cet accent en plein cœur de la capitale de Névinda, Gaëlan remonta le couloir jusqu'à tomber face à Jill. Même si il s'y attendait, ayant bien cru avoir reconnu son timbre, il demeura surpris un instant en la découvrant.
Depuis leur rencontre fortuite à Eluville, il n'avait plus de nouvelles de la jeune femme, n'ayant pu en échanger, mais il se doutait qu'elle s'était établi à Tikkr'eth, comme elle l'avait décidé,dans le but de l'aider pour une raison qui lui échappait toujours,cependant, il ne pensait pas qu'elle aurait déjà trouvé une place au palais, une place suffisamment sûre pour qu'elle se plaigne aussi directement.
Les yeux gris de Jill examinèrent Gaëlan de haut en bas alors que le côté gauche de ses lèvres remontait en ce qui s'apparentait à un sourire de salut qu'elle adressait au jeune noble, qui avait d'ailleurs une forte sensation de déjà-vu pendant que l'interlocuteur précédent de la jeune femme s'esquivait prestement, puis elle lui lança :

« J'avais entendu dire que t'étais là mais je savais pas comment te voir. Ça m'arrange que tu m'aies trouvée en premier, ça m'aurait gavé de devoir te courir après.

Ne laissant pas à Gaëlan le temps de réagir, Jill lui proposa de la suivre d'un mouvement du menton, jugeant plus prudent d'échanger ailleurs que dans ce couloir, loin d'éventuels témoins gênants,avis que le jeune noble rejoignait. Oublier qu'il se trouvaient au cœur du domaine de l'homme qu'ils espéraient freiner aurait pu leur coûter très cher.
Lui emboîtant le pas, il la suivant dans la pièce devant laquelle elle s'entretenait avec son interlocuteur précédent. La salle évoquait une infirmerie, servant à dispenser des soins à tous les occupants du royal édifice. Pour l'instant,les lieux étaient déserts, ce qui les arrangeait car il valait mieux qu'on ne les remarque pas ensemble, mais ils ne s'y attardèrent pas pour plutôt aller s'installer dans la pièce discrète qui s'y ouvrait dans le fond.
La première chose qui frappa Gaëlan fut l'ordre et la minutie avec lesquels la pièce était organisée.
Ecartant les bras, Jill lui présenta les lieux en lui souhaitant la bienvenue dans son laboratoire, puis, s'appuyant négligemment contre l'une des paillasses, les bras croisés sur la poitrine, elle lui raconta comment elle était entrée au palais et,surtout, au service de Dimitri. Le problème était que, depuis, elle n'avait pas progressé davantage. Les journées se déroulaient à l'identique et elle n'avait pas recroisé le jeune chercheur depuis leur rencontre à l'hospice. L'étrange savant s'avérait aussi insaisissable qu'un fantôme et elle-même aurait probablement douté de son existence si elle ne lui avait pas déjà parlé.
Ce n'était même pas lui qui venait lui porter les prélèvements qu'on le chargeait d'analyser ou les formules des solutions qu'on lui demandait de préparer, mais un autre de ses assistants, qui ne lui répondait jamais lorsqu'elle le questionnait sur la finalité de son travail, comme Gaëlan l'avait entendu.
Par ailleurs, elle n'avait rien entendu concernant les Déchus, pas même une rumeur échangée entre deux domestiques, à croire que les Déchus n'étaient pas détenus au palais, comme Gaëlan l'avait lui-même constaté, cependant, la jeune femme pensait détenir de quoi affirmer que les mercenaires se trouvaient bien entre ces murs.
Tout en expliquant cela à Gaëlan, elle brandit une fiole de verre devant lui. Le liquide rouge qu'elle contenait semblait bien être du sang, qui commençait lentement à coaguler en formant des caillot. Une étiquette accrochée dessus parle bouchon indiquait S.d.G, un étrange nom.
Face aux sourcils froncés de Gaëlan, Jill précisa :

- C'est du sang que je dois analyser à la recherche de spécificités sur demande de Dimitri Je sais même pas ce que je dois chercher ou d'où il vient mais j'ai une petite idée. S.d.G, pour moi, ça ressemble aux initiales de Sang de Guerrier ou Sang de Gorgone. J'ai aussi reçu des fioles avec S.d.A, Sang d'Ange et certaines avec juste e.g.

- On prélève du sang aux Déchus ? Que cherchent-ils exactement ?

- Alors là ! Pas une idée ! En tous cas, on peut être sûr que ça a bien un rapport avec les anciens peuples.

- Ce qui ne présage rien de bon... Mais les Déchus sont bien ici. Je vais tâcher d'en apprendre davantage. De ton côté, sois prudente. »

Jill grommela quelque chose qui s'apparentait certainement à un assentiment, à moins qu'elle ne retourne son conseil à Gaëlan, tout en adressant un signe à ce dernier lui indiquant de sortir avant qu'on ne remarque sa présence et ne s'interroge dessus,déjà penchée sur ses alambics. Même si elle avait accepté ce travail pour aider Gaëlan et devenir quelqu'un d'autre qu'une orpheline de Kaleth, les recherches qu'elle effectuait l'intéressaient grandement.
Rassuré d'avoir une alliée surplace, Gaëlan la laissa pour reprendre le cours de son exploration.
Les étages plus modestes paraissant peu propices aux rumeurs, pas à celles qui l'intéressaient du moins car des murmures à son propos le suivaient, le jeune homme préféra sortir dans les jardins intérieurs que comportait le palais. Certainement était-ce également une manière de se réfugier quelques instants loin de ces rumeurs sur son compte qui l'oppressaient et l'étouffaient car il ne s'attendait pas à découvrir grand-chose sur ses compagnons au milieu des haies taillées et des parterres de fleurs colorées.
La matinée n'en était qu'à son commencement et les seules personnes présentes dans les jardins semblaient être les gardes en patrouille, exactement la tranquillité dont Gaëlan avait besoin.
Avoir la confirmation grâce à Jill que les Déchus paraissaient bien toujours prisonniers dans le palais ne le soulageait pas vraiment. Au contraire, il se sentait particulièrement frustré de se savoir si proche de Nigel tout en ne pouvant l'atteindre. Sans compter que, d'après les étiquettes des fioles de sang de Jill, aucun prélèvement n'avait effectué sur son amant, pas plus que sur Abélianne ou Torrie, ce qui lui faisait craindre pour le sort de Nigel.
Perdu dans ses pensées inquiètes, Gaëlan arpentait les allées de graviers rosés délimitées par des buissons odorants qui formaient un début de labyrinthe végétal et bloquaient le champ de vision. Grâce à eux,le jeune homme se sentait dissimulé des regards extérieurs, loin de tous les jugements qu'on portait sur lui et ses actes, ce qui lui permettait de se détendre un peu sans pour autant se relâcher entièrement.
Ses pas un peu hasardeux le long des chemins l'amenèrent jusqu'à un espace plus large où les buissons s'écartaient. On y avait installé un large banc de marbre blanc en arc de cercle dont les pieds étaient sculptés de formes d'animaux et de fleurs. L'endroit isolé semblait totalement coupé du reste du palais, dont on oubliait presque la présence, un refuge parfait à l'écart de la cour.
Gaëlan aurait apprécié d'y passer quelques instants, le temps de réunir à nouveau ses forces avant de retourner affronter la situation mais quelqu'un l'avait déjà devancé, certainement attiré comme lui par le côté paisible et les allures de refuge de l'endroit.
Entendant des pas crisser sur les graviers non loin d'elle, qui l'extirpèrent de ses préoccupations, Taminiëlle releva son regard turquoise sur l'importun qui venait troubler la quiétude de son refuge. Il lui fallut quelques secondes pour reconnaître le jeune noble qui avait été accusé d'avoir collaboré avec les Déchus, celui à cause de qui Léhodore avait enfin obtenu l'accord avec Thamyre pour le mariage.
Face à elle, il se raidit, certainement sous l'effet de la surprise, puis se pressa de la saluer respectueusement d'une profonde révérence parfaitement réalisée.
Comme la dernière fois qu'il l'avait vue, la princesse était fortement fardée, à se demander si elle parvenait à respirer sous les épaisses couches de poudre qui recouvraient sa peau. Elle portait une robe large uniquement resserrée à la taille par une ceinture incrustée de joyaux qui camouflait son corps et un long voile brodé de perles,maintenu sur son crâne par une tiare, masquant sa chevelure. Un châle enveloppait ses épaules, certainement pour la protéger de l'air frais de la matinée qui descendait des sommets du Massif des Eaux Secrètes, qui faisait justement frissonner Gaëlan.
D'un geste, Taminiëlle l'autorisa à se redresser puis elle l'invita même à la rejoindre sur le banc. A mouvements quelques peu mécaniques, impressionné par la présence d'un membre de la famille royale du plus puissant royaume de Thamarèthe, surtout alors qu'il l'avait indirectement condamnée à un sordide mariage arrangé, Gaëlan s'assit aussi loin que possible d'elle par respect, ne pouvant qu'obéir à la princesse.
Les épaules contractées, il attendait qu'elle l'accuse pour la situation peu enviable dans laquelle il l'avait involontairement mise mais elle n'en fit rien, demeurant silencieuse, les yeux perdus dans les mouvements indolents des branchages agités par le vent.
Etrangement,elle ne lui reprochait pas ses fiançailles forcés et son mariage prochain. Après tout, lui-même avait été manipulé par son père,seulement un pion entre ses mains, comme tous les autres, tout comme Ilian De Ohcaire, son futur époux. Elle ne l'avait pas encore rencontré depuis l'annonce de leur union, ce qui rendait la situation encore plus sordide à ses yeux, mais elle était résignée et découragée depuis si longtemps que s'en plaindre lui paraissait inutile, du moins, elle croyait l'être. Depuis qu'elle avait revu Ysandre, un feu brûlait à nouveau en elle.
Depuis cette nuit où il s'était présent à elle et où elle avait presque cru à un songe éveillé, qui remontait déjà à plusieurs jours, elle avait espéré le revoir et avoir la possibilité de partager quelques instants en sa compagnie mais le jeune homme ailé était resté aussi invisible que durant la fuite des Déchus. Léhodore le faisait probablement étroitement surveiller et empêcher de se déplacer à sa guise, certainement pour éviter qu'on ne découvre qu'au moins un Déchu se trouvait à Tikkr'eth car personne ne semblait soupçonner sa présence au sein de la capitale.
Certainement espérait-elle inconsciemment le voir la rejoindre sur ce banc, ce qui expliquait pourquoi elle attendait dans certains recoins isolés du palais dès qu'elle en avait l'occasion, en plus de son besoin de fuir sa réalité.
A côté d'elle, Gaëlan ignorait que faire. Le malaise le gagnait mais il n'osait pas prendre l'initiative de la parole ni même esquisser un geste.
Finalement, Taminiëlle rompit le silence en demandant soudainement, à la grande surprise du jeune homme :

« Ainsi donc, vous connaissez les Déchus ?

- En quelques sortes...

- A ce qu'on dit, ils sont tout les uns pour les autres et s'immiscer entre eux semble impossible, qu'ils aient accepté votre présence me surprend (Gaëlan baissa les yeux sur ses mains qu'il malaxait nerveusement). Et vous ? Pourquoi accompagner des criminels pourchassés par tous, au risque de jeter l'opprobre sur votre nom ?

- Ce...c'est compliqué... Souffla Gaëlan alors que ses yeux se remplissaient de larmes à la pensée de Nigel.

- Pourrait-ce être par amour peut-être ? Supposa Taminiëlle et la réaction de Gaëlan parla pour lui. Ne vous inquiétez pas, je comprends.

- Je suis vraiment désolé de ce qu'il s'est passé ! Explosa soudainement Gaëlan. A cause de moi, vous...

- Je vous arrête immédiatement. Vous avez été victime des manigances de mon père vous aussi. Il aurait trouvé un autre moyen de me faire épouser Ilian De Ohcaire si il ne vous avez pas utilisé.

- J'aimerais pouvoir faire quelque chose... Il faut que vous sachiez que votre père cherche de toute évidence à accomplir quelque chose de très inquiétant et...

- Cela fait des années que mon père effectue toutes sortes de manigances incompréhensibles. Si je puis vous donner un conseil : fuyez hors des griffes de mon père dès que vous en avez l'occasion. »

Là-dessus, Taminiëlle se leva en saluant Gaëlan d'un hochement poli du menton avant de s'éloigner entre les buissons. Surpris, il fallut plusieurs secondes au jeune noble pour se reprendre et se courber en une révérence, respectant l'étiquette face à la princesse de Névinda.
Cette conversation le laissa plutôt déstabilisé et,bien qu'il soit légèrement soulagé de savoir que Taminiëlle ne lui reprochait pas ses noces prochaines, il lui restait une sensation de tristesse après cet échange.
Secouant la tête de gauche à droite, il s'efforça de se défaire de cette lourde impression qui lui pesait sur la poitrine. Nigel et ses compagnons n'étaient pas loin, il lui suffisait de trouver où exactement.
Profitant encore un peu de la tranquillité des jardins pur s'aérer l'esprit et reprendre ses recherches plus sereinement, il déambula dans les allées durant encore plusieurs minutes. Ses pas le rapprochèrent des parois du palais qui ceignaient les jardins.
Une étrange odeur piquante et irritante qui envahit soudainement les lieux lui arracha une quinte de toux. Essuyant les larmes qu'elle lui tirait,il se demanda d'où elle provenait car elle n'était certainement pas dégagée par une l'une des plantes autour de lui. Elle ressemblait plutôt à ce qu'aurait produit la combustion de quelque chose, mais quoi et pourquoi ?
Le regard de Gaëlan avisa une plaque de métal percée de trous desquels s'échappaient de légers panaches de fumée jaunâtre, ce qui expliquait sa soudaine et vive quinte de toux. S'ouvrant dans le mur du palais auras du sol, elle était partiellement dissimulée par des herbes et des fleurs fanées, certainement mal en point à cause des émanations qui en filtraient. D'ailleurs, Gaëlan ne l'aurait probablement jamais remarqué si les plantes avaient été en meilleure santé.
Si le laboratoire de Dimitri était équipé du même genre de matériel que celui décrit par Marina ou celui de Sémoth, ce qui semblait logique, il y fallait probablement de quoi évacuer les fumées et autres rejets produits par les expériences et ce genre de lucarnes paraissaient justement remplir cette fonction. Gaëlan ne pouvait en être totalement mais, selon ses déductions, cela aurait signifié que le laboratoire se situait juste sous ses pieds, derrière cette grille, qui se présentait comme une entrée dérobée malgré sa taille qui lui aurait à peine permis de s'y glisser.
La surveillance dans le laboratoire devait être élevée, surtout avec la présence des Déchus, et s'y aventurer seul semblait déraisonnable mais Gaëlan se devait de s'y risquer, pour comprendre ce que recherchaient Léhodore et Dimitri exactement, pour retrouver les Déchus, pour retrouver Nigel.
Fébrile, il s'agenouilla devant la plaque pour l'étudier davantage. Les trous qui la perçaient étaient à peine suffisamment larges pour qu'il réussisse à y glisser les doigts, le métal semblait très solide et il était parfaitement fixé aux pierres du palais,impossible à déloger à mains nues.
Gagné par la frustration face à cet obstacle qui le bloquait alors qu'il se rapprochait de Nigel, il secoua la plaque, sans aucun résultat.
S'obligeant au calme, le jeune homme s'assit lourdement parmi les plantes desséchées, le souffle court et les yeux larmoyants à cause de la fumée. Se forçant à la réflexion plutôt qu'à la réaction,chose où il était apparemment habile d'après son entourage, il constata qu'il n'aurait jamais pu déloger la plaque sans outil,même si il ignorait lesquels utiliser. Sans compter que la matinée progressait et que de plus en plus de monde arpentait les allées des jardins, augmentant les risques de se faire surprendre.
Se résignant donc à revenir ultérieurement mieux préparé, Gaëlan se releva en époussetant son pantalon et retirant les fragments de plantes accrochés à ses vêtements.
S'attelant à éliminer d'éventuels soupçons à son égard, le jeune homme passa le reste de la journée à s'occuper à des activités ordinaires pour un noble invité à résider dans un palais royal mais il en profita également pour chercher de quoi forcer la plaque qui l'empêchait d'accéder au laboratoire, notamment auprès de Jill, qu'il interrompit dans son travail.

Se levant aux aurores dès le lendemain, Gaëlan se rendit auprès de la plaque, équipé d'un poignard à la courte et épaisse lame, tout ce qu'il avait pu trouver. D'autres outils l'auraient fait repérer au sein du palais.
Dans les lueurs encore grises et balbutiantes de la journée, le jeune homme tenta de desceller la plaque, luttant pour glisser la lame de son poignard entre le métal et les pierres, sans grand succès. Ses tentatives lui valurent plusieurs entailles sur les mains et les poignets.
Après quelques heures d'efforts, qui le laissèrent essoufflé, transpirant et les muscles de ses bras douloureux, il suspendit ses essaies car, à nouveau, les jardins se remplissaient.
Ne se décourageant pas,refusant de permettre à une stupide plaque de métal de le séparer de Nigel, il revint durant les heures du milieu de la journée,durant lesquelles la majorité des occupants du palais restaient à l'intérieur pour le déjeuner, garantissant une certaine tranquillité à Gaëlan.
Ses tentatives de la matinée avaient légèrement fragilisé les fixations de la plaque, qui s'agitait quelque peu dans la lucarne qu'elle obstruait mais pas davantage.
Ce manège dura quelques jours, Gaëlan s'acharnant contre la plaque pendant les heures les plus paisible et profitant des autres pour explorer le palais de manière à s'accoutumer à ses couloirs et connaître les patrouilles pour prévoir un itinéraire de fuite une fois qu'il aurait fait sortir Nigel du laboratoire.
Heure après heure, il travailla à desceller la plaque, qui tremblait de plus en plus entre les pierres du mur mais qui refusait toujours de céder.
Les mains du jeune homme étaient dans un triste état à cause de toutes les blessures qu'il se causait et la frustration brouillait ses réflexions. Sans compter que les fumées qui s'échappaient parfois de la plaque lui irritaient la poitrine, la gorge, le faisaient pleurer ou tousser. Son unique avantage était que, de toute évidence, Léhodore ne le considérait pas comme suffisamment dangereux pour le faire réellement surveiller, sinon, il n'aurait jamais pu agir de la sorte.
Alors que la soirée tombait lentement, Gaëlan était encore agenouillé devant la plaque, à lutter pour la desceller.
Soudainement, le jeune homme capta une certaine agitation dans la pièce que la plaque l'empêchait toujours d'atteindre. Ses sourcils se froncèrent.
Au cours des derniers jours passés agenouillés au pied de ce mur, il avait entendu quelques sons s'échapper à travers les trous de la plaque,notamment des sifflements ou des bruits de bouillonnements, échos des protocoles d'expériences dans le laboratoire, mais ce qui lui parvenait actuellement en différait. Il croyait entendre des éclats des voix puis un fort fracas résonna, effrayant Gaëlan qui eut le réflexe d'un mouvement de recul, à moitié allongé parmi les fleurs fanées.
La rumeur d'une violente querelle, et même d'une empoignade, gagnèrent en intensité en se prolongeant durant quelques minutes, qui parurent des heures à Gaëlan alors qu'il se demandait ce qu'il se passait, légèrement effrayé.
Des coups contre la plaque aux attaches fragilisées l'ébranlèrent puis, dans un pénible crissement, elle fut arrachée.
Le laboratoire était enfin accessible après des jours d'efforts mais Gaëlan en était tellement stupéfait qu'il ne songea même pas à bouger. De toute manière, il n'aurait pu utiliser cette porte dérobée car quelqu'un s'y hissait déjà, les épaules frottant contre les parois de pierres, menaçant de le retenir.
Les yeux écarquillés, le jeune homme fixa Lysange, qui s'extirpait de la lucarne.

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