Chapitre 21 - Echappés
D'après les évaluations d'Abélianne, cela faisait déjà plusieurs jours qu'ils étaient tombés dans le piège de Léhodore et Manolis et qu'ils croupissaient dans cette cellule des sous-sols du palais de Tikkr'eth.
Ayant constaté que s'acharner contre la porte ou hurler leur rage en frappant contre les murs ne les aurait amené nulle part, sauf à se blesser ou à se causer des maux de tête,inutilité confirmée par Inniël qui avait testé les résistances de sa cellule avant eux, Nigel et Torrie avaient fini par cesser de s'agiter mais leur colère à l'égard de Léhodore, Manolis, Lysange et Ysandre ne s'apaisa pas, couvant simplement dans leur poitrine.
Le choc de la trahison de leurs compagnons s'était estompé, leur permettant de retrouver l'ensemble de leurs moyens,mais pas leur incompréhension. Malgré les efforts et la réflexions d'Abélianne, les motivations qui avaient poussé leurs compagnons à se détourner d'eux pour se ranger aux côtés de Léhodore leur échappaient toujours. Du moins, elles échappaient à Abélianne car Nigel estimait qu'il ne possédait tout simplement pas les capacités pour comprendre et que Torrie refusait de pouvoir comprendre, se contentant de maudire leurs anciens camarades.
Durant leurs années d'activité et même depuis leur réunion récente, les Déchus avaient parfois eu des dissensions pour différentes raisons, les caractères de chacun ne s'accordant pas toujours,certaines disputes avaient déjà secoué leur groupe mais jamais ils ne s'étaient trahis les uns les autres, détourné les uns des autres, la seule fois où il s'était séparé avait été car ils y avaient été obligés, jamais le lien si solide qui unissait chacun des Déchus les uns aux autres ne s'était fragilisé ni ne s'était délité, jusqu'à aujourd'hui. Des personnes extérieures n'auraient certainement pas pu saisir l'ampleur de ce qui les unissait mais ils étaient encore plus proches qu'une famille, s'étant construit des relations pour ne plus être seuls dans ce monde qui les rejetait à cause de leur différence,appartenir aux Déchus définissait presque une partie de leur identité sauf que, à présent, il ne restait plus grand-chose de tout cela, ça avait été brisé par Manolis, Lysange et Ysandre,qui les avaient abandonnés.
Jamais ils n'auraient pu envisager que leurs compagnons fassent ce genre de choix. D'ailleurs,personne parmi eux n'avait soupçonné Manolis de leur tendre un piège avant de se retrouver face à l'évidence.
Les questions sur leurs camarades et sur ce qu'il allait pouvoir leur arriver pour s'être opposé à Léhodore rythmaient les jours qu'ils avaient passé dans cette cellule, en plus des quelques repas qu'on leur servait régulièrement.
Le temps paraissait particulièrement long dans cette cage sombre et exiguë alors, pour tromper leur ennui, ils conversaient ensemble ou tentaient de créer des jeux, y compris avec Inniël et Morcia. Malgré la rancœur que tous trois éprouvaient pour le premier et la méfiance qu'ils ressentaient envers la deuxième, ils étaient tous des compagnons d'infortune actuellement et dans la même situation. Peut-être même auraient-ils pu devenir des alliés pour une possible évasion, même si celle-ci paraissait difficile.
Après plusieurs reprises depuis le commencement de leur captivité, ils avaient reçu la visite de ce qu'ils avaient déterminé être des assistants du docteur Centhvint accompagnés de soldats pour les immobiliser pendant que les premiers leur faisaient des injections pour inhiber leurs capacités non-humaines ou bien pour leur prélever du sang,certainement pour servir de matériel pour les expériences de Dimitri.
Les trois Déchus avaient bien évidemment songé que ces visites violentes auraient été l'occasion de tenter de fuir mais les gardes s'assuraient toujours qu'ils ne puissent rien tenter,aidés par les entraves qui les retenaient encore.
Dans la cellule voisine, Inniël subissait le même traitement.
Seule Morcia était épargnée, n'étant pas de nature partiellement non-humaine, et elle demeurait dans un recoin de la cellule, impuissante.
Si ces compagnons d'infortune s'interrogeaient sur le sort qu'on leur réservait en s'en inquiétant, la jeune femme à la peau ébène s'angoissait encore davantage. Après tout, n'étant qu'une simple humaine, qui plus était une criminelle qui propageait le trafique de rêve irisé, elle n'intéressait certainement pas les têtes pensantes de ces recherches, Léhodore et Dimitri. Par ailleurs, les propos qu'avaient tenu le souverain à son égard lors de leur capture, annonçant qu'elle pourrait toujours servir pour le travail de Dimitri, certainement comme cobaye, n'étaient nullement pour la rassurer. Même en ignorant quel but il poursuivait exactement avec ses expériences, cette perspective l'angoissait particulièrement, sans parler de l'inquiétant décors du laboratoire.
Contrairement aux quatre autres détenus, notamment Nigel et Torrie, elle ne parlait pas beaucoup, pensant à la possibilité de, à l'instar des Déchus, se transformer partiellement en une ressortissante des anciens peuples. Même le Marchand de Sable n'aurait pu soumettre et contrôler une personne possédant les pouvoirs des peuples déchus. Si elle avait eu la garantie que les expériences auraient été couronnées de succès,elle se serait elle-même proposé comme cobaye avec plaisir mais il lui semblait plus probable de subir des tortures inimaginables jusqu'à mourir.
Ces quelques jours de captivité furent ainsi partagés entre le silence de Morcia, les inquiétudes de Nigel pour Gaëlan, les réflexions d'Abélianne, l'acidité d'Inniël, la colère de Torrie et les agressions des chercheurs du laboratoire.
Alors qu'il répétait encore ses interrogations angoissées sur le sort de Gaëlan, se préoccupant bien davantage de la situation de son amant que de la sienne, usant la patience de Torrie et d'Inniël, qui se demandaient si il était trop idiot pour s'exprimer mentalement plutôt qu'à voix haute, Nigel s'interrompit soudainement sans que Torrie n'ait à le menacer de le frapper, ce qu'elle hésitait à faire. Son ouïe aiguisée venait de capter le son de pas se dirigeant vers leurs deux cellules.
Son premier réflexe aurait été de penser qu'on venait simplement leur apporter leur repas mais, grâce aux comptes d'Abélianne, qui évaluait ainsi le temps qui s'écoulait dans ce sous-sols, leur prochain repas ne serait pas avant quelques heures. L'autre possibilité était donc qu'on venait encore leur prélever du sang.
N'ayant toujours pas renoncé à une tentative d'évasion, leurs échecs précédents ne l'ayant nullement découragé, Nigel avertit ses trois camarades d'infortune mais elles se montrèrent plus mitigées que lui sur leurs chances.
Se tenant néanmoins prêts, ils guettèrent l'approche de ces pas à côté de la porte. Ils captèrent quelques paroles échangées à voix basse puis le cliquetis d'une clé dans une serrure mais pas celle qui verrouillait leur cellule.
Le timbre d'Inniël s'éleva avec morgue pour demander ce qu'on lui voulait. Cette simple question suffisait à indiquer qu'il ne s'agissait pas d'une visite des assistants de Dimitri car Inniël ne savait que trop bien les identifier.
En effet, face au demi-elfe, qui se tenait en retrait dans sa cellule, sur la défensive, se trouvaient trois gardes, qu'il ne croyait pas avoir déjà vus dans ces sous-sols,sans aucun des chercheurs officiant dans le laboratoire. Quelque chose n'était pas normal.
Visiblement surpris de découvrir Inniël dans la cellule, les trois hommes échangèrent un regard en semblant se demandant que faire, ce qui donna au demi-elfe le temps de se préparer.
« On cherche l'envoyée du Marchand de Sable. Annonça l'un des gardes, de toute évidence incertain.
- Mauvaise cage.
Lança Inniël d'un ton dur et, avant que les gardes, qui ne paraissaient pas vraiment savoir que faire ni ce qu'ils faisaient exactement dans ces sous-sols, il leur bondit dessus.
Même si il ne pouvait user de ses capacités de demi-elfe, souffrant toujours de l'effet des injections qui bloquaient ses pouvoirs, il demeurait agile et un combattant aguerri, malgré les nombreuses blessures encore douloureuses que lui avaient laissées les interrogatoires des chercheurs.
Passant dans le dos du soldat le plus proche, il lui saisit fermement le visage puis, effectuant une violente torsion, il lui brisa la nuque dans un craquement sonore. Avant que le corps ne s'affaisse, Inniël attrapa la poignée de l'épée qui dépassait à son côté et la dégaina.
Les deux soldats encore debout allèrent pour en faire de même, mais celui à la droite d'Inniël eut seulement le temps de porter la main à son arme avant que sa poitrine ne soit transpercée de part en part et qu'il ne s'écroule à côté de son collègue.
Légèrement déséquilibré par le poids de l'épée qu'il maniait, bien différent de celui de sa double-lame parfaitement adaptée à sa main et auquel il n'était pas habitué, Inniël tituba de quelques pas vers l'avant. Ne s'étant toujours battu qu'avec ses armes, qu'il invoquait depuis son enfance, il n'avait vraiment pas coutume de se battre avec des armes ordinaires qui n'étaient pas parfaitement calibrées pour lui. Sans compter que ce poids tirait sur ses plaies.
Le dernier garde en profita pour dégainer son épée et la brandir face à Inniël. Ce dernier se fendit d'un sourire à la fois méprisant et moqueur. Ce jeune soldat qui ne semblait même pas comprendre ce qu'il se passait dans ces sous-sols pensait-il réellement parvenir à affronter un demi-elfe guerrier ?
Lui prouvant immédiatement que non, Inniël attaqua brutalement. Son épée s'entrechoqua contre celle du garde si violemment que ses bras en vibrèrent.
Malgré sa faiblesse due à ses nombreux jours de captivité à se lamenter presque au point de se laisser mourir de culpabilité et ses blessures qui se rappelaient à lui en s'élargissant à chacun de ses mouvements, Inniël harcela le pauvre garde de coups, qui finirent tous contre l'épée adverse,ainsi, le soldat se focalisa sur la lame d'Inniël en se concentrant uniquement sur la défense du haut de son corps, oubliant le bas.
Inniël porta un coup latéral, qu'il laissa intentionnellement être paré, et, dans le même temps, il faucha les jambes du garde. Ce dernier chuta durement en arrière et, avant qu'il ne comprenne ce qu'il venait de se passer pour qu'il ne comprenne ce qu'il venait de se passer pour qu'il se retrouve subitement à terre, Inniël lui planta sa lame en travers de la poitrine.
Certainement aurait-il pu se débarrasser de ces trois-là beaucoup plus rapidement mais ses muscles souffraient du manque d'activité du à son emprisonnement et il en avait profité pour effectuer un peu d'exercice, tout en s'efforçant de ménager les séquelles de ses tortures.
Derrière lui, la porte qui retenait toujours les quatre autres tremblait sous les assauts de ces derniers alors que Nigel l'appelait en lui demandant ce qu'il se passait.
Face à tant de nervosité, Inniël soupira en levant les yeux au ciel. Ne pouvaient-ils pas se calmer ?
Pour lui qui avait passé les dernières décennies dans la tranquillité du cœur sauvage de la forêt de Lithyneth, toute cette agitation n'était que difficilement tolérable.
Ne se fatiguant pas à répondre aux cris de Nigel, le demi-elfe s'agenouilla auprès des trois cadavres qu'il avait laissés pour les fouiller. Sur l'un des gardes, il trouva une énorme bourse particulièrement gonflée, une somme étonnement importante pour un simple soldat, mais il s'intéressait plutôt au trousseau de clés qu'il récupéra.
Après quelques essaies, il trouva celle qui s'insérait dans la serrure emprisonnant les trois Déchus et Morcia.
S'élançant certainement une nouvelle fois contre la porte, Nigel s'effondra lourdement aux pieds d'Inniël lorsqu'il ouvrit le battant. Entravé par ses liens, il ne parvint pas à se relever.
Surprises par cette soudaine ouverture, Torrie et Abélianne glissèrent un regard dans le couloir alors que Morcia se relevait derrière elle.
Aidant Nigel, Inniël le libéra de ses entraves, les tranchant de la lame de l'épée qu'il s'était appropriée, puis il s'occupa ensuite de celles des trois jeunes femmes.
Examinant les cadavres des gardes gisant au sol, récupérant la bourse bien remplie, Torrie demanda :
- Qu'est-ce qu'ils venaient foutre ici, ceux-là ? Ils sont clairement pas de le trempe de ceux qu'on a vus ici.
- Ils ont dit qu'ils cherchaient un envoyé du Marchand de Sable. Expliqua Inniël dans un haussement d'épaules alors que les regards des trois Déchus convergeaient vers Morcia.
- Costa a dû charger ses hommes de me ramener et ils ont corrompu de jeunes gardes pour me faire sortir. C'est bien son style. Déduisit Morcia.
- Et bien, il doit sacrément tenir à toi. Lança Torrie et Morcia détourna les yeux.
- On s'en fout ! On est libre alors on fonce ! »
Déclara Nigel et il alla pour s'élancer dans le couloir sans même savoir où il se dirigeait, se précipitant sans réfléchir, comme à son habitude, mais Abélianne le retint en le saisissant par le bras. Il leur fallait au moins une vague stratégie pour s'échapper si ils ne souhaitaient pas se faire de nouveau capturer immédiatement.
Sur les conseils de la jeune femme, Nigel, Torrie et Inniël retirèrent leurs uniformes aux trois gardes pour les enfiler et ils s'armèrent également de leurs épées. Abélianne espérait pouvoir faire croire que des soldats transféraient certains des prisonniers, même si ce plan comportait de très nombreuses failles.
Pour plus de prudence, Inniël camoufla les longueurs de ses oreilles sous sa chevelure rousse, Nigel en fit soigneusement de même pour son œil gauche et Torrie reprit certaines de ses anciennes habitudes pour se faire passer pour un homme, exercice où elle était déjà rodée.Il suffisait à présent de ne pas s'égarer dans les couloirs du palais et que personne ne remarque le sang et les déchirures sur deux des uniformes.
Leur stratégie apparaissait particulièrement bancale et sommaire mais il leur fallait s'en contenter. Seul Nigel ne paraissait pas réaliser le peu de solidité de leur plan et ses compagnons durent à nouveau l'empêcher de se ruer au-devant d'eux sans réfléchir.
Se souvenant du trajet effectué sous l'escorte des gardes, surtout dans le cas d'Abélianne et Morcia, ils s'orientèrent dans les sous-sols jusqu'au laboratoire, ne connaissant pas d'autres moyens d'en sortir qu'en passant parla large pièce. Y pénétrant, ils se tendirent, les sens aux aguets, comptant particulièrement sur l'ouïe développée d'Inniël mais, avec tous les fourneaux et autres instruments qui sifflaient, vibraient ou vrombissaient autour d'eux, ils peinaient à capter les signes de présence humaine par-dessus tous ces sons parasites.
Sur leurs gardes, ceux ayant récupéré une arme se tenant prêts à dégainer, ils entreprirent de traverser le laboratoire. Par chance, personne ne paraissait s'y trouver.Peut-être l'heure ne se prêtait-elle pas à y travailler mais ils ne pouvaient en être certains, leur compte du temps étant déréglé par leur captivité loin de toute fenêtre malgré leurs efforts.
Soudainement, contournant un large fourneau de cuivre,ils tombèrent face à quelqu'un qui leur était initialement camouflé par le matériel.
Penchée sur son travail malgré l'heure, Dimitri perçut les regards des fugitifs sur lui et se redressa pour leur faire face. Une légère surprise passa sur ses traits en les découvrant face à lui, surtout vêtus d'uniformes aux couleurs de Névinda pour trois d'entre eux, mais il se reprit presque immédiatement sans rien laisser transparaître dans son attitude.
Nigel, Torrie et Inniël s'apprêtèrent à dégainer malgré le manque d'aise dont ils souffraient avec ces épées, Inniël en premier, mais, avant de se faire attaquer, Dimitri lança sans sembler inquiet :
« Je vous conseille de passer par l'autre côté, vous serez plus rapidement sortis et vos affaires sont là-bas, elles vous seront certainement utiles.
- Gaëlan ! Bondit Nigel. Il est où ?
- J'ai entendu dire que Léhodore l'avait fait ramener chez lui. Répondit Dimitri.
- Il est...plus là ? Réalisa Nigel, soudainement abattu alors que l'idée de la distance qui le séparait de son amant le frappait.
- On peut savoir pourquoi vous nous aidez ? Se méfia Inniël.
- Je...ne suis pas comme mon père... »
Souffla Dimitri en réponse en détournant le regard sur le côté.
Cette étrange justification n'expliquant que peu de chose ne leur suffisant pas, Inniël et Abélianne allèrent pour exiger davantage de précisions, n'allant pas se contenter de cela alors que leur liberté était en jeu, mais Torrie les prit de vitesse en hochant le menton à l'adresse de Dimitri. Elle comprenait ce que signifiaient ces paroles et elles lui suffisaient comme preuve de bonne foi.
Ne permettant pas à ses camarades d'exposer leur méfiance, elle se dirigea dans la direction indiquée par Dimitri en entraînant ses compagnons derrière elle. Ces derniers lui emboîtèrent le pas avant de la perdre, se séparer représentant un risque non négligeable dans leur situation, néanmoins très étonnés pour Nigel et Abélianne, surpris que Torrie se fie si aisément à Dimitri, elle qui n'avait pourtant pour habitude de ne compter que sur elle-même sans jamais croire personne sur parole.
Confirmant néanmoins la sincérité de Dimitri, ils découvrirent tous les effets personnels rangés dans un recoin du laboratoire, là où le jeune médecin le leur avait indiqué. Chacun retrouva ses affaires avec plaisir, surtout pour Torrie et Nigel puisque Abélianne et Inniël devaient encore attendre que les effets des injections se dissipent.
Dimitri ayant donc prouvé qu'ils pouvaient lui accorder confiance, en tout cas pour leur fuite, ils suivirent la direction qu'il leur avait conseillée et ils s'extirpèrent enfin des sous-sols, sortant à l'air libre dans l'étroit passage entre le palais et la muraille l'entourant.
Sortant, ils comprirent pourquoi ils n'avaient rencontré que Dimitri dans le laboratoire. Le ciel grisâtre indiquait que la matinée en était seulement à ses prémices, l'aube n'étant qu'un vague espoir à peine lumineux au-delà de l'horizon. La majorité des habitants de Tikkr'eth, y compris les chercheurs sous la direction de Dimitri.
Pour la première fois depuis des jours, encore plus pour Inniël, ils se trouvaient à l'extérieur et non dans une petite cellule obscure, pouvant respirer l'air frais, mais ils ne purent en profitent davantage. Ils étaient toujours au sein du palais, ils ne s'étaient pas encore échappés.
Une petite porte de service s'ouvrant dans la muraille se situait non loin du discret accès au laboratoire, il ne leur restait plus qu'à la franchir. Par chance,les trois gardes corrompus avaient préalablement dégagé la voie et elle était libre.
Toujours sur leurs gardes, ils s'y dirigèrent, seulement séparés de la liberté de quelques mètres,mais on les invectiva soudainement depuis le chemin de ronde sur la muraille. Un garde les avait repérés.
Alors que Nigel s'affolait légèrement et que Inniël réfléchissait déjà à comment atteindre ce soldat pour le supprimer avant qu'il ne donne l'alerte, Torrie poussa Morcia devant elle pour la faire avancer en adressant un signe au garde lui assurant que tout allait bien et qu'il pouvait tranquillement retourner à sa tâche.
Stupéfaits,Nigel et Inniël fixèrent leur camarade de leur regard écarquillé, se demandant comment elle pouvait ne pas réaliser la situation visiblement, alors qu'Abélianne souriait, jugeant que Torrie venait d'avoir une excellente réaction. Les autres ne partageant apparemment pas son avis et ne comprenant pas, Sang d'Ombre pointa discrètement leurs vêtements à Inniël et Nigel.
Vêtus d'uniformes, tout comme Torrie, ils passaient pour des collègues auprès des gardes sur le chemin de ronde. Grâce à la distance et à la pénombre, l'homme ne pouvait constater qu'il ne les connaissait pas et que les uniformes de deux d'entre eux étaient tachés de sang.
Imitant Torrie, Nigel et Inniël tirèrent Abélianne et ils se pressèrent de passer la porte et de disparaître dans les rues de la capitale avant que le garde ne s'interroge davantage.
Une fois que le palais fut derrière eux, ils se relâchèrent légèrement et réfléchirent à la suite des événements qui les attendait.
Ne participant pas à leurs réflexions, Morcia les laissa pour retrouver ceux que le Marchand de Sable avait envoyés pour la ramener, ceux qui avaient payés les trois gardes, retournant à Béathla.
De son côté, Inniël préféra rester aux côtés des trois Déchus fuyards, même si ces derniers ne lui faisaient pas réellement confiance, ignorant toujours que faire de sa vie sans le sanctuaire à surveiller. Par ailleurs, lui aussi se posait de nombreuses questions sur les activités exactes de Léhodore et Dimitri et, s'en inquiétant également, découvrir de quoi il retournait précisément semblait être dans ses intentions. Peut-être espérait-il également avoir ainsi l'occasion de recroiser le chemin de Lysange et de la ramener à la raison. Sans compter qu'aider ses compagnons aurait été une bonne manière pour s'excuser auprès d'elle, soignant ainsi sa culpabilité.
Abélianne et Nigel tombèrent d'accord pour dire qu'ils devaient s'intéresser de plus près à ce que recherchait Léhodore et, si il le fallait, le contrecarrer, ce qu'approuva Inniël, cependant, Torrie ne se montra pas aussi concernée par cette affaire. Toute cette histoire ne les regardait plus à présent– ils avaient réussi à s'échapper alors pourquoi s'y impliquer à nouveau ? Par ailleurs, elle ne souhaitait pas trouver de justifications ou d'excuses à Lysange, Ysandre et Manolis. A ses yeux, ils étaient des traîtres qui les avaient abandonnés et elle ne voulait plus rien savoir sur eux, ni même les revoir, ce qui risquait de se produire si ils se mêlaient de cette affaire.
Refusant donc de suivre ses compagnons, elle alla pour imiter Morcia et les laisser mais, alors qu'elle tournait les talons, elle se figea, son esprit envahi de doutes.
Pouvait-elle réellement retourner à la solitude comme ces dernières années ? Elle n'avait jamais eu besoin de personne pourtant, sa motivation à demeurer seule pour courir Thamarèthe paraissait la fuir.
Pouvait-elle réellement légitimement se détourner de ses compagnons, ignorer délibérément le lien qui les unissait encore les uns aux autres, alors qu'elle reprochait justement à Manolis, Ysandre et Lysange d'avoir fait la même chose ?
Sans compter que les images du laboratoire de Dimitri s'imposaient dans son esprit, se mêlant à celles de celui dans les sous-sols du palais de Sémoth, en se superposant à ses souvenirs de celui où elle avait passé de trop nombreuses années.
Pouvait-elle fuir et permettre à ce qu'elle avait subi de se reproduire, d'arriver à d'autres personnes ?
Elle avait détruit le premier laboratoire qui l'avait retenue mais ça n'avait pas suffi. Il fallait qu'elle termine ce qu'elle avait commencé.
Dans un grognement contrarié de ne pouvoir tout simplement pas partir comme elle l'aurait préféré, Torrie revint auprès de ses camarades, leur indiquant implicitement qu'elle les accompagnait.
Même si ils étaient à présent d'accord sur que faire, ils ignoraient comment s'y prendre. Ils venaient de s'échapper du palais royal, ce n'était certainement pas pour y retourner.
Proposant une solution, Nigel déclara :
« On a besoin de Gaëlan ! Il est super intelligent ! Abby et lui pourront trouver quoi faire !
- Tu veux juste retrouver ton petit copain. Marmonna Torrie.
- Oui, reconnut Nigel, surtout qu'il est sûrement dans la merde à cause de nous !
- Je suis assez d'accord. Gaëlan a largement gagné sa place parmi nous, nous ne pouvons l'abandonner, et je pense effectivement que ses réflexions nous seront très utiles. Approuva Abélianne.
- Alors on va le chercher ! Décréta Nigel. Direction Eluville ! »
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