Chapitre 19 - Les conversations de Tikkr'eth
Lysange et Ysandre regardèrent leurs compagnons toujours solidement entravés se faire reconduire en cellule en criant, se débattant ou jurant,notamment pour Torrie et Nigel.
La jeune femme détourna le regard sur le côté en serrant les poings mais elle ne réagit pas davantage, contrairement à Ysandre. Peinant à endurer cette scène,il se dirigea vers leurs camarades prisonniers en tendant la main dans leur direction mais Manolis le retint d'une paume sur l'épaule en secouant tristement la tête de gauche à droite.
Si il s'opposait trop manifestement au traitement que Léhodore réservait à leurs compagnons, il irait très rapidement les rejoindre encellule or, il avait fait le choix de se ranger aux côtés du souverain pour une bonne raison.
Se le répétant mentalement,Sang d'Ange imita l'immobilité de Lysange et Manolis, les ailes basses et la gorge nouée.
Léhodore attendit que les trois Déchus récalcitrants aient disparu, entraînés par les gardes, et que leurs cris soient étouffés par les épais murs des sous-sols puis il se tourna vers Lysange et Ysandre, sur qui il posait un regard encore plus méprisant que sur les autres, pour déclarer :
« Bien. Inutile de vous préciser que les autres royaumes n'ont pas été informés de notre arrangement et que vous devez donc observer une certaine discrétion tant que vous évoluerez entre ces murs. Vous n'aurez donc évidemment pas accès à l'ensemble du palais.Monsieur Naxwell vous expliquera.
- On est autant en cage que les autres. Grinça Lysange.
- Vous pouvez rejoindre vos camarades dans leur véritable cage, menaça Léhodore et Lysange détourna le visage dans un claquement de langue. Bien. Je n'ai pas autre chose à vous dire. Le docteur Centhvint vous expliquera le reste.
Là-dessus, Léhodore se détourna de ses interlocuteurs sans la moindre cérémonie, manifestant ainsi le peu de respect qu'il leur accordait. Face à lui, Manolis s'inclina et il tira sur les manches de Lysange et Ysandre pour les obliger à en faire de même, sachant qu'il valait mieux contenter le souverain en suivant les règles de l'étiquette, surtout tant qu'ils étaient à son service, quelles que soient leur raison.
Léhodore sembla effectivement satisfait mais un rictus contrarié tordit ses traits lorsque Dimitri se présenta, revenant des cellules où il avait accompagné les gardes et les trois prisonniers jusqu'aux cellules.Le jeune savant ne se courba pas en une révérence alors que le roi quittait la pièce, comme il aurait normalement dû être de rigueur,il ne lui adressa même pas un regard, visiblement plongé dans ses réflexions.
Ne paraissant toujours pas s'apercevoir qu'il était à l'origine de cette réaction du souverain, Dimitri s'appuya contre l'un des murs, le menton serré entre ses doigts. Ses yeux gris remuaient dans leurs orbites, comme pour tenter de suivre le fil de ses pensées qui s'enchaînaient rapidement dans son esprit.
Le désignant d'un geste, Manolis le présenta à Lysange et Ysandre :
- C'est le docteur Centhvint, enfin, Dimitri. Je sais pas vraiment ce qu'ils cherchent à faire ici et il est plutôt...bizarre.
- Ouais, ça, je sais !
Grogna Lysange avant de se jeter sur Dimitri, l'extirpant brutalement de ses réflexions. Le saisissant par le col de sa chemise, en l'étranglant à moitié, elle le plaqua violemment contre le mur,lui frappant l'arrière du crâne contre les pierres.
Grimaçant,il attrapa par réflexe le poignet de la jeune femme, se demandant ce qui lui valait un tel traitement, question que se posait également Ysandre et Manolis, ne comprenant pas pourquoi Lysange réagissait de la sorte.
- Alors, tu nous as espionnés depuis Bassarèth ou ça date d'avant ? Siffla Lysange en secouant Dimitri.
- Non, c'était juste une coïncidence ! Assura le jeune savant d'une voix étranglée.
- Ah oui ? Quelle coïncidence ! Ironisa Lysange. Tu disais vouloir trouver un moyen de soigner les épidémies, tu parles ! En fait, tu bosses à faire je sais quelle saloperie !
- L'un n'empêche pas l'autre. Affirma Dimitri.
- Lys, arrête. Il est sincère.
Intervint Ysandre, une main sur les avant-bras bandés de la jeune femme, l'enjoignant à libérer Dimitri.
Etrangement, il ne captait pas de mauvaises intentions émaner du jeune savant, seulement une profonde volonté d'atteindre son but. Sans compter que, si il souhaitait véritablement comprendre ce qu'il se passait à Tikkr'eth, ils auraient probablement besoin de lui.
Peinant visiblement à croire totalement Ysandre mais se fiant néanmoins à lui, Lysange accepta de lâcher Dimitri dans un sifflement agacé.
Une certaine tension pesait à présent dans le laboratoire et Ysandre craignait que son explosion ne desserve ses intérêts.
Soudainement,le rire réjouit de Manolis emplit la pièce, brisant le silence pesant et désamorçant cette lourde tension.
Surpris, les trois autres le fixèrent, en pleine incompréhension, mais seul Dimitri n'y accorda que peu d'importance. Ce n'était pas la première fois qu'une réaction d'une autre personne que lui-même lui échappait et certainement pas la dernière.
Se reprenant après plusieurs secondes de rire, Manolis sourit largement alors que son regard masqué se posait sur Ysandre et Lysange à qui il s'adressa :
- J'ai pas eu l'occasion de vous le dire avec Lého dans les pattes mais je suis vraiment heureux de vous revoir !
- Ouais, c'est vrai que ça fait plaisir ! Reconnut Ysandre en rendant son accolade fraternelle à Manolis, qui se tourna ensuite vers Lysange mais la jeune femme ne partagea pas la clémence de son camarade.
- Va te faire foutre, crache t-elle. Sans toi, on serait pas dans cette putain de situation ! Tu nous as vendus et la moitié d'entre nous croupit dans une cellule ! J'espère que ça valait le coup de foutre en l'aire le lien entre les Déchus !
- Je comprends... Je m'attendais à ce que vous m'en vouliez mais... Commença Manolis.
- Mais rien du tout ! L'interrompit Lysange. Tu fermes ta gueule et c'est tout ! Sang de Gorgone le Guide, Sang de Gorgne le Traitre, ouais !
- Si vous voulez crier, allez ailleurs. J'ai besoin d'un peu de calme pour me concentrer.
L'attention générale se focalisa à nouveau sur Dimitri, qui venait ainsi de réclamer davantage de tranquillité d'un ton neutre et égal,comme si il ne réalisait pas pleinement que certains des êtres les plus puissants et dangereux de Thamarèthe s'emportaient à côté de lui.
Sans se soucier du fait qu'une querelle démarrait juste à côté de lui ou de celui d'avoir été violemment secoué par Lysange il y avait seulement quelques minutes, n'ayant pas réajusté le col de sa chemise, le jeune homme s'était penché sur l'une des tables du laboratoire et était occupé à couvrir une feuille de formules et de symboles dont il était actuellement le seul à comprendre la signification.
Les trois Déchus le fixèrent un instant, stupéfaits par ce comportement si détaché, comme si il ne s'apercevait pas réellement de ce qu'il se passait autour de lui. Manolis était certainement un peu moins surpris que Lysange et Ysandre, ayant déjà régulièrement côtoyé Dimitri depuis son arrivée au palais, sans compter que l'attitude du jeune savant et ses étrangetés lui importaient actuellement bien pu.
Les paroles chargées de venin de Lysange se répétaient dans son esprit en creusant la profonde blessure qu'elles lui avaient causée à la poitrine. Son visage était blême et ses mains tremblaient légèrement alors que ses épaules soudainement bien basses semblaient ployer sous un grand poids.
Il savait pertinemment qu'il avait trahi ses camarades, il en avait d'ailleurs perdu le sommeil et la capacité de se regarder dans un miroir, cependant, il avait nourri l'espoir qu'ils auraient pu comprendre et eux étaient parfaitement capables de se défendre, contrairement à Elhouan.
Même si il en souffrait profondément et ne se le pardonnait pas, il avait fait le choix qui lui avait paru le plus raisonnable, partagé par ce dilemme.
La colère de ses compagnons était néanmoins légitime, il concevait leur fureur, mais leurs accusations et leurs injures le touchaient encore plus qu'il ne le pensait. Même si il avait eu ses raisons d'agir comme il l'avait fait, qu'il se justifiait en se répétant quotidiennement cela, la solitude qui le rongeait s'était encore intensifié, le rapprochant probablement de la folie.
Il l'avait oubliée un court instant lorsqu'il avait fait face à tous ses compagnons des Déchus, tous réunis et pour lui qui plus était, mais il avait très rapidement déchanté en découvrant la colère et la haine qu'ils lui manifestaient, avec raison.
Les mots accusateurs de Lysange rendaient cette solitude encore plus intense. Son sentiment de vide se révélait encore pire que celui qu'il avait enduré durant des années car, à présent, même si il était entouré de certains de ses proches, il demeurait seul et certainement serait-ce ainsi pour toujours.
Sa seule chance était d'espérer qu'ils finissent par comprendre, ce qui, à en juger par la colère de Lysange, semblait mal engagé.
Heureusement, le jugement d'Ysandre sur sa trahison ne paraissait pas aussi péremptoire que ceux de leurs camarades. D'ailleurs, le jeune homme ailé serra sa main sur son épaule en un geste de soutien réconfortant, captant toute sa détresse face à la réaction de Lysange. Visiblement, lui se doutait et devinait qu'il n'avait pu les trahir sans raison.
Manolis préféra néanmoins ne pas s'attarder dans le laboratoire et se pressa de le quitter en entraînant Ysandre à sa suite, pour lui montrer les secteurs du palais auxquels ils avaient accès. Au moins, hors de la salle si particulière, leur sentiment de malaise si oppressante s'estompa lentement.
Malgré celle-ci, Lysange, elle ne quitta pas les lieux, n'ayant aucune envie de se retrouver à proximité de Manolis, ou peut-être cherchait-elle à le préserver car elle se sentait capable de l'étrangler.
Les poings serrés, elle demeura à grommeler entre les fourneaux de cuivre et les tables chargées d'étranges matériels. Après plusieurs secondes, elle perçut un regard insistant pesant surelle.
Se retournant plutôt vivement, elle vrilla les yeux sur Dimitri, le visage toujours furieux. Le jeune chercheur préféra se pencher à nouveau sur son travail, semblant de rien, mais Lysange avait déjà surpris son regard sur elle et elle lui demandant agressivement ce qu'il lui voulait. En réponse, Dimitri secoua la tête de gauche à droite sans formuler un mot.
Pour une raison ou une autre, Lysange demanda au jeune homme, toujours grinçante, les bras croisés sur la poitrine :
- C'était vraiment une coïncidence qu'on se rencontre une première fois à Bassarèth ?
- Oui. J'ai été aussi surpris que vous quand je vous ai vue avec vos compagnons. Mais finalement, ce n'est pas très important. Répondit Dimitri dans un haussement d'épaules. D'ailleurs, je voudrais vous présenter mes excuses. A Bassarèth, je vous ai mise en colère, je crois. Je ne sais pas vraiment pourquoi mais désolé. J'ai souvent...du mal lorsqu'il s'agit d'interagir avec les autres...
- Moi non plus... Reconnut Lysange dans un sourire triste.
- J'ai cependant l'impression que c'est pour deux raisons différentes. Nous ne semblons pas avoir beaucoup de points en commun. Ajouta Dimitri comme un simple constat.
- Quoi ? Tu te crois meilleur que moi, c'est ça ?
- Non, pas du tout... Je suis sûrement pire mais j'espère que ça s'arrangera un jour, j'espère ne plus...entendre hurler...
- Encore l'espoir, hein ? Quelle connerie ! J'espère arriver à quelque chose alors j'ai laissé tomber ma famille ! Et maintenant, j'ai plus que cet espoir à la con ! Merde !
- Mais il vous reste encore quelque chose. Sans espoir, la vie est beaucoup trop vide, trop sombre.
- A quoi ça sert d'espérer puisque les espoirs sont toujours déçus et que tout nous est toujours arraché ?
- Ça se réfléchit j'imagine... Mais je suis sûr que votre vie serait moins pesante si vous vous laissiez aller à espérer.
- Tu es en train de me dire comment vivre ma vie ? Rugit Lysange.
- Non. Enfin, je ne crois pas... Puisque vous ne restez pas ici pour écouter mon avis, puis-je vous poser une question ? Soit-dit-en-passant, je n'ai jamais compris pourquoi on demandait ça par convention alors que c'est déjà une question, ça n'a pas de sens...
- Tu veux quoi, encore ? Grogna Lysange.
- Comment êtes-vous partiellement devenue une elfe ?
- Quoi ? S'étonna Lysange, déstabilisée par cette question qui changeait soudainement radicalement le sujet de la conversation.
- J'aurais besoin d'informations pour progresser dans mon travail.
- Et qu'est-ce qui te dis que je suis pas née comme ça ?
- J'ai effectivement songé à cette possibilité et étudié cette hypothèse mais elle ne m'a pas convaincu. Si vous étiez nés ainsi, cela signifierait que votre conception et votre naissance remonterait à l'époque où les peuples déchus arpentaient encore Thamarèthe en compagnie des humains. Il ne me semble pas aberrant que des métisses aient une longévité bien supérieure à des humains. En revanche, les Déchus ont très rapidement fait parler d'eux. Les rumeurs sur Sang d'Ange se sont propagées particulièrement vite et loin et, si chacun d'entre vous vivaient à Thamarèthe depuis des siècles, les rumeurs et histoires à votre sujet auraient commencé bien avant, elles n'auraient pas attendu si longtemps pour se répandre. Les peuples déchus ayant disparu depuis longtemps, aucun Déchu n'a pu naitre d'un parent humain et d'un parent non-humain, puisque je viens de démontrez que vous ne vivez pas depuis des siècles mais êtes nés bien plus récemment, plus ou moins à la même période que moi d'ailleurs. La seule explication qu'il reste est que quelque chose vous a tous transformés.
- Quel exposé ! Railla Lysange, néanmoins impressionnée par les déductions de Dimitri, qu'il avait livrées en prenant des notes sur un carnet.
- Ça me parait juste logique. Mes hypothèses sur le sujet seraient beaucoup plus aisées à vérifier si je connaissait les noms et les lieux de naissance de chacun des Déchus. Je pourrais obtenir vos dates de naissance et confirmer ou infirmer ma théorie grâce aux registres.
- J'ai trahi mes compagnons mais je livrerai pas ce genre de choses. Tu peux aller te faire foutre avec tes théories.
- Mais vous, pouvez-vous me répondre ? Aussi sur comment vous vous êtes transformée ?
- Va te faire foutre ! »
Répéta Lysange dans un cri, s'agaçant de l'insistance de Dimitri mais, surtout, les interrogations du jeune homme la renvoyant douloureusement à sa trahison envers Inniël, qui l'avait poussée à cette seconde trahison, à la culpabilité qu'elle en éprouvait et qui la rongeait. Sa vie lui semblait se briser à nouveau et elle avait le sentiment qu'il en restait des fragments désordonnés qu'elle ignorait comment assembler.
Comment tout cela allait-il tourner à présent ?
Quel désordre.
Dimitri sursauta à l'éclat de voix de Lysange, qu'il savait être capable de l'attaquer, heureusement, elle n'en fit rien et se contenta de s'asseoir sur le rebord d'une table, le regard bas et le visage sombre. Comprenant que poursuivre la conversation aurait pu être risqué pour lui, le jeune chercheur se tut à son tour et retourna à son travail, élaborant des hypothèses et notant les différentes paroles échangées et ce qu'il en découlait au sein de tableaux pour tenter de savoir quoi penser de découvrir qu'il connaissait déjà Sang de Djinn par l'intermédiaire de son père et de sa conversation avec Lysange.
Dans le couloir du sous-sols, à quelques pas de la porte du laboratoire, Manolis et Ysandre captèrent les éclats de voix de Lysange. Tous deux eurent une pensée pour le pauvre Dimitri qui se retrouvait probablement face à une Sang de Guerrier furieuse cependant, ni l'un ni l'autre ne s'en préoccupa guère longtemps.
Manolis se moquait un peu de l'état du jeune savant,puisque ce dernier ne faisait pas partie de sa famille et que seule celle-ci importait pour lui. Il allait même jusqu'à espérer que Lysange se défoule un peu sur Dimitri de manière à ce que sa rage s'apaise un peu et qu'il puisse à nouveau lui parler.
De son côté, Ysandre était un peu plus soucieux pour Dimitri mais il n'oubliait pas pour quelle raison il avait choisi la voie de Manolis et Léhodore plutôt que celle de Nigel, Torrie et Abélianne et son inquiétude se concentrait sur la situation d'une autre personne.
A la suite de Manolis, il remonta hors des sous-sols en retenant le trajet jusqu'au laboratoire de Dimitri puis il annonça à son ancien meneur qu'il le laissait ici avant de s'esquiver, abandonnant Manolis sur place avant qu'il ne puisse lui demander où il allait en lui rappelant qu'ils n'avaient pas accès à tous les secteurs du palais,ne dérogeant pas aux règles imposées par Léhodore pour ne pas risquer de briser la fragile sécurité et l'équilibre qu'il avait gagnés en se rangeant à ses côtés, à nouveau seul, encore.
L'aube pointait mais l'étroit passage entre le corps du palais et la muraille était encore envahi d'ombre dans lesquelles Ysandre se fondit jusqu'à s'arrêter sous une fenêtre bien spécifique. Aucune lumière n'en filtrait, personne ne devait donc se trouver dans ses environs.
Vérifiant qu'aucun garde ne risquait de le repérer, il se donna une impulsion d'un coup de pied contre le sol pavé en déployant ses ailes. Grâce à elles, atteindre la fenêtre ne représenta aucune difficulté, à l'inverse de la forcer. Il regrettait que Nigel ne soit pas à ses côtés pour le guider, sans compter qu'il n'aurait pas eu à s'inquiéter pour ses compagnons enfermés en cellule.
Après plusieurs secondes d'effort, il parvint à faire céder le battant et se glissa à l'intérieur du palais, légèrement gêné par l'envergure de ses ailes.
Son regard s'accoutumant à l'obscurité, il découvrit un élégant salon richement meublé qu'il se souvenait vaguement avoir déjà traversé.
A présent qu'il s'y trouvait, il réalisait soudainement la stupidité de sa démarche. Il n'y avait aucune chance pour qu'elle soit réveillée à une telle heure et il ignorait que lui dire exactement. Le mieux était de partir et de rejoindre Manolis, peut-être d'aller libérer Nigel, Abélianne et Torrie.
Tout à ses pensées, il quitta ce salon pour un couloir toujours aussi sombre et il manqua de percuter une silhouette qui s'éclairait d'une chandelle et il eut seulement le réflexe de reculer vivement en arrière tout comme elle, perdant l'équilibre.Se rétablissant aisément grâce à ses ailes, Ysandre rattrapa la personne face à lui, les doigts refermés autour d'un poignet.
Lalueur de la chandelle dévoila un bras clair couvert de taches de rousseur mais également de quelques taches brunes plus larges,certaines atteignant la taille d'une paume, une épaisse chevelure auburn coupé au-dessus des épaules, de manière à être plus facilement dissimulée sous des voiles ou des guimpes, et de grands yeux turquoises dans lesquels se reflétait la flamme de la chandelle.
Finalement, elle était réveillée et même levée,bien qu'uniquement vêtue d'une longue chemise de nuit ornée de dentelle.
Reconnaissant Ysandre à son tour, ses ailes ne permettant pas de se fourvoyer, elle écarquilla les yeux et ses épaules tremblèrent sous l'effet du choc. Durant un instant, elle crut rêver, cela lui aurait semblé plus logique mais elle sentait les doigts du jeune homme serrés autour de son poignet et ne pouvait douter de sa réalité.
Sous la surprise, elle se dégagea et déclara, ignorant comment réagir et pas encore certaine qu'elle ne parlait pas à une illusion :
« Je me doutais bien que quelque chose se passait mais je ne m'attendais certainement pas à te voir...
- Tami ! Je voulais justement te voir ! Désolé de venir à l'improviste, je sais que je bafoue les règles de l'étiquette, sans parler de te voir dans une tenue aussi légère !
- Que fais-tu là ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Ton père prépare quelque chose. Je sais pas encore exactement quoi mais ça a un rapport avec les Déchus. Je suis ici dans le plus grand secret et trois de mes compagnons sont en cellule.
- Ce que je comprends, c'est que tu joues à un jeu dangereux.
- Ça ira, t'en fais pas. Et puis, comme ça, je serai là. Je suis...désolé d'être parti la dernière fois mais ça recommencera pas, je te le promets, je serai là.
- Crois-tu que j'ai besoin de toi ? Ce n'est pas le cas ! La dernière fois était...
- Un acte impulsif provoqué par la solitude et le chagrin mais, aujourd'hui, tu es toujours seule et triste, alors je serai là. »
En réponse, Taminiaëlle, se dégagea d'un mouvement sec dans un claquement de langue mais les larmes emplissaient son regard et son cœur battait follement dans sa poitrine. Elle détestait la manière dont Ysandre lisait en elle mais, en même temps, c'était vraiment réconfortant que quelqu'un la comprenne, sans compter qu'il était aisé de se confier à Ysandre et qu'il la faisait rire.
Se plaquant contre le jeune homme ailé, elle posa ses lèvres contre les siennes avant de s'esquiver pour regagner sa chambre.
***
Costa Tchir, dit le redouté Marchand de Sable, était sorti de sa coquette maison, qui semblait tellement incongrue au cœur de la jungle de Béathla, pour vérifier l'état des plantations de mélandrie, comme il le faisait régulièrement, soucieux de la qualité de son produit et de ses affaires, mais il peinait à se concentrer sur son inspection. Toutes ses pensées se focalisaient malgré lui sur l'absence de Morcia, qui lui causait un grand manque, comme à chaque fois qu'il l'envoyait effectuer un travail hors de la plantation.
Il aurait certainement pu envoyer d'autres personnes mais la jeune femme était la seule qui jouissait de sa totale confiance.
Ce n'était pas seulement à cause du vide laissé par Morcia que Costa peinait à se concentrer sur autre chose mais car il s'angoissait de plus en plus. Les Déchus étaient partis avec Moïra et surtout Morcia il y avait déjà plusieurs jours, certainement avaient-ils déjà terminé leur voyage et atteint Tikkr'eth pourtant, il n'avait toujours aucune nouvelle. Morcia aurait dû le tenir au courant de ce qu'il se passait. Quelque chose avait forcément dû se produire pour qu'elle ne le fasse pas et c'était l'incertitude quant à la nature exacte de ce quelque chose qui inquiétait tant Costa.
Dès qu'il avait constaté que le silence et l'absence de Morcia se prolongeaient anormalement, il avait joué de ses contacts et de son influence, un avantage à être le puissant Marchand de Sable, pour tenter d'en apprendre davantage sur ce qu'il se passait à Tikkr'eth et de se renseigner sur la situation de Morcia.
A présent, il attendait avec angoisse des nouvelles de ces informateurs tout en espérant toujours avoir un signe de la part de Morcia.
Quelqu'un l'appela soudainement, l'extirpant de ses pensées anxieuses. Se retournant, il avisa l'un de ses hommes qui courait vers lui à travers les lianes de mélandrie.
Arrivant à la hauteur de Costa, l'homme ne prit pas le temps de reprendre son souffle, sachant que son patron n'appréciait pas qu'on le fasse attendre, et le prévint immédiatement :
« On a des nouvelles de Tikkr'eth ! Moïra a piégé les Déchus : ils ont tous été capturés et Morcia aussi !
- Quoi ? Rugit Costa, furieux, en saisissant l'homme par le col de sa tunique. Vous allez immédiatement aller à Névinda me ramener Morcia ! Et trouvez-vous des renseignements sur Moïra, elle va me le payer, la chienne. Et vous n'avez pas intérêt à me décevoir si vous ne voulez pas finir comme engrais pour les plans de mélandrie, je les trouvais justement faiblards ! Je veux que vous me rameniez Morcia ! »
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