Chapitre 17 - Trahisons

Dès que le choc de la trahison de Manolis se fut légèrement estompé, chacun des Déchus commença à rechercher la moindre faiblesse exploitable par une fuite de leur cellule en s'emportant, comme ils le purent malgré leurs entraves solides, alors que Morcia demeurait plongée dans le silence, appuyée contre le mur du fond.
Torrie frappait contre la porte de ses poings attachés en tentant d'user de ses pouvoirs mais ceux-ci refusaient toujours de lui obéir tout en crachant des torrents d'insultes particulièrement imagées à l'encontre de Manolis.
Nigel examinait la serrure en réfléchissant à comment la forcer mais il ne parvenait à pas à se concentrer, s'inquiétant pour Gaëlan et se demandant à voix haute ce que les autorités de Névinda lui réservaient.
Lysange restait mutique, entièrement focalisées sur ses essaies infructueux pour générer ses armes.
Ysandre s'occupait comme il le pouvait d'Abélianne, dont l'état s'avérait plutôt préoccupant. La jeune femme, dont la résistance mentale avait déjà souffert de leur visite dans les plantations de mélandrie du Marchand de Sable,était certainement la plus affectée par la trahison de Manolis, qu'elle avait probablement idéalisé comme son sauveur au cours des dernières années.
Après de beaucoup trop longues minutes à son goût, où elle ne put que constater que leurs capacités non-humaines ne fonctionnaient pas, Lysange perdit son peu de patience à entendre les voix de chacun se mêler et se superposer dans l'espace étroit de leur cellule.
Bondissant sur ses pieds comme le lui permettaient ses entraves, la jeune femme tonna :

« Oh mais fermez-la ! Faut déjà savoir ce que c'est que ce bordel avant de brailler dans tous les sens ! Abby et Ysandre seront d'accord avec moi, je pense.

- Lysange ?

S'éleva une voix interrogative chargée d'espoir, étouffée par le mur qui séparait leur cellule de la voisine, filtrant à travers les légers interstices laissés par le mortier friable, avant que Abélianne et Ysandre ne puissent acquiescer aux propos de Lysange.
Cette dernière se tourna vers la paroi plutôt pesamment à cause de ses entraves, les yeux écarquillés, en se demandant si, finalement plus marquée par les derniers événements qu'elle ne le croyait, elle ne souffrait pas d'hallucinations auditives mais les sourcils froncés de ses camarades la rassurèrent sur l'existence réelle de ce timbre masculin, qu'ils avaient déjà entendu sans pourtant parvenir à le reconnaître. D'ailleurs, qui à part leur groupe,était capable d'identifier Lysange au seul son de sa voix ?
N'éclairant pas ses compagnons à ce sujet,l'expression soudainement sombre, la jeune femme s'avança jusqu'au mur contre lequel elle appuya le front, ligotée, et elle souffla, la gorge nouée :

- Inniël ?

- Si je t'entends, c'est soit que tu es vivante, soit que j'ai vraiment fini par perdre la raison et que ton fantôme vient me hanter. Lança la voix avec amertume depuis l'autre côté du mur.

- Attend ! C'est l'homme qui t'a poignardée à Bourg-sur-Broliadd ! Reconnut soudainement Abélianne, stupéfaite.

- Quoi ? S'exclama Nigel.

- Oui, elle va bien et sûrement pas grâce à toi ! Cracha Ysandre en écartant Lysange du mur d'un coup d'épaule, se plaçant devant elle, comme pour la protéger malgré ses liens, même si Inniël ne pouvait pas l'atteindre de toute manière.

- Arrêtez, ça vous concerne pas ! S'agaça Lysange. Notre vrai soucis, c'est ce qu'on fait ici.

- On est ici parce que cet enfoiré de Manolis nous a trahis et vendus ! Salaud ! Jura Torrie.

- Comme si il était le seul à avoir trahi quelqu'un ici. Lança Inniël à travers le mur et Lysange baissa le visage en serrant les poings.

- La ferme, toi ! Lui ordonna Nigel.

- Attendez, il pourrait nous apprendre des choses. Après tout, il doit être détenu ici depuis plusieurs jours. Réfléchit Abélianne.

- J'avoue que j'ai un peu perdu le compte du temps mais des soldats sont venus me chercher pour m'amener ici après que vous soyez partis de ce village. Indiqua Inniël.

- Comment ils ont réussi à te garder prisonnier, toi, un demi-elfe ? S'étonna Lysange.

- C'est vrai que t'es bien placée pour connaître mes capacités. Ironisa Inniël.

- As-tu aussi reçu des injections ? Vérifia Abélianne.

- Cette aiguille dans la nuque ? Oui, environ trois fois par jour, je crois. Confirma Inniël.

- C'est bien ce qu'il me semblait... A mon avis, ces seringues contiennent une préparation quelconque qui supprime ou inhibe les pouvoirs liés aux capacités des anciens peuples, déduisit Abélianne. Cela expliquerait pourquoi aucun d'entre nous ne parvient plus à les utiliser.

- Maintenant que j'y pense, j'arrive plus à générer mes armes depuis qu'on m'a fait cette première...injection. Se souvint Inniël.

- Mais comment ils ont pu avoir un truc pareil ? S'étonna Nigel.

- Ils l'ont fabriqué, ils sont pas tombé dessus en allant aux chiottes. Tança Torrie.

- Mais comment ? Insista Nigel.

- Ils font sûrement des expériences sur les anciens peuples. Supposa Torrie, les mâchoires contractées.

- Ça doit sûrement avoir un rapport avec la proposition de travail de Léhodore. Réfléchit Ysandre.

- Celle que cet enfoiré de Manolis a acceptée. Cracha Torrie.

- J'en reviens toujours pas. Souffla Nigel.

- Peut-être qu'on devrait essayer de comprendre ce que c'est avant de le juger. Tempéra Ysandre.

- Mais y a rien à comprendre ! S'emporta Torrie.

- On m'a aussi proposé de travailler avec eux. Leur apprit Inniël.

- Et tu as refusé. Devina Lysange.

- Evidemment, ce sont tous des rats, grinça Inniël en reprenant le terme qu'il utilisait pour qualifier les pilleurs qui s'aventuraient parfois dans le sanctuaire. De ce que j'ai pu comprendre, ils essayent d'accéder à l'endroit où sont bannis les anciens peuples, quel qu'il soit.

- Quoi ? Mais pourquoi ? Demanda Nigel.

- Les seules raisons sont que, soit ils cherchent à faire revenir les anciens peuples, soit pour obtenir certaines de leurs capacités d'une manière ou d'une autre, réfléchit Abélianne. Que ce soit l'un ou l'autre, leur motivation est certainement la soif de pouvoirs.

- Il faudrait définir qui est clairement ce ''ils'', fit remarquer Ysandre. Ça a l'air assez évident que c'est Léhodore qui est à l'origine de tout ça et les autres sont à sons service.

- Je sais pas qui est ce Léhodore dont vous parlez mais j'ai vu un type habillé en violet plusieurs fois et je peux vous dire qu'il a un sacré problème d'égo. Lança Inniël.

- C'est pas nouveau... Grogna Ysandre et les autres approuvèrent.

- Vous voulez dire qu'ils auraient un moyen de transformer un humain normal en un membre des anciens peuples, comme vous, les Déchus ? S'enquit fébrilement Morcia pourtant demeurée silencieuse jusqu'ici.

- Ça me semble être une théorie correcte. Confirma Abélianne, plongée dans ses réflexions.

- Mais comment c'est possible ? S'exclama violemment Torrie. Accéder aux pouvoirs des peuples déchus, transformer des humains, comment ça peut encore être possible ? Ils peuvent pas !

- Ces injections paraissent indiquer qu'il y a quelqu'un de suffisamment intelligent et doué pour produire de tels résultats cependant, si on a besoin de nous et de Manolis, ça voudrait dire qu'ils n'ont pas encore de protocole clair pour réaliser ce qu'ils cherchent à accomplir. Déduisit Abélianne.

- Tout n'est pas clair... Ajouta Ysandre.

- Je crois que le seul truc que j'ai compris c'est qu'on peut pas encore tout comprendre. Lâcha Nigel.

- Ils m'ont régulièrement pris du sang et posés des questions sur d'où je venais et les elfes guerriers. Précisa Inniël.

- Ça va dans le sens de ce que je disais : ils sont encore au stade des expérimentations. Déclara Abélianne.

- Bordel ! Comment on peut faire des trucs pareils ? S'emporta Torrie.

- Tu leur as dit quelque chose ? Demanda Lysange, appuyée contre le mur.

- Bien sûr que non, répondit Inniël. Ils m'ont menacé mais ça change pas grand-chose. C'est pas la souffrance physique qui va me faire souffrir, tu le sais, Lys.

- Donc, pour résumer : Léhodore fait des recherches sur les peuples déchus et veut nous utiliser d'une façon ou d'une autre pour les réussir, c'est ça ? S'assura Nigel.

- Merveilleux, pour une fois, il a compris quelque chose et faut que ce soit cette merde ! Se moqua Torrie.

- Et pour Gaëlan alors ? S'inquiéta Nigel. Il a pas de rapport avec les peuples déchus ! Qu'est-ce qu'ils vont lui faire ?

- Il appartient à la noblesse de Thamyre donc, sans être totalement intouchable, il est plutôt protégé par son statut. Le rassura Abélianne mais Nigel continua à grommeler, peu convaincu et ayant préféré que son amant se trouve à ses côtés pour le réconforter et veiller sur lui.

- Pour le moment, j'imagine qu'on devoir faire un choix, signala Ysandre, travailler pour Léhodore, comme Manolis, ou refuser, quitte à rester enfermés.

- Comme si un seul d'entre nous allait imiter ce fils de pute ! Railla Torrie.

- Il est vrai que, quel qu'en soit le but, ces recherches semblent inquiétantes, tout comme l'objectif de Léhodore. »

Réfléchit Abélianne et les autres opinèrent, en particulier Ysandre. Il leur manquait encore plusieurs informations pour appréhender totalement la situation dans son ensemble mais tous s'accordaient sur ce point, avec cependant plus ou moins de conviction.
Ysandre approuva avec certainement le plus de vivacité. Grâce à ses capacités angéliques, il avait capté que Léhodore était une personne instable aux émotions explosives et imprévisibles lors des quelques entrevues que les Déchus avaient eu avec le souverain, ce qui l'avait déjà préoccupé à l'époque mais, à présent qu'il savait qu'il s'intéressait de trop près aux peuples déchus et à la dimension où ils avaient disparu, il s'en inquiétait d'autre plus. Son angoisse se faisait surtout pour l'entourage de Léhodore, qui pourrait endurer les conséquences de cette instabilité.
De ce qu'il avait pu voir, il ne lui semblait pas que le souverain risquait de véritablement faire de mal à ceux qui l'entouraient,plus gravement qu'il ne leur en faisait déjà du moins, mais cette violence qu'il manifestait était déjà de trop pour Ysandre. Sans compter que, depuis ce qu'il s'était passé à Bourg-sur-Broliadd avec Lysange et Inniël, il peinait à se fier entièrement à ses sens partiellement angéliques.
Ses capacités étant passives et ne représentant pas de danger direct pour leurs geôliers, on ne les avait pas supprimées avec une injection, à l'instar de celles de Nigel, et il sentait un grand bouleversement tourbillonner dans le cœur de Lysange.
La jeune femme se tenait toujours face au mur qui les séparait d'Inniël. Elle l'appela à plusieurs reprises mais, la conversation sur leur situation paraissant terminée, le demi-elfe ne se donnait pas la peine de lui répondre.
Le demi-elfe demeurait assis, le dos appuyé contre le mur, et il hésitait à plaquer les mains sur ses longues oreilles effilées pour ne plus entendre la voix de Lysange.
Découvrir qu'elle était vivante, qu'il ne l'avait pas tuée, et qu'elle semblait plutôt bien se porter le soulageait immensément et mettait fin à l'insupportable incertitude qui le rongeait mais il ignorait comment se comporter face à la jeune femme, même à travers un mur.
Après tout, des excuses n'auraient pas suffi à effacer son acte odieux, lui-même avait refusé d'écouter celles de Lysange. Sans compter qu'il n'allait certainement pas se laisser aller à exprimer toute l'ampleur de ses remords devant les compagnons de Lysange,des inconnus. Par réflexe, il avait donc craché sa colère et son ressentiment à la jeune femme, s'y étant tellement raccroché ces dernières années qu'il n'avait pas su faire autrement face à elle et, à présent, il ne pouvait que demeurer silencieux.
Dans la cellule voisine, Lysange interpréta ce mutisme différemment et les quelques paroles qu'il lui avait spécifiquement adressées tournaient dans son esprit.
Inniël souffrait toujours terriblement de sa trahison. Après tout, la première personne à qui il avait accordé sa confiance après des décennies lui avait planté un couteau dans le dos de la pire des manières. La solitude qui le rongeait depuis le bannissement des anciens peuples s'en était certainement retrouvé fortement intensifiée et la situation actuelle ne l'arrangeait probablement absolument pas.
Cela devait faire des jours qu'il croupissait seul dans une cellule pour une raison qui lui échappait, puisque, lui, ne connaissait rien à l'organisation du pouvoir à Thamarèthe et il s'en moquait. Il ne savait même pas qui était Léhodore et certainement pas où il était retenu exactement. Tout ce qu'il avait connu durant toutes ces décennies avait été la forêt de Lithyneth et le visage du monde avait dû particulièrement changer durant ce temps. Son sentiment d'égarement se rajoutait probablement à celui de solitude, le faisant se sentir encore davantage perdu.
Lysange aurait sincèrement voulu l'aider, quelle qu'en soit la manière.Peut-être que, ainsi, il aurait pu la pardonner.
Après encore plusieurs longues minutes s'écoulant dans un silence pesant, chacun pensant à la situation et s'en inquiétant à différent degré, ils entendirent des pas se diriger vers les cellules puis le mécanisme de la serrure cliqueta.
Y voyant une occasion pour s'échapper, les Déchus et Morcia se préparèrent à bondir alors que le battant renforcé pivotait mais, entre leurs entraves et le nombre de gardes qui surgirent dans leur cellule pour les saisir enles maîtrisant, ils ne purent rien faire, même si ils cherchèrent à se débattre.
Fermement tenus par les gardes, dont certains gardèrent leur lame au clair pour les dissuader de tenter quoi que ce soit, les Déchus furent extirpés de leur cellule, où les soldats laissèrent Morcia, et conduits à travers les couloirs dessous-sols du palais jusqu'à une haute porte, située non loin des cellules.
L'ouvrant, les gardes dévoilèrent une large pièce encombrée d'un étrange matériel qui ressemblait grandement à ce que le groupe avait vu dans le palais de Sémoth mais bien plus fourni. Des schémas, des notes, des formules et des ébauches de réflexions envahissaient l'espace, sur des feuilles volantes, des carnets et même directement sur le sol, les tables ou les murs. Les lampes à huile qui éclairaient les lieux dégageaient une légère fumée à l'odeur rance qui venait se mêler aux vapeurs échappées des fourneaux et alambics, qui stagnaient dans la salle, ne s'évacuant pas entièrement par les grilles pourtant aménagées à cet effet, et faisaient légèrement tourner la tête aux personnes peu habituées.
Se raidissant brutalement dès son entrée dans l'étrange pièce parmi ses compagnons, Torrie fixa ce décor d'un regard écarquillé alors que des tremblements agitaient ses épaules. L'endroit stimulait encore davantage ses souvenirs que l'installation des parents d'Abélianne. La rage et la folie montèrent en elle mais elles ne se manifestèrent pas sous forme de flammes ou de glace comme à l'accoutumée, ses pouvoirs élémentaires toujours bloqués par les effets de l'injection.
Le corps tendu, elle devint soudainement particulièrement calme et silencieuse,contrastant avec son attitude précédente. Son visage se glaça en se durcissant et elle baissa le menton, dissimulant la partie gauche de son visage derrière ses cheveux aux reflets bleutés, alors que les nombreuses cicatrices qui marquaient son corps la brûlaient.
Cette fureur glaciale dont vibrait chaque fibre de son être n'était pas le seul sentiment qu'éprouvait Torrie. Tout comme ses compagnons autour d'elle, elle avait une sensation de profond malaise qui s'intensifiait depuis leur entrée dans le laboratoire, comme si quelque chose comprimait et oppressait sa poitrine en l'empêchant de respirer correctement. Tous reconnaissaient cette désagréable sensation : il s'agissait de celle qui les saisissait à chaque fois qu'ils s'approchaient d'un passage, cependant, les chances pour qu'il y en ait un sous le palais royal de Tikkr'eth semblaient particulièrement minces.
Ce malaise provenait donc d'ailleurs.
Les poussant pour les faire avancer parmi les tables surchargées, les gardes les amenèrent vers le centre de la salle, où se tenait Léhodore en compagnie d'un autre homme, penché sur plusieurs documents qu'il couvrait d'une écriture fine et enchevêtrée. Totalement absorbé, il ne semblait pas avoir remarqué l'arrivée de Déchus ni se soucier de la présence royale à ses côtés, contrairement aux règles dictées par l'étiquette. Manolis était également présent, légèrement en retrait et son regard masqué par son bandeau noir détourné vers le bas.
Visiblement fort contrarié pour ce manque évident de respect envers sa personne, comme en témoignaient les commissures tremblantes de ses lèvres, Léhodore décocha un violent coup de coude au jeune homme à côté de lui.
Ce dernier redressa la tête avec une expression un peu perdue,déstabilisé d'avoir été ainsi soudainement extirpé de son travail et de ses réflexions, en regardant autour de lui. Ses yeux gris luisants de vivacité et d'intelligence se posèrent sur les Déchus face à lui.
La surprise passa sur ses traits plutôt accusés lorsque son regard avisa Lysange et Nigel, qu'il reconnaissait comme ces étranges personnes qu'il avait croisées en plein cœur de la quarantaine de Bassarèth, ne s'attendant absolument pas à les voir dans ces circonstances et encore moins à ce qu'elles appartiennent au célèbre groupe des Déchus.
Deson côté, Lysange le reconnut également et elle se demanda ce que ce jeune médecin, qui parlait naïvement d'espoir en se permettant de se juger meilleur qu'elle, se trouvait ici, à Tikkr'eth aux côtés de Léhodore, dont il était de toute évidence au service.Nigel, lui, fronça les sourcils en se demandant pourquoi ce jeune homme lui paraissait familier et où il avait pu le rencontrer auparavant.
Tentant de s'arracher à la poigne des gardes en allant vers le jeune homme aux yeux gris pétillants, Lysange s'exclama :

« Mais qu'est-ce qu'il fout là, lui ? Notre rencontre à Bassarèth était pas un hasard alors ? Tu nous pistes depuis tout ce temps !

- Je ne saisis pas de quoi il est question mais il faudra éclaircir tout cela, siffla Léhodore en posant un regard furieux sur le jeune homme à côté de lui, qui se tassa sur lui-même. Apparemment, monsieur Centhvint aura quelques explications à me fournir. Bien, revenons au sujet qui nous amène. L'heure qui vient de s'écouler vous a possiblement offert l'occasion de réfléchir à ma proposition.

- Vous vous intéressez aux peuples déchus et à leurs capacités. Assura Abélianne.

- C'est exact, confirma Léhodore. Je vous présente d'ailleurs Dimitri Centhvint, que certains semblent déjà connaître. Si vous acceptez ma proposition, ce que je vous conseille vivement de faire, vous travaillerez avec lui. Ses recherches ont déjà grandement progressé mais, pour les rendre parfaitement concluantes, il aurait besoin de vous. Evidemment, vous aurez des avantages en travaillant pour moi, comme la suspension de votre condamnation.

- Tu peux aller te faire foutre ! Cracha Torrie, faisant tressaillir Léhodore à cause de ce grand manque de respect.

- Ouais, je comprends pas tout mais ça m'a clairement l'air foireux votre histoire ! Et qu'est-ce que vous avez fait de Gaëlan ? Bondit Nigel.

- Monsieur Souffian va bien, le rassura Léhodore en lançant un regard méprisant à Nigel. Il attend simplement que nous le raccompagnions à Thamyre. Être à mon service serait une manière supplémentaire de garantir sa sécurité.

- C'est vrai, reconnut Nigel, mais je suis sûr que lui aussi trouverait tout ça foireux et ça lui plairait pas que j'y participe pour lui. Alors, pour reprendre les mots d'une bonne amie à moi : vous pouvez aller vous faire foutre !

- Vous êtes vraiment stupides. Grinça Léhodore.

- Il est vrai que Nigel subit la cruelle réputation d'être idiot mais je suis parfaitement d'accord avec lui. Appuya Abélianne.

- L'ensemble des Déchus aurait donc perdu la raison. Lança Léhodore.

- Non, moi, je suis avec vous. Déclara soudainement Ysandre à la stupeur de tous.

- Quoi ? Mais, Ysandre... Commença Nigel.

- J'en suis aussi. Annonça Lysange sans regarder personne.

- Pardon ? S'exclama à son tour Abélianne en perdant son élégance habituelle.

- Bien, la décision de chacun est donc prise.

Conclut Léhodore en adressant un ordre aux gardes sous forme d'un simple geste.
N'ayant pas besoin de davantage de précisions pour comprendre, ils séparèrent les Déchus en deux, tirant Ysandre et Lysange auprès de Manolis et Dimitri avant de les libérer de leurs entraves sans pour autant relâcher leur surveillance sous les yeux exorbités de stupéfaction et de choc de leurs compagnons,incapables d'y croire.
Les épaules de Manolis se relâchèrent légèrement alors que le soulagement de voir certains de ses anciens camarades se ranger à ses côtés mais il posa un regard désolé sur les trois autres, qui demeuraient toujours fermement ligotés et paralysés par la stupeur.
Léhodore leur adressa un regard entre le dégoût et la condescendance leur signifiant qu'ils avaient manqué leur dernière chance puis il ordonna aux gardes de les replacer en cellule sans plus se préoccuper d'eux.
Également poussé par le souverain, Dimitri leur emboîta le pas, peut-être pour vérifier certains éléments en rapport avec ses recherches.Tout en ce faisant, il lança un regard aux Déchus qui leur étaient à présent alliés en s'attardant plus particulièrement sur Lysange.
Les gardes jetèrent Nigel, Abélianne et Torrie dans l'étroite cellule.
Manquant de chuter à cause de ses entraves,cette dernière se rétablit avec une certaine maladresse puis se retourna vivement, allant pour bondir sur les gardes avant que la porte ne se referme, ne supportant pas d'être à nouveau enfermée, encore moins alors que cette rage glacée pulsait en elle, cependant,alors qu'elle allait les atteindre, elle se figea subitement.
Son regard venait de se poser sur Dimitri, à qui elle n'avait guère prêté attention précédemment, absorbée par ses violentes émotions éveillées à la vision du laboratoire.
Même si c'était un homme qui se tenait face à elle, ce fut l'image floue d'un jeune enfant qui s'imposa dans son esprit.
Une fois de plus stupéfaite, elle le désigna d'un doigt dans sa direction en s'exclamant :

- Mais c'est toi ! »

Dimitri ouvrit la bouche, pour demander ce qu'elle cherchait à dire,déstabilisé par cette annonce et ne comprenant pas ce qu'elle signifiait mais il la referma soudainement car il la reconnut à son tour, du moins, il reconnut ses cicatrices, en particulier la longue balafre qui remontait sur toute la longueur de son cou jusqu'à mâchoire droite.
Avançant d'un pas, il tendit la main vers la jeune femme, même si il ignorait comment réagir, mais les gardes refermèrent la porte de la cellule, laissant Torrie face à ses souvenirs.

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