Chapitre 71 : L'heure avance

Une énième fois, le gladiateur jeta un regard par-dessus son épaule s'assurant qu'il n'était pas suivi. Il s'engouffra dans une ruelle sombre, tourna à gauche, puis à droite, jalonna la façade arrière du temple de Vénus, puis continua sa progression. Il avait profité qu'Hellion et Crixus s'entraînaient pour s'éclipser, il n'avait aucune envie de leur expliquer l'objet de sa disparition. Bien entendue, il savait qu'à un moment donné il devra leur faire face et il espérait grandement que ce soit le plus tard possible. Tel un fantôme, il se déplaçait dans le plus grand silence sans que l'on l'aperçoive. Enfin, il s'arrêta sous un perron ou plusieurs statues le saluer, l'une représentait une femme drapé d'un simple drap qui laissait tout de même apparaître ces formes, tandis qu'une autre statue représentait une femme dansant sur les flots. Enfin, il aperçut un objet brillant au loin, il fronça les sourcils puis rejoint ledit objet, c'est là que jaillit un homme encapuchonné.

—  Alors ? demanda Ares, en se glissant dans l'ombre d'un bâtiment.
— Mon maître est d'accord, concéda Silius, en jetant des regards fréquents aux alentours.
— Comment être sûr qu'il ne me tendra pas un piège ?

Soudainement, une ombre naquit de l'ombre et s'avança à la lumière, son visage était dissimulé derrière un imposant châle, seul ces yeux étaient visible. La silhouette de la nouvelle personne ne laissa aucun doute que sur le fait que c'était un homme, des larges épaules, une stature imposante, et son regard vif rappela au gladiateur son propre père.

— Un Brutus tiens toujours parole, affirma le nouveau venu.

Le gladiateur dévoila une rangée de dents blanches, alors que ces traits se détendirent et qu'un frisson d'adrénaline le parcourra. Devant lui se tenait le sénateur Calion BRUTUS, puissant homme de Rome, père de Megara Caliona Bruta, l'épouse de Cassius GLADIUS et surtout grand ami de l'empereur lui-même. A ces côtés, sortirent plusieurs autres personnes, chacun dissimulés derrière différents châles. Sa vengeance était en marche, oui, il avait réussi à s'infiltrer tel un serpent entre les rues et les couloirs de Rome. Il avait rallié à sa cause, les plus intelligents, les plus perfides et surtout ceux qui avaient une soif de pouvoir et de rébellion bien plus grande qu'il ne l'aurait pensé.

— Quand voulez-vous procédé ? demanda l'un.
— Le plus tôt sera le mieux, nous ne pouvons tarder, assura un autre.
— Profitant de la faiblesse du vieux fou, son âge joue en son désavantage. Pressa un autre.

L'ensemble du groupe acquiesça alors que la pluie redoubla de son intensité, toutefois ils ne bougèrent pas, alors que plusieurs gardes surveillaient les environs. Ils devaient se montrer très prudent, ils avaient de coutume de se rencontrer le soir aux alentours de minuit, mais un nouvel élément venait de bousculer Rome, et c'était pourquoi ils n'avaient eu d'autres choix que de se rencontrer en plein jour. Bien entendue, chacun d'entre-eux avaient pris ces précautions.

— Et ces fils ? Demanda Filius, qui jouait distraitement avec un pan de son châle.
— S'ils s'opposent alors ils mourront, déclara Gnaeus, comme une évidence en haussant les épaules.
— Et ton beau-fils ? s'enquit Severus, en croisant les bras sur son torse.
— Épargner-le lui et ma fille, avisa le sénateur Calion.

Aucun n'émit une objection, le sénateur avait beau vouloir renverser le beau-père de sa fille, mais aucun mal ne devait être fait à celle-ci tout comme à son beau-fils. Il ne se pardonnerait jamais si un quelconque mal lui serait fait par sa faute. Son amitié avec l'empereur était grande, mais désormais il ne pouvait plus attendre, il voulait réclamer son dû tout comme ceux qui se tenaient à ces cotés aujourd'hui.

—  Et Galadius et Statia ? Qu'en est-ils des autres ? demanda Caesius, en resserrant son châle autour de ces épaules.
— Épargner les femmes, tout comme Galadius et Cassius. Toutefois si ces deux-là se mettent en travers de notre chemin alors nous n'aurons plus qu'un seul choix, soit les rallier à notre cause, soit les évincer, continua Calion, avec aplomb.
—  Et la fille de l'empereur ? Émit Licinius, en chassant d'un geste un scarabée qui foncé sur lui.

Le gladiateur tilla à l'évocation de la fille de l'empereur, une douce chaleur envahit son cœur alors qu'il se remémora la douceur de la peau de celle-ci, le goût de ces lèvres et son corps pressé contre lui. Définitivement, aucun mal ne devait lui être fait. Toutefois, une ombre vint obscurcir le tableau, c'était à cause d'elle que son frère était mort, elle devait en prendre la responsabilité et cela même si son cœur se déchirait à cette idée. Cette fois-ci, il ne reculera pas devant elle, quitte à verser le sang de celle-ci. Le sang de l'empereur et tous ces descendants coulera à flots.

— Je me charge personnellement d'elle, informa Ares, elle m'appartient.
— Et son compagnon ? Le dernier des GAIUS, que fait-on de lui ? sollicita Vatrenus, en pinçant les lèvres.

À l'évocation de l'héritier des GAIUS, le sang du gladiateur bouillonna dans ces veines alors qu'il crispa les mâchoires. Il détestait cet homme, pour lui avoir volé Cassiopea, car il avait remarqué que la fille de l'empereur lui filait entre les deux progressivement. Et que le vent avait tourné en la faveur de cet abruti d'Hypérion, qu'il n'appréciait pas. Non, il ne laisserait pas cet idiot triomphait de lui, il lui ferait payer l'humiliation de la dernière fois. Il ne le laisserait pas s'en tirer si bon compte, il se ferait une joie de le faire souffrir puis de l'achever.

—  Il est à moi, j'ai des comptes à régler avec lui, soutint Ares en frôlant de ces doigts son glaive avec une certaine délectation.

Personne ne s'y opposa, puis petit à petit le groupe se scinda et chacun regagna la chaleur de sa demeure dans le plus des silences sans se douter qu'ils étaient épiés. Le gladiateur dévala plusieurs escaliers sans se presser, sans se préoccuper de la pluie torrentielle qui s'abattait sur lui. Il s'insinua à travers les rues de Rome avec l'agilité d'un serpent, rapide et vif alors que son sourire ne quittait pas ces lèvres. Il touchait du bout des doigts sa vengeance, rien ne l'arrêterait, ne l'y dérogerait c'était plus que certain. Le feu de la rébellion sonnerait bientôt, il n'avait fait qu'attiser ce feu, ajoutant de la poudre. Il avait donc été facile pour lui de manipuler, et intégrer ces rebelles de l'ombre dans la plus grande discrétion. Il avait même rallié plusieurs gladiateurs, bien entendus, il n'en avait soufflé mot à Crixus et Hellion, il savait qu'ils se heurteraient à leurs refus catégorique. L'heure du jugement dernier de l'empereur approcher à grand pas, et Rome brûlera, il l'avait juré. Rome était tout ce que l'empereur aimait par-dessus tout, il comptait bien tout détruire, et transformait tout ceci en ruines. Finalement, il prit le chemin du temple, s'y engouffra et alla directement près de la statue du dieu Mars, le dieu de la Guerre. Il s'agenouilla, puis offrit une offrande et se mit à prier, puis finalement il se releva la main sur le cœur.

—  Ares ? interpella une voix féminine.

Le gladiateur s'interrompit puis se retourna vers l'origine de la voix, il s'inclina respectueusement en reconnaissant la fille du sénateur Calion, Megara Caliona, l'épouse de Cassius. Il défaillit lorsqu'il se rendit compte que le ventre de celle-ci était arrondi. Le père de celle-ci était-il au courant ?

— Oui ma dame ? fit Ares.
— Sais-tu ou es Cassiopea ? Depuis tout à l'heure, je la cherche, exposa Megara, la mine légèrement inquiète.
— Non, je ne l'ai pas rencontré aujourd'hui, répondit Ares, surpris. Je peux la chercher et l'informer que vous souhaitez vous entretenir avec elle, proposa-t-il voyant en cela une opportunité de se retrouver seul avec elle.

La belle-fille de l'empereur acquiesça vivement, puis le gladiateur prit congé de celle-ci et se mit en quête de rechercher la jeune femme. Il flâna entre les étals, interrogeant les passants même si la pluie était torrentielle. Que pouvait-elle faire hors de sa villa avec un temps pareille ? C'était clairement un temps à rester cloîtrer dans ces appartements bien au chaud dans ces draps. Un temps à consacrer à quelque chose de plus passionnant et enivrant qu'une simple balade sous la pluie. Il se mordit la lèvre inférieure en se remémorant le moment qu'ils avaient passé dans le désert, ou même ce moment où elle s'était retrouvée en califourchon sur lui, cette nuit-là, son corps chaud pressé contre son bas-ventre. Il n'avait eu de cesse qu'un seul désir, qu'il la fasse glisser sur son entrejambe et qu'il l'a voit défaillir de plaisir. Il secoua négativement la tête, alors que des folles images l'assaillirent alors qu'il se sentait à l'étroit dans son pantalon de toile. Il finit par s'arrêter, bredouille, il entreprit de faire demi-tour. Mais un gémissement, mêlés d'un rire l'interpella. C'est là qu'en se glissant le long d'un mur, qu'il aperçut un couple entrelacé, s'étreignant amoureusement.

—  Qu'est-ce que ? laissa échapper Ares, abasourdi.

Non pas que ce soit la première fois qu'un couple se livre à ses ébats en plein ville mais c'était plutôt l'identité u couple qui vint le refroidir. Cette chevelure bouclé, ce rire, il le reconnaîtrait même les yeux fermés. Une haine monstrueuse s'empara de lui, lorsqu'il reconnut l'homme avait lequel la fille de l'empereur batifolait. Ce n'était autre que son plus fervent rival, son plus grand ennemi et celui qu'il jurait de tuer en premier, cet Hypérion. Il dût se faire violence pour ne pas se ruer sur lui, et le ruer de coups jusqu'à qu'il soit méconnaissable.

— Non Ares, ne fous pas tout en l'air, murmura Ares pour lui-même, alors que du sang s'écoulait de ces paumes.

La fille de l'empereur rentra dans ces appartements et s'empressa de prendre un bon bain chaud, une fois cette chose faite, elle s'habilla au chaud, enfilant un manteau de fourrure. La nuit était déjà avancée, le vent venait faire virevolter les rideaux, tandis que l'air était frais. Elle vérifia les braseros, y ajouta quelques bûches supplémentaires et étaient sur le point de fermer à clef ces appartements, lorsqu'elle s'aperçut d'une présence. Elle sut déjà qui s'était, il n'y avait qu'une seule personne capable de déjouer les gardes et s'infiltrait ainsi dans ces appartements.

— Tiens, tu daignes à reparaître devant moi, lança Cassiopea, en faisant volteface.

La silhouette du gladiateur apparût enfin sortant de l'ombre, si autrefois en le voyant, la romano-gauloise ressentit un frémissement, des papillons dans son ventre, ce n'était plus le cas désormais. Depuis la dernière fois, qu'ils s'étaient vue, tout trace de désir, d'attirance envers son cher gladiateur chéri, s'était volatilisé, évanouit. Pour ne laisser place, qu'à une profonde indifférence, du mépris et un certain dégoût. Il s'était joué d'elle, et l'avait ouvertement humilié et de la pire manière qui soit. C'était plus qu'elle n'aurait pu accepter, c'était fini désormais.

— Tu disais que tu ne t'offrirais au premier venu, mais n'était-ce pas ce que tu étais en train de faire avec cet Hypérion ? Accusa Ares, acide en peinant à garder son calme.

La romano-gauloise claqua sa langue à son palais de manière agacée, alors que ces muscles semblaient être en feu. Et qu'elle sentit son sang bouillonnait dans ces veines, et qu'elle se mordit la lèvre inférieur avec violence. Elle secoua la tête, et croisa les bras sur sa poitrine. Réfrénant le torrent d'émotions qui embrasait son corps tout entier, elle se craqua la nuque afin de tenter de calmer ce qu'elle ressentait vraiment.

— Tout ce que j'ai offert à Hypérion sont des baisers, et de toute manière en quoi ça te concernes ? S'évertua Cassiopea à comprendre, plus que sidérée.
— C'est ça, pff. Grogna Ares, en grommelant dans sa barde inexistante.

Puéril, était le seul mot qui illuminait l'esprit de la romano-gauloise à cet instant. Bien qu'elle avait toujours mit un point d'honneur à écouter les doléances de ces hommes, le gladiateur grecque était en train de la pousser à bout. Cette fois-ci, elle ne laisserait passer, elle avait d'ores et déjà assez donné et n'avait aucunement envie d'en pâtir de nouveau. Il en était hors de question !

—  La différence entre toi et Hypérion est plus que flagrante, assura Cassiopea plus qu'agacé.
— Tu veux dire qu'il est de ton rang et que je suis un esclave ? Grommela Ares, hors de lui.

Contre toute attente, la fille de l'empereur éclata de rire sous l'ahurissement du gladiateur qui s'attendait tout sauf à ça. Il sentit un frisson de mauvais augure l'embraser lorsqu'il se rendit compte que le timbre de voix de la romano-gauloise devenait de plus en plus cynique, sinistre. Il se rembrunît et se tint sur ces gardes, alors que pour une fois, un malaise profond l'envahit. Lorsqu'il croisa de nouveau le regard de la jeune femme, il en eut la chair de poule et non pas des papillons dans le ventre, mais un étau resserra sur son estomac.

— Je n'ai pas trouvé Hypérion dans le lit de ma cousine, assena Cassiopea avec mépris. Mais que pouvais-je attendre de ta part ? Il semble que tu prends un malin plaisir à combler sexuellement mes rivales. Tu l'as fait avec la reine Aicha, puis Maxima. Hum, qui ce sera la prochaine fois ? Le pire étant, que tu étais parfaitement conscient que cela me ferait du mal, or tu as continué. Continua-t-elle avec une certaine désolation.

Glacé, le gladiateur ne sut quoi dire alors qu'il se demanda bien comment elle avait pu être au courant du fait qu'il avait eu une aventure avec cette reine persane. Il défaillit alors que la véracité des mots de celle-ci le toucha en plein cœur, et qu'il en fut transpercé de tout part. Il voulut lui crier qu'elle avait tort, mais ces mots se bloquèrent dans sa gorge, alors qu'il n'eut pas le courage de soutenir son regard. Il détourna son regard, en se passant une main contrarié sur la nuque et dans la chevelure. Sans s'en rendre compte, hors d'elle, la romano-gauloise avait brisé la distance entre eux et se planta devant lui.

— Dégage, hors de ma vue, pria Cassiopea en le repoussant violemment.

Le gladiateur recula, puis finit par tourner les talons et quitta à la hâte les appartements de la jeune femme.

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