Chapitre XLVIII : Les survivants


Voie d'eau ! Voie d'eau ! criait un marin.

Le capitaine grimaça. Rien de surprenant. L'Artémisia gîtait sur tribord. Le lutteur et les gladiatrices avaient évité le pire, mais les haches avaient entamé la coque avant qu'ils n'eussent intervenu.

Arrête de gueuler ! commanda-t-il au marin. Y a-t-il beaucoup d'eau dans la cale ?

Un à deux pieds, capitaine.

Je vais descendre. Héry, dit-il à son second, va me chercher le responsable des gladiateurs. J'aurais peut-être besoin de bras en bas et je veux savoir si je peux prendre qui je veux.

Oui, capitaine.

Tidutanus assura au second que toute sa familia était aux ordres du capitaine. Il lui conseilla de demander leur aide à Anté, Caïus, Xantha, Atalante et Marcia. Sans que Tidutanus ne pût s'expliquer pourquoi, aucun d'entre eux n'avait été blessé. Ils portaient des estafilades, mais elles ne s'avéraient pas plus graves que celles qu'ils récoltaient régulièrement durant les entraînements. Anté combattait comme secutor, Xantha comme mirmillon, le second lui avait expliqué que les gladiateurs devraient effectuer un travail de charpentier et ces deux-là conviendraient si le travail demandait de la force. Xantha dormait. Anté et Caïus aussi. Marcia broyait du noir.

Il vous en faut combien ?

Autant que possible, parce qu'après avoir colmaté la voie d'eau, il faudra évacuer l'eau.

Laissez les blessés tranquilles et prenez qui vous voulez, les gladiateurs comme mes gardes ou les femmes.

Merci.

Tidutanus le retint.

C'est grave ?

Si on arrive à écoper et qu'on n'embarque pas trop d'eau, si on trouve vite un port, non. D'ailleurs, le capitaine aurait déjà commencé à vider les cales s'il pensait que nous risquions de couler. Vous venez avec nous écoper ?

Oui.

Le capitaine ne voulait pas jeter sa cargaison à la mer. Il ne ramenait déjà pas la domina. Sa sœur, pensa-t-il avec désespoir, comment allait-il annoncer à Julia Metella Valeria qu'il avait perdu sa sœur, qu'il l'avait laissée à la merci des vagues et sans secours ?

Le second réapparut sur le pont suivi de dix personnes appartenant à la familia des gladiateurs. Tidutanus tourna la tête à la recherche de quelqu'un et se dirigea vers la proue. Marcia s'y tenait assise, la tête enfoncée entre ses genoux. Elle avait mal vécu la disparition de la domina et d'Aeshma. Tidutanus avait cru comprendre qu'elle était liée à Gaïa Metella qui l'avait reçue plusieurs fois chez elle et la jeune fille était très attachée à Aeshma.

Atalante se tenait à côté d'elle, les yeux perdus dans le vague. Tidutanus les apostropha. Les deux gladiatrices se levèrent et le suivirent.

.

La coque avait été abîmée, mais les hommes et les femmes, sous les ordres du capitaine, s'évertuèrent à limiter les dégâts. Marcia, Caïus et deux marins furent envoyés le long de la coque extérieure pour placer des toiles goudronnées destinées à couvrir les brèches. À l'intérieur, on posa des tampons et dans les deux cas, des planches furent clouées pour consolider les réparations.Ensuite, vint le dur labeur d'évacuer l'eau qui s'était infiltrée dans la cale.

L'équipage et ses passagers bénéficièrent d'un temps clément, mais le travail se révéla épuisant. Il fallait remonter les seaux de la cale jusqu'au pont et jeter leur contenu par-dessus bord. Vingt et une paires de bras placées en chaîne. Antiochus et Anté se chargeait de vider les seaux, Atalante, Marcia, Xantha et Caïus se retrouvèrent à faire des allers-retours dans les échelles. Les marins se relayaient pour écoper l'eau à fond de cale.

Peu à peu, l'Artémisia se redressa et une bonne partie des brèches remonta au-dessus de la ligne de flottaison. Le capitaine inspecta l'état des réparations. L'eau suintait toujours. Il organisa et répartit l'ensemble de son équipage et de ses passagers en deux équipes. Il leur attribua à chacune un quart de six heures durant la journée, un quart de deux veilles durant la nuit, avec pour mission d'écoper.

Tidutanus demanda l'autorisation de revoir avec lui les équipes. Le capitaine avait séparé Atalante et Marcia, et le garde les regroupa dans la même équipe. Les deux rétiaires partageaient plus que de l'estime l'une pour l'autre et Marcia l'inquiétait. La jeune fille arborait une mine sombre et triste. Écoper l'occuperait pendant une partie de la nuit et du jour, mais il pressentait que cela ne suffirait pas à la distraire de ses angoisses. Il avait peur qu'elle ne fît une bêtise ou qu'elle ne tombât malade.

Contrairement à Téos, il croyait aux vertus de l'amitié, à celles de l'amour. Il n'avait d'ailleurs jamais compris pourquoi Téos s'opposait si durement aux moindres velléité d'intimités entre ses gladiateurs. Par peur qu'ils ne se battent plus ? Les hommes et les femmes ne combattaient pas ensemble. Être amoureux les encouragerait donc à vivre et à survivre. Et puis, même... Si les deux amoureux étaient du même sexe, même s'ils étaient appairés ensemble, n'essaieraient-ils pas plutôt de briller aux yeux du public, à le combler de plaisir en lui offrant un combat spectaculaire et sanglant, pour éviter qu'aucun d'entre eux ne subît la jugula ?

Aeshma et Atalante n'étaient peut-être pas amoureuses l'une de l'autre, mais Tidutanus savait qu'elles s'aimaient beaucoup. Et Dieux ! Si Téos ne les appairait que rarement ensemble, ce n'était certainement pas parce qu'elles se ménageaient. Bien au contraire. Leur combat à Pompéi, s'il n'en avait pas été convaincu avant, aurait dû faire comprendre au laniste que l'amour ne bridait en rien ses gladiateurs. Et si Aeshma et Atalante ne l'avait pas convaincu, Marcia et Astarté en avaient apporté la preuve. Leur prestation, malgré leur différence de niveau avait été magistrale. Marcia voulait briller aux yeux de la Dace et celle-ci avait tout fait pour mettre en valeur la jeune auctorata. Téos aurait dû comprendre. Depuis longtemps.

Tidutanus en tant que chef de la garde était craint des gladiateurs. Il les surveillait étroitement et rapportait à Téos ou Herennius tout manquement à la discipline. Il se montrait intègre et sans indulgence envers les fautifs. Pourtant, il n'avait jamais rapporté à Téos les rares histoires d'amour qu'il avait vues naître dans la familia. Il avait fermé les yeux. Téos en avait mis certaines au grand jour et, menaces et punitions avaient suivi. Tidutanus avait regardé le jeune rétiaire judéen se consumer d'amour pour Aeshma, vu Sonja et Scylas s'aimer bien avant que Téos ne brisât cruellement leur idylle. Il savait pour Marcia et Astarté. Il connaissait la grande Dace. Sa manière de regarder, de convoiter, de désirer et d'oublier. Il avait surprit Aeshma lui parler après le premier combat de Marcia. Il l'avait vue séduire la jeune auctorata, vu Marcia la suivre dans sa cellule. Pendant un mois et demi, il avait surpris plus d'une fois Marcia venir frapper à la porte d'Astarté et ne ressortir que bien des heures plus tard, surpris le regard d'Astarté quand Marcia passait, l'approchait, lui parlait.

Il avait d'abord trouvé la Dace imprudente puis, complètement stupide. Ses tentatives de dissimuler ses sentiments en couchant avec des hommes, jamais de femmes, complètement idiotes. Tidutanus passait son temps à observer, à épier. Il pensait avec raison que Marcia souffrait de l'absence d'Astarté. Il était probable que la Dace fut son premier amour, sa première amante, pourquoi sinon, Aeshma aurait-elle parlé à Astarté si ce n'était pour lui confier l'innocence de sa protégée ?

La morale chez les gladiateurs prêtait vraiment à confusion, d'autant qu'il savait qu'Aeshma avait demandé conseil à Atalante.

Atalante, Aeshma, Astarté, Marcia, les autres. Les gladiatrices étaient peut-être d'exceptionnelles combattantes, mais les rapports qu'elles entretenaient entre elles le laissaient parfois pantois. Quoi qu'il en fût, Téos lui avait confié sa familia, trois gladiateurs avaient déjà succombé, parce que, même si Atalante, par pure cruauté ne l'avait pas achevé, Perseus n'avait pas survécu à la tempête. Une lame contre laquelle il n'avait pu se battre l'avait emporté et jeté par-dessus bord. Privé de sépulture, il errerait éternellement. Une juste punition pour sa traîtrise. Il avait tué Piscès. Blessé Sabina dont la vie menaçait à tout instant de l'abandonner. Aper n'était pas au mieux, Galini délirait, Aeshma s'était noyée. Xantha avait beau distribuer des coups de poing quand elle entendait cette affirmation et jurer que la petite thrace avait gagné la sécurité du lembos avec l'aide de la domina, Tidutanus n'y croyait pas. Il avait définitivement perdu quatre gladiateurs et deux menaçaient encore de lui échapper. Les cinq gardes et les quatre valets se remplaceraient facilement, mais deux meliores ? Trois, peut-être, et une jeune gladiatrice prometteuse ? Il n'allait pas risquer de perdre Marcia. Il convoqua Atalante.

La grande rétiaire se présenta devant lui, pâle et fatiguée.

Atalante, tu vas t'occuper de Marcia et veiller à ce que rien de fâcheux ne lui arrive.

Atalante lui renvoya un regard hostile. Mettre en doute son affection pour la petite auctorata lui déplaisait souverainement.

Je t'ai fait changer d'équipe.

Merci.

Tu es allée voir Métrios ? demanda-t-il soudain inquiet.

Pourquoi ? Je n'ai pas été blessée durant l'abordage.

Retire ta tunique, lui ordonna Tidutanus d'un ton sec.

La jeune femme s'exécuta. Un marin passa et lui lança malgré son épuisement un regard appréciateur et un sifflement d'admiration. Elle avait l'habitude de ce genre de manifestation et elle n'y prêta pas attention. Le marin se trouvait à trente pieds de la jeune femme, Tidutanus à deux pieds. Il ouvrit la bouche. Horrifié.

Dieux ! Atalante !

Les bandages que portait encore la jeune femme étaient rosis de sang et d'eau, à moitié défaits et ne recouvraient parfois plus qu'en partie les plaies qu'on devinait gonflées et sanguinolentes. Il s'approcha d'elle, remarqua ses lèvres bleuies, posa une main sur son ventre. Elle était glacée.

Défais tes bandages.

Atalante déroula les tissus de lin, comme elle put.

Tourne-toi.

Une catastrophe. Un désastre sanitaire.

Comment as-tu pu participer aux corvées ? demanda-t-il d'une voix blanche.

La jeune femme haussa les épaules.

Merde, Atalante, on a perdu Piscès, Sabina est en train d'agoniser, Galini, Enyo et Aper ne sont pas mieux, et toi, tu te ballades comme si de rien n'était dans cet état ?!

...

Et tu n'as pas vu Métrios ?

Non.

Marcia ! hurla Tidutanus. Marcia !

La jeune fille assise dans un coin se leva et se dirigea lentement vers eux.

Si tu ne te grouilles pas plus que ça, je te mets aux fers ! fulmina Tidutanus.

Marcia prit le pas de course.

Marcia, tu vas conduire Atalante à Métrios et tu vas veiller à ce qu'elle se fasse soigner. Non, mais regarde ça ! dit-il furieux. Elle va crever elle aussi.

La jeune gladiatrice tourna son regard vers Atalante qui leva une épaule, l'air de dire que Tidutanus se montrait bien mélodramatique. En plus, elle avait froid. Elle aurait dû s'en inquiéter au lieu de plaisanter. Le soleil brillait haut dans le ciel et la brise marine peinait à atténuer la chaleur du jour. Marcia pâlit.

Atalante, souffla-t-elle.

Marcia, tu l'accompagnes et quoiqu'il arrive, que le bateau coule ou pas, vous ne vous quittez pas d'une semelle. C'est compris ?

Mais et notre quart ? s'inquiéta Atalante.

Penthésilée vous remplacera. Dites-le-lui. Si l'une d'entre vous crève, je garrotte la survivante de ma propre main devant le corps de l'autre. Filez maintenant.

.

L'Artémisia avait été secoué par un fort coup de melténi qui l'avait poussé loin vers l'ouest. Une chance. Il avait perdu son pilote, mais le capitaine reconnut sans peine les côtes de l'île de Zaforas. Il mit cap vers le nord. Si l'Artémisia tenait, il rejoindrait directement Patara. Si le navire faiblissait, il ferait relâche à Rhodes.

Les réparations tinrent bons. Les hommes et les femmes purent se reposer, même ceux qui étaient de quart. Ils organisèrent des tours de gardes à fond de cale. Tandis que deux d'entre eux surveillaient le niveau d'eau, les autres se reposaient sur le pont.

Métrios stabilisa Sabina, l'état d'Enyo s'améliora, Galini reprit conscience. Il bourra Atalante de médicaments en tout genre, lui refit ses points, et chargea Marcia de badigeonner ses blessures six fois par jour de teinture galénique et de surveiller leur évolution. Deux gardes moururent, deux marins aussi. Un soir, Aper fut pris de convulsions et se mit à baver en râlant. Sa femme appela Métrios. La crise passa, le gladiateur recouvra la parole, il s'excusa auprès de sa femme, remercia Métrios pour ses soins et demanda à parler à un melior.

Il ne reste qu'Atalante.

Où est Aeshma ? C'est une thrace comme moi, je préférerais lui parler à elle.

Elle est morte.

Aeshma ?

Elle est tombée à l'eau, on ne l'a pas récupérée.

Atalante est un bon gladiateur, je veux lui parler.

On réveilla Atalante qui récupérait les heures de sommeil qu'elle avait perdues quand elle se trouvait dans la cale avec Aeshma. Elle s'assit à côté de l'homme à l'agonie. Elle ne le connaissait pas très bien. Ils ne combattaient pas sous la même armatura, il était marié et c'était un auctoratus.

Salut, Aper.

Atalante, je voudrais que tu témoignes pour moi auprès de Téos.

Je suis gladiatrice, Aper. Je suis une esclave, ma parole n'a aucune valeur. Adresse-toi à Tidutanus.

Non, Tidutanus n'est pas des nôtres. Tu es une femme, tu es une esclave, mais ta parole est respectée dans la familia et Téos t'apprécie. Raconte-lui, Atalante. Raconte-lui que j'ai combattu avec courage et honneur, que je n'ai pas démérité. S'il te plaît, la supplia-t-il. C'est vrai, non ?

Oui, c'est vrai, tu n'as pas démérité, Aper.

Il fallait bien qu'il y ait des morts, tout le monde ne pouvait en sortir vivant. Mon tour était venu.

Il ferma les yeux un instant. Sa femme l'appela doucement et prit l'une de ses mains entre les siennes.

Atalante, nous sommes mariés sin manu avec Lucia. Sa parenté n'est plus là pour elle. Je voudrais te la confier. Elle m'a toujours été fidèle, elle est restée auprès de moi, elle ne m'a pas quitté quand j'ai voulu rejoindre la gladiature. Elle n'a jamais causé de problème et elle est dure à la tâche.

Mais qu'est-ce que tu veux ?

Convaincs Téos de la garder dans la familia, que fera-t-elle sinon, seule et sans protection ?

Que pouvait répondre Atalante à cet homme agonisant ? À cet homme qui s'inquiétait pour l'avenir d'une femme qu'il aimait et qu'il estimait ? Qu'elle n'avait aucun pouvoir ? Que Téos se moquait de l'avis de ses gladiateurs ? Que celui de ses gladiatrices ne lui importait pas plus ? Qu'il les chérissait parce qu'elles lui apportaient gloire et fortune. Fortune surtout. Téos n'était jamais tombé amoureux de ses gladiatrices, il n'avait jamais même couché avec une seule d'entre elles. Trop précieuses et trop viles pour s'abaisser à cette facilité que lui donnaient ses droits absolus sur elles.

Atalante... la supplia-t-il.

Je te promets de faire tout ce qui sera en mon pouvoir, mais...

Marcia, demande à Marcia de t'aider. C'est une femme libre, non ?

Atalante serra les poings.

On veillera sur elle, Aper, intervint Marcia qui avait suivi leur échange.

Atalante tourna la tête vers la jeune fille. Elle était si naïve. Atalante pensait pourtant qu'elle avait compris. Marcia souriait chaleureusement au gladiateur. Elle tendit la main vers Lucia et la posa sur les doigts enlacés de la jeune femme et d'Aper.

Lucia appartient à notre familia et toi, Aper, tu t'es battu à nos côtés, tu t'es conduit vaillamment, personne ne peut contester cette vérité. Atalante et moi, nous te jurons devant Némésis, de prendre soin de ta femme et de lui assurer une vie honorable.

Les traits d'Aper se détendirent de soulagement. Il regarda les deux gladiatrices tour à tour. Il tendit une main vers Atalante et parce qu'elle était une meliora, parce qu'elle appartenait au premier palus, parce que son ancienneté et sa valeur avaient plus d'importance à ses yeux que le statut social de Marcia. Il leva une main vers elle pour sceller la promesse qu'avait énoncée Marcia. Atalante attrapa son poignet, Aper le sien.

Merci, Atalante.

La grande rétiaire hocha la tête. Aper retourna son attention vers sa femme et les deux gladiatrices s'éloignèrent. Atalante reprocha à Marcia d'avoir proféré une promesse qu'il leur serait difficile de tenir.

Vous m'avez toujours dit que la solidarité était sacrée au sein de la familia. Qu'on devait prendre soin des morts et de leur famille s'il en avait.

C'est vrai, mais... Lucia est gentille, mais je ne suis pas sûre qu'elle ait sa place parmi nous. Il n'y a pas de femmes à part les gladiatrices et les masseuses. Chloé, Samia et Saucia exercent une profession indispensable au sein de la familia, mais que fera Lucia ? Tu crois que devenir ludia soit l'avenir que lui souhaite Aper ? ajouta amèrement Atalante.

On trouvera une solution, affirma Marcia.


***


Patara. Enfin.

Soulagement et angoisse se partagèrent le cœur du capitaine. Il n'avait pas fait escale à Rhodes. Le temps avait été clément, la mer calme et les infiltrations d'eau, constantes et régulières, si elles n'avaient pu être évitées, ne menacèrent jamais l'Artémisia. Les marins et les passagers ne faillirent pas à leur tâche et trois jours durant, ils évacuèrent l'eau des cales du navire.

Ils ne purent aborder immédiatement. Le vent tomba alors qu'ils s'approchaient. Mais Julia Metella possédait des canots destinées à tracter et à pousser les navires marchands jusqu'aux quais. Le capitaine fit amener le petit canot que traînait l'Artémisia dans son sillage. Il avait l'intention de signaler son arrivée à quai et de demander assistance auprès du personnel de Julia Metella Valeria. Il se ferait reconnaître. L'Artémisia apponterait, il ferait prestement décharger le navire, puis le conduirait sur un chantier pour le faire réparer. Son équipage pourrait profiter d'une relâche méritée. Les gladiateurs se débrouillerait pour rallier Sidé par leurs propres moyens. Il était prêt à leur rembourser l'intégralité de leur passage pour ne pas les avoir menés à bon port. Il leur devait bien cela. L'Artémisia n'appartiendrait plus à Gaïa Metella s'ils n'avaient été présents à bord.

Gaïa Metella.

Il s'accrocha au bastingage.

Capitaine ? l'appela une voix féminine.

Il se retourna. La jeune archère qui avait si bien défendu le navire lui faisait face.

Oui ? Que puis-je faire pour vous ?

C'était une amie de la domina, pas seulement une gladiatrice. Elle était tellement belle, pensa-t-il complètement hors de propos. Pas vraiment belle, mais tellement... blonde. La saleté n'avait même pas réussi à ternir l'éclat de ses cheveux d'or. Et ses yeux ! Le dieu romain des océans avait dû séduire sa mère, pour que sa fille possédât des yeux qui évoquaient si exactement la mer scintillant sous le soleil. Et le dieu l'aimait tellement qu'il avait parsemé leur éclat profond et lumineux de paillettes d'or.

Euh... Capitaine ? répéta Marcia devant l'air complètement absent de son vis-à-vis.

Excusez-moi, domina, dit-il spontanément.

Marcia se figea. L'appellation lui convenait si peu, il y avait si longtemps qu'elle avait oublié qu'on pût la nommer ainsi, elle avait oublié qu'elle méritait ce nom, qu'elle en avait le statut officiel. Domina. Pour qui ? Pour Atalante ? Aeshma ? Atticus ? Xantha ? Tous les autres esclaves de la familia dont elle se sentait, pour certains d'entre eux, redevable ? Pour Astarté ? C'était ridicule.

Vous désirez quelque chose ? reprit le capitaine.

Vous allez à terre ?

Oui.

J'aimerais, euh... J'aimerais vous demander une faveur.

Vous allez à terre ? intervint soudain Antiochus.

Oui, confirma une nouvelle fois le capitaine.

Je veux vous accompagner, déclara le lutteur.

Pourquoi faire ? demanda Marcia.

Il faut que...

Il baissa la tête. Le capitaine serra les mâchoires. Marcia paniqua.

Non, dit-elle fermement. C'est à moi de le faire.

Qu'est-ce que tu racontes, petite fille ? grogna Antiochus

Je suis une amie de Julia Metella Valeria.

J'étais responsable de sa vie sur ma propre vie, répliqua le lutteur sans prononcer le nom de celle sur qui il avait veillé tant d'années.

Je suis le capitaine de ce navire, c'est à moi qu'il appartient de...

Non ! cria Marcia en colère.


***


Marcia avait demandé à Atalante si elle voulait bien l'accompagner. Elle avait besoin de sa présence. Elle avait demandé l'autorisation à Tidutanus de se rendre à terre pour annoncer la disparition de sa sœur à Julia Metella Valeria. De partir avec Atalante. Tidutanus avait refusé. Marcia s'était retenue de lui envoyer son poing dans la figure. Elle s'était efforcée de se contrôler puis, elle avait expliqué à Tidutanus que la domina pouvait les aider.

Ah, oui ? Et comment ?

D'abord en nous envoyant un médecin. Métrios n'est qu'un élève d'Atticus. Julia Metella connaît de bons médecins, ils pourront prendre soin de Sabina et d'Enyo. Ensuite, elle pourra nous loger le temps que soyons prêts à repartir. Je ne sais pas si tu veux reprendre la mer ou voyager par voie de terre.

Je veux rejoindre Sidé en bateau, ce sera moins fatiguant pour tout le monde.

Elle possède une flotte et nous trouvera un passage sur l'un de ses navires ou celui de quelqu'un qu'elle connaît.

Tu es bien sûre de toi.

C'est une amie.

Ah, mais pourquoi veux-tu emmener Atalante ?

Je...

Je ferais mieux de t'accompagner, déclara soudain Tidutanus.

Et tu vas laisser la familia sous la seule surveillance de tes deux gardes ? insinua Marcia.

D'accord, Marcia, accepta Tidutanus, s'accordant à trouver dangereux de laisser sa familia sans soutien. Mais pourquoi Atalante ?

Tu peux lui faire confiance, Julia Metella la connaît et euh... J'ai... J'ai besoin d'elle.

Prends-la avec toi et trouve-moi un médecin. Et, pendant que tu y seras, fais examiner Atalante par ton médecin. Mais je veux être au courant de ce que vous trafiquez.

Ce sera fait.

Va alors.

Merci, Tidutanus.

Marcia ? l'avait-il rappelée alors qu'elle s'éloignait.

Oui ?

Merci.


***


En conflit avec la volonté du capitaine, les poings de Marcia se serrèrent. Atalante s'approcha vivement. La jeune gladiatrice reprochait souvent sa violence à Aeshma, mais elle ne valait parfois pas mieux qu'elle. Son mentor avait eu une très mauvaise influence sur elle à ce propos.

Pourquoi ne pas tous y aller ? suggéra-t-elle conciliante. Toi, c'est ton devoir de capitaine, toi, de garde du corps et pour Marcia, c'est une question d'honneur et d'amitié. Vous ne voulez pas manquer à votre devoir. Aucun d'entre vous.

Quelle bande de débiles, maugréa soudain une voix derrière eux.

Xantha.

Elle n'avait toujours pas abandonné l'idée que Gaïa et Aeshma étaient saines et sauves.

Pff, souffla-t-elle avec mépris. Vous avez leur corps ? Non. Est-ce que l'un d'entre vous les a vues couler ? Non. Et vous vous battez pour aller annoncer à je ne sais qui que la domina est morte, c'est ça ? Parce que vous vous battez bien pour ça, n'est-ce pas ? Marcia est prête à vous sauter à la gorge parce qu'Aeshma lui a enfoncé dans le crâne que si on n'obtenait pas gain de cause en trois secondes, rien ne valait quelque bons coup de poings pour se faire entendre. Évidemment pas pour se faire entendre de Téos, d'Herennius ou de quiconque représentant une autorité, mais de tous les autres. Et je peux vous dire, qu'à ses yeux, vous ne représentez pas une quelconque autorité et que même si c'était le cas, elle s'en fout, qu'elle va prendre ce canot et faire ce qu'elle a envie de faire. Et tout ça pour quoi ? Pour aller pleurnicher sur je ne sais qui...

C'est sa sœur ! crachat Marcia.

Ouais, ben, on s'en moque. Sa sœur ou pas, tu vas aller lui raconter n'importe quoi, histoire d'en avoir une autre qui partage tes pleurnicheries et tes angoisses. Et toi, Atalante, continua la Germaine en pointant un doigt accusateur sur elle. Tu cautionnes ça ? Ces mensonges ? Tu parles d'une meliora ! Je dirai à Aeshma que tu n'as pas cru en elle, que tu as véhiculé des tas de mensonges sur elle, que tu l'as accusée d'être faible et lâche et peureuse et nulle, et j'espère qu'elle te le fera chèrement payer. Je t'assure que j'applaudirai des deux mains quand elle t'aura donné une bonne raison de t'apitoyer sur ton sort. Tu n'es pas digne d'être son amie. Et toi, Marcia, tu n'es pas digne d'être son élève. Tu renies ton mentor. Dommage qu'Astarté ne soit pas là, elle vous aurait remis les idées en place, je ne suis pas assez bonne pour ça. Vous me dégoûtez, cracha-t-elle. Trois jours et vous croyez toujours à leur mort ? Pff, vraiment.

Xantha abattit son poing sur le bastingage au comble de la frustration. Elle s'éloigna en jurant qu'elle ferait mieux d'aller soutenir le moral de Sabina et d'Enyo parce que, avec des défaitistes comme Atalante et Marcia, elles allaient crever comme Aper.

Elle n'a pas tort, dit pensivement Atalante d'un air coupable.

Le discours vindicatif de Xantha l'avait durement secouée. Ses accusations. Qui pût croire que soixante personnes dont une dizaine qui ne savaient pas tenir une arme, eussent pu survivre à une attaque coordonnée de trois lembos bourrés de pirates ? Qui pût croire que la coque défoncée par des haches, pris dans une tempête, l'Artémisia n'eût pas sombré et pût transporter à bon port l'intégralité de sa cargaison ?

Ils l'avaient pourtant fait. Ils ne s'en étaient pas sortis sans dommage, mais ils avaient survécu et pas une marchandise n'avait été perdue ou volée. Xantha avait raison quand elle affirmait que personne n'avait vu Aeshma ou Gaïa disparaître sous les flots, que le lembos n'était qu'à quelques pieds des deux jeunes femmes, qu'Aeshma ne renonçait jamais, que Gaïa n'avait rien non plus de quelqu'un qui baissait les bras. Les certitudes simplettes de Xantha s'appuyaient sur plus d'éléments probants que celles qui annonçaient leur mort. Il arrivait parfois qu'un homme surgît du désert. Vivant, quand tout le monde le croyait mort. Disparaître n'était pas mourir. C'était un non-être pour ceux qui restaient. Un absent. Il n'était ni mort ni vivant. La lune disparaissait et pourtant elle réapparaissait sans cesse. Il suffisait de l'attendre le cœur confiant.

Vous ne pouvez pas affirmer qu'elles sont mortes. Xantha a raison, ce serait un mensonge.

Tu y crois vraiment ? lui demanda Marcia.

Oui. Je ne sais pas si elles sont encore vivantes, mais rien ne prouve qu'elles soient mortes. Le lembos n'était pas loin, je sais qu'Aeshma ne sait pas nager, mais tu m'as bien sauvée. Je suis plus grande que toi et tu m'as ramenée. La domina est bien plus grande qu'Aeshma. C'était plus facile.

Oui, mais après ? demanda Antiochus.

On ne part jamais en mer sans vivres, intervint le capitaine. Il y avait des vivres sur le lembos. De quoi nourrir soixante personnes, au moins pendant deux jours. Les rames étaient en place et ces navires sont solides. En plus, les voiles avaient brûlé, il ne pouvait pas chavirer.

Aeshma ne baisse jamais les bras, ajouta Marcia.

Gaïa Metella, non plus, affirma le capitaine.

Ça, c'est bien vrai, approuva Antiochus avec une grimace de fierté.

Alors, allez parler à Julia Metella Valeria, fit Atalante d'une voix ferme. Mais pas comme messagers de mort.

Ses trois interlocuteurs approuvèrent d'un hochement de tête.

Tu viens quand même avec moi, Atalante ? demanda Marcia pleine d'espoir.

Je fais comme tu veux, Marcia.

Merci.

Atalante lui donna une bourrade dans l'épaule en souriant.

Elle serait bien allée courir après Xantha pour lui apprendre que son inébranlable confiance avait eu raison de leurs craintes et leurs doutes, pour la remercier. Xantha l'aurait certainement vertement reprise et lui aurait reproché d'avoir attendu trois jours pour enfin l'écouter et se montrer à la hauteur de son appartenance au premier palus, que c'était incroyable que ce fût une fille du second palus qui défendît l'honneur d'une meliora. Bref, Xantha n'aurait montré aucune joie à leur renouveau d'espérance. Elle aurait seulement grogné et bougonné comme un vieux sanglier ronchon.

L'Artémisia resta ancrée au large toute la nuit. La manœuvre d'appontement parut trop aléatoire au responsable de la petite flottille de bateaux pousseurs-remorqueurs. Le capitaine, une fois à terre, demanda s'il était possible de se procurer dans l'heure du vin et des fruits frais. On s'empressa de répondre à ses vœux, on chargea le canot, et le capitaine le renvoya avec ses deux rameurs prévenir le second et livrer à l'équipage et à ses passagers ce qu'il leur avait acheté pour améliorer leur dîner.

.

— Domina, le capitaine de l'Artémisia aimerait savoir si pouvez le recevoir.

— Le capitaine de l'Artémisia ? Gaïa est rentrée ?! s'écria Julia ravie.

Je ne sais pas, domina.

Elle n'est pas avec lui ? demanda Julia.

Euh...

La jeune femme se troubla.

Pagona ?

Elle n'est pas avec eux, domina.

Avec eux ? Qui ça, eux ?

Antiochus et... Euh, je ne sais pas, domina. Je n'ai jamais vu les femmes qui accompagnent le capitaine et Antiochus.

Décris-les-moi.

L'une est très jeune et très blonde et l'autre très grande. Presque aussi grande que votre sœur, domina.

Julia fronça les sourcils. Le Capitaine ? Antiochus ? Qui étaient les femmes ?

Elles sont bizarrement habillées, domina, et la plus grande est blessée.

Fais-les venir dans le tablinium. Je les recevrai là-bas.

Bien, domina.

Julia hésita à prévenir Quintus. Elle ne pouvait se défendre d'une sourde inquiétude. Pourquoi Gaïa n'accompagnait-elle pas le capitaine ? Que faisait Antiochus sans elle ? Elle se traita d'idiote, sa jeune sœur avait peut-être différé son retour ou elle avait décidé de débarquer lors d'une escale. Elle avait dû donner des instructions à son capitaine et lui confier une tablette à son intention. Mais pourquoi Antiochus n'était-il pas resté à ses côtés ? Et les deux femmes ? Des amies ? Des clientes ?

Ses quatre visiteurs l'attendaient debout dans le tablinium. Elle reconnut tout de suite le capitaine, Antiochus et Atalante. Elle s'interrogea sur la raison de sa présence ici. Et puis, elle oublia toutes ses questions, toutes ses interrogations, toutes ses inquiétudes, quand ses yeux se posèrent sur la quatrième personne. Ces cheveux blonds, ces yeux. Elle remarqua confusément que la jeune fille avait grandi, que sa tunique était sale, qu'elle portait les traces d'une blessure récente sur l'avant-bras gauche, mais remisa ses observations au fond de son esprit. Elle était si heureuse de la revoir, de la savoir en vie, en bonne santé, elle l'avait tellement cherchée. Julia se précipita vers la jeune fille, ouvrit les bras et la serra affectueusement contre elle.

Marcia ! dit-elle avec émotion. Je suis tellement contente !

Julia, répondit Marcia en lui retournant son étreinte.

Julia se recula sans lâcher la jeune fille.

Marcia... souffla-t-elle en lui passa une main dans les cheveux. Mais d'où sors-tu ? Et qu'est-ce que tu fais ici... ? Antiochus ? Atalante ? Capitaine ?

Elle lâcha Marcia et fronça les sourcils. Que faisaient-ils tous ensemble ? Que faisait surtout Marcia avec eux. Gaïa l'avait-elle retrouvée et embarquée sur l'Artémisia ? Les gladiatrices étaient revenues d'Italie sur l'Artémisia ? Gaïa s'était-elle arrangée pour que la familia de Téos voyage en sa compagnie ce qui lui permettait de pouvoir interroger Aeshma ? Mais si c'était le cas, pourquoi Atalante et non Aeshma se trouvait-elle chez elle ? Elle prit la main de Marcia dans la sienne et invita ses visiteurs à s'asseoir. Elle s'aperçut qu'ils avaient l'air épuisé.

Racontez-moi.

Ils s'entre-regardèrent, incertains.

Julia, je peux te demander une faveur avant cela ? fit Marcia.

Bien sûr.

— Pourrais-tu envoyer des médecins sur l'Artémisia ? Il y a des blessés. Nous avons deux soigneurs, mais l'un n'est qu'un cuisinier et l'autre est seulement le second d'Atticus.

Métrios ? demanda Julia qui avait une excellente mémoire des noms et des visages.

Oui, confirma Marcia.

Deux gladiatrices sont gravement blessées, domina, compléta Antiochus.

— L'Artémisia est à quai ?

Non, domina, répondit le capitaine. Elle est ancrée au large.

Julia retint ses questions. La demande de Marcia avait été pressante. Elle frappa dans ses mains et alla s'asseoir derrière son bureau. Une esclave se montra aussitôt. Elle donna des ordres. Interrogea ses invités sur la nature des blessures dont souffraient les gladiatrices, fit répéter à l'esclave toutes ces informations, prit le temps de rédiger une tablette qu'elle remit à l'esclave et l'envoya avec des ordres précis chercher deux médecins en ville. Avant qu'elle ne s'éloignât, elle lui demanda de passer à la cuisine et de faire servir une collation à ses visiteurs. Elle s'appuya ensuite sur le dossier de son siège.

Maintenant, je vous écoute.

Les regards se tournèrent vers Marcia.

Nous avons été attaqués au nord des côtes de la Crête, commença Marcia.

Atalante, ta familia se trouvait à bord ? demanda Julia.

Oui, domina. Nous avons embarqué à Pompéi.

Tu es blessée, observa Julia.

Ça date du munus, domina. Je n'ai pas été blessée durant l'attaque.

Ton combat a été difficile ?

J'étais appairé à Aeshma, domina. Et elle était fâchée.

Marcia bougea inconfortablement sur son siège.

Ah...

— Julia, dit tout à coup Marcia. On a perdu Gaïa.

Julia accusa durement la nouvelle.

Elle n'a pas été tuée. Elle est avec Aeshma, s'empressa de rajouter la jeune fille.

Où est-elle ? articula difficilement Julia les mains crispées sur les accoudoirs de son fauteuil.

Silence.

Aeshma et moi sommes tombées à l'eau, dit Atalante. On ne sait pas nager. Marcia m'a sauvée et votre sœur est partie chercher Aeshma.

Comme la dernière fois, pensa Julia. Aeshma avait dû encore mettre sa vie en danger et Gaïa était partie la sortir d'une situation épineuse. Mais cette fois-ci... Le capitaine prit la parole :

Il y a eu un coup de vent, je n'ai rien pu faire, domina. J'ai essayé, mais la tempête nous a entraînés. J'ai voulu revenir, je...

Aeshma et Atalante se trouvaient près d'un lembos pirate, expliqua rapidement Marcia. Il n'avait plus de voile. Il n'était pas loin d'elles, Gaïa avait récupéré Aeshma. Elles ont pu gagner le lembos et monter dessus.

Les pirates emportent toujours de la nourriture avec eux, affirma le capitaine. Elles ont eu à boire et à manger.

Elles sont vivantes, Julia.

Gaïa nage très bien, domina, tenta de se rassurer Antiochus. Et la gladiatrice est... euh...

Je connais la gladiatrice, Antiochus. Je sais que c'est quelqu'un de bien et que Gaïa peut compter sur elle.


***


NOTES DE FIN DE CHAPITRE :

Illustration : la plage de Patara.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top