Chapitre XCVIII : Celles qu'on sauve


Atalante se morfondait devant un gobelet de posca. Marcia passa en coup de vent devant elle.

 Marcia?

 On s'arrache.

 Mais et...

 On se casse, Ata.

Marcia arrivait déjà aux escaliers quand Atalante venait à peine de s'extirper du banc sur lequel elle était assise. La jeune fille attaqua la première marche sans égard pour sa cuisse blessée. Quinze jours après, c'était encore douloureux. Elle marqua un temps d'arrêt. Atalante devina une grimace et se dépêcha de la rattraper.

 Marcia, tu m'expliques ?

 Il n'y a rien à expliquer, répondit hargneusement la jeune gladiatrice.

Atalante soupira. Aeshma et Marcia. Elles s'avéraient parfois aussi délicates l'une que l'autre à gérer. Enfin, presque. Atalante avait sur Marcia l'avantage de sa position. Si Atalante endossait son rôle de meliora, Marcia la respectait trop pour la provoquer. Et à la différence d'Aeshma, la jeune fille ne se noyait pas dans ses colères. Il était aisé de faire appel à la raison quand quelque chose la contrariait. Atalante attrapa Marcia par le bras et la retourna.

 Pourquoi es-tu fâchée ?

Spurus Italicus et sa femme tendaient l'oreille. Ils avaient rangé les deniers bien à l'abri. On ne leur reprendrait pas, mais ils rageraient si Zmyrina n'avait pas contenté la bestiaire aux cheveux d'or. Quoique... personne n'était obligé de savoir les détails de l'affaire. La venue de Marcia suffirait à attirer le chaland. Atalante poussa Marcia dans le corridor d'accès et ferma la porte.

 Maintenant, tu m'expliques, Marcia. Tu es venue pour Aeshma, pas pour toi, alors quoi ?

 Alors, rien, répondit la jeune fille avec un air buté.

 Marcia !

 Elle a tout nié en bloc, elle a feint de ne même pas connaître le nom, de ne l'avoir jamais entendu. Elle m'a demandé de quelle origine il était ! Elle s'est foutue de ma gueule !

 Tu parles comme Aeshma. Ça ne te va pas très bien.

 J'm'en fous ! Elle croyait que je venais pour... euh... que je voulais me payer... enfin, et après, elle n'a rien voulu entendre.

 Alors, tu es partie ? Furieuse ?

 Euh... oui, souffla Marcia. Je, euh...

Atalante avait croisé les bras sur sa poitrine. Elle dardait la jeune auctorata d'un regard sévère et elle la laissa balbutier. Marcia se sentit ridiculement minuscule sous le regard de la meliora. Voilà, c'était exactement cela. La meliora. La meliora se désolait de l'attitude immature de sa pupille. Marcia malgré sa jambe douloureuse se dandina inconfortablement d'un pied sur l'autre.

 J'ai été stupide, c'est ça ? demanda-t-elle penaude, toute colère évanouie.

 Au moins, tu en es consciente, grimaça Atalante. J'aurais dû venir avec toi.

 Elle ne te connaît pas et je croyais qu'elle...

 Qu'elle te parlerait ouvertement ? lui demanda avec douceur Atalante. Qu'elle te confierait ses secrets sans hésiter ?

Marcia baissa la tête. C'était exactement ce qu'elle avait cru en venant à l'auberge des Quatre Sœurs. Qu'elle n'aurait qu'à demander pour obtenir des réponses. Pourtant, elle aurait dû s'attendre à rencontrer des difficultés. Que savait-elle de la vie de ses camarades avant qu'ils ne rejoignissent le ludus ? Que savait-elle de la vie d'Aeshma ? Rien. Elle ne connaissait rien du passé de personne, sinon des brides éparses à propos d'Atalante ou de Galini, un peu plus à propos d'Astarté. Les gladiateurs n'avaient pas de passé. Si Zmyrina avait un jour été une enfant libre, comment pouvait-elle en avoir un ? Comment aurait-elle pu le confier à une inconnue ?

 Viens, on y retourne, lui déclara Atalante.

 Mais...

 Marcia, tu es sûre de ce que tu as entendu sur le forum ? Tu es certaine que c'était bien Zmyrina qui a prononcé le prénom.

 Oui, j'en suis sûre, Atalante. Je l'ai clairement entendu et je sais que c'est elle qui l'a prononcé.

 Alors, il faut y retourner. Tu vas m'attendre dans l'auberge, je ne veux pas qu'on te reconnaisse, je n'ai pas l'impression que le quartier soit très bien famé.

Marcia lui lança un drôle de regard.

 Quoi ? demanda Atalante.

 Tu as regardé autour de toi quand nous sommes venus ici ?

 Pas vraiment. Je surveillais notre entourage. J'ai repéré des mendiants et des tire-laines. Je n'avais pas trop envie de me battre, je ne me sens pas encore prête pour ça. Je préfère anticiper dans ces cas-là.

 Tu vas souvent te promener en ville ?

 Tu poses des questions stupides.

 Excuse-moi.

 Allez, viens.

Atalante rouvrit la porte et demanda à Marcia d'aller l'attendre dans un coin de la salle. Lorsqu'elle la vit se diriger vers la porte du fond, Hosta Vipsiala s'avança pour lui barrer le passage. Atalante brisa son élan.

 On t'a déjà bien assez payée, dit-elle d'une voix coupante. Mais si tu veux vraiment une autre forme de rétribution, je suis partante.

La femme recula précipitamment. Sa grande taille, son regard dur. Une gladiatrice. Une de plus. Nério fit un pas pour soutenir sa patronne, elle lui fit signe de ne pas intervenir. Contre deux gladiatrices, ils ne feraient pas le poids, même si Marcia ne semblait pas encore bien remise de sa dernière chasse.

.

La porte vibra sous des coups frappés avec impatience.

 Laisse-moi tranquille, Maria !

 Ouvre ! Ce n'est pas Maria, lança la voix inconnue d'une femme derrière la porte.

Zmyrina se garda bien de répondre à l'injonction. De toute façon, elle n'avait envie de voir personne. Elle continua à se maquiller. Les coups redoublèrent, plus violents. Zmyrina les ignora. Nouveaux coups. La jeune prostituée souffla, contrariée. À quoi servait Nério et les autres, si n'importe qui pouvait ainsi importuner les filles ? Un affreux juron résonna derrière la porte. Cette fois-ci, sous un impact violent, la porte trembla dans son chambranle. Zmyrina pâlit et se leva précipitamment. Elle s'empara d'un petit pugio dissimulé sous son lit et tira la lame de son fourreau. Une sécurité que lui accordaient ses patrons. Zmyrina avait assez d'expérience pour garder la tête froide quelques fussent les circonstances. Certains clients s'adonnaient à des pratiques brutales, mais ils prévenaient à l'avance les patrons, et la fille ou le garçon sur lequel ils avaient jeté leur dévolu savait à quoi s'attendre. C'était souvent peu agréable et Zmyrina en avait parfois gardé des marques pendant des jours, voir des semaines, mais le contrat prévoyait de ne jamais mettre l'intégrité physique du prostitué en danger. Le client pouvait assouvir ses fantasmes, mais il était hors de question qu'il abîma un esclave des Quatre Sœurs. La règle était respectée. En général. Il arrivait parfois que le client se laissât aller à la violence. Brutalité, oui. Violence, non. Il était pour cela interdit d'attacher les prostitués. Si on ne voulait pas qu'ils bougent, il fallait le leur demander, ils se plieraient à la volonté du client. Parce que, si un client contrevenait aux règles, Zmyrina ou ses camarades étaient en droit de se défendre. Les videurs leur avaient montré comment se servir d'un pugio, comment se défaire d'une étreinte. Les jeunes n'étaient pas armés, mais les patrons ne leur envoyaient pas les clients qui goûtaient ce genre de pratiques. Zmyrina avait reçu son pugio à l'âge de douze ans et elle savait très bien le manier.

La porte craqua. Puis céda. Zmyrina avait soufflé les lampes à huile. Atalante dut sa vie à ses réflexes. À son instinct. Elle recula vivement, bloqua un bras, exerça une clef. Un cri de douleur et le pugio changea de main. Un poing se referma sur la tunique de Zmyrina et la jeune femme fut brutalement traînée dehors. Elle ouvrit la bouche pour crier.

 Tu peux hurler, personne ne viendra, siffla dangereusement Atalante. De toute façon, si quelqu'un vient, je m'en débarrasserai sans peine.

Les pieds de Zmyrina touchaient à peine terre. La femme ne plaisantait pas. Zmyrina referma la bouche et se tint coite.

 Tu te tiens tranquille ? Je veux seulement te parler.

Elle lâcha Zmyrina avant d'avoir obtenu sa réponse. Les deux jeunes femmes se dévisagèrent.

Les cicatrices, la force, sa présence même, Maria avait bien jugée la grande jeune femme qui accompagnait Marcia. Une gladiatrice. Des cheveux longs très noirs, un beau visage, des yeux expressifs, une expression volontaire. Déterminée. Le genre de personne qui ne se laissait ni intimider ni manipuler.

Une taille fine, des traits fins, la mâchoire légèrement prognathe, de jolis cheveux bouclés presque noir, mais pas tout à fait, des yeux charbonneux qui tiraient sur le gris, de grands cils, un maquillage trop appuyé qui soulignait pourtant avantageusement le regard, mais blanchissait laidement le teint, une tunique provocante sous laquelle Atalante devina les seins libres de toute contrainte. Jolie, gracieuse, une vingtaine d'année. Une louve. Pas vraiment différentes des filles qu'on croisait parfois dans les corridors ou dans la cour du ludus.

 Si tu viens pour m'arracher des confidences, tu perds ton temps, déclara Zmyrina d'une voix ferme. J'ai dit tout ce que je savais à Marcia et je ne vois pas pourquoi je lui aurais menti.

 Moi, j'aurais menti, répondit Atalante.

Zmyrina commença à regarder autour d'elle comme un animal pris au piège.

 À ta place, j'aurais menti, répéta Atalante. Même si on m'affranchissait, je ne retournerai jamais à ma vie d'avant. Tu es née libre, n'est-ce pas ?

 Qu'est-ce que ça peut faire, répondit Zmyrina en haussant les épaules d'un air indifférent.

 Quand on est né libre, il y a un avant et un après. Pour moi ou pour toi particulièrement.

— ...

 Je suis une gladiatrice, tu es... euh...

 Une louve ?

 Euh... oui, approuva Atalante dont le nom pourtant peu flatteur, heurtait moins sa sensibilité.

Zmyrina sourit d'un air condescendant. Atalante se rembrunit, si elle voulait obtenir la vérité, elle allait devoir enfoncer les défenses de la jeune femme. Jouer franc-jeu.

 Tu es une réprouvée frappée d'infamie, moi aussi. Un objet destiné à donner du plaisir aux spectateurs pour moi, à un client pour toi, ce n'est pas vraiment différent, d'autant plus que...

Atalante détourna le regard, Zmyrina la regarda curieusement. La gladiatrice essayait de se montrer cynique, mais les mots lui écorchaient visiblement la bouche.

 D'autant plus, reprit Atalante sourdement. Que parfois... on ne demande pas autre chose à un gladiateur que ce que tes clients te demandent.

Ainsi, c'était vrai, les gladiateurs n'obtenaient pas toujours, comme ils l'affirmaient et comme la rumeur le confirmait, les faveurs de riches amantes ou de riches amants, ils étaient eux aussi loués comme objet de plaisir, préférés aux prostitués pour leur force et leur aura de tueurs ou de champions. Marcia aussi ?

 Les auctoratus ou Marcia ne sont pas tenus de répondre à ce genre de demandes, répondit Atalante sans le savoir à sa question. Quelques-uns le font par intérêt ou par plaisir. Marcia n'a jamais participé à ce genre de soirées. Mais les autres, les esclaves, qu'ils soient des meliores ou pas, qu'ils soient riches ou pas, sont obligés de se soumettre aux ordres de leur laniste, de se soumettre à tout ce qu'exigeront les clients comme tu les appellerais. Ils n'ont pas le choix. Gladiatrice, prostituée... Crois-tu que j'espère un jour retourner à ma vie d'avant, que je le souhaite ? Que si je reconnaissais dans la rue mon père, mon frère ou même un membre de ma tribu, je lui sauterais au cou et me ferais reconnaître de lui ?

 ...

 Je détournerais la tête. Voilà ce que je ferais. Je n'ai pas honte d'être une gladiatrice, mais je ne fais plus parti du monde d'avant. Il n'existe plus, je n'y existe plus. Tu comprends ?

— ...

 Zmyrina, tu comprends ce que je te dis ?

 Bien sûr que je comprends, tu me prends pour une idiote ? répliqua aigrement la jeune femme.

 Ça dépend, répondit contre toute attente Atalante. Tu connais Shamiram, qui est-ce pour toi ?

 Je ne connais même pas...

 Je connais Shamiram, la coupa Atalante qui ne voulait pas entendre ses protestations. Je la connais même très bien. Je l'aime aussi. Comme j'aimais mon petit frère. Lui, je ne le retrouverais jamais. Elle... Avec elle, j'ai retrouvé une famille. Une vraie famille. Elle est comme toi, comme moi. Elle a tiré un trait sur son passé. À une différence près. Il y a certaines choses qu'elle n'a jamais surmontées. Elle ne l'a jamais vraiment avoué, mais depuis deux ans, nous sommes plus proches l'une de l'autre et elle s'est parfois confiée à moi. Elle a pleuré aussi. Aeshma ne pleure jamais. En tout cas, jamais devant quelqu'un, sauf si c'est trop dur. Elle a pleuré dernièrement parce qu'elle a traversé des épreuves qui l'ont mise à genoux, mais elle s'est relevée. On l'a aidée, mais elle s'est relevée. Aeshma... Je ne sais pas comment t'expliquer... C'est... mais le truc, c'est que... Zmyrina, si tu es une ancienne amie de Shamiram, si tu faisais partie de sa familia ou qu'elle t'a aidée quand vous étiez captives, tu peux garder tes secrets, mais si tu es plus que ça, si elle est plus que ça pour toi, tu ne peux pas.

 Et pourquoi pas ?

 Parce qu'elle n'a jamais surmonté un événement. Parce que dans son sommeil quand elle parle en Parthe, j'ai fini par reconnaître un mot. Un mot qu'elle prononce souvent. Le nom d'une personne qui hante ses rêves. Parce que je l'aime et que...

Atalante s'arrêta. Incertaine. Avait-elle touché la jeune femme en face d'elle ? Ni son visage ni son regard n'exprimaient autre chose qu'un vague sentiment d'ennui. Dernier lancer de dés :

 Est-ce que Shamiram est ta sœur ?

Imperceptible tressaillement.

 Et si je te disais oui, qu'est-ce que ça changerait ? répondit Zmyrina avec morgue. Je suis une esclave, une pute, j'appartiens au patron des Quatre Sœurs. Elle, à son laniste. Deux esclaves ? Deux réprouvées ? Ça nous ferait une belle jambe de savoir qu'on est en vie. Quel bonheur de connaître le destin échu à chacune d'entre nous ! ricana-t-elle. Imagine un peu nos retrouvailles : Salut, Shamiram, c'est moi ta sœur ! Bon, il faut que je te laisse, un client attend de me baiser. Ou bien l'autre version : Salut, Truc, c'est moi ta sœur Shamiram, je dois tuer deux trois personnes, en baiser une ou deux autres, mais on se voit dans dix ans quand je reviens à Rome. Si d'ici-là bien sûr, tu n'es pas morte défigurée par une maladie et que je ne me suis pas fait égorger ! ironisa cyniquement Zmyrina.

Atalante retint sa main. L'utilisation de Truc à la place du prénom ! Quelle rouée. Et ce cynisme inique. Elle eût soudain une pensée remplie d'indulgence envers Marcia. La jeune fille ne s'était pas montrée colérique. Zmyrina était odieuse. Si elle n'avait pas sauvé la vie de Marcia, Atalante l'aurait frappée. Si elle n'était pas la sœur d'Aeshma... Atalante doutait de moins en moins de cette éventualité. Et si c'était vrai ? Comment lui répondre, comment la pousser à avouer, à accepter ?

 Si c'était vrai ? déclara la grande rétiaire. Tu pourrais dire à Aeshma ce que tu as ressenti quand vous avez été séparées.

Zmyrina éclata de rire. Un rire méchant et amer.

 Si c'était vrai, siffla-t-elle. J'aurais eu neuf ans quand c'est arrivé et Shamiram m'aurait laissée seule dans une cage. Elle m'aurait abandonnée à mon destin de petite pute pour aller de son côté jouer au héros dans les amphithéâtres.

 Mais...

 Mais c'est faux ? C'est ça que tu veux dire ? Oui, c'est vrai, tu as raison. Elle n'est en rien responsable de ce qui nous ait arrivé. Elle avait douze ans. C'était une enfant elle aussi. Elle a tué pour me protéger. À douze ans ! Pas étonnant qu'elle soit devenue gladiatrice ! Je lui en ai voulu pendant des années. J'ai craché sur sa mémoire pendant des années. Je pensais à elle en baisant. Je lui dédiais toutes les queues qui me défonçaient le con et le cul, toutes celles que je suçais, ma déchéance.

Atalante pâlit. Tant de violence, de ressentiments. Les mots crus.

 Je te choque ?

 Oui, avoua la grande rétiaire dans un souffle.

 Tous ces mots, c'est ma vie.

 Mais tu te couvres toi-même de boue. Tu t'humilies, murmura Atalante d'une voix mal assurée.

 Je suis désolée, je suis en colère. Je lui en voulais tellement. Je croyais qu'elle serait toujours là, qu'elle me protégerait, qu'elle était invincible. J'ai mis du temps à lui pardonner.

 Il faut qu'elle le sache. Vous faites partie du même monde. Et puis, même...

 Non, rétorqua fermement Zmyrina. Je ne supporterai pas.

 De continuer à vivre ici, si elle savait qui tu étais ?

 Oui.

 Et si tu partais ?

 Que je fuis ? Je porte la marque de mes maîtres, fit-elle en découvrant son cou. Je serais reprise. Je n'ai pas envie de finir sur une croix ou d'être jetée aux bêtes.

 Mais on peut te racheter.

 Me racheter ?!

 Oui, Marcia est riche, très riche même.

 Et après ? Je serai son esclave, je vivrai dans votre ludus ?

 Euh...

Atalante ne savait plus quoi faire ni comment faire. Elle comprenait la jeune femme. Elle se retrouvait dans une impasse. Que Zmyrina fut ou non la sœur d'Aeshma, ne changerait rien à l'amertume que ressentirait Aeshma. Il ne la soulagerait pas de la culpabilité qu'elle ressentait envers sa petite sœur. Ce serait pire.

 Non, tu vivras avec quelqu'un de bien, annonça soudain Marcia.

Atalante et Zmyrina pivotèrent sur elles-même.

 Je t'avais dit de m'attendre dans la salle, se renfrogna Atalante.

 Plein de clients sont arrivés et ils commençaient à se montrer un peu trop curieux.

 Tu as toujours de bonnes excuses, lui reprocha la grande rétiaire.

 Si tu as envie d'une bagarre générale, je peux y retourner, rétorqua la jeune gladiatrice en tournant les talons.

 Marcia ! fit Atalante en la rattrapant.

Marcia afficha un air insolent. Atalante soupira. Entre Zmyrina et Marcia, sa patience était mise à rude épreuve.

 Je vous ai entendues, expliqua Marcia. Tu es sa sœur, alors ? Je ne savais même pas qu'elle avait une sœur. Tu le savais, Ata ?

 Oui.

 Pourquoi Aeshma... commença Marcia sans continuer.

 ... ne t'en a jamais parlé ? demanda Atalante. Tu lui avais dit toi, pourquoi tu avais choisi de rentrer en gladiature ?

 Non.

 Pourquoi ? Tu ne lui faisais pas confiance ?

 Si ! se récria Marcia. C'était juste que... C'était trop...

 Ben, c'est pareil pour Aeshma.

 Ah...

 Marcia, c'est quoi ton idée ?

 Gaïa.

 Gaïa Metella ?

 Oui. Elle aime Aeshma et elle traite bien sa familia.

 C'est une bonne idée, approuva Atalante qui voyait enfin une solution se profiler.

 Mais c'est non, intervint durement Zmyrina.

Atalante et Marcia se tournèrent vers elle d'un même mouvement contrarié.

 Tu veux rester ici ?!

 Je ne veux pas fonder de faux espoir. Vous m'aurez arrachée à la prostitution et après ? Tu vas aussi acheter Shamiram ? demanda-t-elle à Marcia.

 Non, ce n'est pas possible.

 Tu vois bien, fit Zmyrina d'une voix lasse. Partez, oubliez ce que vous savez. Je ne suis pas prête à affronter son regard. Je n'en suis pas capable. Je ne peux pas.

 Non, lâcha Atalante d'un ton définitif. On ne peut pas te laisser. Pas en sachant qui tu es. Ce serait une trahison. Je ne trahirai jamais Aeshma.

 Moi non plus, ajouta aussitôt Marcia.

 Je t'accorde le droit à l'oubli et au secret, Zmyrina, après tout, c'est ta vie, ajouta Atalante. Mais je ne peux pas te laisser ici. Marcia va te racheter. On te confiera à Gaïa Metella, et Aeshma ne saura jamais rien. Ton secret restera entre toi, moi et Marcia. Il n'appartiendra qu'à toi de le briser.

La jeune femme se pinça les lèvres.

 C'est non négociable, la prévint Atalante.

 Qui est Gaïa Metella ?

 Une aristocrate d'Alexandrie. Une amie de Marcia et d'Aeshma.

 Une amie de Shamiram ? Comment une aristocrate peut-elle être l'amie d'une esclave ?

 C'est une longue histoire. Mais c'est surtout une amie de Marcia et elle acceptera de t'intégrer dans sa familia si Marcia le lui demande.

 Tu lui diras qui je suis ? demanda Zmyrina à Marcia.

 Non, je lui dirai juste que tu m'as sauvé la vie, ça lui suffira.

Zmyrina se plongea dans une profonde réflexion.

 Je ne suis pas sûre que les maîtres accepteront.

Atalante et Marcia échangèrent un regard. Elles avaient gagné.

Marcia lui assura que ses maîtres ne se priveraient jamais de la petite fortune en or qu'elle allait leur proposer pour son achat et s'ils refusaient... Marcia reviendrait brûler leur auberge. Les deux gladiatrices se séparèrent. Marcia partit chercher l'argent au ludus. La grande rétiaire resta à l'auberge. Zmyrina pensait qu'elle commettait une erreur, mais elle n'avait plus la volonté de s'opposer aux deux gladiatrices qui revendiquaient sa sœur comme un être cher. De douter de Marcia et de la pureté de ses intentions.

Marcia revint. Elle se présenta avec Atalante et Zmyrina devant les propriétaires de l'auberge et de tout ce qu'elle contenait. Elle sortit une bourse de sa ceinture.

 Zmyrina est vieille, dans deux ans, elle sera pourrie. Je la veux maintenant, déclara-t-elle d'une voix ferme.

 Ce sera cher, susurra la tenancière.

 Ce sera, dit Marcia en détachant les mots. Le prix que je vous en donne. Soit deux cents aureus.

 Deux cents aureus ! s'ébaudit Hosta.

Vingt mille sesterces ! Une véritable fortune. La belle et jeune enfant encore vierge leur avait coûté six mille sesterces. Certes, il avait dépensé de l'argent pour la former au métier, mais en dix ans, elle leur en avait rapporté bien plus et puis, la bestiaire avait raison, Zmyrina n'était plus de toute jeunesse. Il ne pouvait déjà plus depuis longtemps exiger le prix qu'ils exigeaient pour elle quand elle était nubile. Sa valeur baisserait encore, malgré toute sa science et son savoir-faire. Elle se flétrirait bientôt. Les prostituées ne valaient presque plus rien après dépassé leur vingt-cinquième année. Ils devraient la revendre et son prix n'excéderait pas trois mille cinq cents sesterces, peut-être quatre s'ils négociaient bien. L'offre de Marcia était une aubaine. Il valait mieux ne pas contrarier la bestiaire et sa camarade, d'autant plus que cette dernière semblait encore plus dangereuse que Marcia. Et puis, si la bestiaire aux cheveux d'or voulait se payer une vieille ludia... puisqu'elle y mettait le prix :

 Tope-la ! gouailla Hosta Vipsiala.

Son mari grogna pour signifier son accord. Marcia posa la bourse sur la table. Zmyrina aperçut Maria. Elle l'appela.

 Je m'en vais, je te laisse toutes mes affaires. Si tu as un problème...

 Passe me voir au ludus Aemilius, déclara Marcia en regardant les tenanciers d'un air menaçant.

 Oh... tu t'en vas ! s'extasia la jeune fille. Elle t'a achetée ! Comme je suis contente !

 Prends soin de toi, Maria, dit encore Zmyrina avec un petit pincement au cœur.

Mais la jeune fille ne l'écoutait pas, elle lui sauta dans les bras et l'embrassa fougueusement sur la joue. Elle lui souhaita une vie heureuse et beaucoup de bonheur. Maria était un peu folle. Atalante pensa qu'on laissait toujours des gens derrière soi, qu'on ne pouvait pas sauver tout le monde. Marcia ne pensait qu'à sortir de l'auberge. Les clients l'avait reconnue et commençaient à s'agiter. Une bagarre lui avait suffi.

.

Une heure plus tard, Néria s'introduisit dans le triclinium en évitant de regarder les dominas.

 Néria ?

 Domina, Marcia et Atalante demandent à vous voir.

 Marcia et Atalante ! s'exclamèrent de concert Julia et Gaïa.

 Euh, oui, répondit Néria en regardant le sol devant elle.

Elle réalisa qu'elle n'avait jamais remarqué les entrelacs géométriques qui décoraient les bordures du pavement de mosaïque. Elle les trouvait très jolis. Gaïa fronça les sourcils, étonnée par le comportement inhabituel de la jeune esclave.

 Néria ?

 Oui, domina, répondit Néria sans relever la tête.

 Regarde-moi.

La jeune esclave leva doucement les yeux. Elle semblait horriblement gênée.

 Qu'est-ce qu'il y a ?

 ...

 Néria ?

 Une femme les accompagne, domina.

 Et ?

 Euh... rien, domina, je ne la connais pas.

 Mais... ?

 ...

 Néria ? Qu'est-ce que cette femme a de spécial ?

 Elle... C'est une prostituée, domina.

 Comment peux-tu le savoir ?

 Son maquillage, ses vêtements et... elle porte un tatouage. Un tatouage réservé aux prostitués.

 Amène-les ici et apporte ensuite à boire et à manger.

 Bien, domina.

 Néria, la rappela Gaïa d'un ton sec.

 Oui, domina.

 Ne va te montrer insultante envers mes visiteurs.

 Euh... Oui, domina.

Julia attendit que Néria fût sorti pour parler.

 Une prostituée ?

 Je m'étonne plus du fait qu'elles prennent le risque de venir ici. Et je croyais que les gladiatrices comme Atalante ne pouvaient pas sortir du ludus.

Néria introduisit les trois jeunes femmes et les deux sœurs ne poussèrent pas leur discussion plus loin. Le jugement de Néria leur apparut indiscutable. Marcia et Atalante encadraient une prostituée.

 Julia, Gaïa, salua gentiment Marcia.

 Dominas, fit Atalante avec déférence.

Zmyrina ne dit rien. Impressionnée. Le Capitole, la villa, les deux jeunes femmes qui lui faisaient face. Elle se retrouvait soudain propulsée dans un monde à mille milles du sien.

 Gaïa, je te présente Zmyrina. Elle m'a sauvée la vie la nuit où je me suis rendue à Subure. Euh... je l'ai achetée, je te la cède. Julia, tu es témoin. Gaïa, c'est, euh... Tu peux en prendre soin pour moi ?

 Oui, répondit lentement Gaïa qui ne comprenait pas trop pourquoi Marcia lui cédait sa protégée à elle plutôt qu'à Julia.

 Il faut qu'on rentre, s'excusa rapidement Marcia. Tidutanus m'a regardée d'un sale œil quand je suis repassée seule au ludus. On se reparlera plus tard. Zmyrina, tu n'as rien à craindre ici, assura-t-elle à la jeune femme. Gaïa et Julia... euh, ben...

Marcia s'embrouillait, Atalante la pressa de partir. Marcia se jeta soudain sur Julia.

 Tu me manques, lui souffla-t-elle en l'embrassant.

Elle se retourna vers Gaïa.

 Merci, Gaïa.

 Mais, je t'en prie, lui dit aimablement Gaïa.

Marcia tira Atalante par le bras et l'entraîna à sa suite.

 Elles sont bien pressées, remarqua Julia un peu étonnée par leur visite impromptue et le cadeau inattendu qu'elles laissaient derrière elles.

Néria apparut un plateau entre ses mains.

 Oh, elles sont parties ?

 Oui.

Gaïa observa sa nouvelle acquisition.

 Zmyrina, c'est ça ?

 Oui, domina.

 Tu es originaire de quelle partie du monde ?

 De Syrie, mentit la jeune femme.

 Une Orientale alors ?

 Oui, domina.

 Tu n'as pas... d'affaires ?

 Non, domina. J'ai tout laissé derrière-moi.

Gaïa nota le double-sens. Un bon point.

 Bon. Néria, tu peux t'occuper d'elle ? Prépare-lui un bain et donne-lui des vêtements propres. On verra pour le reste plus tard.

 Bien, domina.

 Néria ?

 Oui, domina ?

 C'est une protégée de Marcia, elle me l'a confiée et Marcia lui doit la vie.

Néria quitta son air hostile.

 Vous pouvez compter sur moi, domina.

 Comme toujours, répondit Gaïa avec un petit sourire gentil.

 Suis-moi, dit Néria à Zmyrina.

.

Marcia et Atalante traversaient l'atrium quand une voix les interpella.

 Eh, les filles, qu'est-ce que vous faites là ?

Les deux gladiatrices se figèrent. Astarté se dressait de toute sa taille et de toute la largeur de ses épaules devant elles. Un grand sourire s'étirait sur ses lèvres.

 Je suis contente de vous voir. Je me suis inquiétée. Tu boites encore, Marcia, tu as mal ?

 Euh, un peu.

 Et les autres ? Aeshma, Lysippé et Penthésilée ?

 Ça va, mais elles sont encore coincées à l'infirmerie.

 Mmm, elles doivent être ravies, s'amusa Astarté.

 Astarté... qu'est-ce que tu fais ici ?

 L'empereur, déclara Astarté comme si le mot expliquait tout.

 Quoi l'empereur ?

 Il m'a offerte en cadeau à Gaïa Metella.

Les deux gladiatrices restèrent muettes de surprise.

 Je vous comprends, rit Astarté. Je n'ai pas compris moi-même. Le lendemain du munus, des prétoriens sont venus me chercher à l'infirmerie. Je n'étais pas ressortie si indemne que cela de mon dernier combat. Je pouvais à peine me lever et ils m'ont à moitié portée. Une litière m'attendait dans la cour du ludus. On m'a emmenée je ne sais trop où. J'ai pensé que j'allais en baver, que mon laniste m'avait louée à un tordu, mais quand la litière s'est arrêtée et que les rideaux ont été tirés, je me suis retrouvée face à l'Empereur. Je l'ai reconnu tout de suite. Il m'a déclaré que je lui appartenais, que j'étais une gladiatrice de valeur et qu'il me considérait comme un bien précieux. Et que, pour cette raison, il avait décidé de m'offrir à une dame qu'il voulait honorer. Pour une fois, je suis restée muette comme une carpe. Il m'a enjointe à servir cette dame avec honneur et m'a assuré qu'il me réserverait le pire des sorts s'il apprenait que je l'avais déçue. J'ai compris le message et j'ai répondu servilement à tout ce qu'il m'a demandé. Un garde a refermé le rideau et la litière est repartie. Quand on a tiré les rideaux une deuxième fois, j'avais Néria en face de moi. Et puis, Gaïa Metella est apparue et elle m'a gentiment souhaité la bienvenue. Je ne me sentais pas très bien alors elle m'a fait porter dans une chambre et elle a fait venir un médecin. Je suis restée alitée une dizaine de jours. Elle est revenue me voir le lendemain de mon arrivée et m'a demandé si on m'avait expliqué ce que je faisais chez elle. Je lui ai raconté mon entrevue avec l'Empereur et ça l'a fait beaucoup rire. Ensuite, elle m'a dit que j'étais libre. Que je pouvais rester à son service ou partir. Si je décidais de rester, elle m'a expliqué qu'elle m'intégrerait dans sa familia comme garde personnel et que plus tard, si cela me convenait, elle me donnerait la responsabilité de la sécurité de certains de ses convois de marchandises et qu'elle me chargerait de former ses gens au maniement des armes ; si cela ne me convenait pas et que je préférais rester gladiatrice, qu'elle m'affranchirait et m'aiderait à obtenir un contrat d'auctorata, mais elle m'a prévenue que si je voulais rejoindre le ludus de Sidé, ce ne serait pas possible avant que le ludus n'ait trouvé un repreneur ; et si je voulais retourner en Dacie, qu'elle m'affranchirait, me donnerait assez d'argent pour m'établir et qu'elle me laisserait partir quand cela me conviendrait.

Ni Marcia ni Atalante ne surent que répondre.

 J'ai décidé de rester à son service. Je sais que l'empereur m'a menti. Je ne sais pas pourquoi la domina m'a choisie moi, mais je resterai avec elle. Je ne suis plus rien en Dacie, je ne veux pas appartenir à un nouveau laniste et puis... la domina m'offre une vraie vie. Une nouvelle chance.

 C'est... commença Atalante.

 Je suis désolée, Atalante, murmura Astarté d'un air coupable.

 Non, protesta la grande rétiaire. Je suis tellement...

Atalante s'avança, prit Astarté dans ses bras et la serra contre elle.

 Je suis tellement contente, souffla Atalante contre son oreille.

Elle s'écarta. Une émotion et une joie sincère brillaient dans son regard.

 Mais je... commença la Dace aux larges épaules.

 Tu étais seule et isolée. Nous, on a toute la familia derrière nous.

Astarté lui lança un regard reconnaissant et soudain, Marcia qui ne comprenait pas comment Gaïa avait pu préférer Astarté à Aeshma, parce qu'elle se doutait que Titus lui avait donné la liberté d'acquérir la gladiatrice de son choix, réalisa que la raison avait guidé ce choix contre son cœur. C'était la deuxième fois qu'elle abandonnait ainsi Aeshma à son sort. La première fois, elle l'avait fait sur la demande de la jeune Parthe et elle avait soustrait Atalante à une orgie. Cette fois-ci, elle offrait la liberté à Astarté. Marcia ne savait pas qu'Aeshma avait déjà refusé cette offre un an et demi auparavant, mais elle, comme Atalante, savait que la jeune Parthe approuverait la décision de Gaïa. Qu'elle se serait sentie terriblement offensée d'être offerte en cadeau à Gaïa. De devoir, contre sa volonté, abandonner le ludus. Qu'elle aurait reproché son choix à Gaïa et qu'elle ne lui aurait jamais pardonné de la séparer de ses camarades sans l'avoir consultée. Contre son gré.

 On doit partir, Astarté, fit Atalante.

 Allez-y, saluez la familia de ma part. Toi, je te reverrai certainement, Marcia.

 Oui, peut-être pas tout de suite, mais on se reverra si tu restes avec Gaïa.

Astarté les raccompagna jusqu'à la porte. Un centurion escorté par quatre prétoriens remontait la rue. Les gladiatrices le croisèrent sans s'inquiéter de leur présence.

Il interpella Astarté alors qu'elle s'apprêtait à fermer la porte :

 J'apporte un message de l'Empereur pour Gaïa Metella.

 Entrez, je vais lui annoncer votre venue.


***


NOTES DE FIN DE CHAPITRE :

Illustration : Rue populaire de la Rome antique (reconstitution), auteur inconnu.

Les pratiques sexuelles honteuses au Ier siècle : La société romaine n'était pas spécialement puritaine. Bien que, les épouses n'aient souvent été considérées que comme ventre dédiés à donner des héritiers, le citoyen romain ne boudait pas son plaisir pourvu qu'il ne s'abandonne pas trop fréquemment à la volupté. Il prenait son plaisir, s'il en avait, auprès de ses esclaves (ils étaient aussi là pour cela), s'il n'en avait pas ou qu'ils n'étaient pas à son goût, auprès des prostitués. Cependant comme dans toute société, dans toute civilisation, il existe des tabous, outre qu'il était honteux de prendre du plaisir avec sa femme comme avec un esclave ou un prostitué. Être amoureux, c'est être faible, c'est abandonner une partie de sa virilité à un autre.

Les romains considéraient qu'on devait contenir ses pulsions sexuelles car, c'était ainsi faire preuve de virilité et de force de caractère.

Zmyrina choque Atalante quand elle parle des : « queues qui me défonçaient le con et le cul, toutes celles que je suçais, ma déchéance. »

En fait, la jeune femme use de graduation :

- Dans le premier cas, rien que de très naturel. Même chez les puritains, on ne peut échapper à cette pratique si on veut des héritiers (Les puritains veulent toujours des héritiers. Des mâles. Les filles sont cause de perdition.).

- Dans le deuxième cas, Zmyrina évoque sa position passive.

Les romains couchaient indifféremment avec les hommes ou les femmes (pas de notion d'homosexualité chez eux.). Il n'y avait rien de honteux à coucher avec un homme ou un jeune garçon, pourvu que le citoyen restât actif. Être passif, c'est renoncer à sa virilité Comme le disait si bien Sénèque dans ses Controverses :

« ...de plus, s'il est normal pour un jeune homme d'être passif dans la relation, la passivité sexuelle chez un homme libre est un crime, chez un esclave, une obligation, chez l'affranchi, un service. »

Jules César fut traité par ses ennemis de : « mari de toutes les femmes et la femme de tous les maris ». Une insulte. Non seulement, il est accusé de sexualité débridée, mais en plus, il est accusé de passivité. César n'avait donc rien d'un homme d'état viril. C'est une accusation de faiblesse.

- Dans le troisième cas, le sexe oral n'est pas condamné. Rien n'empêche, en effet, l'honnête citoyen de s'accorder ce petit plaisir. Sauf que... Il en est le seul bénéficiaire. Il demandera de préférence ce genre de service à ses esclaves ou à des prostitués. Jamais il ne s'y adonnera. Cela équivaudrait à une soumission, au renoncement de sa virilité. Un homme libre ne posera jamais sa bouche sur le sexe d'un ou d'une de ses partenaires. Il ne se souillera jamais la bouche.

On a trouvé beaucoup de graffitis obscènes accusant des gens qu'on avait dans le nez, de ces pratiques, particulièrement à Pompéi.

Nota bene : ceci dit, malgré les sources abondantes, on connaît très mal la société antique. De plus, les lois ne sont pas toujours appliquées et ne reflètent pas toujours la société dans laquelle elles sont censées s'appliquer.

N'oublions pas, surtout, que ce qu'on écrit ou ce qu'on représente sous forme de peintures, de dessins ou de sculptures, ne correspond souvent pas à ce qu'on pense ou ce qu'on fait dans la réalité.

Sources :

ibid.

Bruneau, Philippe & Ballut, Pierre-Yves, Artistique et Archéologie, PUPS, 1997. Paris.





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