Chapitre X : Gaïa Metella
Julia arpentait nerveusement la pièce. Les années n'avaient pas d'un voile apaisant recouvert la peine et la colère qui parfois, explosaient comme un volcan capricieux dans les yeux de Gaïa. Elle s'immobilisa soudainement et se tourna vivement vers sa jeune sœur assise confortablement sur un sofa.
— Tu es venue pour ça, gronda-t-elle. Tes affaires, tes propositions, ne sont qu'un prétexte.
— Les assassins méritent leur châtiment, répondit simplement, Gaïa.
— Gaïa, je le connais depuis longtemps et il n'a rien d'un assassin.
— Il a suivi la Xe légion partout où elle s'est rendue. Lui et la Fulminata ne font qu'un.
— Il n'est pas né dans une tente, Gaïa.
— Je le sais bien. Il a rejoint son commandement quand, dans la douzième année du règne de Néron, la Fulminata a été massacrée à Beth-Oron. On a envoyé des milliers d'hommes pour combler ses effectifs et son commandement a aussi été renouvelé à cette occasion. Vespasien l'a ensuite remarqué, puis Titus. Il était à Gerasa*.
— En es-tu bien sûre ? Vespasien avait envoyé Lucius Annius à Gerasa, pas une légion.
— Un détachement de la Fulminata y était présent et c'est lui qui en assurait le commandement.
— Il ne pouvait pas s'opposer à un ordre de Vespasien, il était là où il avait l'ordre d'être, Gaïa.
— Il était là où ses légionnaires massacraient aveuglement les populations.
— C'est un homme droit.
Gaïa perdit soudain son insouciante nonchalance. Elle se leva brusquement.
— Il est responsable, dit-elle d'une voix tranchante. Il a trempé son glaive dans le sang des nôtres, lancé des torches dans notre maison. Tuer, violer, massacrer, déporter, voilà ce à quoi s'occupait ton homme droit. Droit dans le mal.
— Pourquoi...
— Pourquoi je ne peux pas oublier ? Parce que la nuit, des bruits d'armes, des hurlements de terreur, des supplications de femmes en pleurs, des cris d'agonie et des beuglements de pillards hantent mes rêves. Parce que je ne peux pas oublier le visage de ma mère égorgée, vidée de ses entrailles, les yeux de Lucia... Tu te rappelles de ses yeux, Julia ? Quand nous l'avons trouvée en sang dans le triclinium?
Un goût de bile envahit soudain la gorge de Julia. Elle se souvenait. Elle se souvenait surtout de Gaïa. Elle avait douze ans quand leur vie sans soucis avait basculé dans l'horreur, c'était une jeune fille insouciante et joyeuse. Heureuse. Jusqu'à ce que la ville soit investie par les légionnaires. Ils cherchaient les juifs, ils avaient fini par ne plus faire aucune distinction entre eux et les autres. Julia avait sauvée Gaïa, elle avait tué pour elle et elle l'avait cachée. Elle avait entendu. Tous ces cris qui agitaient le sommeil de Gaïa. Depuis dix ans, ils ne s'étaient pas assourdis, ils ne s'étaient pas tus. Gaïa avait beau se montrer dure et intouchable, elle n'avait jamais surmonté cette épreuve.
— Gaïa... tu comptes assassiner tous les légionnaires qui étaient là-bas ?
— Seulement ceux que j'ai pu retrouver, ceux qui ne sont pas morts.
— Tu vas aussi t'occuper du procurateur ?
— Oui, de lui et de son centurion.
— Pourquoi ne t'es-tu pas occupée de lui plus tôt ?
— J'ai mis du temps à retrouver les officiers qui secondaient Lucius Annius.
— Tu vas tous les tuer ?
— Non, pour certains, ce serait leur accorder une mort bien trop douce. J'en ai déjà éliminé deux.
— Tu les as fait tuer ?
— Non.
— Alors ?
— L'un a été accusé d'avoir comploté contre l'Empereur. Il a été exilé en Espagne.
Gaïa se fendit d'un sourire cruel.
— Il sert encore les légions maudites de Rome. Grâce à lui, les forgerons ont du fer pour fabriquer leurs glaives et leurs pilums.
— Il a été condamné aux mines ?
— Oui, confirma Gaïa. Quant à l'autre, il a exactement su pourquoi il mourait. Je le lui ai dit en lui enfonçant un poignard dans le ventre.
Julia soupira. Elle ne jugeait pas Gaïa, elle comprenait l'objet de sa quête, même si elle ne l'approuvait pas. Gaïa cherchait à oublier, elle pensait trouver la paix, être délivrée de ses cauchemars le jour où elle mettrait un point final à sa vengeance. Julia n'était pas sûre qu'elle y arrivât ainsi. Le sang engendre le sang, la haine encore plus de haine, la violence est une spirale sans fin. Elle avait peur que Gaïa s'y noyât. Que Rome, toutes ses légions et tous ses citoyens devinssent l'ennemi à abattre aux yeux de la jeune femme perdue. Elle tuerait ceux qui se trouvaient à Gerasa, puis elle se vengerait de Vespasien qui avait envoyé Lucius Annius raser la ville, puis de Titus, puis de ceux qui les servaient, de l'Empire qu'ils servaient. Sa soif de vengeance ne s'assouvirait jamais et demanderait toujours plus de victimes. Gaïa finirait par se perdre ou plus simplement par y perdre la vie.
Julia eût aimé lui apporter la paix, mais elle ne savait pas comment. Elle ne savait pas comment lui faire comprendre que la haine et le ressentiment n'engendraient que toujours plus de haine et de douleur. Julia n'avait pas oublié. La peine et la peur lui étreignaient encore souvent le cœur et lui broyaient l'âme. Mais le temps ne s'arrêtait pas, les événements s'enchaînaient, se succédaient et parfois, quand on n'avait aucune prise sur eux, quand on n'en avait jamais eu aucune, il fallait l'accepter et continuer à vivre. Julia s'était occupée de Gaïa. Elle était plus âgée et elle avait dû se battre pour leur assurer un présent et un avenir.
Gaïa était restée ancrée dans le passé et dans sa douleur. Julia avait rencontré Quintus. Un autre monde. Il était doux et paisible. Sa famille avait vécu sans heurt le rattachement de la Lycie à l'Empire, il n'avait jamais connu les horreurs de la guerre et des massacres. Épicurien dans l'âme, il vivait l'instant présent avec sagesse. Il aimait Julia, sans trop savoir ce qui lui valait le bonheur d'en être aimé en retour. Leur relation était simple et harmonieuse. La jeune femme s'était apaisée auprès de lui. Elle aspirait à la même chose pour Gaïa. Mais le temps n'était pas venu. Gaïa devait se vider du trop-plein de fiel qui lui empoisonnait le cœur.
— Et qu'as-tu prévu pour le procurateur, son centurion et Valens ? demanda-t-elle curieuse.
— Je vais détruire leur vie.
— Comment ?
— Pour Claudius Numicius Silus, je ne sais pas encore. Pour Aulus, je vais détruire sa carrière, pour Valens...
Gaïa prit une expression cruelle.
— Oh, non, Gaïa, s'insurgea Julia. Non.
— C'est son point faible.
— Tu...
De légers coups frappés contre la porte l'empêchèrent de finir sa phrase.
— Oui, fit Julia.
Une affranchie s'introduisit dans la pièce.
— Domina, euh... Marcia Atilia demande à vous v...
— Julia ! s'écria l'impétueuse jeune fille par-dessus l'épaule de l'affranchie. Julia, il faut que je te voie !
L'affranchie prit un air désolé, elle n'avait pas été en mesure d'empêcher la jeune fille de la suivre. Julia la rassura d'un signe de tête, elle savait comme il était compliqué de s'opposer aux volontés de la fille de Valens.
L'affranchie se retira et Marcia remarqua la présence de Gaïa.
— Oh, vous êtes là !
La jeune fille rougit de confusion. Julia regarda sa sœur d'un air inquiet. Elle ne savait pas vraiment ce que Gaïa avait en tête, mais elle avait très bien compris qu'elle utiliserait Marcia afin d'assouvir sa vengeance contre Kaeso Valens.
Julia s'était prise d'affection pour la jeune fille. Quels qu'eussent été les crimes de Valens, sa fille ne méritait pas d'en porter la responsabilité. Comment Gaïa pouvait-elle se venger sur un innocent ? Elle avait pourtant semblé apprécier Marcia, aussi bien quand elle lui avait parlé lors du munus, que lors de la soirée chez Sextus Baebius Constans.
***
Marcia ne s'attendait pas à rencontrer Gaïa Metella à Patara. Elle était partie se promener sur le port dans la matinée. La rumeur courait de groupe en groupe, bondissait, volait comme un exocet par-dessus les vagues. Marcia avait d'abord eu du mal à saisir ce qui excitait ou scandalisait parfois de vertueuses commères. Elle avait plusieurs fois entendu revenir le nom de Julia Metella Valeria, elle attrapa au vol celui de sa sœur Gaïa. Se doutant, que le sujet avait trait à la soirée chez Sextus Constans, Marcia avait approché des bavards, tendu l'oreille.
— Deux ! Pas une ! Deux ! s'exclamait un homme.
— Mais pour quelle raison ?
— Je croyais Julia Valeria vertueuse.
Les bavards s'éloignèrent. Plus loin d'autres jacassaient :
— On dit que Julia Metella Valeria a cédé aux désirs de sa sœur.
— Sa sœur ?
— Oui, elle est déjà venue ici, elle réside à Alexandrie.
— Alexandrie...
Marcia soupira et s'éloigna en finissant la phrase qu'elle n'avait pas voulu entendre :
— Alexandrie est une ville de débauchés.
Ce que les gens pouvaient avoir l'esprit étriqué. Ils avaient des avis tranchés sur tout, tout en ne connaissant rien à rien. Elle était curieuse de savoir combien de ces bavards médisants s'étaient déjà rendus à Alexandrie.
Mais de quoi parlaient-ils tous ?
— Deux. Pas une.
Deux. Ils parlaient donc de deux femmes. Julia avait cédé à Gaïa, mais à quel propos ?
— Des gladiateurs ! fit un vieil homme.
— Non, Aster, des gladiatrices...
— Par Zeus ! s'écria le vieil homme scandalisé. Quelle drôle d'idée !
— Et pas pour une nuit... mais dix.
— Dix jours !
— Quel scandale !
— Cela montre aussi l'étendue des finances dont dispose Julia Valeria.
— Elle va ruiner la réputation de Quintus Pulvillus.
— Elle est rentrée chez elle après le banquet et n'a pas quitté Patara depuis, intervint un homme qui n'appréciait pas qu'on médît sur une femme qu'il estimait. Elle n'est pas folle, elle ne se compromettrait jamais avec des gladiateurs.
— Comment sais-tu tout ça ?
— C'est...
La suite n'intéressait pas Marcia. Les gladiatrices ? La thrace et la rétiaire, elles seules étaient présentes au banquet du propréteur. Qu'avaient pu demander Gaïa à Julia ? Il fallait qu'elle le sache. Qui pourrait la renseigner ? La chance lui sourit, en revenant vers le forum, elle aperçut le secrétaire du propréteur, Anémios. Elle le connaissait et pourrait peut-être apprendre auprès de lui quelle faveur Julia avait accordée à sa sœur.
— Anémios !
— Marcia Atilia, je te salue.
— Dis, c'est quoi cette histoire de gladiatrices ?
— De gladiatrices ? demanda Anémios confus.
— Les gens racontent que Julia Valeria a...
Comme Marcia n'en connaissait pas plus, elle laissa sa phrase en suspens,espérant qu'Anémios morde à l'hameçon.
— Ah ! comprit enfin Anémios. Le propréteur a simplement cédé le soir du banquet les deux gladiatrices qu'il avait louées à Gaïa Metella.
— Comment cela cédé ? Que voulait-elle en faire ?
— Je ne saurais médire comme les gens dont tu sembles avoir surpris les conversations.
Anémios regarda Marcia d'un air songeur.
— Mais si tu veux savoir, je pense que les deux gladiatrices, ou plutôt, que la petite thrace s'est retrouvée être l'enjeu d'une lutte d'influence entre Julia Metella Valeria et Aulus Flavius.
— Ah...
— Disons, qu'ils s'amusent à se chamailler.
— J'en doute, déclara Marcia d'un ton assuré. Mais tu pourrais m'expliquer ?
— Aulus désirait passer la fin de la nuit avec la thrace.
— Elle était blessée, répliqua Marcia trouvant l'idée du procurateur idiote. Qu'est-ce qu'il aurait bien pu en faire ?
Anémios se fendit d'une grimace.
— S'amuser, suggéra-t-il.
— Comment ?
— Marcia tu... C'est une gladiatrice, ces gens-là, sont fiers et très résistants. Ça peut être amusant de... de voir jusqu'à quel point ils sont capables de résister. Un gladiateur se montre courageux face à la mort, mais qu'en est-il si...
— Tu crois qu'il voulait lui faire du mal ?
— Même s'il n'avait pas voulu, il lui en aurait fait.
— Mais alors, pourquoi Gaïa Metella a-t-elle demandé à ce qu'on lui donne la thrace ?
— Ça, je ne sais pas, avoua Anémios.
— Pourquoi la rétiaire est-elle partie avec elles ?
— Gaïa Metella a affirmé qu'elle s'assurerait de l'obéissance de sa camarade.
— Elle lui voulait du mal ?
— Je ne sais pas. Julia Valeria est une femme honnête, je ne suis pas certain qu'elle aurait cautionné cela, même si la demande émanait de sa sœur.
— Tu la connais bien ?
— Qui ça ?
— Gaïa Metella.
— Marcia, je suis l'accensus* du propréteur, pas un...
— Je sais, je sais, le coupa Marcia consciente de s'être montrée trop curieuse. C'était juste une question.
— Et non, je ne la connais pas. Je ne l'avais jamais vue avant qu'elle n'arrive avant-hier à Patara.
— Elles sont où ?
— Qui ? Julia Valeria et sa sœur ?
— Non, les gladiatrices.
— J'ai entendu dire qu'elles ne se trouvaient pas à Patara. Si c'est exact, il est fort probable qu'elles aient été emmenées dans une propriété à la campagne.
— Au Grand Domaine ! s'exclama Marcia. Merci, Anémios.
Elle le salua et s'éloigna rapidement. L'accensus se retrouva un peu étourdi par l'intervention de la jeune fille. Depuis qu'il avait rejoint la Lycie-Pamphylie, il avait souvent dû traiter d'affaires de sécurité avec le tribun Kaeso Atilius Valens. L'homme connaissait mieux la région que lui.
Il avait accueilli Anémios avec déférence et avait cordialement répondu aux questions qu'avait pu lui poser l'affranchi. Valens ne médisait pas, n'en disait pas plus qu'il ne le fallait, ne parlait que de ce qu'il connaissait et se montrait extrêmement prudent. Anémios à chacune de ses visites au tribun avait rencontré sa fille. Il ne savait pas trop quoi en penser et se demandait souvent comment un homme aussi sérieux et austère que Valens pouvait avoir engendré une fille aussi pétulante que l'était Marcia. Il l'apercevait en train de se frayer un chemin à travers la foule qui se pressait vers le forum ou vers le port. Elle n'avait en rien l'air d'une aristocrate romaine, si elle n'avait porté des habits taillés dans des étoffes de qualité, elle aurait pu facilement passer pour un de ces gamins mi-voleur, mi-mendiant qui pullulaient dans n'importe quelles villes du monde civilisé.
***
Gaïa arborait un sourire doux et bienveillant, et ses yeux brillaient de malice. Julia sentit le malaise la gagner. Elle craignait que Gaïa n'usât de son charme pour séduire la jeune fille et s'assurer ainsi de la manipuler à sa guise. Marcia, trop innocente, deviendrait un jouet entre ses mains. Mais Julia pouvait peut-être déjouer les plans machiavéliques de sa jeune sœur. Elle pouvait peut-être faire en sorte que le penchant naturel qu'éprouvait Gaïa pour la fille de Valens se transformât en une véritable affection.
— Marcia, s'écria joyeusement Julia. Que me vaut l'honneur de ta visite ?
— Euh...
— As-tu déjeuné au moins ?
— Oui, merci... Je vous dérange ?
— Non.
Marcia jetait de brefs coups d'œil en coin à Gaïa, et détournait prestement les yeux quand son regard tombait sur celui de la jeune femme.
— Marcia ? insista Julia.
— C'est, euh...
— Ne me dis pas que Gaïa t'intimide.
— Non, mais euh... je croyais qu'elle... Euh...
— Que je prenais du bon temps en compagnie des gladiatrices ? De la petite thrace ? demanda narquoisement Gaïa.
— Euh... balbutia Marcia embarrassée.
— Les nouvelles vont vite, fit Gaïa d'un ton acide.
— Je ne pensais pas à ça, se défendit Marcia rouge de honte. Je... je voulais juste...
La jeune fille appela Julia à son secours.
Gaïa s'était assise sur le bord d'une table et la fixait d'un air sardonique, presque cruel. Julia s'approcha de sa sœur. Elle leva une main à la hauteur de son visage et lui arrangea une mèche derrière l'oreille. Gaïa fronça les sourcils. Julia lui sourit en coin et au lieu de retirer sa main, elle tira un coup sec sur la mèche qu'elle lissait un moment auparavant. Gaïa exprima sa désapprobation par un cri de douleur et de surprise. Le geste se voulait taquin, aussi bien aux yeux de Marcia qu'à ceux de Gaïa, mais il contenait une menace implicite. Julia attendit un instant d'être certaine que sa sœur avait bien reçu son message et qu'elle se tiendrait sage jusqu'à ce que l'aînée rendît sa liberté à la puîné.
***
Gaïa n'était pas le genre de femme à se soumettre à quiconque, mais d'aussi loin que remontaient ses souvenirs, Julia avait toujours su l'amadouer quand elle s'était engagée dans une attitude hostile. Si Gaïa ne voulait pas aller se baigner, ne voulait pas manger, pas sortir, pas mettre un vêtement qui lui déplaisait, il suffisait souvent que Julia arrivât pour que la petite fille acceptât le sourire aux lèvres, d'obtempérer à toutes ses demandes alors qu'elle avait obstinément refusé ce plaisir, parfois pendant plus d'une heure, à sa mère, à sa nourrice, à son précepteur et parfois même à son père. Indifférente aux cris ou aux menaces de punitions. Cette obéissance ne devait rien à la peur ou à la soumission. D'aussi loin qu'elle s'en souvenait, Julia avait toujours fasciné l'enfant qu'avait été Gaïa. La petite fille la suivait partout, elle l'écoutait avec attention, suivait toujours ses conseils. Julia savait consoler ses peines d'enfant, la rassurer quand elle avait peur, la serrer contre elle quand elle avait besoin de savoir qu'on l'aimait.
Gaïa avait grandi, elle s'était endurcie, mais la confiance et l'amour qu'elle vouait à Julia avaient perduré à travers les années, les épreuves et la séparation. Gaïa avait pensé la suivre et quitter Alexandrie, quand Julia avait décidé de se marier et de s'installer de l'autre côté de la mer. Julia l'en avait dissuadée. Pas parce qu'elle s'inquiétait que Gaïa s'immisçât dans son couple, pas parce que Quintus et la jeune femme entretenaient des rapports parfois tendus, simplement parce qu'elle ne voulait pas que Gaïa abandonnât tout ce qu'elles avaient construit à Alexandrie.
À l'origine, avant de rencontrer Quintus Valerius, Julia avait effectué le voyage à Patara pour développer leurs affaires et celles-ci seraient d'autant plus florissantes si Gaïa les gérait à Alexandrie et Julia à Patara. Les liaisons maritimes étaient assez nombreuses pour qu'elles s'écrivissent fréquemment et se rendissent parfois visite si la séparation leur pesait. Julia pensait aussi que Gaïa devait s'épanouir hors de son ombre. Sa jeune sœur avait trop tendance à la considérer comme la seule personne vivante digne d'attention et d'amour. Julia était son seul point d'ancrage affectif. Cela ne lui pesait pas car elle aimait profondément et généreusement sa jeune sœur, mais Gaïa ne développerait jamais de relations affectives ou sentimentales si Julia restait à ses côtés. Tout simplement parce que la présence seule de sa grande sœur suffisait au bonheur de la petite sœur.
Si Gaïa naviguait avec aisance dans le monde des affaires, si elle savait se montrer charmante avec ses clients, ses fournisseurs, ses employés, si elle éveillait la sympathie, elle éveillait tout autant la crainte. Gaïa n'entretenait réellement aucune relation personnelle. Elle n'avait pas d'amis, pas d'amant, pas d'amante. Que lui importait puisqu'elle avait sa grande sœur. Julia avait peu d'amis, mais elle avait quand même ce qu'on appelle des amis. Elle en avait eu à Alexandrie, comme elle en avait ici. D'abord, son secrétaire Andratus, puis Quintus qui était autant son ami que son mari et enfin, Marcia.
Julia avait espéré, non qu'elle la remplaçât, mais que Gaïa trouvât quelqu'un qui adoucirait ses jours et ses pensées. Un ami, une amie, un amant, une amante, pourquoi pas un mari ? Julia avait bien trouvé Quintus. Mais depuis deux ans que Julia l'avait laissée, s'était mariée et installée à Patara, Gaïa n'avait noué aucune relation de la sorte. Elle n'était pas non plus venue lui rendre visite aussi souvent que Julia l'avait cru. Une fois. Quand elle avait appris que Julia voulait se marier. Et cette fois-ci. Deux visites intéressées. La première pour s'assurer que sa sœur ne faisait pas une bêtise, la seconde pour affaire.
Julia posa son regard sur Marcia. Gaïa eût éliminé Quintus s'il lui avait paru indigne de sa sœur. Le pauvre homme ne saurait jamais que son honnêteté, son désintéressement et sa bonté l'avaient soustrait à un assassinat. Si elle l'avait jugé malhonnête, Gaïa se fût peu souciée de l'amour que pouvait ressentir Julia pour Quintus Valerius Pulvillus. Elle eût oublié la dévotion qu'elle vouait à sa sœur et n'eût jamais cédé à ses supplications. Julia était assurée des qualités et de la vertu de Quintus, et elle l'aimait tendrement. Elle avait confiance en sa sœur, mais elle avait tout de même craint sa réaction, son jugement.
Elle savait qu'elle n'eût pu y soustraire Quintus si la condamnation était tombé. Julia n'aurait plus eu alors que le choix entre abandonner Quintus pour qu'il vécût ou s'opposer à Gaïa et signer l'arrêt de mort du jurisconsulte débonnaire. Gaïa avait débarqué à l'improviste et Julia n'avait pas eu le temps de passer des nuits blanches habitées de cauchemars et d'angoisse. Elle avait craint que Gaïa reprochât son âge à Quintus — il avait trente-six ans, elle vingt-trois, quand ils s'étaient mariés — son embonpoint, sa bonhomie. Mais Gaïa n'avait cherché à débusquer que l'escroc et elle n'avait trouvé qu'un homme honnête et amoureux. Quand elle avait été sûre de lui, elle avait déclaré à Julia qu'il ne lui poserait aucun problème, mais que si un jour, Julia en rencontrait, elle serait là, elle. Julia l'avait regardée en souriant mélancoliquement et s'était posé les doigts à l'endroit où son cœur battait dans sa poitrine :
— Tu es toujours là et tu seras toujours là, Gaïa.
Gaïa avait penché la tête sur le côté dans un geste qui lui était habituel, haussé un sourcil malicieux et lui avait demandé si elle l'était même quand Julia se trouvait avec Quintus. Julia lui avait donné une pichenette sur le menton en la traitant d'effrontée et de dépravée. Gaïa lui avait attrapé le poignet et l'avait basculé sur le dos. Julia s'était débattue. Elles avaient lutté avant d'être vaincues par un fou rire, heureuses de se retrouver, d'avoir effacé le différend qui eût pu les séparer. Julia pouvait aimer Quintus et garder Gaïa. Gaïa n'avait pas perdu sa sœur.
***
Quand Julia se fut assurée que Gaïa se tiendrait coite, elle se tourna vers Marcia.
— Alors... Que désires-tu, Marcia ?
— ...
— Parce que tu n'as pas compris, Julia ? souffla Gaïa.
Julia se retourna brusquement et jeta un regard noir à sa jeune sœur.
— Je ne dis plus rien, assura prestement Gaïa.
— Tu ferais bien.
— Pff... souffla Gaïa.
— Marcia, l'apostropha Julia. Arrête de faire l'enfant, j'en ai déjà une sous la main, j'aimerais bien ne pas en avoir deux.
— Je ne suis pas une enfant ! s'exclamèrent d'une seule voix Marcia et Gaïa.
— Vous l'êtes, s'esclaffa Julia. Voilà pourquoi, je ne comprends pas que l'une embête l'autre et que l'autre se montre si timide en face d'elle. Vous êtes faites pour vous entendre.
Si Marcia ne releva pas l'affirmation, Gaïa afficha une mine plus que dubitative.
— Alors maintenant, Marcia, lui dit Julia sévèrement. J'exige que tu m'expliques pourquoi tu es venue me voir.
Elle tendit un doigt menaçant vers Gaïa :
— Et toi, tu te tais !
Gaïa agita les mains en signe de défense et d'assentiment.
— Je... se lança Marcia. Je sais que les gladiatrices sont restées chez toi au Grand Domaine et...
— Et ?
— Je voudrais les voir, dit précipitamment Marcia. Je trouve ça génial que tu les aies accueillis, les gens racontent n'importe quoi et...
— Ah, oui ? Intervint Gaïa décidément incapable de se taire. Ils racontent quoi par exemple ?
— Gaïa ! tonna Julia.
— Je suis sûre que ce n'est pas vrai, ajouta Marcia. On dit qu'elles vont rester dix jours. Julia, est-ce que je pourrais les voir ? Est-ce que la thrace va bien ? Était-elle vraiment aussi gravement blessée que son dos le laissait à penser ? Tu l'as fait soigner ? Qu'est-ce qu'elles font toute la journée ? Elles sont amies ? Je croyais que si les gladiateurs manifestaient un esprit de corps, ils évitaient de nouer des relations amicales entre eux ? Est-ce qu'elles s'entraînent ? Les gladiateurs s'entraînent tout le temps, elles n'ont pas arrêté ? Tu as payé très cher pour les garder si longtemps ? Quintus n'est pas fâché ? Comment est leur laniste ? Est-ce que...
Marcia s'arrêta soudain de parler, Julia riait et Gaïa la regardait avec ébahissement. La jeune fille rougit.
— Marcia, tu espères vraiment que je vais répondre à toutes tes questions ? lui demanda Julia.
— ...
— Oui, évidemment que tu l'espères ! Mais je ne me suis pas rendue au Grand Domaine depuis que les deux gladiatrices y ont été emmenées.
— Mais je croyais...
— Si tu veux avoir des réponses, il faut que tu t'adresses à Gaïa.
Marcia prit un air implorant. Gaïa ne pouvait s'empêcher de trouver la jeune fille amusante. Elle oublia le ressentiment et la haine qu'elle vouait au tribun de la Fulminata et répondit autant qu'elle le put aux questions de la jeune fille. Elle lui raconta que la thrace était sérieusement blessée, mais qu'elle avait été soignée. D'abord, par une jeune esclave qui servait au Grand Domaine, puis par le médecin attaché à la familia des deux gladiatrices. Que c'était certainement un grec et qu'il s'était montré compétent.
Gaïa lui expliqua qu'en quittant le Grand Domaine, elle avait demandé à l'intendant, Marcus Severus, de lui donner régulièrement des nouvelles des deux gladiatrices. L'homme lui avait fait parvenir plusieurs tablettes dans lesquelles il l'assurait de la santé de la thrace, mais il n'avait pas détaillé l'emploi du temps des deux gladiatrices. La thrace avait dû rester plutôt calme les premiers jours. Quant à la rétiaire, il avait seulement spécifié qu'elle ne posait aucun problème. Marcia n'obtint donc que très peu de réponses à ses questions. Elle parut très déçue. Julia soupçonna que la jeune fille avait certainement espéré plus que la confirmation des commérages qui faisaient le tour de la ville ou qu'un compte-rendu succin sur les faits et gestes des deux gladiatrices.
— Marcia, pourquoi t'intéresses-tu tellement à ces gladiatrices en dehors de l'aspect scandaleux et excitant de l'affaire ?
— Je me suis rangée à votre avis, Gaïa. Leur combat était le plus intéressant. J'ai aimé l'affrontement de Dyomède et de Berrylus. Ce sont de bons gladiateurs. Mais elles étaient meilleures et... C'est la thrace d'abord. Je l'ai trouvée... différente.
Gaïa ouvrit la bouche pour demander des précisions, mais Marcia continua sans lui donner l'occasion de satisfaire sa curiosité.
— Au banquet, elles ont vraiment été géniales, pas seulement la thrace, mais la rétiaire aussi. J'ai vu qu'elle s'inquiétait pour sa camarade. On ne sait pas ce que pensait la thrace parce qu'elle a porté son casque toute la soirée. Elle est comment ? Elle est jeune? Jolie ?
— Intéressante, répondit Gaïa.
— Ce que j'aime, reprit fougueusement Marcia. C'est qu'elle a du cran. On a l'impression qu'elle se place au dessus des lois, elle a apostrophé Constans deux fois comme si c'était parfaitement son droit. Et puis aussi, pour la rétiaire... sa réaction quand elle a compris qu'elle allait peut-être devoir tuer la thrace, qu'elle devait la surveiller. Et la thrace... Elle s'est relevée courageuse, elle n'a pas reculé, elle n'a pas montré le moindre signe de défaillance.
— Sa vie en dépendait à ce moment-là, observa Julia.
— Aulus Flavius n'est qu'un salaud ! fulmina soudain Marcia. Pourquoi être intervenu ? Elle s'est écroulée, c'est vrai, mais elle était blessée, aucun gladiateur ne dispute jamais un combat dans l'état dans lequel elle se trouvait. On peut peut-être voir ça aux meridiani, mais jamais au cours d'un munus. Elle n'aurait jamais dû combattre. J'avais remarqué son dos, mais je croyais que c'étaient des cicatrices. Je ne comprends pas qu'on l'ait engagée ce soir-là, c'était inutilement cruel. Pourtant, elle n'a rien laissé paraître et nous a offert un beau combat. Ce sale type... Comment a-t-il pu ? Et pourquoi... ?
Marcia se tût soudain et ses traits s'affaissèrent.
— C'est moi, réalisa-t-elle d'une voix blanche. C'est de ma faute. C'est moi qui en ai parlé à Sextus Constans. Qui lui ai dit qu'elle intéressait Gaïa, que si elle était là, elle viendrait. Je suis responsable. C'est...
— Tu n'es responsable de rien, Marcia, lui assura gentiment Julia. La première responsable, c'est elle et rien qu'elle. Son arrogance lui a certainement valu le flagellum. Les lanistes apprécient peu que leurs gladiateurs enfreignent les lois et encore moins qu'ils se mettent stupidement en danger.
— Peut-être, la coupa Marcia. Mais ensuite...
— Qu'importent les raisons qui l'ont menée à être présente au banquet ou à être fouettée, elle n'est pas morte, intervint Gaïa.
— Mais pourquoi... ?
Marcia n'osa pas poser sa question. Anémios ne lui avait pas spécifié les raisons qui avaient conduit Gaïa à demander les deux gladiatrices. Les rumeurs dégoulinaient de sous-entendus ignominieux qui allaient bien plus loin que le simple fait d'avoir accueilli chez soi des réprouvés.
Marcia n'arrivait pas très bien à comprendre pourquoi on haïssait tant les gladiateurs, qu'ils fussent esclaves ou hommes libres. Les gens les admiraient, ils couraient les munus, dépensaient de folles sommes dans des paris qu'ils engageaient avec des amis ou des inconnus. Ils bavaient quand ils avaient la chance d'assister aux cenas le soir avant les combats. Des femmes tombaient amoureuses, des hommes jouaient parfois même à descendre dans l'arène et tous pourtant, méprisaient profondément, viscéralement les gladiateurs. Pourquoi ? Parce qu'ils tuaient ? Les soldats aussi tuaient. Son père lui avait expliqué que les soldats défendaient l'Empire, la civilisation, que les légionnaires se battaient pour une noble cause. Les gladiateurs eux, tuaient pour de l'argent, pour accéder à une gloire éphémère. Marcia avait répliqué qu'ils se battaient pour le plaisir du public. Que sans eux, les jeux n'auraient plus de raisons d'être. Que leurs affrontements gardaient le caractère sacré des duels d'autrefois. Qu'ils célébraient la gloire de Rome, la victoire des légions sur les barbares. Que les gladiateurs servaient les ambitions des munéraires, asseyaient leur popularité, leur élection aux plus hautes charges de l'état. Comment pouvait-on mépriser des hommes qu'on admirait, des hommes indispensables ? Valens, soldat dans l'âme, lui affirma que seuls les soldats avaient le droit de verser du sang humain, les autres n'étaient que de vulgaires assassins qui enfreignaient les lois divines et alimentaient les fantasmes inavouables et malsains de tordus en mal de sensations fortes.
Marcia éprouva soudain l'envie de s'enfuir. Elle connaissait assez Julia Metella Valeria pour savoir qu'elle n'appartenait pas à ces gens en mal de sensations fortes que méprisait son père, mais que savait-elle de sa sœur ? Rien.
Gaïa observait la jeune fille avec attention, son discours enflammé lui avait plu. Celle-ci avait intelligemment défendu la thrace et apprécié chez elle les mêmes qualités que Gaïa lui avait elle-même reconnues. De plus, Marcia avait à plusieurs reprises exprimé tout le mal qu'elle pensait du procurateur Aulus Flavius.
Gaïa trouvait assez amusant qu'on lui prêtât d'horribles vices, que des rumeurs courussent sur son compte, alimentées par le fait qu'elle ne les démentait jamais et souriait en coin quand elle on les lui rapportait ou que des gens bien attentionnés et avides d'histoires scandaleuses la soumettaient, à ce qu'ils croyaient discrètement, à une série de questions et de sous-entendus pour découvrir la part de vérité dans tout ce qui se disait sur elle.
Marcia s'inquiétait pour la thrace. Elle aimait visiblement Julia et elle craignait de l'offenser, peut-être aussi de découvrir qu'elle n'était pas ce qu'elle paraissait être. Qu'elle avait une sœur dépravée et cruelle qui ne valait pas mieux que le procurateur qu'elle honnissait.
— Aulus Flavius la voulait, laissa tomber Gaïa. Julia s'en est aperçue et elle m'a demandé mon aide pour lui soustraire la thrace. J'ai pensé que la rétiaire risquait de payer mon intervention. Je l'ai donc comprise dans mon opération de sauvetage.
— Il lui aurait fait du mal, murmura Marcia.
— Oui, sans aucun doute, confirma Gaïa.
Julia s'étonna que sa sœur se montrât si pleine d'attention. Marcia avait su lui plaire, elle devait encourager le penchant naturel qu'éprouvait Gaïa pour la fille de Valens. Les rapprocher. Gaïa abandonnerait ses projets si Marcia perdait, à ses yeux, le statut de simple pion à avancer et à sacrifier sans vergogne :
— Marcia, si tu es aussi curieuse et que le sort des gladiatrices t'importe autant, pourquoi ne nous accompagnerais-tu pas au Grand Domaine ? Tu aurais ainsi la réponse à toutes les questions que tu te poses sur elles et même plus.
— Julia, tu veux aller au Grand Domaine ? s'étonna Gaïa qui ne s'attendait pas à ce que sa sœur voulût prêter le flanc aux scandales.
— J'ai des affaires à régler avec mon intendant. Il va faire chaud les jours prochains, nous serons bien mieux là-bas. Marcia, que dirais-tu d'y passer quelques jours ? Les gladiatrices ne repartiront que dimanche, nous sommes mardi. Il est un peu tard pour partir aujourd'hui et tu dois prévenir ton père. Si la proposition t'intéresse, viens demain à la première heure. Mais quoi que tu décides, préviens-nous pour que nous ne t'attendions pas en vain.
Marcia n'en crût pas ses oreilles et resta à fixer Julia avec des yeux ronds.
— Je croyais que cela te plairait, la taquina Julia. Les gladiatrices appartiennent à Gaïa, elle en fait donc ce qu'elle veut. Si elle leur demande de se soumettre à tous tes désirs, elles le feront. Mais bon, nous irons sans toi.
— Non ! Oh, non, Julia ! se récria Marcia. Ce serait génial... Gaïa, vous... ?
— Je te les prête si tu ne les abîmes pas. Ces femmes m'ont coûté plus cher que l'entière cargaison d'un navire rempli de soie, de vin, et d'étoffes. Je ne les ai pas sauvées des mains du procurateur pour les placer entre celles d'une sauvageonne.
— Je ne leur ferai pas de mal, Gaïa. Je veux juste les voir et leur parler si elles y consentent. Je n'ai jamais pu discuter avec des gladiateurs.
— Je ne sais pas s'ils ont grand-chose à dire. Pour les deux gladiatrices, tu as plus de chance de tomber sur des paysannes frustres et incultes que sur des princesses de quelques royaumes barbares.
— Elles viennent d'où ?
— Je ne sais pas, je n'ai pas eu l'occasion de leur demander. Tu sais, les esclaves n'aiment pas trop parler de leurs origines à ceux qu'ils considèrent responsables de la perte de leur liberté.
— Je ne leur dirai pas que je suis la fille d'un tribun et la rétiaire n'avait pas une tête de brute. Elle est même plutôt jolie. Et si ses traits ne sont pas grossiers, son esprit ne doit pas l'être non plus.
— Tu as trop lu les auteurs grecs, Marcia.
La jeune fille ignora la critique.
— La thrace a su user de la parole et être entendue par Sextus Constans. Il ne l'aurait pas écoutée si elle s'était montrée vulgaire et frustre, argua Marcia. On n'écoute pas les gens dénués d'esprit.
— Mmm, approuva Gaïa qui partageait son avis. Tu n'as pas tort, mais n'oublie pas que ce sont des esclaves et qu'elles ont librement choisi d'être gladiatrices.
— Malgré ce que les gens affirment, je suis persuadée que les gladiateurs ne choisissent pas toujours de l'être parce qu'ils ont le goût du sang et de la violence.
— Non ?
— Non, si ce sont des esclaves et qu'ils étaient soldats avant cela, être gladiateur est une moindre déchéance. Mon père dit qu'à part les principales qui exercent des métiers particuliers, la plupart des soldats ne savent pas faire grand-chose, que les guerriers et les hommes de rang ne savent que manier l'épée et suivre les ordres. Il m'a dit que les prisonniers de guerre finissaient le plus souvent dans les mines et les carrières. À leur place, je préférerais être gladiateur.
— Ce sont des femmes et d'après leurs accents, je pense qu'elles sont toutes les deux originaires des régions orientales. Je suis à peu près sûre que la rétiaire est Syrienne. Les peuples qui sillonnent le désert ont un accent très proche du sien. Pour la thrace, je ne saurais me prononcer, mais aucune des deux ne me semble avoir appartenu à l'un de ces rares peuples qui comptent des femmes dans leurs armées. Ce ne sont pas des Scythes.
— La rétiaire est très grande, elle aurait pu finir dans les mines.
— Elle est jeune, ce n'est pas une novice, elle a dû être recrutée il y a des années. Elle ne devait pas encore avoir une taille si... proche de la mienne.
— Vous êtes jolie, répliqua Marcia. Elle l'est aussi et comme vous l'avez justement remarqué, c'est une femme. C'était une jeune fille. Peut-être ne savait-elle rien faire, mais elle était déjà grande, elle était jeune et jolie, peut-être a-t-elle pensé que la gladiature la garderait d'un autre sort bien moins enviable.
Marcia se retrouva soudain prisonnière des bras de Julia qui la serra affectueusement contre elle, et l'embrassa en riant. La spontanéité qu'avait su garder la jeune fille en grandissant, sa fougue et son honnêteté lui avaient toujours plu. Il était rare qu'une personne libre s'intéressât sincèrement du sort d'un esclave, qu'il s'interrogeât sur les raisons qui pouvaient avoir poussé un esclave à s'engager comme gladiateur, du moins, à ne pas avoir refusé de l'être quand on le lui avait proposé.
Car si aux temps de la République, on contraignait souvent des esclaves à être gladiateurs, l'expérience des lanistes, des munéraires et des spectateurs avaient pratiquement éradiqué de telles pratiques. Un homme qui combattait contre son gré ne deviendrait jamais un bon gladiateur. Le métier* exigeait du travail, du courage, un engagement de chaque instant, des qualités aussi bien martiales que le goût de la mise en scène et du spectacle. Un gladiateur ne se battait pas comme un légionnaire ou un barbare, il donnait une représentation. Son combat devait être beau et spectaculaire. Le gladiateur ne tuait pas au cours d'un affrontement, sauf si cela lui avait été spécifié avant. Seul le munéraire avait droit de vie ou de mort dans l'amphithéâtre. Quand l'arbitre jugeait que l'un des adversaires avait perdu, il arrêtait le combat. Si ce n'était l'arbitre, c'était l'un des deux combattants qui déclarait forfait. Ensuite, il s'agenouillait et attendait la sentence.
Missio et il repartait. Vaincu, mais vivant. Jugula et la lame de son adversaire l'égorgeait ou plongeait dans son épaule.
Le vaincu mourait courageusement, sans une plainte. Les gladiateurs combattaient de leur plein gré, même si une fois engagé, l'esclave ne pouvait plus faire marche arrière. La mort, la déchéance d'être revendu pour incapacité à combattre dans une arène, parfois l'affranchissement après des années de labeur, voilà comment s'achevait leur carrière. Mais ils avaient tous choisi. Les femmes comme les hommes, et Marcia, dans le cas de la rétiaire, avaient très finement analysé ce qui pouvait l'avoir conduite à accepter de combattre dans une arène. Pas pour de l'argent, pas pour la gloire, ni par goût de la violence ou du sang, mais pour échapper à un sort qu'elle avait jugé pire encore.
Le raisonnement de Marcia élevait la jeune gladiatrice au-dessus des préjugés et des représentions qui donnaient bonne conscience aux amateurs de munus. Il la sortait de son état d'esclave soumise à son sort, il lui reconnaissait la liberté d'avoir choisi son statut, de librement avoir consenti à tout ce que cela impliquerait : violence, entraînements épuisants et monotones, acceptation de se soumettre à une discipline exigeante, obéissance stricte, punition, dépassement de soi.
Julia n'avait pu retenir un élan de tendresse envers Marcia. Gaïa ne se serait pas laissée aller à de telles manifestations, mais les paroles de la jeune fille l'avaient aussi agréablement touchée. Marcia n'était pas seulement insolente et pleine de vie, elle était aussi intelligente et venait de se montrer délicatement sensible. Là où certains possédaient des cœurs et des âmes remplis de fiel, son cœur et son âme débordaient de générosité.
Il entrait beaucoup de naïveté et d'innocence dans l'enthousiasme qu'elle mettait à vouloir rencontrer les gladiatrices, mais elle défendait leurs choix et leur mode de vie. Marcia ne voulait pas rencontrer des animaux savants, elle voulait rencontrer des êtres humains et désirait mieux les connaître. Plus que cela, elle s'était inconsciemment inquiétée pour les deux femmes qui l'avaient fortement impressionnée par leur comportement et leur attitude. Gaïa se demandait si beaucoup de gens avaient aussi bien analysé les sentiments de la jeune rétiaire au cours de la soirée. Elle en doutait fortement. Marcia avait aussi été favorablement impressionnée par la petite thrace. Sentiments que Gaïa partageait avec elle, et elle était curieuse de savoir comment Marcia vivrait sa rencontre avec les deux gladiatrices, quelle opinion elle s'en forgerait.
Gaïa avait quitté le Grand Domaine peu après avoir laissé la petite thrace aux soins de son médecin et elle n'avait pas revu les deux femmes depuis. Elle n'avait aucune idée de la façon dont elles occupaient leurs journées. Marcia avait posé beaucoup de questions auxquelles Gaïa n'avait pu donner de réponse faute de les connaître. Des questions qu'elle se surprenait, elle aussi, à seposer. Gaïa n'était pas réputée pour sa patience et elle refréna son désir de partir sur le champ satisfaire sa curiosité.
Julia relâcha Marcia qui se mit pratiquement à bondir d'un bout à l'autre de la pièce en se félicitant de sa chance de connaître quelqu'un d'aussi génial queJulia.
— Mmm, se défendit honnêtement Julia. Tu peux remercier Gaïa, elle m'a sauvée de l'opprobre général et si j'avais l'intention de me retirer avec la thrace, c'est elle qui a pris l'initiative d'y adjoindre la rétiaire et de prolonger leur séjour de neuf jours.
— Mais pourquoi les avoir gardées, Gaïa ?
— Elles étaient chez moi. Enfin, chez Julia, se justifia Gaïa. La thrace souffrait de graves blessures. Il était peu probable qu'elles soient engagées dans un autre munus, alors pourquoi ne pas les garder ?
Marcia ne trouva pas ses explications très convaincantes, Julia avait reçu les mêmes quand, elle aussi, s'était étonnée de sa décision et lui avait demandé ce qui l'avait justifiée.
.
Gaïa lui avait envoyé des tablettes le lendemain du banquet. Elle lui avait demandé si cela la gênerait que les deux gladiatrices restassent au Grand Domaine tout le temps que durerait la convalescence de la petite thrace. Gaïa avait confié les tablettes à Andratus. Julia l'avait interrogé sur ce qu'il savait. Il n'avait eu pas grand chose à lui apprendre. La rétiaire avait été logée dans le quartier des affranchis et Gaïa avait fait porter la thrace dans la partie réservée aux maîtres de maison.
Ensuite, elle avait demandé au secrétaire particulier de Julia de l'accompagner dans ses appartements. Gaïa avait préparé deux tablettes, rédigé deux messages et les lui avait confiées. La première tablette était destinée à sa sœur, la seconde au laniste à qui appartenaient les deux gladiatrices. Andratus devait d'abord remettre la première à Julia et attendre sa réponse. Si celle-ci s'avérait positive, il apporterait la seconde au laniste. Si elle était négative, il pouvait effacer le second message.
Julia avait demandé à Andratus, s'il lui était possible de lire la tablette destinée au laniste. Il lui apprit que Gaïa avait prévu cette demande et avait remis la tablette à Julia. Le message répondait à tous les critères d'une transaction commerciale. Gaïa ne fixait pas de prix, mais elle avait clairement indiqué qu'il serait malvenu d'essayer de l'escroquer. Julia avait refermé la tablette et l'avait remise à Andratus. Puis, elle en avait sorti une nouvelle et avait rédigé un mot à l'intention du laniste. Gaïa était une étrangère, Julia une notable de la ville. Elle invita Andratus à se réclamer de sa personne et de celle de Quintus Valerius. Le laniste se montrerait plus conciliant, moins exigeant et plus accommodant. Il n'aurait rien à gagner à déplaire à l'une des familles les plus influentes de la ville.
Gaïa s'était montrée très évasive quant aux raisons qui l'avaient conduite à dépenser une petite fortune pour louer dix jours les deux gladiatrices. Julia avait été d'autant plus surprise, que Gaïa était revenue à Patara le jour même de sa demande et qu'elle n'avait pas ensuite exprimé le désir de retourner au Grand Domaine.
Il était rare que sa sœur agît sans retirer de bénéfices de ses actions. Elle pouvait venir en aide à des gens sans attendre d'eux qu'ils lui rendissent par la suite le même genre de service, mais simplement parce que Gaïa se payait par ailleurs. Ses bonnes actions ruinaient un concurrent, éliminaient l'un de ses ennemis, servaient à assouvir ses haines. Des fortunes changeaient de mains, souvent à son bénéfice, et des gens mouraient assassinés. Des gens que Gaï ajugeait impropres à vivre encore. Ses gens la protégeaient. Ceux qui la connaissaient depuis leur arrivée à Alexandrie. Ils ne la trahiraient jamais parce qu'ils partageaient sa haine et son chagrin, parce qu'ils l'aimaient. Julia était au courant parce que ces mêmes gens l'aimaient aussi et que parfois, ils s'inquiétaient pour Gaïa. En particulier, son intendant Ezra à qui Gaïa confiait ses affaires quand elle s'absentait et son garde du corps Antiochus qui pour une fois, ne l'avait pas accompagnée.
Qu'avait sa jeune sœur à gagner de la présence des deux gladiatrices ? Elles les avaient soufflées ensemble au procurateur. Gaïa n'appréciait pas, Julia s'en était aperçue à sa façon de le regarder, l'empressement qu'Aulus Flavius montrait auprès de son aînée. Gaïa prévoyait aussi de le perdre et leur petit coup d'éclat en était un avant goût, mais rien ne justifiait qu'elle prolongeât de dix jours le séjour des gladiatrices au Grand Domaine. Alors quoi ? Julia le découvrirait peut-être en l'accompagnant là-bas.
Marcia ne tenait plus en place et elle refusa de rester dîner.
— Je pars, je vous envoie une tablette dès que j'ai vu mon père. À la première heure demain. Au revoir.
Elle partit en courant, passa la porte, s'arrêta, revint sur ses pas.
— Vous croyez qu'il faut leur apporter des cadeaux ?
Les deux sœurs restèrent coites d'étonnement.
— Ce n'est pas grave, annonça Marcia. Je trouverai quelque chose.
Elle s'enfuit soudain. La porte claqua.
— Elle ne manque pas d'enthousiasme, observa pensivement Gaïa.
— Je l'aime beaucoup.
— C'est quelqu'un de bien.
— Tu peux répéter, Gaïa ?
— Pourquoi ? demanda celle-ci sur la défensive.
— Tu émets si peu de compliments sur les gens, que quand tu le fais, je me demande toujours si j'ai bien entendu.
— Oui, tu as bien entendu.
— Tu es une petite sœur de rêve, ma plus grande fierté !
— Ah, oui ?
— Tant que tu ne fais pas trop de bêtises.
— Tu me les passais toutes quand j'avais six ans.
— Je ne te les passais plus quand tu en avais treize, rétorqua Julia.
— J'en ai vingt-et-un.
— Mais je reste ton aînée...
— C'est vrai, rit Gaïa. Et, aurais-tu des reproches à me faire ?
— Non, j'avoue que depuis ton arrivée, tu as multiplié les bonnes actions, même si je ne comprends pas toujours ce qui a pu les motiver.
— Comme...? demanda Gaïa en fronçant les sourcils.
— Comme : pourquoi tu as dépensé une fortune pour garder dix jours deux gladiatrices à se prélasser en toute liberté dans ma propriété préférée.
— Une lubie.
— Due à quoi ?
— Vraiment ? Je n'en sais rien. La pitié peut-être.
— La pitié ! s'exclama Julia n'en croyant pas ses oreilles.
— La compassion, se rattrapa Gaïa. Pour tout ce qu'a dit Marcia. Une sorte de récompense.
— Tu n'en sais rien, en conclut Julia.
— Non, c'est vrai, avoua Gaïa en haussant les épaules. Je trouvais seulement inacceptable l'idée de les renvoyer au ludus. J'ai pensé qu'elles avaient mérité un peu de repos et de tranquillité. Et puis, je ne sais pas, d'une certaine façon, elles m'ont rappelé nous deux.
— Pourquoi ?
— La rétiaire s'inquiétait pour la thrace et c'était réciproque, même si la petite thrace ne voulait pas l'admettre. Et puis j'ai apprécié le courage et la dignité de la thrace. J'avoue aussi qu'elle m'a énervée en arrivant à la propriété et que j'ai été injuste avec elle. Peut-être voulais-je ainsi me faire pardonner.
— Injuste ?
— Euh... je lui ai fait mal quand nous sommes arrivées à la villa.
— Raconte.
Gaïa lui narra leur première confrontation.
— Tu t'es montrée cruelle, murmura Julia.
— Je voulais la punir.
— Pour s'être soumise à toi ?
— Oui.
— En général, tu aimes que les gens te soient soumis. Tu aimes dominer les autres et exercer ton pouvoir sur eux. Je ne vois pas pourquoi tu as voulu la punir. Elle savait qu'elle t'appartenait, que voulais-tu qu'elle fasse ?
— Je méprise les gens qui se soumettent.
— Tu ne leur laisses en général pas trop le choix.
— Elle m'a déçue.
— Tu voulais qu'elle te résiste ?
— Non, je voulais qu'elle reste elle-même, qu'elle se montre honnête.
— Pourtant, tu l'as faite porter dans les appartements nobles, tu l'as fait soigner et tu l'as louée pour dix jours de plus. Qu'est qui lui a valu ce retour en grâce ?
Gaïa fronça les sourcils et se mordilla l'intérieur de la bouche.
— Elle est amusante, déclara Gaïa qui ne trouva pas d'autre adjectif pour décrire ce qu'elle ressentait envers la petite thrace.
— J'aimerais bien voir cela. Ses prestations sur le sable ne me laissaient pas présager que sous le casque se cachait une joyeuse compagnie pleine d'esprit.
— Julia, protesta Gaïa.
— J'ai hâte de rencontrer ta petite thrace. Elle s'appelle comment déjà ?
— Aeshma. La rétiaire l'appelle Aesh, répondit pensivement Gaïa.
***
NOTES DE FIN DE CHAPITRE :
Illustration :
Prise du temple de Jérusalem par Titus ( pas trouvé l'auteur ni la date)
Accensus : affranchis exerçant la charge secrétaire auprès du propréteur.
Gerasa : Ville antique prospère, située en Jordanie. La ville a été la victime collatérale de la guerre de Judée. Elle a été rasée comme bien d'autres dans la région, en 68 ap. JC par les troupes romaines.
De très beaux vestiges sont encore visibles dans l'actuelle ville de Jerash, dont un très curieux forum de forme ovale.
Mode de recrutement des gladiateurs :
Les prisonniers de guerre : ceux-ci finissaient souvent mal. Et Rome menait des campagnes nombreuses qui alimentaient sans cesse les marchés, les mines et les jeux du cirque.
Si on prend l'exemple des juifs de Judée à la chute de Jérusalem en 70 ap JC, on estime à deux millions sept-cents-milles juifs prisonniers. Douze milles meurent de misère. Quatre-vingt-dix-sept mille femmes et enfants sont vendus. Les plus fort, et les plus beaux des jeunes hommes sont réservés au triomphe de Titus. Il en reste un million cent milles. Ils seront condamnés aux bêtes pour les plus faibles, et les autres rejoindront les arènes pour livrer des simulacres de combats. Ils auraient dû être gladiateurs, mais les juifs n'y consentir jamais.
Les esclaves : Si un homme ne veut pas combattre, il ne vaudra rien dans l'arène. Hadrien au IIe sc, fera interdire la vente d'un esclave à un ludus.
Damnatio ad ludum : c'est une décision de justice réservée aux criminels qui se substitue à la peine mort ou à la condamnation aux mines. Il a existé des limites de temps après lesquels le condamné est délivré de l'obligation de combattre, puis réellement libéré.
Ces gladiateurs sont réservés aux spectacles de l'Empereur à partir du règne d'Auguste, mais celui-ci peut les prêter ou les louer aux munéraire qui le souhaitent.
Les hommes libres : il y eu des hommes libres dès le début. Engagé dans la gladiature par amour de la gloire, des femmes, de l'argent. Parfois parce que c'était le seul moyen qu'ils leur restaient pour payer leur dettes.
On les appelle les auctotarus, il signe un contrat par lequel ils se vendent à un laniste et deviennent ainsi une sorte d'esclave temporaire. Cependant, l'homme libre qui a un jour combattu dans l'arène, qui a tué et qui a été payé, est à jamais frappé d'infamie. Il ne pourrait plus exercer certaines charges. Néron leva l'infamie et encouragea l'aristocratie à descendre dans l'arène. Vitélius rétablie la notion d'infamie.
Seul en était exempt celui qui combattait pour prouver sa vaillance, celui qui ne tuait pas et n'était pas payé pour combattre.
Qu'un gladiateur soit issu de l'un ou d'un autre mode de recrutement, il ne se montrerait bon gladiateur que s'il avait la volonté de vivre, de survivre, de se battre et de gagner. Un bon gladiateur ne pouvait qu'être volontaire, ou bien il n'était bon qu'à alimenter les bêtes sauvages, ou servir de distraction aux meridiani.
Sources : Histoire des gladiateurs de Anne Bernet. Coll. Texto, ed. Tallandier, Paris, 2014.
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