Chapitre LXIX : La familia d'Astarté
Aeshma grimaça.
Atticus fronça les sourcils
Herennius soupira.
Le médecin se retourna vers le doctor :
— Tu ne la changeras jamais, observa-t-il doucement.
— C'est son premier combat et elle saigne déjà comme un porc, répliqua Herennius contrarié.
— C'est superficiel, doctor, fit Aeshma. Une égratignure, rien de plus.
— Ah, oui ? Prête à retourner sur le sable demain, alors ?
— Si vous me le demandez, répondit la jeune Parthe en haussant les épaules.
Atticus lui enfonça les doigts dans le flanc. Juste à l'endroit qu'il venait de recoudre. Surprise, elle cria de douleur et serra les poings.
— Tu es vraiment... gronda Herennius.
— Doctor, grimaça la petite thrace. T'ai-je déçue ?
Herennius la regarda attentivement. Aeshma attendait une réponse. Elle avait renoncé à se montrer insolente. Atticus avait le don de la rendre aussi docile qu'un agneau quand il le voulait vraiment. La jeune gladiatrice s'inquiétait. Sincèrement. Elle était toujours si sûre d'elle, de ses qualités sur le sable. Avec raison, s'avoua Herennius.
— Non, tu as bien combattu, Aeshma, lui avoua-t-il. Mais tu as pris des risques. C'est cela que je te reproche. Téos ne pensera pas autrement.
— Bastet s'est fait bouffer ce matin, protesta Aeshma.
— C'est pratiquement une novice. Tu n'as rien d'une novice, tu vaux bien plus que ça, Aeshma. Et tu es bien plus précieuse que cela.
Un petit rictus naquit au coin des lèvres de la meliora. Herennius souffla de dépit. Il venait exactement de lui déclarer ce qu'elle désirait entendre.
— Soigne-la bien, Atticus. Et toi, Aeshma, tu as intérêt à ce que ta convalescence soit calme et rapide. Compris ?
— Oui, doctor.
La mine de la jeune Parthe allongée sur la table de soins s'épanouit un peu plus encore.
— Atticus, si tu pouvais lui faire regretter ses bêtises, gronda Herennius.
— Je m'y efforce, Herennius. N'en doute surtout pas, et cela...
Il posa sa main sur la blessure d'Aeshma. La jeune femme grimaça et retint un gémissement.
— ... depuis des années. Mais tu la connais. Elle a la tête dure. À moins qu'elle aime souffrir, je ne sais pas, dit-il faussement pensif.
Sa main pesa un peu plus sur sa patiente.
— Tu aimes souffrir, Aeshma ?
— Non, Atticus, non, protesta-t-elle précipitamment.
— Bon, je vais te soigner alors ?
— Oui, approuva Aeshma.
— Et tu vas être bien sage, pendant les soins et après les soins ?
— Oui, oui, medicus, je serais très sage.
— Je vous laisse. Je vous revois au ludus, fit Herennius qui savait qu'Atticus saurait se faire entendre par la jeune gladiatrice.
Atticus attendit que le doctor fût hors de portée de voix.
— Tu joues très bien la comédie, Shamiram, lui déclara Atticus.
— Moi ? Mais...
— Rien ne t'empêche jamais de faire n'importe quoi.
— ...
— Tu m'aideras au ludus ? lui demanda Atticus. Métrios ne me suffit pas et les autres ne valent pas grand chose.
— Oui, bien sûr, s'empressa d'acquiescer Aeshma, heureuse que le médecin soit revenu à de meilleurs sentiments.
— Tu resteras avec moi jusqu'à ce que tu puisses reprendre l'entraînement et...
— Non, Atticus ! le coupa Aeshma. Je ne veux pas dormir à l'infirmerie.
Atticus resta silencieux, pesant le pour et le contre. La jeune femme voulait continuer à veiller sur Marcia. Elle accordait sa confiance à Atalante, mais elle savait que Marcia recherchait sa présence quand elle était fatiguée et qu'elle souffrait.
La jeune auctorata avait durement accusé le contre-coup de la vente d'Astarté et la disparition d'Aeshma. Atalante avait adouci ses peines, certains de ses camarades aussi. Mais Marcia aimait Aeshma. La présence de la jeune Parthe l'avait aidée, mieux qu'autre chose, à surmonter la perte d'Astarté, encouragée à devenir meilleure.
La jeune fille s'abreuvait d'affection auprès d'Aeshma et d'Atalante. L'amitié que partageaient les deux melioras la rassurait. Les deux jeunes gladiatrices lui offraient sans le savoir l'assurance que tout n'était pas que sang, larmes et brutalité au sein du ludus et de la vie qu'elle avait choisi de vivre. Qu'il existait autre chose. La chaleur et la lumière d'une affection que la jeune fille jugeait entière, profonde et généreuse. Marcia aurait pu s'illusionner sur les rapports qu'entretenaient les deux melioras. Atticus, deux ans auparavant, l'aurait sévèrement réprimandée de croire à un tel mirage. Aeshma malgré ses qualités et l'affection qu'il lui vouait, n'était pas une personne qu'il était raisonnable d'aimer aussi sincèrement et entièrement que l'aimait Marcia. La Parthe était fermée, taciturne et brutale.
Atalante en avait fait l'amère expérience. Il savait que la grande rétiaire aimait la jeune Parthe depuis très longtemps. Un amour fraternel et généreux qui n'avait jamais eu la chance de s'exprimer, de se dévoiler. Elles s'ignoraient, ne se rencontrant vraiment que quand elles combattaient l'une contre l'autre. Pendant des années, Aeshma s'était montrée aveugle et stupide. Elle eût dû s'étonner de partager une si grande complicité sur le sable avec Atalante. Elle ne l'avait jamais fait. Elle n'avait jamais voulu s'attarder à y penser. Jusqu'au munus de Patara et la cuisante punition qui avait suivi. Jusqu'au séjour chez Julia Metella Valeria. Jusqu'à ce que, un an plus tard, Aeshma revînt seule au ludus, après un naufrage. Depuis...
Depuis, Atticus reconnaissait que Marcia ne s'illusionnait pas sur la relation que partageaient la grande rétiaire et la petite thrace. Le médecin ne savait pas vraiment pourquoi les deux jeunes femmes s'étaient enfin trouvées, mais il en était heureux et il savait quelle influence elles avaient sur la santé morale et physique de la jeune auctorata.
— S'il te plaît, medicus, insista Aeshma humblement.
— Tu partages ta cellule avec Atalante et Marcia ?
— Oui.
Il interpella un aide et lui demanda d'aller chercher Atalante. L'aide revint dix minutes plus tard accompagné de la grande rétiaire. La jeune femme portait encore son subligaculum et elle n'avait pas jeté de tunique sur sa nudité. Elle avait simplement retiré sa manica et son galerus qu'elle avait dû confier à l'armurier avec son trident et son poignard. Du sang séché souillait son épaule gauche. Il avait coulé d'une blessure superficielle que l'épée de son adversaire lui avait infligée. Atticus ignora sa tenue, même s'il s'interrogea sur les raisons qui avaient pu retarder Atalante à prendre soin de son corps après son combat.
— Atalante, tu dors avec Aeshma ?
— Oui, medicus. Enfin... corrigea-t-elle en rougissant imperceptiblement. Nous partageons la même cellule.
Aeshma grimaça. Ce qu'Atalante pouvait être débile parfois ! Comme si Atticus les soupçonnait de coucher ensemble ! Le medicus savait tout ou presque de la vie intime des gladiateurs dont il s'occupait. Plus encore des gladiatrices dont il s'occupait. Atalante le savait très bien et rien ne justifiait qu'elle eût à rougir de ses relations avec Aeshma.
— Elle ne participera pas aux entraînement pendant quinze jours. Elle me servira d'aide.
Aeshma dédia une grimace complice à la grande rétiaire. Un sourire heureux étira les lèvres d'Atalante. Atticus se fâcha. Il posa un doigt menaçant sur le haut de la trachée de la jeune Syrienne.
— Je te nomme responsable de sa santé, Atalante. Elle veut dormir avec toi.
Le sourire d'Atalante s'épanouit.
— Si le moindre de ses points saute, je t'en tiendrai personnellement responsable, siffla Atticus.
Atalante regardait Aeshma et hochait distraitement la tête aux paroles du medicus. Il appuya sur la trachée pour attirer son attention.
— Responsable, Atalante ! Devant Téos. Un point saute, tu te retrouves au palus. Cinq coups de flagellum pour chaque point.
Le sourire d'Atalante s'effaça.
— Quoi ?! protesta la jeune Syrienne qui venait enfin de comprendre ce qu'Atticus attendait d'elle. Mais, medicus, je...
— Responsable, Atalante.
Il lui tourna le dos, se lava les mains dans un bassin d'eau propre et les essuya ensuite soigneusement.
— Aeshma, je te retrouve au ludus, déclara-t-il. Les heures sont à moi, les veilles, à ta camarade. Et toi, Atalante... si tu veux encore bénéficier des cours d'Aeshma, ne me déçois surtout pas.
La grande rétiaire regarda le médecin quitter la salle, les yeux écarquillés.
— Désolée, lui déclara Aeshma d'un air contrit.
— Je vais te pouponner comme un nouveau-né, annonça Atalante mi-contrariée, mi-moqueuse.
— Je regrette tellement de ne pas pouvoir assister à cela ! Tu lui donneras la tétée aussi ? résonna derrière Atalante une voix narquoise.
— Ah... Je vois pourquoi tu n'es même pas habillée, ni débarbouillée, observa Aeshma à l'attention d'Atalante. Tu avais mieux à faire.
Atalante rougit.
— J'aime les corps qui fleurent bon la propreté, Aeshma, répliqua Astarté goguenarde. Je ne suis pas comme toi, avide d'odeurs animales, de sueur et de poussière. Tu aimes les bêtes : chacun ses goûts.
Aeshma s'assombrit :
— Tu ferais mieux de ne pas parler de ce que tu connais pas, dit-elle contrariée.
— Mmm, tes mœurs se seraient-elles adoucies, Aeshma ?
— Astar, s'il te plaît... la mit en garde Atalante.
— Protectrice, Atalante ?
— Aeshma est une tarée, si tu l'énerves, elle va te sauter dessus, répliqua sèchement Atalante. Je me prendrais cinq coups de flagellum par point rompu, tout ça parce que ça t'amuse de la provoquer.
— Cette histoire de naufrage m'intrigue, commença Astarté d'un ton léger. Alors...
La grande Dace se retrouva collée à un mur sans savoir ce qui lui était tombé dessus.
— Tu la fermes, maintenant, lui cracha Atalante à deux doigts de son visage. Je suis contente de t'avoir retrouvée, Astarté, mais si c'est à mes dépends et à ceux d'Aeshma, c'est non.
— D'accord, Ata. Je plaisantais simplement. Tu sais que je ne m'implique jamais dans des bagarres et que je n'aime pas ça, plaida Astarté.
— Eh bien, continue comme ça ! lui dit durement Atalante.
Elle la relâcha. Astarté se passa la main en grimaçant sur le cou.
— On risque plus à revoir ses camarades qu'à affronter une fille sur le sable.
— Astar... maugréa Atalante.
— Laisse, Ata, intervint Aeshma. Elle te cherche. Aide-moi plutôt à me relever.
Astarté s'approcha en même temps que la grande rétiaire.
— Je peux ? demanda-t-elle amicalement.
— Ouais, acquiesça Aeshma.
Les deux gladiatrices relevèrent Aeshma en position assise.
— Vous voyez, c'est ça qui m'a manqué à Capoue, déclara Astarté, mi-amère, mi-amusée.
— Quoi ? De t'occuper de moi ? grommela Aeshma en souriant. Ou de te faire remettre à ta place par Atalante ?
— Ni l'un ni l'autre, rit Astarté de bon cœur.
— Alors quoi ?
— Un truc qui n'existe pas à Capoue, dit pensivement la Dace, et ses yeux dorés se tintèrent de tristesse.
Aeshma et Atalante ne la questionnèrent pas plus en avant. Astarté allait parler.
— Savoir que rien ne change jamais.
— Tout change tout le temps, répliqua Aeshma.
— Non, dans la familia on peut se mettre sur la gueule, ça ne change rien.
— Je t'assure que quand un mec ou une fille m'énerve et que je leur écrase mon poing sur la gueule, ça change carrément, affirma Aeshma.
— Astarté ne parlait pas de cela, Aeshma.
— Ah... de quoi alors ?
— De toi, de vous deux par exemple, expliqua Astarté.
— Quoi, nous deux ? demanda Aeshma sans comprendre.
— Tu te rappelles quand nous sommes rentrées de Myra, quand je t'ai parlé de Zalmoxis ?
— Ouais, répondit Aeshma nettement moins à l'aise.
— Du dernier combat qui nous a opposées ?
— À Patara ?
— Mmm, confirma Astarté.
— Ouais, je me souviens.
Astarté leva les yeux sur Atalante. La grande rétiaire se troubla. Astarté n'avait pas besoin de lui demander si elle se souvenait pour comprendre ce que la Dace aux larges épaules voulait leur expliquer, pourquoi elle les regrettait tant. Atalante avait sa réponse. Marcia seule n'avait pas manqué à Astarté. La séductrice sans état d'âme, la fille qui trimbalait son assurance avec souplesse et élégance sur le sable comme en dehors de celui ci avait souffert de la solitude à Capoue. La présence de Lucanus n'avait pas adouci sa peine, elle avait peut être même contribué à l'accentuer, à la rendre plus mordante.
La grande rétiaire esquissa un mouvement, Astarté secoua brièvement la tête, brisant son élan.
— Avant, après, rien n'avait changé, Aesh. Ni toi ni moi. C'est comme pour vous deux. Vous vous affrontez comme des sauvages, comme à Pompéi. Vous pissez le sang, vous n'êtes plus capables de marcher. Aeshma te fait des crasses, Atalante, tu es furieuse, tu le lui fais comprendre, vous vous bagarrez, parfois méchamment et... vous êtes toujours là. Vous étiez toujours là. Vous, Piscès, Ajax, Germanus, Sabina, les autres. Marcia. Vous êtes toujours là, répéta Astarté. Vous étiez toujours là. Il n'y avait que la mort qui pouvait... Mais vous êtes toujours là.
La jeune Dace expira bruyamment.
— Je ne savais pas. Je n'avais jamais réalisé.
Elle se redressa soudain et tendit un bras, d'abord à Atalante, ensuite à Aeshma. Les deux jeunes gladiatrices acceptèrent le salut. Atalante avec émotion, Aeshma un peu troublée par l'aspect dramatique de cette entrevue dont elle avait du mal à comprendre les raisons.
— Vous êtes ma vraie familia, déclara fermement Astarté. Téos a voulu me chasser, me jeter, mais il ne peut pas contrôler mes pensées et mon cœur. C'est un salaud et je le hais. Mais ma place est parmi vous. Vous êtes ma familia. À jamais. Il y a des cons dedans, des gens que je méprise, mais c'est toujours comme ça. Dans toutes les familia. De toute façon, ils crèvent vite ou je fais en sorte qu'ils me laissent en paix. Mais les autres...
Des appels retentirent dans les couloirs.
— Je dois y aller, déclara la Dace abruptement. On se reverra.
Elle les regarda une dernière fois, hésita, grimaça un sourire, baissa la tête, comme si elle cherchait ses mots ou une attitude adéquate.
— Tu m'as manqué, Atalante, murmura-t-elle soudain sans oser relever la tête.
Elle tourna alors les talons et sortit de la pièce à grands pas.
Les deux jeunes gladiatrices se retrouvèrent seules. Les aides d'Atticus étaient sortis depuis longtemps, les esclaves chargés de nettoyer l'infirmerie aussi. Aeshma avait l'impression de se retrouver comme avec la domina au milieu de l'océan. Isolée avec la grande rétiaire, entourée d'un monde hostile qui, tant que la jeune Parthe restait unie avec sa camarade, ne pourrait pas l'atteindre, jamais lui faire de mal. Atalante s'assit à côté d'elle. L'apparition d'Astarté, ses plaisanteries, puis ses déclarations à l'emporte-pièce résonnaient dans leurs têtes.
— Euh, Ata... qu'est-ce que... hésita Aeshma.
— Tu sais très bien ce qu'elle a voulu dire, Aesh. Astarté n'est pas le genre à parler par énigme.
— Mmm... D'accord, mais, euh... la fin ?
Les épaules d'Atalante se voûtèrent légèrement, elle déglutit difficilement, mal à l'aise, et sentit le rouge lui monter au visage.
— C'était quoi, Ata ? Une déclaration ?
Atalante haussa les épaules.
— Je ne sais pas. Honnêtement, Aeshma, je ne sais pas. Astarté n'a jamais...
Aeshma lui donna un coup d'épaule.
— Ata...
— Ne te fous pas de moi, Aesh, se renfrogna Atalante.
— Ouais, je ne voudrais pas briser...
Atalante lui posa la main sur la bouche.
— Ne plaisante pas, lui dit durement Atalante. Ne te montre pas grossière et vulgaire. Pas avec moi et pas maintenant.
— J'aime bien Astarté, Ata, se défendit doucement Aeshma.
— Je sais.
— Je n'ai jamais...
— Je sais, Aesh. J'espère seulement qu'elle...
— Astarté a toujours été prudente et réfléchie, tenta de la rassurer Aeshma qui savait très bien ce que redoutait sa camarade.
— Parce que tu trouves qu'elle vient de se montrer prudente et réfléchie ?
— Non, répondit Aeshma.
La Dace avait craché sa haine envers Téos. Elle ne s'était pas limitée à quelques paroles, tout son être avait exprimé son aversion et son profond ressentiment, et un rictus lui avait laidement déformé le visage. Quant à son improbable déclaration à Atalante...
— On n'y peut rien, Ata. Elle a beau se sentir appartenir à notre familia, elle ne vit plus avec nous. On ne peut pas...
Aeshma se tut et serra les mâchoires. La main d'Atalante vint se poser sur son genou. Astarté avait raison. La Dace aux yeux dorés avait dû être vendue et arrachée à sa familia pour comprendre ce qu'il pouvait se cacher derrière ce mot. Tu parles d'une famille ! On s'y étripait, on s'y détestait et on s'y jalousait. On pensait à la gloire, à la victoire, on se mentait éhontément sur l'avenir. Les yeux d'Aeshma glissèrent sur la main d'Atalante. Sa main calleuse. Pourtant douce. Chaude et affectueuse. Elle soupira. Elle n'arrivait pas vraiment à accepter tout cela. À s'avouer tout cela. Atalante resserra ses doigts sur son genou et s'appuya un peu plus sur elle.
— Tu aurais réagi comme elle, Aesh. J'ai toujours pensé que vous vous ressembliez beaucoup elle et toi. Que vous ressentiez certaines choses de la même manière. Elle a seulement mis plus de temps. Elle a moins souffert que toi et elle n'a pas passé un mois sur un lembos.
Aeshma leva les yeux sur Atalante.
— Je t'ai toujours aimée comme tu étais, lui assura Atalante.
— Génial... maugréa Aeshma.
— Je ne suis pas la seule.
— Encore plus génial.
— Tu es de mauvaise foi, rit Atalante.
— Ouais, j'avoue, reconnu Aeshma. Mais c'est juste que...
— L'important, c'est maintenant, Aesh. Le reste...
— Mmm, approuva la jeune Parthe.
— On devrait peut-être y aller ?
— Mouais.
— Tu pourras marcher ?
— J'ai bien pu me battre.
— Aeshma l'invincible ! plaisanta Atalante avec emphase.
— J'aimerais bien.
— Et si on gagnait tous nos combats ? proposa Atalante
— Tous ?
— Oui. Tous, sans exception, acquiesça la grande rétiaire avec ferveur.
— Et si on se retrouve appairées ?
— On gagnera ensemble, dit légèrement Atalante.
— D'accord, accepta Aeshma sobrement.
— Marché conclu ?
— Et si l'une de nous deux perd ? voulut encore savoir Aeshma.
— Elle fera tout ce que l'autre veut pendant une semaine.
— Tu déconnes ?
— Non. Tu recules ?
— Certainement pas !
Atalante lui fit face et elles conclurent leur marché en se prenant l'avant-bras.
Invincibles.
Imbattables.
Redoutables.
Aeshma pensa à Gaïa. Son bras ne faillirait pas. Tout comme la domina le lui avait souhaité en lui faisant ses adieux sur l'Artémisia, il lui apporterait la victoire.
— Aesh, lui dit Atalante en lui donnant le bras. Ce marché...
— ... on ne sera pas les seules à vouloir l'honorer, continua Aeshma pour elle. J'obligerai Marcia à l'honorer, j'encouragerai les autres à tenter de le faire.
— Obliger Marcia ? demanda Atalante avec une moue dubitative. Tu crois que tu as choisi le bon verbe ?
— Tu m'aideras à la convaincre.
— Pas besoin, Aesh, il nous suffira seulement de lui dire que nous l'avons conclu entre nous et de la mettre implicitement au défi de nous imiter.
— Mmm, sourit Aeshma.
Elle se laissa glisser prudemment de la table, posa une main sur l'épaule d'Atalante pour soulager son côté droit et les deux gladiatrices se dirigèrent lentement vers la sortie. Leur ludus se trouvait à quelques pas de l'amphithéâtre et Tidutanus avait certainement laissé un garde ou deux pour les raccompagner.
La suite des jeux leur promettait la gloire. Une gloire partagée. Entre elles, mais aussi avec Marcia, les garçons et les filles du ludus, et avec un peu de chance, avec Astarté. La Dace aux yeux dorés ne serait jamais une juliana à leurs yeux.
***
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