Chapitre 8 (2)
[On descend les marches en pierre pour rejoindre la plage. Une fois les nombreuses marches abruptes descendues, la maison étant sur les hauteurs et perchée sur une impressionnante falaise, elle retire ses Converses bleues et ses chaussettes afin d'enfouir ses pieds dans la sable froid.]
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— On va se mettre un peu à l'abri ? proposé-je.
Les vagues déjà bien puissantes, claquent avec force sur le rivage, nous envoyant quelques goutes d'eau glacée. J'observe les cheveux d'Iliana s'envoler autour d'elle semblable à ceux d'un ange pendant qu'elle marche noblement en laissant une fine trace de son passage derrière elle. Une chaussure dans chaque main, elle se balance et tangue telle une funambule sur un fil.
— On va se mettre là un moment non ? me demande-elle en désignant l'étroit espace entre deux rochers.
La falaise s'effondrait souvent l'hiver à cause des vagues, petit à petit, elle avait reculé pendant que la mer grignotait tout sur son passage. Même si aujourd'hui ça ne se produit plus, les éboulements sont encore disposés sur la plage au sable blanc.
— Nickel, on est à l'abri du vent.
Je déroule la natte en paille, puis le drap pour qu'on puisse s'assoir. Enfin, c'est ce que moi je fais alors qu'Iliana préfère rester au contact du sable qu'elle fait glisser entre ses doigts.
— Tu te rends compte qu'il a osé parler de mes vêtements. Il est quand même incroyable, soupire-t-elle en regardant le large.
D'autant plus qu'elle est très bien habillée, vêtue d'un simple jean noir avec ses éternelles Converse, d'un haut gris à manches longues avec un gilet ouvert avec noté au dos les plus belles capitales du monde. Je dépose ma paume contre celles-ci, dessinant chacune des lettres à mon tour.
— C'est un vrai connard quand il veut, je ne vois absolument pas ce que Carolina lui trouve, ajoute-t-elle.
— Tu dis ça sous le coup de la colère, Iliana.
— Oui, et je préfère en profiter de cette colère, parce qu'une fois qu'elle ne sera plus dans mes veines, je regretterais d'avoir été aussi dure avec lui et de lui avoir dit toutes ces choses horribles, comme toujours.
— Tu avais besoin de lui dire, ça se comprend, assuré-je.
— Mais je n'aime pas le voir comme ça, c'est horrible de comprendre le mal que je lui procure juste avec quelques mots. Je les pensais peut-être mais... d'une certaine manière il fait des efforts, je me suis imposée dans sa vie, ce n'était pas ma place.
— Iliana tu es sa fille, c'est justement ta place, ris-je ironiquement.
— Mais cette place m'a été donnée de force, ce n'est pas lui qui me l'a proposée. Je pensais que d'une certaine manière j'allais retrouver mon père, mais je n'ai fait qu'espérer, pour rien.
— Espérer ne sert jamais à rien, tout le monde doit avoir espoir en quelque chose. Tu as le droit de croire que tout va s'arranger, parce que c'est ce qui va se passer. Rappelle-toi de ce que te dit toujours ta mère.
Volontairement, je n'utilise pas le passé. Elle ne me le pardonnerait jamais...
— Le sable reste toujours blanc, souffle-t-elle d'une voix remplie d'émotions.
— Tu sais mieux que quiconque ce que ça veut dire, répliqué-je gentiment.
— Je ne suis pas comme ça, enfin pas ce genre de personne méchante. Je n'aime pas faire souffrir mes proches même s'ils le méritent, ce n'est pas moi cette fille qui cherche à les blesser.
— Je sais.
Elle se laisse tomber contre moi. Je lui caresse les mains, prisonnières des miennes, son dos appuyé contre mon torse, et sa tête juste sous mon menton.
— J'aimerais tellement que ma mère soit là, murmure-t-elle.
J'arrive tout juste à voir quelques larmes rouler sur ses joues, alors je me contente de serrer ses deux mains sans trop savoir quoi dire de plus à ce sujet.
— Je peux te poser une question ? Et j'aimerais que tu me répondes sincèrement, continue-t-elle.
— Tout ce que tu veux, dis-moi.
Elle prend une grande inspiration avant de se lancer d'un timbre faible.
— Est-ce que tu penses que je devrais arrêter d'y croire ? Arrêter d'avoir de l'espoir ?
J'accuse le coup, pour éviter de répondre avec précipitation.
— Non, évidement que tu dois continuer à y croire.
— Je dois aller voir ma mère, ça fait trop longtemps. Et c'est pareil pour mon frère, soupire-t-elle.
— Quand y es-tu allée quand pour la dernière fois ? demandé-je en lui caressant les cheveux.
— Pour mon frère il y a deux semaines environ, et ma mère... une semaine je crois. Mais c'est toujours compliqué, je ne sais même pas si elle peut m'entendre ou quoi que ce soit. Je ne sais rien la concernant, murmure-t-elle.
— Il faut y croire justement. Elle est et sera toujours là pour toi, la rassuré-je en embrassant sa tempe.
— Tu y crois, toi ?
— Bien sûr.
Elle essuie ses larmes du bout des doigts, et se met face à moi.
— Bon, assez parlé de moi. J'ai déjà bien gâché la soirée et plombé l'ambiance ça suffit non ? Je viens clairement d'annuler tout nos plans et...
— Et coucher avec toi n'en faisait pas du tout partie, terminé-je.
— Tu te rends compte qu'en faisant ça, tu te condamnes à une semaine d'abstinence supplémentaire voir plus d'après mes calculs scientifiques, rit-elle.
— Mais qu'est-ce qu'on en a à faire, hein ? Arrête de penser que je suis avec toi juste pour le sexe. Ok ? ordonné-je en saisissant son menton entre mes doigts pour lui faire comprendre.
— Ok, répond-elle en me tirant la langue comme une enfant.
— Dis-moi plutôt qui t'as poussée dans le vestiaire, enchaîné-je avec sérieux. Tu n'es pas tombée Iliana.
— J'ai glissé à l'entrée du vestiaire parce que le sol était mouillé, combien de fois je vais devoir te le dire ?
— Et moi je te dis que c'est un mensonge. Tu n'es pas tombée parce que tu as des traces, juste là, expliqué-j'en posant mes doigts sur sa cheville. C'est quelqu'un qui t'as fait ça, et je veux savoir qui.
— Je ne veux pas en parler, s'il te plaît, dit-elle la voix emplie de sincérité.
— Iliana, dis-moi qui c'est ce connard, je lui arrache la tête dans la seconde qui suit, menacé-je pour la faire réagir.
— C'est gentil de faire ça, d'être protecteur et tout. Mais je n'ai pas envie d'en parler, respecte ça.
— Iliana, c'est important e... tenté-je de négocier.
— Je ne dirais rien, pas ce soir en tout cas. Je n'ai pas besoin d'être protégée, je veux juste une soirée avec mon copain. D'accord ? On verra plus tard, assure-t-elle.
— Tu promets de m'en parler ?
— Je te le jure.
Je ne la croyais évidement pas. Même si elle me le jurait en me regardant droit dans les yeux.
Elle se contente de poser ses lèvres sur les miennes, certainement pour me faire taire. Je passe mes mains dernière sa nuque alors qu'elle joue avec mes cheveux d'un air rageur.
— J'ai un cadeau pour toi, dis-je en interrompant notre baiser fougueux.
Je sors du sac mon paquet et lui tends. Le papier se déchire en un instant et elle me regarde étrangement, sans doute parce qu'elle n'en comprend pas le sens.
— Un guide touristique de l'Australie ? s'étonne-t-elle.
— C'est plus un objet pour illustrer une promesse que je vais te faire. Un jour, je t'emmènerai en Australie, et tu vois chaque page avec la gommette rouge? C'est un spot de surf perdu au milieu de nulle part ou bien en pleine ville. Je te promets qu'on ira dans chacun de ces lieux et qu'on remplacera les horribles photos par celles qu'on fera là-bas, juste toi, moi et ta planche. Peu importe quand on ira et ce qu'on sera tous les deux à ce moment là, tu as ma promesse qu'un jour, on ira en Australie tous les deux.
Elle me regarde en souriant, ses yeux bleus voilés de larmes. Mais cette fois, de larmes de joie. Elle se jette dans mes bras, et enfouit son visage dans mon cou. J'embrasse sa tempe tendrement, en caressant son visage de mes doigts.
— C'est vrai qu'elles sont immondes ces photos, rit-elle en tournant les pages.
— Tu veux mettre la première ? proposé-je.
— Mais on n'a pas encore de photos de l'Australie.
— On n'a pas besoin, regarde sur la première page, il y a une photo. Contrairement à la fille, tu es toute mignonne alors on va la changer. J'ai déjà fait développer une photo en réalité.
— Tu m'as prise en photo ? Quand ça ? s'étonne-t-elle.
— Pas moi, c'est Austin qui avait cette photo. Il savait aussi que je t'avais rapporté un guide et que je voulais remplacer toutes les photos, expliqué-je simplement. Tiens, celle-là, ici.
Je lui donne une enveloppe avec la photo développée. Elle tend cette dernière devant elle, en laissant apparaître un sourire radieux.
— Wow... c'est quoi cette photo ? Elle est plutôt pas mal, mais depuis quand Austin fait des photos aussi jolies ? demande-t-elle en la scrutant.
— Non, elle est magnifique, tu es très belle dessus. Pour ton demi-frère, aucune idée...
— Merci, bredouille-t-elle. Mais elle est récente en plus, c'était il y a une semaine. Je reconnais ma planche de secours, la wax n'était pas sèche sur l'autre. En plus, j'étais en maillot, c'est très, rare vu le froid qu'il fait !
— Ton maillot est un peu simpliste quand même, remarqué-je.
— C'est le maillot que je mets sous ma combi, excuse-moi de pas sortir mon bikini pour surfer ! Par contre, je n'arrive pas à savoir si c'est flippant ou non de savoir qu'Austin a une photo de moi alors que je ne savais même pas qu'il était là à ce moment-là...
— Mahé était là aussi, c'est sûrement elle qui l'a prise, supposé-je en haussant les épaules.
— Donne-moi le scotch, ordonne-t-elle en tendant la main dans ma direction.
Je la regarde s'appliquer et sourire en regardant le résultat. On dirait une petite fille ravie de son travail proprement réalisé.
— Et ça aussi, mais c'est un peu plus personnel on va dire, la coupé-je dans son inspiration créative.
Je passe le pendentif devant elle et l'accroche doucement. Elle englobe le médaillon de sa paume, en le regardant avec attention.
— C'est magnifique, murmure-t-elle finalement.
— Il y a une petite explication, ce que tu as dans cette petite fiole...
— Du sable, m'interrompt-elle.
— Le sable le plus blanc d'Australie, et la femme qui me l'a vendu m'a dit que cette plage était réputée pour ses effets bénéfiques et apaisants. Elle m'a aussi expliqué que beaucoup de personne avait un flacon de sable avec eux, comme un porte-bonheur ou un grigri. C'est supposé porter chance.
— Le sable blanc, encore et toujours, réplique-t-elle doucement.
— Exactement, et lorsque tu auras le plus gros souci imaginable, que tu sais qu'il te sera impossible à surmonter, tu briseras la fiole.
Elle tourne et retourne encore son collier. Une petite chaînette en argent avec sur le bout une planche de surf évidement, et la petite fiole transparente.
— T'es un amour, merci beaucoup, murmure-t-elle.
On ne dit plus rien pendant un moment, se contentant simplement de regarder le ciel grisé par une tempête à venir. Les vagues viennent casser sur le bord en résonnant dans toute la crique, leur bruit assourdissant provenant des courants qui baladent les grains de sable, semble attendrir Iliana, ou du moins, la calmer au possible.
Toujours appuyée sur moi, dans la même position qu'avant, elle ne bouge pas, excepté sa poitrine qui se soulève dans de petites inspirations faibles en air. Elle caresse mes mains doucement à l'aide de ses pouces, avant d'ajouter soudainement :
— J'aime bien la pluie, c'est bizarre non ? Je pense qu'elle me rappelle la mer en réalité.
— Tu as juste à ouvrir ta fenêtre pour entendre la mer pourtant, remarqué-je.
— Je sais, je suis une fille bizarre qui écoute la pluie tomber, rit-elle.
— Tout à fait mon genre pourtant.
— Tout à fait mon genre de garçon qui aime bien le genre de fille bizarre que je suis.
— Hum, c'est une bien longue phrase. Je peux la raccourcir en trois mots.
— Fais voir ? se prend-elle au jeu.
— Je t'aime.
— J'ai une réponse qui n'en continent que deux.
— Je t'écoute, ris-je.
— Moi aussi.
Je me tortille pour avoir accès à sa joue, et avec délicatesse mes lèvres viennent caresser sa peau froide, mais toujours aussi douce. Elle incline son visage en souriant, et lève sa main jusqu'au mien afin de me rendre ma caresse.
— Vous êtes gelée mademoiselle Midden, expliqué-je face à la température de ses mains.
— Et toi, tu meurs de faim. Je t'entends d'ici, contre-attaque-t-elle.
— Ça tombe bien, je viens de recevoir un message du livreur. Je me suis permis de nous commander à manger.
— Oh, cool ! Tant que ce n'est pas du chinois, j'accepte tout.
— Non, aucune peur à avoir. Je nous ai commandé ce que tu préfères, avec un gros supplément de sauce sucrée, répliqué-je avec un clin d'œil.
— Tu m'as commandé des sushis ? demande-t-elle avec des étoiles dans les yeux.
— Je nous ai commandé des sushis, nuancé-je.
Elle a tendance à vite devenir possessive lorsqu'il s'agit de nourriture.
— Oui, oui, "nous" bien sûr, se reprend-elle.
Traduction ? Je n'en ai rien à faire, je mangerai tous les makis.
— Sinon, tu t'es baignée quand pour la dernière fois ? questionné-je en rangeant tout notre bazar. Ce que bien sûr, mademoiselle ne fait pas.
— Avant-hier. Une session mais rapide, explique-t-elle en haussant les épaules.
— L'eau devait être froide non ? demandé-je en regardant le ciel.
— Pas tant que ça en réalité, je n'avais pas la combi mais elle restait bien froide quand même. Tu sais que je ne suis pas du genre frileuse.
— Oh, bonne nouvelle alors !
Elle n'a pas le temps d'analyser ce que je viens de lui dire que déjà, je tire sur ses manches pour retirer son gilet et l'abandonner sur le sable. Elle court vers la falaise mais je la retiens par les hanches et la porte sur mon épaule en riant.
— Non ! Pitié Evan, pas ça ! crie-t-elle en se débattant.
— Tu n'es pas frileuse, pas de quoi avoir peur ! hurlé-je à mon tour.
— J'ai menti, arrête ! supplie-t-elle.
Est-ce que ça marche ? Absolument pas. Je n'en ai rien à faire de ses petits cris et ses appels de détresses vu que j'en suis en partie responsable.
— Je vais me noyer arrête, le courant est beaucoup trop fort, arrête ! La mer est agitée !
Je la pose sur un rocher et elle crie lorsque ses pieds touchent l'eau. C'est vrai qu'elle est quand même bien froide, alors que l'eau ne dépasse pas nos genoux. Je la regarde alors qu'elle s'agrippe à moi.
— Est-ce que tu as peur ou tu dis ça comme ça ? l'interrogé-je avant de faire une bêtise.
— Parce que l'eau est froide, si on se mouille, on ne va pas loin, nuance-t-elle immédiatement.
Je ne comprendrai jamais la manière dont elle analyse tout, les courants, les vagues, la température... C'est un instinct inné chez les surfeurs qui n'a aucun sens pour moi.
— Tu n'as pas envie de venir ?
Elle secoue la tête. Je préfère lui demander auparavant, chacun des mots provenant de sa bouche à ce sujet est à prendre en compte avec attention. Ne pas la brusquer, c'est ce qu'on m'a répété.
— T'es complètement malade ! s'écrie-t-elle perchée sur son bout de rocher en s'agrippant à moi, avec un sourire diabolique sur le visage.
Elle se prend une vague en pleine tête, j'ai pu l'éviter en sautant et en avoir uniquement jusqu'à la taille alors qu'elle est couverte d'eau. Elle me regarde avec un petit sourire en coin avant de m'éclabousser à son tour. Je pousse un cri, elle est gelée !
— Tu te rends bien compte que je n'aurais jamais pied avec ses vagues ?! me crie-t-elle.
Elle est différente lorsqu'il est question de se baigner, sans planche. Elle m'a expliqué un jour, que c'est comme sa bouée de sauvetage, sa sûreté. L'assurance que tout ira bien, que le sable restera toujours blanc. Malgré sa réserve, elle me sourit, donc j'ajoute en riant :
— Je prends le risque.
— Tu seras responsable de ma mort, précise-t-elle.
— La mer sera la responsable, nuancé-je.
— Non, il y a toujours un responsable à une mort. Toujours.
Elle me regarde dans les yeux d'un air décidé, avant de grimper sur moi. Je la porte comme un koala pour aller un peu plus loin. Puis, la dépose dans l'eau, ses jambes se détachant difficilement de ma taille.
— Je suis en couple avec le plus gros malade de l'univers, réplique-t-elle cette fois trempée de la tête aux pieds.
— Et moi avec la fille la plus bizarre du pays.
— Mais quel couple on forme, sourit-elle.
On s'embrasse au milieu de la mer, congelés parmi ses nombreuses vagues. On perd d'ailleurs l'équilibre mainte fois, mais toujours avec ce sourire ravi.
Un baiser salé qu'on partage, en luttant contre les courants pour laisser nos lèvres scellées à jamais.
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Voilà la deuxième partie du chapitre ✌🏻
Un petit moment mignon qui permet d'oublier un peu la dispute d'avant 🙄
Qu'est-ce que vous en avez pensé ?
A la semaine prochaine pour la suite, avec le premier « moment musical » de l'histoire...
Je suis sûre que ça va vous plaire 😎
A la semaine prochaine, des bisous, Lina 😘
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