Chapitre 74 🌊
« Mais où es-tu... »
🌊 Iliana 🌊
« Le sable reste toujours blanc, le sable reste toujours blanc, le sable reste toujours blanc, tu m'entends ? hurle-t-elle me secouant vivement les épaules. »
J'ouvre les yeux, remplis une fois de plus de larmes brutales. Mes mains entrent en contact avec ma propre peau, brûlante sous cette couverture. Je cherche sa présence, je cherche son existence... mais ne tombe que sur du vide, celui qui s'est installé au creux de ma poitrine, à ses aises et habitudes.
Je le sens quand je respire, quand mon cœur bat. Je le supporte quand je pleure, le vois lorsque je souris. Il est partout autour de moi, comblant sa présence irremplaçable. Une absence qui n'en est pas une. Un mensonge pesant, irritant.
Les draps sont encore chauds à mes côtés, signe qu'il a quitté le lit peu de temps avant moi. La porte est soigneusement grande ouverte, une surveillance raisonnable et compréhensible depuis mon geste immature.
D'un coup d'œil, je vérifie que mon frère ait effectivement quitté la chambre, tout comme il a déserté l'étage, avant de me glisser sous la douche. Pendant trois bonnes minutes, je la laisse me brûler la nuque, fixant l'eau qui disparaît sous mes pieds. Avant de relever le visage, chauffant mes joues et ma peau délicate.
Une semaine et demie. Ça va faire une semaine et demie que cet espoir est apparu. Depuis, plus rien. Elle me manque tellement. Mais ils refusent toujours de me laisser la voir. Ce petit jeu idiot ne m'amuse plus, me faire croire des horreurs pareilles pendant quelques jours, certes. Plus, ma patience à des limites. Ils jouent avec mes nerfs, déjà à fleur de peau. Tout ce que je veux, c'est la voir, m'assurer qu'elle aille bien. Mais ils refusent, encore.
On me dit de pleurer, hurler, cogner, on me dit d'évacuer. Mais quoi au juste ? On me répète que j'ai le droit d'être triste, que c'est normal d'avoir mal.
Mais je ne ressens aucune douleur.
Je lui ai fait peur, je n'oublierai jamais son regard quand il m'a vue ce jour-là. Assise sur la baignoire, lame entre les mains, soigneusement appliquée sur le poignet droit. Et ça, bordel qu'est-ce que ça faisait mal. Je l'ai tout de suite amèrement regretté, incapable de continuer tellement la douleur était invivable. J'ai essayé, j'ai voulu la ressentir à mon tour. Les filles parlent d'une solution miracle, lorsque leurs maux ne dépassent jamais la simple pensée. Il paraît que ça les soulage, moi ça me tue. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps après ça, non pour les bonnes raisons, sinon à cause de ma connerie immature, qui a effrayé mon frère au plus haut point. Je m'en veux encore de lui avoir infligé ça.
Le visage de mon père, désespéré, celui d'Aiden, terrorisé, puis le regard de son père, infiniment déçu. Sa mère, si gentille et bienveillante, les larmes aux yeux et les lèvres serrées devant ce petit carnage, qui a tenté de me serrer dans ses bras comme si j'étais sa propre fille. Je l'ai repoussée.
C'était une bêtise, en j'en paie les conséquences. Chaque jour chacun d'entre eux me fixe avec plus de pitié que la veille, alors que je n'en comprends toujours pas la raison. Les règles sont devenues strictes, mais je les accepte. En réalité je m'en contre-fiche, et je ne peux que les comprendre, désireuse de me faire pardonner et de les rassurer autant que possible.
Les portes, ouvertes. Adieu isolement.
La salle de bain, sans clé. Adieu intimité.
Les nuits, partagées, tous se relaient. Adieu solitude.
Les objets tranchants, disparus. Adieu couteaux lors du repas.
Les moments isolée, plus jamais. Adieu liberté et confiance envers moi.
Mes doigts tressent mes mèches ternes, comme ma mère le faisait dans ma jeunesse. Lorsque j'étais une petite fille prête à retourner sur les bancs de l'école. Je souris devant ce souvenir. Il n'y a qu'elle qui puisse m'aider à présent.
— Iliana ? T'es bientôt prête ? me questionne justement mon frère.
J'ouvre la porte au même moment, confirmant d'un signe de tête. La serviette proprement enroulée autour de moi, je continue jusqu'à ma chambre, sortant déjà mes premiers vêtements. D'un regard, je vérifie qu'il n'est plus dans le couloir, avant d'exposer mes sous-vêtements à l'air libre. La voix de mon père résonne dans mon esprit, « Essaye de t'habiller avec des couleurs un peu foncées ma chérie ». Comme si porter du rouge était dans mes habitudes... Alors pourquoi prendre la peine de préciser ? Qu'est-ce qui a tant changé ?
Mes deux tresses sur les épaules, un sweat large et une capuche rabattue, un jean sombre et mes Converse bleues, exclues... Je descends en fourrant mes rares affaires dans mon sac à dos, et ne prends pas la peine de sourire en arrivant en bas. Je passe ma doudoune autour de mon corps déjà gelé, et m'apprête à sortir.
— Iliana, Iliana ! me crie ma petite sœur en s'avançant vers moi.
Je ferme la porte. Et m'éloigne.
J'attends Austin une éternité, à regarder le front de mer l'esprit vide et les yeux dans les vagues. Encore ce vide étouffant. Je n'ai plus le droit de conduire.
— Mange, me dit-il en déposant sur mes genoux un sac Starbucks.
Je repousse le paquet du bout des doigts.
— Tu manges, ajoute-t-il avec plus d'autorité. On ne va nulle part tant que tu n'as rien avalé.
Je lève le menton vers lui. Les lèvres sèchent, et la gorge en feu. Je meurs de soif. Mes paupières sont mi-closes, mon ventre crie famine.
Je suis à ramasser à la petite cuillère.
— Iliana, il n'y a que des choses que tu aimes là-dedans, souffle-t-il le regard inquiet. Un donut au chocolat, et un jus d'orange pressé, tu aimes ça, hein ? murmure-t-il de nouveau la main sur ma cuisse. Mange quelque chose, je t'en supplie honey.
Mon cœur se serre, j'étouffe. Mes yeux se remplissent de larmes au son de sa voix. Alors je confirme, et prends une première bouchée. Il m'en remercie. Je pleure en silence, masquée par mon vêtement, bouleversée de le voir si attristé.
🌊🌊🌊
La sonnerie me fait lever les yeux, pour la première fois de la journée. Je quitte la salle sous les regards lourds de mes camarades, j'étouffe toujours.
Aiden est déjà devant la porte, accoudé au mur. Il passe immédiatement son bras autour de mes épaules, probablement de peur que son petit oiseau ne s'envole trop loin de lui. Il dépose un baiser sur ma joue, avant de me sourire doucement. Un petit sourire tout tristounet quand on le connaît, un petit sourire qui me ferait perdre le mien, si seulement je le portais encore.
— Comment ça s'est passé ? Pas trop difficile ces maths ? me demande-t-il pour meubler cet affreux silence.
Je me contente d'hausser les épaules. Je n'aime pas les maths, ce n'est pas nouveau... En plus, c'est l'une des seules matières où je suis séparée des autres.
— Ça va, t'es sûre ? m'interroge-t-il de nouveau en s'arrêtant de marcher cette fois.
J'opine du chef, en lui bricolant un petit sourire, heureux. Il passe sa main dans mes cheveux, avant d'embrasser mon front. Il ne me croit pas, même s'il ne dit rien, il sait que je mens. Ses yeux le prouvent.
Sur le chemin, il me raconte sa journée. Les cours, les entraînements de basket... Il se répète, je vois bien qu'il essaye simplement d'étouffer cette absence de réaction de ma part. Comme vidée pour je ne sais quelle raison, je l'écoute, la tête contre la vitre, confirmant par moment, ou souriant vainement.
Devant l'entrée, il dépose sa main sur mon bras, me caressant avec douceur.
— Je te promets que ça va aller, me chuchote-t-il. Tu vas y arriver.
Je détache ma ceinture et sors sans dire un mot de plus. Les mains dans les poches, j'avance en direction de ma psy. J'aperçois déjà mon père, Raph, et Austin à ses côtés, celui-ci me dévorant du regard, mort de peur sans doute. Le médecin m'accueille avec un sourire chaleureux, qui se veut bienveillant.
— Comment vas-tu Iliana ? commence-t-elle en avançant déjà.
Je la suis en silence, me contentant de marcher droit.
Dans cet étrange bâtiment, on s'assoit un instant, Austin et Raphaël à l'écart de nous. C'est confidentiel, c'est mon choix. Aiden m'a proposé de s'éloigner, mais j'ai refusé. Assise sur ce canapé, au creux de ses bras, il m'offre et garantit toute la chaleur qu'il me manque. Et c'est beaucoup trop agréable pour refuser.
Je ne regarde personne dans les yeux, les visages tristes me rendent folle. Ma psychologue parle pendant un moment, s'adressant surtout à mon père j'ai l'impression. J'écoute d'une oreille, me concentrant plutôt sur la respiration d'Aiden, sa présence, le bruit acharné de son cœur qui cogne vraiment très fort contre son torse, où je suis appuyée. Si je ferme les yeux, je m'endors.
— Iliana, ma chérie, commence mon médecin en se mettant à ma hauteur, c'est-à-dire agenouillée pour bien observer mon visage.
J'ai une psy agenouillée devant moi et qui fait office d'un surnom. La suite s'annonce mal.
— Il va falloir que tu sois forte, courageuse même, murmure-t-elle d'une voix dont j'ignorais l'existence même. C'est une étape importante pour toi, poursuit-elle, pour que tu puisses faire ton deuil, en douceur.
Je retire ma main de la sienne, à l'entente de ce mot.
Mensonge.
Ma respiration diminue à mesure qu'on s'avance dans les couloirs lugubres. Aiden lâche ma main à mi-chemin, attendant patiemment derrière deux portes battantes. C'est mon père qui prend sa place, marchant à ma place jusqu'à cette porte grise. Je meurs de froid, grelottante dans les bras de mon protecteur qui me câlinent dans un silence glacial. Je cligne des yeux, trois fois. Cette porte...
Morgue.
Mon souffle se bloque lorsqu'un spécialiste nous ouvre, et que les lits blancs se succèdent dans cette immense chambre froide. Je regarde mon père, cherchant du réconfort là où je peux. Sa lèvre tremble. Raphaël explose en sanglots, alors que je fronce les sourcils.
— Ça va aller, d'accord ? me rassure la psychologue, d'une voix tremblante.
Je hoche la tête, détourant le regard de tous ces proches envolés. Mon papa me pousse gentiment jusqu'à une table, alors que le médecin, muni d'une paire de gants relève le linceul de cette silhouette angélique.
Le corps de ma mère est soigneusement allongé, conservé en sécurité.
Elle dort paisiblement, pensé-je.
Je la regarde davantage, avant de lever les yeux vers mes proches, tous en larmes. Raphaël a perdu pied, effondré dans un coin, ma psychologue restant à ses côtés, ce médecin évite mon regard alors que mon père pleure en silence. Je le sais, je sens ses larmes me mouiller la base du cou.
Il n'y a aucune différence, elle est toujours belle et éternelle. Sa peau est toujours pâle, comme depuis des mois. Ses cheveux sont toujours blonds, comme depuis toujours. Alors pourquoi insister ? Pourquoi me montrer ?
— Elle est partie, répond cet inconnu subitement. Elle est partie lundi dans la nuit.
Lundi. Lundi dans la nuit. Elle est partie.
J'entrouvre les lèvres pour parler, pas sûre de comprendre. Mais aucun son ne s'échappe de ma gorge nouée. Le mot « morte » s'y dessine, mais disparaît immédiatement contre ma bouche.
— Oui, me murmure de nouveau le médecin, qui me fixe.
Mon cœur implose bruyamment, me privant de respiration durant quelques minutes. Je ne sais plus si c'est le silence, ou ce constant bourdonnement qui m'entoure. Je ne vois qu'elle, ou plutôt ce qu'il en reste.
Ce sont les sanglots de mon père qui me ramènent sur Terre. Ils sont soudains, étranges. Ils révèlent tout l'amour qu'il porte à ma mère, malgré le divorce.
Je me tourne doucement, suspendue à ses lèvres en quête d'un mot. Rien qu'un seul. Mais rien ne vient, rien ne sort alors qu'un milliard d'émotions m'assaillent et bouleversent ma chair en même temps. Transpercent mon cœur et le mitraillent de souvenirs avec mon air, mon repère. Avec ma mère.
Mon père pleure davantage en voyant mes larmes, qui se forment en silence contre ma rétine. Je me hausse sur les pointes et passe mes bras autour de son corps tremblant de tristesse, pour le serre contre moi. Ma main venant se poser contre sa nuque, il verse sa peine contre mon corps cotonneux, et je le berce comme une mère le ferait avec sa petite fille. Rassurante, aimante, présente.
🌊🌊🌊
Je reste assise un moment. Juste là, sur la devanture de notre café hanté de son rire, à elle. La peinture est à refaire, le bleu s'évade au rythme du bois qui part en morceaux. Le nom de mon petit refuge s'efface, plus de « sable blanc » du tout cette fois. L'écriteau « Close » maladroitement placardé sur la porte, me laisse perplexe. Je hais cet endroit, autant que mon cœur bat plus vite lorsque j'en passe la porte. Il symbolise mon foyer bordel, un foyer à présent vide.
Ça fait trois jours à présent. Trois jours et deux nuits que je sais qu'elle a disparu dans cette étendue qui surplombe ma tête. Les jours passent, la plaie s'agrandit davantage. Je la vois partout. Dans l'écume des vagues en ouvrant ma fenêtre, dans les étoiles scintillantes en fermant mes volets. Je la cherche sur les photos, appelle son téléphone plusieurs fois par jours.
Je l'entends, maintenant.
Dans le murmure des vagues, dans le son de mes pas dans l'eau, dans le bruit du sable, foulé par le vent matinal. Je l'entends me dire de nager, de me relever, de glisser, d'appuyer plus sur mon pied gauche pour tourner plus simplement, alors que je n'ai pas quitté la plage. Je la vois me serrer dans ses bras, me répétant combien ce sable est blanc.
L'obscure clarté des soixante-douze heures passées me dévore, croquant mes joues d'une froideur que je n'ai jamais désirée. Mes jambes se mettent en marchent toutes seules, tellement bien élevées qu'elles agissent seules quand elles ont froid. Je déverrouille la porte du café, et m'aventure en quête de sa chaleur. Mes pas me guident jusqu'à notre chez-nous, évitant les clichés où maman figure souriante, fière de sa fille et de sa passion. J'ouvre machinalement la porte, et me retrouve au milieu de ma maison, l'endroit où j'ai grandi. Où j'ai toujours vécu. Je me sens étrangère, inconnue entre ces murs que j'ai désertés pour eux.
— Maman ? l'appelé-je naïvement à voix haute.
Mais je ne parle pas. Cette illusion est délivrée par mon esprit. Je ne dirai plus rien. Jamais.
J'allume la lumière, et retire soigneusement mes chaussures. Mes pieds nus frissonnent contre le parquet de bois, celui où je suis tombée trop de fois parce que je courrais dans ce couloir.
— Maman, tu es là ? demandé-je une seconde fois.
Nouvelle illusion. Je ne prononcerai plus un mot.
Je dépasse la porte de notre cuisine, cherchant sa silhouette des yeux. Elle doit être sortie acheter des pâtes pour les macaronis au fromage de ce soir. C'est forcément ça, n'est-ce pas ?
Résignée, je m'attaque au salon, pour seule compagnie, ma voix qui résonne.
— Aller, je sais que tu es là, ce n'est pas drôle ! On ne va pas jouer à cache-cache, si ?
C'est dans ma tête.
Je hausse les épaules. Jouer ne me dérangerait pas. Parler non plus. Même si ce dont je rêve à cet instant, c'est de la serrer fort dans mes bras, la sentir m'aimer davantage et entendre sa voix me consoler, en m'affirmant que ce n'était qu'un simple cauchemar. Un vilain cauchemar glissé entre les fils de mon attrape-rêve cette nuit. Et qui a réussi à m'atteindre.
— Maman ?! m'écrié-je, à l'affût du moindre bruit. Le moindre signe de vie.
Encore.
J'ouvre la porte de la chambre conjugale à la volée. Le seul son libéré par l'appartement n'est autre qu'un cadre, tombé sur le sol. Je m'agenouille, balayant prudemment les éclats afin d'en libérer une photo.
Elle sourit, dans sa robe blanche. Je souris aussi, dans ses bras.
— Mais où es-tu... murmuré-je dévorée par son absence.
Partie.
Quelques larmes lèchent mon visage, alors que je serre cette photo au plus près de mon cœur, tant je chéris ce souvenir en sa présence. En manque d'amour maternel, je fouille les tiroirs et armoires, m'enroule dans ses propres vêtements, dépourvus de son odeur.
Elle est partie. Sans un au revoir. Sans un « je t'aime ». Elle est partie seule, telle une voleuse écourtant sa vie. Elle est simplement partie.
Bordel nous n'avons jamais parlé de ces choses-là. Ils nous restaient tellement de doigts levés avant cette funeste séparation... La mort est injuste.
Comment le ciel peut-il continuer d'être bleu ? Pourquoi les autres ont repris leurs vies là où elles en étaient alors qu'elle n'est plus là ?
J'étouffe.
Elle n'a pas prévenu, c'était trop brutal. J'inspire son parfum dans cette écharpe marine qu'elle porte souvent. Qu'elle portait souvent ?
Je veux ma maman...
Mes lèvres tremblent, mon cœur s'affole. J'aimerais qu'elle me serre dans ses bras, ou que n'importe qui le fasse. Mais je ne peux rien dire, je ne peux pas les inquiéter plus encore. Je dois l'oublier en silence, surmonter seule ce problème.
Je sais qu'elle va revenir, c'est une évidence. C'est écrit comme ça, une maman nous accompagne pour l'éternité, en gardant contact, en nous souriant ou en nous écrivant. Ma maman n'est pas une exception, elle est à moi. Je suis encore un bébé, et je ne suis rien sans elle. Je ne veux pas vivre sans sa présence. Elle va revenir, n'est-ce pas ? Dites-moi qu'elle reviendra bientôt, je vous en prie...
« Tout ce qui a toujours compté est caché sous ce lit. S'il y a un incendie, c'est ce qu'il faut sauver, m'affirme-t-elle, souriante. »
Mes doigts se referment autour de cette vulgaire boîte à chaussures. Plus grande que tous les cartons de l'univers, je l'apporte à mes lèvres avant de souffler dessus. La pellicule poussiéreuse s'évapore dans l'air, pendant que je tombe à genoux dans le salon. J'allume la télévision d'un geste, avant de resserrer les pants de son gilet contre moi. Je connais l'existence de ces divers trésors, mais jamais je n'ai songé fourrer mon nez dans tous ces souvenirs heureux.
L'emploi du temps de sa première année de fac est en lambeau, y figurant toujours les petites annotations de mon père sur les cours ou les professeurs. Le samedi est parsemé de petits mots doux, un « je t'aime » noté maladroitement en travers de l'après-midi. Je souris.
Les doigts tremblants, je retourne son alliance, à présent oxydée. Le sel de la mer l'a bien endommagée, il faut l'avouer. Ma mère ne s'en séparait jamais... pendant un long moment, elle l'a même portée en pendentif, même après le divorce. Elle me répétait qu'elle symbolisait son bonheur, et qu'elle la retirera quand elle sera prête à tourner la page.
Elle a été tellement courageuse.
Supporter le deuil, et une séparation seule. Se retrouver abandonnée et dépourvue d'aide, obligée d'élever sa petite fille seule. Elle est admirable.
Mes doigts se replient sur la petite cassette, la plus ancienne qu'on possède. Je connaissais l'existence de ces vidéos, depuis une éternité même. Mais jamais je n'ai accepté de les regarder. Ma mère réclamait souvent ma présence lors de ses séances visionnage/nostalgie. Jamais je ne lui ai accordé ce droit. J'ai toujours refusé, prétextant devoirs ou sorties entre amis, par peur de l'ennui chronique que me procureraient ces vidéos d'enfance.
J'aurais dû...
Dans une longue inspiration, je glisse l'objet dans son lecteur et lance ce souvenir. Les yeux à quelques centimètres seulement de l'écran, éclairée par la faible lueur de notre télévision, brisant l'obscurité lugubre de mon foyer. Dans le noir le plus total, je me ronge les doigts, effrayée par le contenu des vidéos.
(Hope is a dangerous thing for a woman like me to have,
Lana Del Rey)
Novembre 1999
« — Plus haut, vas-y ! Je sais que tu peux le faire !
— Si tu me répètes ça encore une fois Andrew, je te jure sur la tête de mon bébé, que je te tue. Au lieu de venir m'aider tu te fiches ouvertement de moi ! »
La voix de ma mère résonne dans leur petit appartement, s'imposant à la caméra que mon père tient entre ses mains. Elle apparaît sur la pointe des pieds, le bras tendu vers une étagère, et l'autre soigneusement déposée sur son ventre, bien trop arrondi à mon goût. Mes lèvres se crispent, alors que je relève la tête.
« — Mais viens m'aider bordel ! Andrew !
— J'arrive, j'arrive, mais tu es tellement mignonne quand tu fais des acrobaties.
— Des acrobaties ? Mais quel genre de mari es-tu pour laisser ta femme, enceinte jusqu'à la gorge, risquer sa vie pour attraper un paquet de biscuits ?! »
Mon père dépose la caméra en état de marche, sur le plan de travail. Il rejoint ma mère, et je ne peux que constater leur jeunesse. Les traits de mon père ne sont ni tendus, ni prononcés. Il sourit. Voir ma maman porter la vie, me laisse plongée dans un état second. La voir souriante, et enceinte n'était pas dans mes projets, sachant qu'elle est maintenant... partie.
« — Ne t'en fais pas mon petit bébé, maman est un peu chiante en ce moment, mais en réalité, elle est adorable. Je suis sûr que tu vas l'adorer mon chéri.
— C'est une fille.
— Ce n'est pas ce que nous a dit la gynéco mon ange.
— Elle s'est trompée. Je sais que c'est une petite fille.
— Bien sûr que non, c'est un petit garçon. Et c'est merveilleux.
— Je ferai des enfants tant que je n'aurai pas de fille. Comme ça tu es prévenu. »
Le film se coupe brutalement, laissant place à une nouvelle vidéo. Cette fois, le cadre change radicalement. Le petit appartement a disparu, laissant place à une immense plage de sable fin. On aperçoit ma mère, assise dans l'eau et on ne voit que ses fines lèvres remuer. Son profil est de nouveau déformé par une nouvelle vie qui ne devrait plus tarder pointer le bout de son nez.
Octobre 2001
« — Pourquoi maman parle seule ?
— Elle ne parle pas seule mon chéri. Elle explique comment fonctionne la vie à ta petite sœur.
— C'est une fille ? Le bébé dans son ventre ?
— Oui, une toute petite fille. Elle arrivera bientôt.
— Je voulais un garçon.
— Mais ce n'est pas nous qui choisissons chéri. Et une petite fille c'est très bien, tu verras.
— Elle va jouer au ballon ?
— Pas tout de suite, mais ça viendra j'en suis sûr. »
La caméra passe en face du soleil, m'aveuglant malgré l'écran. Il s'approche de ma mère, avant de tourner de nouveau pour afficher mon grand frère, Will. Je m'avance un peu plus près, quitte à me rendre aveugle. Les traits du blondinet sont ceux de mon père, sans aucun doute. Il joue tranquillement, posant délicatement une plume sur sa tour faite de sable humide. Ce petit château façonné de ses mains tient debout quelques instants, avant de rejoindre le sol sous les soupirs de cet inconnu, chéri.
Mon père marche jusqu'à ma maman, les deux mains posées sur le ventre et en train de parler ouvertement. Il se met derrière elle, dessinant de nouveau un profil arrondi, ombragé sur le sable blanc.
« — Tu sais Iliana chérie, ce que tu entends là, c'est l'océan qui te parle. Il est prêt à t'accueillir, tout comme nous le sommes également. Il n'attend que toi, tout comme tu l'aimeras passionnément. Oh, mon petit bébé j'ai tellement hâte de te tenir dans mes bras. »
Sa voix s'adoucit, et elle caresse de nouveau mon refuge. Avec un sourire radieux et une moue attendrie, elle bouge le bout de ses jambes plongé dans l'eau.
« — Moi aussi, j'ai hâte qu'elle arrive mon amour.
— Tu m'as fait peur, Andrew ! Préviens quand tu arrives par derrière ! Je te rappelle que mes déplacements sont limités, tout comme ma surveillance !
— Désolé. Tu n'as pas froid comme ça ?
— Pas du tout, je suis tout simplement frustrée vois-tu.
— Je t'en prie ma chérie, tu ne vas pas recommencer, si ?
— Je veux aller surfer Andrew. Ça me manque tellement.
— On a passé un accord, tu te souviens ? Plus de planche ni de sensations fortes après la moitié du sixième mois. Tu as déjà eu bien plus que prévu. Pense un peu à toi, et à notre petite fille. C'est dangereux et pas le moment d'être imprudente mon cœur.
— Mais Iliana adore ça ! Elle a besoin de sa dose d'adrénaline. Tout comme moi. Elle est tellement bien quand je suis bordée par le mouvement de l'eau. Elle me donne une tonne et demie de coups de pieds depuis !
— C'est mieux comme ça. Les deux femmes de ma vie sur la terre ferme. C'est plus sûr. Sois un peu patiente, d'ici quelques mois tu la tiendras dans tes bras. »
Ma mère m'avait déjà raconté qu'elle avait fait du surf jusqu'à très tard durant sa grossesse. Que c'est sans doute ça qui a entraîné ma passion et ma dépendance à cette discipline. À la fin, elle se contentait de s'assoir sur la planche, se laissant dériver grâce au courant, avec mon père qui retenait le leash par peur qu'elle ne s'égare trop loin.
Avril 2002
« — Nous revoilà, après les quelques mois hivernaux ici, en Californie ! Pourtant nous sommes de nouveau sur la plage, étrange non ? Will, tu veux dire quelque chose à la caméra ?
— Papa, laisse-moi tranquille. Je fais un gros château.
— Pour qui ?
— Pour les princesses qui se cachent dans le sable. Elles ont besoin d'une maison.
— Tu es sûr ?
— C'est pour le montrer à Iliana. Mais c'est un secret papa, ne dis rien ! »
Mon grand frère s'agenouille après son petit chuchotement et commence à bâtir de ses petits doigts une œuvre d'art m'étant destinée. Mes yeux deviennent légèrement humides, tout comme mon cœur qui se serre en quête d'un quelconque souvenir que j'ai partagé avec mon frère. Mais rien ne vient.
« — Et comment tu la trouves Iliana ? Elle est gentille, non ?
— Tu m'as déjà demandé papa... Elle est mignonne, mais elle ne veut pas jouer avec moi. Elle fait que dormir contre maman, je n'ai pas le droit de lui envoyer le ballon.
— C'est parce qu'elle est trop petite mon amour. Bientôt elle jouera avec toi.
— J'aurai voulu qu'elle soit grande. Pas un bébé. »
Mon père se met à rire, avant de retourner auprès de ma mère, ses cheveux blonds couvrant et masquant une partie de son visage, tout comme le contenu de la couverture qu'elle maintient fermement contre sa poitrine. Au creux de ses bras, un petit bébé gigote dans tous les sens. Une de mes jambes s'aventure hors de la couverture, laissant apparaître un bas de grenouillère violette pâle. Ma mère rattrape toute de suite le petit membre rebelle, avant de me bercer plus délicatement. Mon père se rapproche encore, pour montrer mon visage à l'écran. J'ignore mon âge, mais une chose est sûre, je n'ai jamais vu un si petit être. Que ça soit moi, me laisse perplexe.
« — Elle est belle hein ? N'est-elle pas magnifique, ma petite fille ?
— Notre petite fille, elle est aussi à moi.
— Mais majoritairement à moi Andrew. C'est mon bébé. Ma fierté.
— Notre. N'oublie pas le nous je t'en prie. Tu n'as pas peur qu'elle ait froid comme ça ?
— Elle est toute blottie contre moi, il ne lui arrivera aucun malheur, tu peux me croire. »
Ma mère caresse la petite joue qui dépasse de cette bulle de chaleur, avant de faire signe à mon père de se rapprocher. Baignée dans la lumière du soleil, les yeux clos, seule ma bouche, absolument minuscule, remue. Ma maman dépose sa main au sommet de ma tête, et ombrage mon visage. Au bout de quelques secondes, un effort qui semble insurmontable et quelques grimaces, deux petits yeux bleus apparaissent successivement, avant de se refermer de plus belle. Luttant contre la chaleur, le soleil et la luminosité, la petite tête qui semble infiniment lourde vient trouver place contre la poitrine de ma mère. Assise à même le sable sur une natte, celle-ci se contente de m'apprivoiser avec de petites caresses, déployées sur l'ensemble de mon visage.
« — Elle est magnifique...
— C'est la première fois qu'elle voit la mer.
— Oui, le jour de ses trois mois. Je vais rentrer, elle a faim.
— Comment le sais-tu ? Elle a mangé il y a moins de deux heure !
— Regarde le mouvement de ses lèvres. Elle cherche mon sein. »
Ma mère me regarde de nouveau avec émerveillement. Des étoiles pleins les yeux et remplis de fierté, ça faisait bien longtemps que je n'avais pas vu ce regard-ci. Il fait chavirer mon cœur en quelques instants, tout comme le sourire de ma maman qui apparaît à l'écran. Elle sourit tendrement à mon père, avant de m'embrasse le front et de se lever. Mon souffle se coupe, alors que mes doigts se déposent sur l'écran plat. Mais où es-tu allée ?
Avril 2011
« — Et si je n'y arrive pas ? Qu'est-ce que je vais faire ensuite ?
— Pourquoi tu n'y arriverais pas chaton ? Tu es née pour faire ça.
— Et si je me rate ? Maman qu'est-ce qu'ils vont penser de moi ?!
— Que tu es une petite fille très jeune pour faire du sport à ce niveau, que tu auras déjà été exceptionnelle d'arriver jusque-là, et que tu es la fille de ta maman.
— Justement... Si je perds, ils auront honte de toi. Parce que ta fille est nulle.
— Est-ce que tu fais ça pour la première place Iliana ? Ou pour la compétition ?
— Pas vraiment.
— Alors pourquoi tu le fais mon chat ? Qu'est-ce qu'on a toujours dit ?
— Qu'il faut que je m'amuse avant tout. Que je prenne du plaisir.
— Exactement. Ne t'en fais pas mon amour, tu vas très bien te débrouiller. Tant que tu t'amuses, tout ira bien, d'accord ? »
La blondinette hoche la tête. Ma mère m'embrasse avant de me donner ma planche du jour. J'hésite un instant, avant de saisir d'une main l'engin et de le coincer sous mon bras. Je bascule d'un mouvement ma petite tresse jusqu'à mon dos, et verrouille le leash autour de ma cheville. Cette compétition de surf a été ma toute première. Et j'étais littéralement terrorisée à l'idée de décevoir ma mère ou pire encore, déshonorer sa réputation. J'ai tremblé de tout mon corps jusqu'à l'arrivée de ma première grosse vague. Pendant cette session, les figures étaient simples, je n'avais que 9 ans après tout.
« — Raph, est-ce que tu la vois ? Tu la vois à l'aide de la caméra ?!
— Oui, elle nage pour le moment.
— Elle est devant ? Ou sa coéquipière la dépasse ?
— Je ne sais pas trop...
— Comment ça tu ne sais pas ?! Retrouve-moi ma fille tout de suite !
— Elle est assise sur sa planche. C'est son adversaire qui s'élance.
— Bon sang, elle va être morte de peur toute seule ! Est-ce qu'elle appelle à l'aide ?!
— Non, elle se stabilise juste. Ne t'en fais pas, elle est super là.
— Elle a peur quand je la laisse toute seule derrière, elle va paniquer c'est sûr... Je savais que j'aurais dû mettre un maillot de bain, au cas où ! Je n'aurais jamais dû t'écouter, elle doit être morte de peur la pauvre ! Seigneur, faites qu'elle ne se noie pas, que les vagues soient clémentes ! Que le sable reste toujours blanc... Je vais la chercher !
— Non, attends. Elle se débrouille très bien pour le moment. »
Le zoom de la caméra avancé au maximum, on distingue à peine ma silhouette au milieu des vagues. Elles ne sont pas grosses, mais déjà suffisamment formées pour emporter une si petite fille. Je disparais sans ennui entre deux vagues, dans les creux de celles-ci.
« — Elle est partie.
— Tu ne la perds pas des yeux Raphaël !
— Ne t'inquiète pas mon amour. Je la vois. Elle vient de s'engager dans un tube.
— Ce n'est pas vrai mais quelle idée de la faire tomber amoureuse de ce sport de fous ! Si elle ne revient pas entière je ne me le pardonnerai jamais... »
Pourtant, c'est bien indemne que je sors de cette vague. C'est bien toute souriante que je rejoins le rivage, abandonnant ma planche en route pour courir dans les bras de ma mère. Cette scène reste profondément ancrée dans ma mémoire, et la revoir me procure des frissons de partout. Les larmes menacent de couler devant l'un des plus beaux souvenirs que je partage avec elle. Elle court à ma rencontre également, me serrant dans ses bras sans se soucier de l'humidité de ma combi ou de mon souffle saccadé. Je n'ai cessé de lui répéter que je voulais recommencer, que je voulais prendre le large à nouveau. Certes, je n'avais pas gagné. Mais ça n'avait aucune importance, aussi bien pour elle que pour moi. Elle pleurait dans mes mèches et devant la caméra, prétextant que mes cheveux salés l'irritaient. Quant à moi, j'étais excitée comme une puce à l'idée de rendre ma maman aussi fière, et d'avoir fait comme elle, d'avoir réussi à suivre l'océan et à m'y abandonner.
Le film s'achève subitement. Laissant place à une étendue grisâtre et à des milliers de petits points qui gigotent sous mon regard vague. J'appuie sur le lecteur pour rembobiner, mais rien n'y fait. J'étouffe de nouveau, à la recherche d'autres vidéos. Dix-sept années de vies communes ne peuvent pas se résumer en quatre films ! Mes mains tremblent sous la pression, sous la peur d'oublier un détail partagé avec elle. Elles fouillent et rencontrent des photos d'enfants souriants, de maman épanouie... J'ai beau la regarder et lever les yeux ensuite, elle n'est toujours pas assise sur le canapé à m'attendre, ni à tapoter la place à ses côtés pour me serrer ensuite dans ses bras, rassurant et estompant ma peine.
J'étouffe.
Manque cruellement d'air.
La poitrine et les poumons en ébullition, je fuis ce bonheur terminé pour me réfugier sur la plage. Je cours dans les escaliers d'acier, traverse la route sans observer, me fais agresser par les lumières des phrases qui se rapprochent plus vite... Je cherche mon souffle dans l'horizon, la digue baignée dans une sombre obscurité. Je rate les marches une première fois, incapable de retrouver mon chemin ou un rythme correct dans une nuit si étouffante.
Finalement, je trouve à tâtons le recoin tant convoité et m'assois sur les rochers. Je fais abstraction de mes mains et genoux, déchirés d'une fine douleur due à un vif écorchement sur la route. Je m'abreuve de plusieurs bouffés d'air frais, tentant de calmer la crise d'angoisse qui me noue la gorge avec fermeté.
Je voudrai aller plus loin, courir, m'enfuir. La rejoindre... Sa joie et son rire me hantent, faisant dégouliner les larmes au creux de mes joues. Comment peut-on survivre à ça ? Comment ?! Mes sanglots se font plus bruyants alors que mes lèvres appellent encore et toujours son prénom. Implorant je ne sais quelle force de me ramener dans les bras de ma mère. Je rassemble mes genoux contre ma poitrine, mêlant larmes et sang sur un visage d'ange déchu de maman.
Je brûle de l'intérieur, hurle en silence, incapable d'exprimer cette peine qui dépasse le paroxysme redouté. Elle est partie. Elle est partie pour toujours.
Comment marcher droit après ça ? Comment vivre avec sa disparition ? Avancer avec ce poids et cette absence ?
Comment se prétendre femme alors que je ne suis encore qu'un bébé pleurant sa maman ? Mon éducation n'est pas achevée, je ne suis pas armée pour la suite.
Pourtant, elle n'est plus là.
J'ai beau m'enfermer dans un mutisme grandissant, dans une bulle de silence épaisse et m'éloigner des autres, elle ne reviendra pas. Elle m'a abandonnée, alors qu'elle prétextait m'aimer plus que tout. Encore des mensonges amers.
Mais sa main se pose sur mon épaule. Son bras s'enroule autour de mon corps. Elle me serre contre elle, contre sa poitrine chaleureuse en parsemant mon visage de baisers tendres. Elle me câline de nouveau, m'étouffant d'amour maternel et d'affection. Elle redresse bien mon visage à l'aide de ses doigts et balaye de même mes larmes loin de moi. Elle me sourit, et panse les plaies qu'elle a causées. Elle fait disparaître ma tristesse avec sa gentillesse, et embrasse le bout de mon nez avant de me délivrer un ultime « je t'aime ».
Je ne dis mot et pourtant ne consens pas. Au contraire, je tends la main pour saisir son poignet et la garder près de moi. Mais seul l'air est atteint. Je grimace, en la regardant s'éloigner, mais ne bouge pas pour autant. Plutôt mourir que de poser un pied sur le sable doux et d'en avouer la véritable couleur.
Il ne fait qu'alourdir mes pas. Reculer mon avancée.
Toutes les choses que je ne lui ai pas dites, tous les sourires que je lui ai refusés, tous les moments que j'ai sacrifiés et confiés à d'autres car passer du temps avec sa mère à mon âge est quelque chose qui est ennuyant. Tous ce qu'elle a fait pour moi, que je n'ai jamais pu lui rendre, tous ces regards et ces actes...
Mais c'est trop tard. Jamais je ne lui rendrai plus hommage. Jamais plus un « je t'aime » ou un « merci », trop souvent oubliés alors que c'est tout ce qui compte aux yeux d'une maman.
Ma stupidité et mon égoïsme me rongent. Je me maudis de ne pas avoir ouvert les yeux avant, de ne jamais avoir compris la chance que j'avais d'avoir cette mère si aimante et protectrice. Mais les mots meurent sur mes lèvres, sans jamais les franchir. Mon cœur s'arrête de battre au rythme du sien, comme ce cordon qu'on coupe enfin. Un lien qui se brise, une séparation rude...
Je tombe et m'enfonce dans la brume.
Mon cœur se perd de nouveau, au bord de mes lèvres ou entre ses mains à elle. Il chute brutalement lorsque mon esprit imagine ma mère serrer dans ses bras son aîné, me chuchotant que ça ira, et qu'elle n'est pas seule. Elle m'affirme que retrouver mon frère est un paradis accompli et que je ne dois pas m'en faire.
Avec un faible sourire, je les regarde s'éloigner main dans la main. Je songe dans un dernier moment de lucidité à ce que je vais devenir, maintenant que ma raison de vivre m'a été arrachée. Je forme mes mots, pour appeler à l'aide. Brisée et torturée, je dois crier au secours. Mais n'y parviens pas. Je n'y parviens plus. Et comme conséquence de sa perte, seule cicatrice visible malgré mes larmes... Je comprends et encaisse, levant les yeux vers le sable obscur.
Ma maman a emporté ma voix avec elle.
🌊
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Hey ! bonjour à tous !
Comment allez-vous ?
On se retrouve pour un nouveau chapitre, teinté de tristesse et de larmes...
Qu'en avez-vous pensé ?
Dès le début, on trouve notre Iliana brisée, et qui tente de vaincre cette perte.
La présence des garçons est vital à ses côtés, surtout dans les prochains chapitres...
Ensuite, elle a dû affronter la réalité et se confronter au corps de sa mère...
Qu'en avez-vous pensé ?
Personnellement je oense qu'elle en avait besoin, elle est dans le déni total...
Et vient ensuite, le moment des souvenirs. C'était assez important pour moi de mettre au point cette idée, qui m'a vraiment bouleversée en l'écrivant...
Comment avez-vous trouvé ça ?
Même si c'est triste, j'ai trouvé que d'une certaine manière c'était beau d'avoir de tels souvenirs avec ceux qu'elle aime...
On se retrouve vendredi prochain pour la suite !
Quelque chose de particulier à ajouter ?
Les chapitres sont de plus en plus long, et je m'en excuse... En effet, on s'approche de la fin de cette histoire (j'en pleurs déjà !)
Je vais avoir un problème au niveau des publications, car je n'ai plus de chapitres en avance ! Enfin, il m'en reste deux, mais je ne pourrai avancer d'ici là...
Je vous tiens au courant pour le rythme de publication !
Bonne journée à tous, écoutez Happy de Pharrell Williams pour pas déprimer !
Des bisous, Lina 😘
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