Chapitre 73 🌊
« Je ne peux pas y croire »
🌊 Iliana 🌊
J'allais probablement finir par me réveiller. Me rendre compte que tout cela n'avait été qu'un magnifique songe, une illusion montée de toutes pièces, délivrée par mon esprit trop imaginatif ces derniers temps, implorant simplement de réaliser son plus beau souhait.
Mes prières avaient-elles été entendues en fin de compte ?
C'était trop parfait, trop beau. Ça ne pouvait être réel. Et je m'en voulais déjà d'avoir eu la naïveté de croire en ce moment que je venais de créer pour soulager ma tristesse. Je m'infligeais à présent ma propre peine.
Pourtant, lorsque mon regard croise celui de l'infirmière, arrivée en courant suite à ma plainte, je n'y vois que de la joie. Un bonheur immense, tout comme ce sourire niais à souhait, soigneusement affiché sur son visage.
Je recule en clignant des yeux, pinçant ma peau de nouveau, jusqu'à serrer des dents de douleur. Ce n'est pas un rêve. Non, rien de tout ça n'a été imaginé.
Le premier médecin qui entre, n'est pas de ce service. Je les connais tous depuis le temps, et lui reste un étranger. Pourtant je veux le croire, il pourrait m'emmener au bout du monde, je le suivrai tant qu'il m'affirme la même chose, qu'il la répète encore et encore.
« L'électroencéphalogramme a bougé. Il a évolué. »
Mon sourire s'agrandit lorsqu'il tourne l'écran vers moi pour l'imposer à mon regard. Les courbes colorées qui se succèdent n'ont jamais été aussi élevées, jamais été aussi actives. Il sourit également, scrutant ma réaction tout comme on montrerait le résultat d'une échographie à une jeune maman. Je souris encore.
Je n'ai pas rêvé, je n'ai rien imaginé. Ma mère a bougé, les machines l'affirment aussi, ils vont le comprendre. Et elle va se réveiller. Je ne peux pas y croire.
Je plaque mes mains sur ma bouche, empêchant cette subite euphorie de me submerger totalement. Je n'ai ni envie de me donner en spectacle, même si c'est probablement la chose qui me dérangerait le moins au monde à cet instant, ni envie de passer pour la folle du quartier, même si encore une fois ça n'aurait aucune importance.
La vérité, c'est que j'ignore comment réagir. J'ai imaginé ce moment tellement de fois, décrit dans les détails les scénarios possibles ou les tournures imaginables de cette situation stressante. Jamais je n'ai songé que ça allait me tomber dessus de la sorte, si rapidement et subitement ! J'ai dessiné toutes les possibilités les unes après les autres, du simple moment où les médecins m'annoncent une amélioration de son état, jusqu'au coup de téléphone en pleine nuit, mais jamais qu'elle ouvrirait les yeux en ma présence, ou qu'elle me donnerait finalement le signe que j'ai tant attendu !
Soudain, un détail me traverse l'esprit.
Raphaël.
Le médecin me regarde d'un air inquiet, alors que je lui bricole un petit sourire. Mon silence perturbe apparemment plus d'une personne, car ils semblent tous obligés de m'expliquer le moindre geste qu'ils réalisent, alors que je ne comprends pas un seul mot de ce qu'ils me disent.
— On va lui faire des examens, et joindre le médecin de garde du service. Vous restez ici ?
— Bien sûr, affirmé-je sans l'ombre d'un doute.
— On vous tient au courant rapidement, conclut-il.
— Merci.
Je sors de la chambre, et me dirige directement sur une des terrasses de l'hôpital. Enfin, par « terrasse » j'entends escaliers de secours dont la porte reste ouverte car le couloir baigne dans le soleil, et donc dans la chaleur. Il fait déjà une température plus qu'agréable pour un mois de janvier, pas de quoi se promener en tee-shirt, si ce n'est avec un sweat. Le soleil de midi a toujours été chaud, imaginez en Californie...
Je me pose contre la rambarde, soigneusement appuyée sur mes avant-bras à regarder la mer, comme toujours. Je souris de nouveau, comme une idiote. Mais après tout, n'ai-je pas une raison valable pour une fois ?
Le petit vent marin me permet de sentir le sel lointain, même si la mer est à bonne distance de l'établissement. Comme un signe qui n'en est pas un, mes lèvres laissent passer un nouveau sourire inné.
Après avoir pris une grande inspiration, je compose le numéro de Raphaël. Il faut qu'il soit au courant, c'est une évidence. S'il y avait le moindre changement, il est sûr que je voudrais être tenue au courant. Il en va de même pour lui.
— Allô ? clame sa voix à l'autre bout du fil.
— Raph ? C'est moi, lancé-je d'une voix posée.
— Iliana, qu'est-ce qu'il se passe ma chérie ? Tu sais que je suis en service là...
— Oui, évidement, je ne voulais pas te déranger. Mais il y a du nouveau. J'étais à l'hôpital avec maman, et elle m'a serré la main, soufflé-je les larmes aux yeux.
Un long silence résonne de l'autre côté.
— Allô ? tenté-je doucement face à cette absence totale de réaction.
— Elle a... quoi ? répète-t-il.
— Ma main ! Elle a serré ma main ! m'écrié-je comme si je prenais conscience de la situation. Elle m'a serré la main et ses courbes se sont affolées ! Elle est en train de revenir, les médecins sont formels, elle va revenir Raph ! Il faut que tu viennes la voir, et que tu sois là quand elle ouvrira les yeux !
J'ai de nouveau ce sourire niais imprimé sur le visage. Mais cette fois, je trépigne d'impatience, me transformant en un véritable moulin à paroles.
— Bordel, vraiment ? redemande-t-il incrédule.
— Mais oui ! Moi aussi je n'y croyais pas au début, mais c'est bien le cas ! Maman va revenir, et il faut que tu sois là ! Je suis tellement contente, je... je crois que je vais exploser de joie ! lui crié-je d'une voix très aigüe.
— Oh putain, oh putain, oh putain. Ma femme va se réveiller, elle va se réveiller ! Bordel, j'arrive tout de suite, ne bouge pas ! Je me dépêche !
Il raccroche, et je pose mon téléphone sur la marche devant moi. Prise d'un soudain fou rire incontrôlable, mêlé de larmes de joie, je laisse évacuer tout le stress des ces derniers mois, pensant à emmerder chacun des médecins qui n'y croyait plus. Mon euphorie est telle, que je suis incapable de la contenir, souriant à m'en déboîter la mâchoire, agitant mes mains dans tous les sens possibles et imaginables, les plaquant parfois sur mon visage pour jeter mes cheveux en arrière, ou tout simplement en me mettant à bouger ou en réalisant ce qui se rapproche le plus d'une danse de la joie.
Après ce moment d'égarement mérité, qui dure le temps d'une éternité, je retourne dans les couloirs devenus soudainement trop silencieux à mon goût. Cet étage est morbide, mais c'est terminé. Bordel, je vais enfin pouvoir apercevoir le bout du tunnel dans lequel j'étais plongée depuis tout ce temps ! Je meurs d'envie de prendre dans mes bras chaque infirmière que je croise, de remercier chaque médecin qui me sourit.
Devant la chambre de ma mère, quelques personnes parlent, j'aperçois même des médecins à l'intérieur autour de la silhouette de ma maman. Ils sont venus constater la bonne nouvelle, me donner la date de son réveil.
Pourtant la première infirmière que je croise évite mon regard. Je n'y prête aucune attention, avançant plus rapidement pour rejoindre ma créatrice. Une seconde pince les lèvres à ma hauteur, si bien que j'en fronce les sourcils. Rien ne peut effacer mon sourire à ce moment, pas même ces deux idiotes incapables de se réjouir pour moi.
Lorsque j'arrive à quelques pas seulement de la porte, l'ambiance est radicalement différente. La joie éprouvée et partagée par l'équipe quelques heures avant n'est plus au rendez-vous. Les visages sont graves. Bien trop fermés pour une nouvelle de cette ampleur. Pourtant moi, je souris. Qu'ont-ils tous avec leurs têtes des mauvais jours et leurs regards fuyants ?
Avant même d'obtenir la réponse à ma question muette, le père de mon copain s'impose à moi, se tenant à quelques centimètres à peine de ma silhouette.
— Ma mère va se réveiller, lui annoncé-je tout sourire.
Honnêtement, je ne sais pas pourquoi je lui sors ça. Sans doute parce que j'avais besoin de le dire haut et fort, une nouvelle fois. Son regard n'est pas réjoui non plus. Pourquoi n'est-il pas content pour moi ? Lui qui est si attentionné d'habitude ?
— Iliana, il... il faut qu'on parle ma grande, hésite-t-il.
J'ignore l'intonation de sa voix, et son hésitation, beaucoup trop joyeuse pour y prêter attention. J'aurais dû.
— Raphaël arrive, il faut que je le voie avant, désolée, répliqué-je rapidement en faisant un pas sur le côté pour l'éviter.
— Tu l'as prévenu ? me demande-t-il en faisant également un pas pour me bloquer.
Je cligne des yeux plusieurs fois, sans comprendre.
— Oui, bien sûr ! Il faut qu'il sache que sa femme va se réveiller, il était ravi ! Il m'a dit qu'il arrivait aussi vite que possible !
Jamais mon sourire ne s'évanouit, pas même devant la tête d'enterrement qu'il me délivre.
— Et merde, jure-t-il en passant la main dans ses cheveux.
Aiden a le même toc. Exactement le même. Et ça n'indique jamais rien de bon.
— Matt, la petite a prévenu son beau-père, souffle-t-il à son collègue.
Petite ? Faudrait savoir, la seconde précédente j'étais sa grande...
— Ce n'est pas vrai ! s'énerve tout de suite l'homme en question en s'approchant de moi. Qui t'a dit de faire ça, hein ? Qui t'a autorisée à en parler bon sang ! On n'est pas à la maison ici !
Il fait des grands gestes, dans ma direction. Pendant un instant, je songe qu'un coup va m'atteindre, il est presque violent. D'instinct, je recule sans comprendre.
— Arrête, elle ne pouvait pas savoir, intervient le père d'Aiden, ce n'est qu'une gamine elle n'y est pour rien !
Son ton est cassant, et il se positionne devant moi d'un geste protecteur. Je cligne des paupières une nouvelle fois.
— Ah oui ? Et qui c'est qui va devoir reprendre cette connerie, hein ? C'est une idiote, voilà tout ! termine-t-il en me pointant du doigt.
— Et ton interne, ce n'est pas un idiot peut-être ? le reprend-il.
L'autre médecin s'en va en jurant, au moment où des bruits se font entendre le long du couloir. Je regarde le père de mon copain, toujours sans comprendre.
— Quel est le problème ? lancé-je avec innocence.
— Viens, on va discuter un peu, m'explique-t-il en posant sa main sur mon épaule.
— Mais et mon beau-père il...
— Iliana, s'il te plaît, me reprend-il avec fermeté.
Cette fois, mon sourire se dissipe face à la voix qu'il utilise. Je hoche la tête, incapable de faire quoi que ce soit de mieux. Au bout du couloir, Raphaël apparaît en courant presque. Tout sourire, essoufflé, trépignant d'impatience exactement comme je l'étais il y a quelques secondes encore.
Maintenant, seule l'incompréhension me contrôle.
Son visage enjoué, ses yeux qui brillent, ses traits enfin détendus... Je comprends ma connerie sans en saisir réellement le sens. J'assiste telle une spectatrice qui admire le film de sa vie, le médecin odieux déposer ses mains sur les épaules de mon beau-père, l'entraîner à l'écart en lui expliquant que ce n'est pas exactement ce qui semblerait. Mes sens me font défauts, mon cœur s'affole lorsque la joie incroyable qui se lisait sur son visage explose en une tristesse infinie. Un changement brutal, mes jambes en tremblent. Pourquoi je ne comprends pas à la fin ?
En une pression amicale, Jack me tourne dans l'autre sens, avançant en m'incitant à en faire de même. Mais mon regard ne se détache pas de cette joie dissipée. Je me laisse guider, comme une automate inanimée. Il semblerait même que mon âme se soit enfuie, en tout cas elle ne se manifeste plus...
Il me conduit dans son bureau, une vue incroyable sur l'océan s'y ouvrant. L'odeur d'antiseptique s'est dissipée, on croirait être dans un de ces locaux de fortune modernisé. Quatre portraits représentent sa famille, Aiden, sa sœur, sa femme, et une photo d'eux tous ensemble. Mais qu'est-ce qu'on s'en fiche en réalité ? Il ne s'assoit pas derrière son joli petit bureau, comme l'aurait fait un médecin en consultation, mais sur le canapé à côté d'une petite table basse en bois vernis. Il m'indique le fauteuil en face de lui, mais je le refuse.
Si je dois tomber, autant que ce soit de haut.
— Assieds-toi, s'il te plaît Iliana. C'est important.
Je m'exécute finalement, non sans râler.
— Bon... Iliana, il faut que tu saches que ce qu'il s'est passé tout à l'heure, ne veut pas forcément dire ce que tu penses ma grande.
— Elle a serré ma main. Ses doigts se sont repliés sur les miens, je ne suis pas folle tout le monde l'a vue, même les courbes traduisent son mouvement et...
— Je sais bien Iliana, elle a reproduit exactement le même geste au moment des examens.
— Vous voyez ! Alors pourquoi personne ne veut me croire ici ?
— Je te crois, tout comme le service te croit. Ce sont des choses qui arrivent mais...
— Alors quoi ? C'est quoi le problème parce que vraiment je ne comprends pas ! Le médecin est d'accord avec moi, il a confirmé ce que j'ai dit et...
— C'est un interne Iliana, me coupe-t-il, ce n'est pas réellement un spécialiste, et il n'est même pas dans ce service habituellement.
— Vous rigolez ? Vous mettez des incompétents dans le service des comateux juste parce qu'ils n'ont aucune chance de s'en sortir selon vous ? haussé-je le ton en le fixant droit dans les yeux. C'est vraiment dégueulasse de réfléchir comme ça, en plus vous avez tort. Si j'avais écouté les collègues et les médecins de ma mère, vous l'auriez tuée alors qu'elle va bientôt se réveiller et qu'elle...
— Iliana, me coupe-t-il une seconde fois, avec beaucoup plus de fermeté cette fois.
Je me tais, soumise aux paroles de cet adulte, qui fait soudainement preuve d'autorité envers moi. Pourtant je ne lis qu'une infinie douceur dans son regard.
— Je sais que c'est compliqué, commence-t-il en s'avançant légèrement sur son siège, que la situation est difficile pour toi, et qu'on ne peut pas imaginer ce que tu es en train de vivre Iliana. Je comprends que tu en veilles au monde entier, et que tu n'aies aucune envie de parler avec qui que ce soit.
Il cherche ses mots, je le vois à la manière dont ses traits se tendent subitement. Effectivement, il ne me comprend pas, tout comme moi je ne le comprends pas. Je n'ai aucune raison d'être en colère, ou d'en vouloir à la Terre entière, si ?
— Ce qu'il s'est passé tout à l'heure Iliana, ne veut pas dire ce que tu penses... au contraire. C'est un signe annonciateur d'une complication classique pour un patient plongé aussi longtemps dans un état co...
— Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Ce n'est ni votre service, ni votre spécialité, récrié-je avec froideur.
Suis-je supposée le tutoyer ? Ou bien utiliser le « vous » ?
— Au contraire. On bascule dans le domaine de la neurologie Iliana. Et c'est exactement mon métier. Malgré ce que tu penses, malgré ce qu'affirme l'EEG ou ce que t'a fait comprendre le jeune interne de garde, ce n'est malheureusement pas comme ça que les choses fonctionnent. Le mouvement qu'a effectué ta mère n'a aucun rapport avec de l'affection comme tu pourrais le croire. C'est une réaction normale et redoutée dans ce genre de situation, qui annonce... la fin de quelque chose, termine-t-il tout bas. On parle d'un reflexe c...
Je décroche. En réalité, je l'entends très bien. Comme un écho lointain ou un bruit immergé et étouffé par une tonne d'eau gelée. Non, c'est bien pire qu'une simple d'une douche froide.
Il m'explique, il argumente, il défend ses propos tel un véritable médecin qui a besoin de faire entrer les mauvaises nouvelles dans la tête des proches de ses patients, mourants. Que ce qu'il craignait depuis un moment se confirme, et que d'une certaine manière, les organes de ma mère étaient en train de lâcher les un après les autres, à commencer par son cerveau. Les mouvements involontaires en sont la principale conséquence, l'unique symptôme. L'annonce de la fin.
Il me répète que les signes vont commencer à se voir, une manière élégante pour me souffler que ma mère est en train de pourrir de l'intérieur. Il continue en murmurant que la laisser partir n'est à présent plus une option, mais une obligation si je ne veux pas la faire souffrir. Il ose même ajouter que si je l'aime vraiment, c'est la meilleure chose à faire. La « laisser s'envoler ».
La douche est froide, tout comme la chute est grande.
Quand vais-je atteindre le sol ?
Mes erreurs défilent devant mes yeux, mon innocence autant que tout l'espoir que je nourris chaque jour depuis des mois. La peine que j'ai repoussée et ces sourires confiants que j'ai forgés. Cette joie illusoire que je me suis imaginée afin de me rassurer, cet air jovial que j'ai offert à tous...
La petite fille qui a perdu sa maman.
Dans le fond, les pires d'entre eux tenaient la solution et la vérité. J'avais tort de m'accrocher à ce rêve évanoui pendant tant de temps, de songer mes retrouvailles et de répéter mes premiers mots pour elle, afin de ne rien oublier.
J'avais tort, alors qu'ils savaient.
Je me lève d'un coup, reconnectant la vérité à la réalité. Ma fureur chassant ma peine, patientant pour m'achever à l'abri des regards sauveurs. Je ne veux pas être sauvée, je ne veux pas être aidée. S'ils n'ont pas pu le faire avec celle que j'aime le plus au monde, ils n'y parviendront guère mieux avec sa fille. Après tout, ils ont déjà échoué avec mon grand frère, à quoi je m'attendais ?!
Le père d'Aiden se lève également, ses pas raisonnant derrière les miens, me suivant à la trace. L'esprit en vrac et le cœur ailleurs, je lui crie des horreurs afin qu'il me laisse en paix avec cet aveu. Mais les mots meurent autour de moi, sans atteindre quiconque. Faut-il que je hurle pour me faire comprendre ? Telle une fille échappée de l'asile, une folle qui cherche sa maman ?
Ma fureur fait rage, atteignant son paroxysme. C'est donc ça, en vouloir à la Terre entière ? Plus rien n'a d'importance, mon seul repère va mourir sans un adieu de ma part. Sans un regard, un mot. Elle va mourir sans sa fille, abandonnée à ce funeste destin.
Ils crient autour de moi, mais c'est trop tard. Mes pieds me guident jusqu'à la sortie, mes maux me hurlent de m'enfuir loin de tous ces escrocs qui manipulent mon espoir depuis tout ce temps. Jack m'attrape le bras, me force à ralentir. J'ai envie de le gifler. Et je vais le faire s'il refuse de me lâcher. Peu importe qui il est, copain ou non, plus rien ne compte à mes yeux. Ils m'ont volé la seule chose qui me maintenait en vie. Plus rien n'a de sens, je suis perdue sans sa présence.
Je fais du mal à ceux qui veulent m'aider, frappe pour qu'on me lâche, alors que mon prénom est répété trop de fois. Celui qu'elle a choisi de me donner. Je le repousse plus fort encore, il essaye de me retenir, de me ceinturer. Je me fiche qu'il veuille mon bien, j'ai besoin d'air. Mais sa présence et ses mots me hantent, me perturbent et accaparent toute mon attention. En un rien de temps, je me retrouve au milieu de la route, achevant cette course poursuite sur la chaussée goudronnée du boulevard central. Les conducteurs klaxonnent, me font sursauter alors que le médecin incompétent cherche à m'approcher pour me sauver. Mais il a déjà échoué. Je passe devant un camion, à peine à l'arrêt pour le fuir. Il ne m'aura pas cette fois. Je refuse qu'il échoue à nouveau.
Je me mets à courir loin de cet endroit, évitant de justesse les véhicules et bousculant les passants, je cours comme si ma vie en dépendait.
Sauf qu'elle ne dépend plus de rien, à présent.
Mes Converse bleues claquent sur le béton, autant que mes cheveux se bousculent devant mes yeux pour ralentir ma course. Les étrangers me fixent, s'interrogent sur ce qu'il se passe, après tout, une gamine de 18 ans qui court dans la rue c'est curieux, non ?
Je viens de perdre ma mère bordel.
Je passe la devanture chaleureuse de ce café de malheur, la joie de mon beau-père survenant devant mon regard. Une fausse bonne nouvelle que j'ai envenimée, inventée pour nous faire du bien. Un espoir que j'ai construit et révélé, maintenant je suis responsable de sa peine.
Jamais je ne me le pardonnerai.
Je termine sur le bout de la digue, l'enjambe pour me poser sur le sable pâle. À l'abri des regards curieux, j'échappe à cette vie parfaite en apparences, mais qui se révèle être un chaos sans fin, un enfer personnel et sans aucune saveur nouvelle. Non loin de chez moi, entourée de cet environnement maudis et lugubre, je ne reconnais plus la mer. Quel est l'intérêt d'en profiter si elle n'est plus là ? Mes valeurs sont infondées, tout comme ses paroles sont sans fondement. Tout est fade, tout est laid, tout devient triste.
https://youtu.be/b6dgKjbIAiE
(Dragon de métal, Izïa)
Les deux pieds échoués sur le sol, un nombre incalculable de grains de sable soigneusement immiscés dans mes chaussures, j'avance en trainant les jambes d'un air absent, soulevant cette matière familière, qui sonne faux à présent. Je regarde autour de moi, les yeux pâles et le vague à l'âme. J'ai beau me répéter les dires odieux, c'est tout simplement impossible... Il nous restait tellement de temps, de moments à vivre. Ils mentent tous, ils ne veulent pas admettre qu'elle va s'en sortir, et utilisent cette lueur d'espoir comme excuse pour nous séparer. Briser notre complicité.
Dragon de métal
Ensemble maîtres du temps
Sauveur de l'ennui
Je te regarde tu me comprends
Ma tête prête à exploser, assaillie de moments joyeux fictifs, de rires et de belles paroles. Je ne peux pas pleurer, car ce ne sont que des mensonges. Ils n'ont jamais dit la vérité, alors pourquoi commenceraient-ils à présent ? Ils ont toujours voulu me l'arracher, nous emprisonner dans deux mondes différents, criant à la mort alors qu'elle me manque tant dans ces moments.
Tant, tu me manques tant
Tant, tu me manques
Le temps nous manque tant
Tant, tu me manques tant
Tant, tu me manques tant
Tant, tu me manques
Le temps nous manque tant
Tant, tu me manques tant
Je reprends ma marche, chaussures à la main et cheveux au vent. Il m'emportera pour sûr, alors que mes pas se creusent dans le sable froid. Mon cœur implose à présent, perdu et déchiré entre des possibilités espérées et une réalité salée. Mes premières larmes se dispersent sur ma peau, trahissant ma confiance et ce déni.
Ton cœur comme un soleil
Irradie autour de toi
Ta liberté souveraine
Accompagne mes pas
J'accélère le rythme, mes pieds nus foulant l'eau gelée aux températures hivernales. Mon cœur bat au rythme des vagues, tambourine au gré des courants. Mes pleurs s'accélèrent alors que je refuse encore de voir la vérité en face. Il n'y a pas de place pour d'autres émotions, un grand vide me submerge déjà. Je la vois me sourire, me serrer dans ses bras me chuchoter qu'elle m'aime avec ce regard empli de fierté.
Tant que je vois
Tant que je vois tes yeux
Tout va
Ma conscience me hurle son décès, alors que mon esprit refuse de l'admettre. Mitigée et écrasée par ce dilemme grandissant, je ne sais plus qui croire. Mes mains se plaquent contre mes oreilles, pour faire taire toutes ses voix qui n'arrivent pas à se mettre d'accord. Mon corps tremble au contact de l'eau, alors que je tombe à genoux, hurlant en silence la peine qui m'attaque violemment.
Tant que j'entends
Tant que j'entends ta voix
Tout va
Mon cri reste en suspend devant l'immensité de l'océan, je ne sais plus quoi penser. Une enfant abandonnée, une fille seule et isolée. Ma mère va me laisser seule, elle va s'éloigner de moi c'est une certitude. Alors qu'il n'existe pas pire douleur sur Terre que de m'arracher l'être le plus chère, je l'entends me dire que tout ira bien, que je dois encore y croire.
Les mains agrippant ce que j'ai toujours cru, tenues à un sable qui est tout sauf blanc, je cesse d'alimenter cet espoir inutile que je nourrissais jusqu'à présent. Ses mots doux restent gravés, tel un écho éternel dans ma mémoire. Les « ma toute petite fille » « mon amour » « tu n'as pas à avoir peur de la mer » traduisent mon agonie, dissimulée par les bruits du vent. De toute façon c'était une évidence. Tout était terminé. Ils la tueront sûrement, sans issues possibles.
Et une semaine plus tard, ma mère a rejoint les étoiles, éclairant la nuit et veillant sur l'océan.
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Hey !
(Je ne vais pas montrer trop de joie, je tiens à ma vie...)
Comment allez-vous en ce samedi matin ?
Allez, on revient sur ce chapitre, sans me jeter foudres et cailloux.
Qu'en avez-vous pensé ?
Je veux bien admettre que sur ce coup-là... Je n'ai pas été super gentille...
Comment trouvez-vous le début de segment ? L'avez-vous vu venir avant l'annonce de Jack ?
En effet, Iliana s'est réjouie un peu trop vite. Et à fait l'erreur d'en parler à son beau-père... Mais peut-on vraiment lui en vouloir ? Elle voulait simplement bien faire...
On arrive au moment de l'annonce, avez-vous compris ? Je trouve que Jack était la personne parfaite pour lui annoncer ça...
Comment trouvez-vous la réaction d'Iliana ?
Les émotions ont divergé durant les premières découvertes. Mes premières lectrices sont restées sans réaction, absolument vidées...
Qu'en est-il de vous ?
Contrairement à ce que certains pensent, c'est un crève cœur d'écrire ce genre de scène pour moi. Mais malheureusement ça fait parti de l'histoire, depuis le début...
La musique et la fin du chapitre vous ont-ils plu ?
Merci à tous d'avoir pris le temps de lire, de commenter ou d'aimer. Les prochains chapitres seront compliqués, chargés en émotions... Ils seront aussi plus long, j'espère ne pas vous lasser.
Quelque chose à ajouter ?
On se retrouve samedi prochain pour la suite, en attendant de gros bisous et prenez soin de vous. Lina 😘
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